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MATERIAUX ETUDIES

2.4. Observation de la microstructure au microscope optique

Des observations ont été effectuées au microscope optique pour caractériser la microstructure des matériaux, que l’on pouvait, initialement supposer homogène. Les effets de bord étant confinés au voisinage des interfaces interlaminaires, il est fort probable qu’ils soient influencés par la géométrie de l’interface, car celle-ci ne se réduit pas à un plan, mais à une interphase constituée d’une couche de matrice d’une épaisseur non constante. Nous avons donc effectué des observations afin de quantifier les différents types d’agencement d’interface dans les trois matériaux.

Des échantillons ont été prélevés dans les plaques après cuisson, enrobés dans de la résine, puis polis au papier abrasif et à la pâte diamantée à 6 µm et 1 µm afin d’effectuer un examen au microscope optique. La figure 2.11 représente les microstructures observées sur les tranches d’éprouvettes constituées de plis orientés à +15° et -15° (séquence qui sera étudiée par la suite) sur les trois composites.

Figure 2. 11 Bord libre d’éprouvettes constituées de plis orientés à +15° et -15°(les flèches indiquent approximativement la position des interfaces interlaminaires)

520 µm

750 µm 750 µm

+15° -15° +15° -15° +15° +15° -15° -15° +15° +15° -15° +15° -15° +15°

40 On peut voir que la microstructure des deux matériaux pur-unidirectionnels CTS/920 et M55J/M18 est assez régulière, avec des interfaces interlaminaires relativement rectilignes, et difficiles à discerner au premier abord. Elles sont cependant repérables grâce à une densité de résine plus importante par endroit, permettant d’estimer leur position. En ce qui concerne le quasi-UD G947 / M18, sa microstructure est beaucoup plus irrégulière comme le montre les figures 2.12 et 2.13 où l’on voit de larges zones de résine au voisinage de chaque interface. Localement, il peut n’y avoir que de la résine à travers tout le pli, car la présence des fils de trame entre les torons de fibres dans le pli unidirectionnel empêche les fibres de se répartir de façon uniforme lors du compactage (mise sous pression dans l’autoclave) pendant le cycle de polymérisation. Ainsi, les interfaces présentent des ondulations comme le montre la figure 2.12 obtenue par polissage d’une tranche d’éprouvette constituée de douze plis orientés à 90°. La position moyenne des onze interfaces est représentée par des pointillés blancs.

Figure 2. 12 Micrographie du bord libre d’une éprouvette de G947 / M18 constituée de plis orientés à 90° (interfaces interlaminaires indiquées par lignes pointillées)

A l’intérieur de chaque toron, les fibres sont réparties de façon régulière, formant souvent des arrangements de type hexagonaux comme le montre l’encadré de la figure 2.13. En revanche, la frontière entre chaque toron est caractérisée par la présence de zones plus larges de résine. Elle n’est pas rectiligne et est constituée d’une alternance de zones plus ou moins riches en résine. On peut ainsi classer la microstructure en deux types de zones, des zones à répartition régulière de fibres à l’intérieur des torons et des zones irrégulières entre les torons. 2 .1 m m 3 2 0 µ m

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Figure 2. 13 Grossissement de la figure 2.12 a) à l’intérieur d’un toron b) à l’interface entre deux torons

A partir des images micrographiques prises à l’intérieur des torons, des traitements d’images (logiciel Image J) ont permis d’estimer le diamètre d et la fraction volumique Vf de fibres. Pour cela l’image a été binarisée (figure 2.14) et les pourcentages de surfaces noire et blanche ont été calculés. Des analyses effectuées sur une dizaine d’images ont permis d’estimer la fraction volumique de fibres à environ 0.6 pour les trois matériaux.

Figure 2. 14 traitements d’images pour la détermination du pourcentage de fibres et de la taille des fibres

A partir de ces images en noir et blanc, le logiciel a identifié chaque fibre i (figure 2.14), et déterminé sa surface Si (les fibres situées sur les bords de l’image dont la section est tronquée ont été automatiquement éliminées). En supposant que les fibres ont une section circulaire, leur diamètre peut être simplement estimé grâce à la relation :

π

/

2 i

i S

d = (2.7)

Un traitement statistique permet ensuite de calculer le diamètre moyen m(di) des fibres et son écart-type s(di). Le domaine de définition de la variable étant compris dans l’intervalle

