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Observation de la morphologie du dépôt par microscopie

Chapitre V Etude du transfert de bactéries déformables et du colmatage sur des temps

C.1. Observation de la morphologie du dépôt par microscopie

Deux techniques ont été utilisées pour visualiser la structure du dépôt bactérien qui se forme pendant la filtration frontale de suspensions bactériennes. Pour cela, et bien que ces deux techniques nécessitent l'arrêt de l'expérience de filtration à un volume déterminé pour réaliser l'immobilisation, la fixation et l'observation de la surface de la membrane, la microscopie à balayage électronique (SEM) et la microscopie à balayage laser (CLSM) ont été employées. En effet, la cellule de filtration frontale ainsi que notre dispositif placé sous hôte à flux laminaire ne permettent pas l'observation in situ de la membrane. Une membrane neuve sur laquelle est filtrée une nouvelle suspension est alors utilisée pour chaque acquisition (correspondant à un volume filtré déterminé), le coupon étant extrait de la cellule pour les observations. Le choix de deux techniques différentes d'observation nous a permis de nous assurer que pour chacune d’elles, la nature "destructive", vis-à-vis de la membrane, des protocoles mis en œuvre (nécessité de fixer l'échantillon biologique ou de le révéler à l'aide d'un marqueur fluorescent en milieu liquide) n'avait pas pour effet d'altérer la morphologie du dépôt.

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Figure V.20 : Observation SEM des dépôts bactériens formés à différents volumes filtrés après des filtrations réalisées sur membrane isopore 0,4 µm (avec Ca : 107 UCF/mL ; PTM : 0,5 bar - barre d'échelle : 10 µm).

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Figure V.21 : Observation des projections maximales d'intensités mesurées par CLSM sur des dépôts bactériens formés à différents volumes filtrés lors de filtrations réalisées sur membrane isopore 0,4 µm, Ca : 107 UCF/mL ; PTM : 0,5 bar (barre d'échelle : 10 µm)

La Figure V.20 présente les images obtenues, par observation SEM, des dépôts bactériens formés pour différents volumes filtrés à la surface de la membrane isopore. La Figure V.21 présente les images de projections orthogonales des intensités maximales, mesurées par CLSM, de ces mêmes dépôts bactériens. Ces données brutes nous offrent la possibilité de reconstruire en 3D les dépôts (cf. Figure V.22).

Tout d'abord, les images obtenues avec ces deux techniques attestent du maintien de la structure du dépôt bactérien pendant les différentes étapes de préparation des échantillons. Effectivement, pour tous les volumes filtrés, les différentes morphologies révélées par l'acquisition SEM correspondent à celles mises en évidence par les observations CLSM et cela, pour les différentes échelles d'observations correspondantes (cf. Figure V.20 Figure V.21 Figure V.22.)

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Figure V.22 : Reconstruction 3D à partir des mesures CLSM de dépôts bactériens formés à différents volumes filtrés lors de filtrations réalisées sur membrane isopore 0,4 µm, (avec Ca : 107 UCF/mL ; PTM : 0,5 bar). La surface observée en x-y = 93,5 x 93,5 µm.

187 Pour les souches à Gram négatif, la construction progressive du dépôt bactérien suit les étapes classiques de formation d'un dépôt colmatant. Au volume filtré observé le plus faible (Vf = 50 mL), les cellules commencent à recouvrir uniformément la surface de la membrane. Avec l'augmentation du volume filtré, le recouvrement de la membrane s'amplifie : à Vf= 100 mL, on observe une couche homogène de cellules au contact direct de la membrane ainsi que le début de la formation ponctuelle d'une seconde couche de cellules; à Vf= 250 mL, la membrane est uniformément recouverte par plusieurs couches de cellules. Pour le dernier volume filtré observé (Vf= 500 mL), le dépôt bactérien est composé d'une épaisse couche de bactéries.

