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L’objectif de cette partie est de présenter la délimitation de la variable « utilisation de systèmes biotiques » dans l’enseignement et son interaction avec les progressions des élèves. Nous souhaitons donc observer un effet lié à la « tâche » parmi les effets qui agissent au niveau d’une classe (l’effet maître, composition du public, morphologie...). C’est cet effet « tâche » et son imbrication avec les autres effets qui sont décrits par la suite.

Pour Dumay et Dupriez (2009), les travaux sur l’efficacité en éducation peuvent être situés à différents niveaux : le système éducatif, l’établissement, ou la classe.

Dans notre cas, nous étudions l'efficacité au niveau de la classe. L’effet classe expliquerait 7 à 21 % de la variance des progrès d’acquisition scolaire et serait un peu plus important dans les disciplines scientifiques, que dans l’apprentissage des langues (Bressoux, 2012). Les travaux qui s’intéressent à l’efficacité au niveau de la classe distinguent différents effets (Ibid) :

Les effets de la composition du public (Bressoux, 2012, Duru-Bellat, 2003) correspondent à certaines caractéristiques des élèves (origine sociale, niveau scolaire moyen, hétérogénéité etc.).

Les effets de la morphologie de la classe renvoient à une forme d’organisation de l’enseignement (cours simples ou doubles, nombre d’élèves etc.).

Enfin, l’effet-maître, également appelé pratiques enseignantes (Talbot, 2012), concerne les effets de l’activité de l’enseignant sur les apprentissages des élèves. Parmi ces effets, on considère que l'effet-maître est celui qui impacte le plus les résultats des élèves (Bressoux, 2012). Il expliquerait 10 à 15 % des variations sur les acquisitions des élèves (Bru, Altet, Blanchard-Laville, 2004).

Nous considérons que l’effet tâche agit au niveau de la classe parmi ces autres effets (composition, morphologie et maître). Les tâches que les élèves doivent réaliser lors d’un enseignement conditionnent grandement les apprentissages de ces derniers. Pour Ginestié & Tricot (2013), les situations scolaires se caractérisent par la construction d’un contexte dans lequel les élèves vont agir pour apprendre ; c’est-à-dire la détermination des tâches que l’on va donner aux élèves. Clanet (2012) met également la tâche au cœur de son modèle d’analyse des pratiques enseignantes. Elle représente selon lui, un « objet « interface enseignant/élève » qui permettrait d’inférer des aspects de leur cognition » (Clanet, 2012, p.13). Les tâches proposées dans un enseignement relèvent d’une construction de l’enseignant, de ses choix et de sa lecture des programmes scolaires. Cependant certaines conditions de ces tâches peuvent être considérées comme des invariants que l’on retrouverait si une tâche était transposée d’une classe à l’autre, d’un enseignant à l’autre. Nous avons considéré que c’est sur ces invariants (dans notre cas l’utilisation de systèmes biotiques dans une tâche de réalisation de chaînes énergétiques) que porte l’effet tâche.

Parmi ces invariants, on peut observer différentes caractéristiques de ces tâches. Certaines de ces caractéristiques vont relever de la nature de la tâche, d’autre vont relever des conditions dans lesquelles la tâche est présentée aux élèves ou du support de la tâche. Dans le paragraphe suivant nous avons essayé de nous appuyer sur différents travaux de recherche pour donner des exemples de ce que nous avons appelé effet-tâche ; même lorsque ces recherches ne s’ancrent pas directement dans une perspective de mesure de l’efficacité.

2.4.2.2 - Exemples sur l’« effet tâche »

Concernant la nature de la tâche, Musial, Pradère, et Tricot (2011), s’attachent à l’élaboration de scénarios pédagogiques à partir d’une typologie de tâche associée aux types de connaissances visées. D’autres études sur l' « embodiement » étudient l’utilisation du corps des élèves dans les tâches d’enseignement (Herakleioti & Pantidos, 2016), s’y intéressent notamment à propos du concept d’ombre. Une étude similaire (Mvutsebanka, 2017) a été conduite à partir de certaines données de cette thèse. Elle concerne l’effet de l’utilisation d’exercices sportifs (flexions, faire la chaise contre un mur...) sur l’évolution de la conception des élèves « les objets immobiles n’utilisent pas d’énergie ».