1

5

0

µ

42 ]0,+∞[ nous avons choisi d’utiliser la loi log-normale. Dans ce cas, on définit la variable yi

telle que

yi = ln(di) (2.8)

cette nouvelle variable suivant cette foi une loi normale de paramètre µ et s, représentant respectivement la moyenne et l’écart-type. Pour s’assurer que cette nouvelle variable suit une loi normale, nous avons utilisé le diagramme de Henry [AFN], qui est un test simple de « normalité ». Ce test consiste à effectuer les opérations suivantes :

 répartitions des n valeurs yi en N classes Yi (une classe comprend le nombre de fibres dont le diamètre est compris entre deux valeurs données et Yi est la borne supérieure de cet intervalle),

 calcul de l’effectif cumulé pour chaque classe,

 calcul de la fréquence cumulée (c'est-à-dire l’effectif cumulé divisé par l’effectif total),

 détermination du « normit » de Yi, qui correspond, pour chaque fréquence cumulée, à la valeur que prendrait la variable Yi si elle suivait une loi normale centrée réduite,

 représentation des points de coordonnées (Yi, Normit(Yi)) également appelée diagramme de Henry. Si la variable Yi suit une loi normale, le nuage de points obtenu est alors proche d’une droite.

Cette droite permet de déterminer la moyenne µ et l’écart-type σ de la variable yi, à partir desquels on en déduit la moyenne m et l’écart-type s de la variable di grâce aux relations suivantes : 2 / 2 σ µ+ =e m (2.9) 2 2 2 2 ) 1 ( σµ+σ = e e s (2.10)

La figure 2.15 représente le diagramme de Henry obtenu à partir des diamètres de fibres mesurés sur une dizaine d’images, regroupés en 25 classes.

43 -3 -2 -1 0 1 2 3 1.7 1.8 1.9 2.0 2.1 N o rm it ( Yi ) Yi

Figure 2. 15 Diagramme de Henry pour la loi log-normale tracé des diamètres des fibres (di) en µm mesurés sur le G947 / M18

On constate que le nuage de points obtenu sur la figure 2.15 est proche d’une droite. On peut alors considérer que le diamètre des fibres suit, en première approximation, une loi log-normale, avec m(di) = 6.8 µm et s(di)= 0.3 µm (µ=1.91 et σ=0.04).

Le tableau 2.4 synthétise les diamètres des fibres estimés dans les trois matériaux avec cette procédure.

Matériau G947 / M18 CTS / 920 M55J / M18

Diamètre des fibres (µm) 6.8 6.9 5.6

Ecart-type (µm) 0.3 0.4 0.2

Tableau 2. 4 Diamètres des fibres mesurés dans les trois matériaux étudiés

Nous avons vu précédemment que les trois matériaux ont des interfaces interlaminaires plus ou moins régulières. Celles-ci sont caractérisées par une interphase d’épaisseur variable constituée de résine que nous avons cherché à quantifier dans chaque composite. La méthode utilisée pour mesurer cette épaisseur a consisté à définir, pour chaque pli, une ligne tangente aux fibres (lignes jaunes sur la figure 2.16), puis à couper ces lignes par des lignes perpendiculaires (dans le sens de l’épaisseur du stratifié) espacées de 30 µm (lignes rouges sur la figure 2.16). Chaque épaisseur d’interphase ei a alors été mesurée en déterminant la distance entre les points d’intersection des lignes jaunes avec les lignes rouges.

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Figure 2. 16 Méthodologie pour l’estimation de l’épaisseur de l’interphase inter-laminaire

Environ 200 mesures ont été effectuées pour chaque matériau. Considérons tout d’abord le cas de l’unidirectionnel CTS / 920. Comme précédemment, la variable ei est définie dans l’intervalle ]0,+∞[. Nous avons donc à nouveau utilisé une loi log-normale et la même procédure a été appliquée en posant

yi = ln(ei) (2.11)

La figure 2.17 représente le diagramme de Henry obtenu pour l’ensemble des mesures d’épaisseur d’interphase. -3 -2 -1 0 1 2 3 0 1 2 3 4 N o rm it ( Yi ) Yi

Figure 2. 17 Diagramme de Henry tracé pour l’épaisseur ei (µm) de l’interphase mesurée dans le CTS / 920

On constate que le nuage de points obtenu peut être assimilé à une droite, ce qui signifie que l’épaisseur de l’interphase de ce stratifié peut être considérée comme une variable aléatoire suivant une loi log-normale. Les épaisseurs mesurées sont comprises dans l’intervalle [1.2 µm, 25.5 µm], avec des valeurs m(ei) et s(ei) (calculées à partir des relations 2.9 et 2.10) estimées respectivement à 10.0 µm et 6.5 µm (µ=2.1 et σ=0.6).