Concernant la souche à la forme de coque S. aureus, la morphologie spécifique du dépôt semble être gouverné par la nature sphérique des cellules d'une part, mais aussi par son organisation collective en agrégats. En effet, pour le volume filtré le plus faible, le dépôt des premières cellules de S. aureus n'est pas homogène et uniforme. Il est structuré sous la forme d'ilots de cellules interconnectés, alternant ainsi des zones à fortes densité en cellules et des zones vides où la membrane n'est pas colmatée. Cette organisation spécifique à la souche S. aureus provient certainement de sa capacité, comme discuter dans le chapitre précédent, à former des agrégats en suspension en réaction à des contraintes extérieures. Pour les volumes filtrés plus importants, la construction du dépôt de S. aureus se poursuit avec la formation de la première couche de cellules à Vf= 100 mL, puis avec l’empilement progressif d’agrégats cellulaires aboutissant à la formation d'un dépôt colmatant de structure irrégulière avec des voies d'écoulement préférentiel.

Afin d'aller plus loin dans l'exploitation des résultats, sur les images obtenues par CLSM et réalisées au volume filtré le plus faible Vf= 50 mL (cf. Figure V.21), il est possible de déterminer par analyse d'image le taux de couverture de la surface de la membrane par les cellules bactériennes. Même si cette information est obtenue pour une petite surface de membrane (inférieure à 100 µm²), les mesures réalisées permettent de mettre en évidence des différences importantes : pour la souche E. coli les cellules recouvrent de 40 à 55 % de la surface de la membrane, pour P. aeruginosa les cellules recouvrent 40 à 50 % de la membrane et pour S. aureus on trouve un taux de couverture de l'ordre de 35 à 45 % en fonction de la zone analysée. Ainsi, le taux de couverture pour Vf = 50 mL est sensiblement le même pour les bactéries à Gram négatif alors qu’il est effectivement plus faible pour la souche à Gram positif, toutes autres conditions étant identiques par ailleurs.

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Pour Vf = 100 mL, la Figure V.23 présente un zoom de la surface de la membrane dans le cas de la filtration de E. coli et de P. aeruginosa. De plus, des coupes transversales des images obtenues par CLSM sont présentées Figure V.24 afin de visualiser les différences de structure des premières couches de cellules à la surface de la membrane et ceci, toujours pour une quantité de bactéries déposées sur la membrane identique. Sur ces images, nous observons des dépôts de structures différentes. Il semble que pour la souche P. aeruginosa, le dépôt soit plus dense que celui formé par E. coli. En effet, sur la Figure V.23, nous pouvons distinguer pour E. coli un empilement de certaines bactéries alors que la totalité de la surface de la membrane n’est pas intégralement couverte, ce qui se traduit Figure V.24 par la visualisation d’un dépôt occupant une épaisseur plus importante que dans le cas de P. aeruginosa. Pour cette dernière souche, la première couche de cellules parait plus homogène (cf. Figure V.23) et donc l’épaisseur du dépôt semble plus faible (cf. Figure V.24).

Figure V.23 : Observation SEM de la formation des premiers couches de cellules à la surface de la membrane isopore à Vf = 100 mL (barre d’échelle : 10 µm).

Figure V.24: Coupes transversales, obtenues à partir des images CLSM à Vf = 50 mL, des dépôts bactériens de E. coli et P. aeruginosa.

189 Ces images permettent donc de souligner les différences de structures des dépôts bactériens formés par les trois souches modèles et attestent également des différences de porosités. Ainsi, si l'on compare les images obtenues par microscopies avec les valeurs de résistances spécifiques calculées à partir des données de flux de filtration, on remarque que le dépôt formés par la souche P. aeruginosa possède la résistance calculée la plus élevée (α = 7,9.1014 m/kg) et présente des images où la densité bactérienne à la surface de la membrane semble la plus importante. De plus, les cellules de P. aeruginosa ont présenté, sur les images SEM (cf. Figure V.20), la caractéristique d'être enveloppées par une nette coloration noire ressemblant à un gel. Afin de déterminer si cette observation pouvait provenir d'une production accrue de composés extracellulaires (noté EPS, cf. Chapitre I), la quantification des molécules à hauts poids moléculaires présentes dans les dépôts formés par les souches E. coli et P. aeruginosa a été envisagée.