Une tâche peut également être caractérisée par les sous-tâches qu’elle comporte et la façon dont elles s’organisent. On peut considérer de cette façon, les travaux de notre équipe qui se sont préoccupés, dans une tâche d'investigation, à l’effet de l’insertion d’une sous-tâche spécifique concernant la formulation d’hypothèses écrites sur les apprentissages des élèves à propos de la flottabilité (Boyer & Givry, 2016a ; Boyer, Givry, Jegou, Derradj, Delserieys & Said, 2014 ; Derradj

& Givry, 2014).

Au niveau des conditions dans lesquelles la tâche peut être présentée aux élèves les caractéristiques peuvent porter par exemple sur les registres sémiotiques utilisés (Duval, 2006 ; Givry & Andreucci, 2015) ou sur l’agencement des informations données aux élèves. Nous les avons étudiées par exemple, en ce qui concerne la longueur des chaînes énergétiques et le nombre de dessins présents sur des images (Boyer & Givry, 2016b, 2017). Ces conditions de la tâche peuvent également porter sur le contexte dans lequel s’ancre la tâche présentée aux élèves, par exemple dans le cas de l’utilisation de récits issus d’albums jeunesse (Moulin, Deloustal-Jorrand, Triquet, & Bruguiere 2012).

Dans le cadre de cette recherche, nous étudierons les situations de référence qui supportent la tâche. En effet, pour bon nombre de tâches scolaires, les élèves doivent réaliser une tâche qui est exécutée dans une situation de classe, mais qui est également exécutée sur une situation que nous qualifierons de « représentée », qui fait généralement référence à une situation réelle. Dans le cas de l’enseignement des sciences et des technologies, ces situations représentées sont choisies par l’enseignant en fonction des enjeux d’apprentissage et souvent des disciplines scolaires. Par exemple, un enseignement de biologie, dans lequel, les élèves vont devoir reconstituer une chaîne trophique ou une classification phylogénétique, va souvent s'appuyer sur des exemples d’animaux spécifiques ou sur un écosystème particulier. De même, dans un enseignement de mécanique, la situation sur laquelle les élèves vont devoir reconstruire les forces peut se faire sur la représentation d’une situation donnée (par exemple la chute libre d’un corps). Dans le cas des enseignements sur l’énergie, ces situations de références peuvent être très diverses du fait de la dimension transphénoménologique du concept (Costantinou & Papadouris, 2012 ; Koliopoulos & Ravanis, 2000). De plus, dans le cas particulier des chaînes énergétiques, les programmes scolaires mentionnent explicitement la réalisation de chaînes d’énergie domestique (MEN, 2016). Dans notre cas, les systèmes que les élèves vont devoir reconstituer à l’aide du modèle de chaîne énergétique vont constituer la condition de la tâche qui sera étudiée.

Les travaux sur l’efficacité qui constituent des études de niveaux 3 (voir ci-dessus Bissonette, Gauthier, & Richard, 2005) prennent en compte l’ensemble des effets cités précédemment à travers

des analyses statistiques multi-niveaux (Bressoux, 2012). Cette thèse, qui nous l’avons dit, se positionne comme une étude de niveau 2 vise à comparer des groupes expérimentaux et témoins. Il s’agit donc de prendre en compte l’ensemble de ces effets à travers un contrôle de variable. Notre recherche s’est donc efforcée de faire varier la condition de la tâche « utilisation de systèmes biotiques » en contrôlant les autres effets. Les effets systèmes éducatifs, établissement et classe ont été contrôlés par l’intermédiaire de la constitution des groupes comparés. En effet il a été choisi de séparer une même classe en deux groupes d’élèves. Cette séparation a permis de contrôler l’effet système éducatif, l’effet établissement et l’effet maître. Concernant les effets « morphologie de la classe » et « composition scolaire », les groupes ont été constitués à partir d’une analyse de pré-test.

Ces éléments ont permis de ne faire varier que l’effet tâche. Cependant cet effet tâche nous semble relever de différentes caractéristiques. Afin de n’observer que l’effet de la condition utilisation de systèmes biotiques, les caractéristiques registres sémiotiques, consignes écrites, durée de la tâche, positionnement de la tâche dans la séquence, nombre de sous-tâches à accomplir ont également été contrôlées.

En conclusion, dans un enseignement sur la chaîne énergétique, cette thèse a pour objet un effet

« tâche » au niveau d’une condition particulière (l’utilisation de systèmes biotiques) sur les progressions individuelles des élèves quant au nombre de systèmes qu’ils seront capables de reconstituer. Il s’agit donc d’observer l’effet d’une condition de la tâche sur le développement d’une action par les élèves. La partie suivante présente comment la théorie de l’activité et notamment l’articulation tâche-activité a été utilisée pour décrire ces processus.