45 La même constatation peut être faite pour le M55J / M18, comme le montre la figure 2.18. L’épaisseur de l’interphase est comprise entre 0.8 µm et 9.3 µm, avec m(ei) = 4.0 µm et s(ei) = 2.7 µm (µ= 1.2 et σ=0.6). -2 -1 0 1 2 0 1 2 3 N o rm it ( Yi ) Yi

Figure 2. 18 Diagramme de Henry tracé pour l’épaisseur ei (µm) de l’interphase mesurée dans le M55J/M18

Considérons maintenant le cas du G947 / M18 de structure quasi-unidirectionnelle. La figure 2.19 représente le diagramme de Henry obtenu à partir des épaisseurs d’interphase mesurées, et montre que le nuage de points peut être approximé par une droite, ei suit donc une loi log-normale.

-3 -2 -1 0 1 2 3 1 2 3 4 5 6 N o rm it ( Yi ) Yi

Figure 2. 19 Diagramme de Henry tracé pour l’épaisseur ei (µm) de l’interphase mesurée dans le G947/M18

L’épaisseur de l’interphase dans ce matériaux varie entre 5.0 µm et 169.6 µm, avec des valeurs m(ei) et s(ei) (calculées à partir des relations 2.9 et 2.10) estimées respectivement à 47.2 µm et 41.1 µm (µ=3.6 et σ=0.8). Ainsi dans le quasi-UD, l’épaisseur d’interphase est plus importante que celle des deux autres matériaux de structure UD avec une dispersion

46 importante. Ces valeurs s’expliquent en observant la microstructure formée par les torons comme le montre par exemple la figure 2.20. On constate alors de fortes variations de l’épaisseur des interphases, avec des zones à torons rapprochés où l’interphase est fine et des zones, à l’extrémité des torons, où l’épaisseur de résine traverse quasiment tout le pli (voir zone entourée dans la figure 2.20).

Figure 2. 20 Micrographie d’une éprouvette de séquence [(15/-15)2]s en quasi-UD G947 / M18

Le tableau 2.5 récapitule les épaisseurs d’interphases mesurées dans les trois matériaux. CTS / 920 M55J / M18 G947 / M18 Epaisseur min (µm) 1.2 0.8 5.0 Epaisseur max (µm) 25.5 9.3 169.6 Epaisseur moyenne (µm) 10.0 4.0 47.2 Ecart-type (µm) 6.5 2.7 41.1

Tableau 2. 5 Epaisseurs d’interphases mesurées pour les trois matériaux

47 Ces examens micrographiques serviront de base pour l’interprétation des résultats expérimentaux, et permettront d’expliquer d’éventuelles divergences entre les champs mesurés et les résultats de calculs par éléments finis.

2.5. Conclusion

Une caractérisation mécanique a permis de déterminer leurs propriétés élastiques des trois matériaux qui seront étudiés par la suite. Ces résultats ont permis de constater que les deux composites à fibres Haute Résistance CTS/920 et G947/M18 d’architecture unidirectionnelle (UD) et quasi-unidirectionnelle (Quasi-UD) présentent des propriétés élastiques très similaires. En revanche le module longitudinal de l’UD M55J / M18, constitué de fibres de carbone Haut Module, est largement supérieur à celui des deux autres composites. Des images prises au microscope optique sur les tranche des éprouvettes ont permis d’estimer, après traitements d’images, les fractions volumiques de fibres, les diamètres moyens des fibres ainsi que l’épaisseur de résine entre chaque pli. La fraction volumique de fibre a été estimée à environ 0.6 pour les trois composites. Le diamètre moyen des fibres est de l’ordre de 6.9 µm pour les fibres Haute Résistance CTS et G947 tandis que celui des fibres Haut Module M55J est plus faible, de l’ordre de 5.6 µm. Les observations montrent que la microstructure des stratifiés d’architecture UD est plus « homogène » que celle du stratifié quasi-UD. L’épaisseur de l’interphase est faible dans les composites UD et vaut en moyenne de 10.0 µm dans le CTS / 920 et 4.0 µm dans le M55J / M18. En revanche, la variation de cette épaisseur est beaucoup plus importante dans le quasi-UD, car elle est comprise entre 5 µm et 169.6 µm et sa valeur moyenne de 47.2 µm.

Les résultats obtenus permettront d’effectuer des simulations numériques par calculs par éléments finis afin de définir les configurations pertinentes à tester expérimentalement et d’évaluer l’influence de l’épaisseur de l’interphase et des propriétés élastiques des plis sur les effets de bord.

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CHAPITRE III

ANALYSE DES EFFETS DE BORD PAR CALCULS