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Les parties suivantes présentent comment nous avons développé un modèle ancré dans une approche systémique pour un enseignement de l’énergie à l’école primaire. Ce développement s’est appuyé notamment sur les travaux sur les conceptions des élèves, ainsi que ceux concernant la chaîne énergétique. Cette présentation est structurée en trois parties, a) une présentation des travaux sur les chaînes énergétiques, b) l’adaptation de ces chaînes énergétiques proposée dans cette thèse et enfin c) l’importance des systèmes utilisés pour l’enseignement.

Les chaînes énergétiques

Les chaînes énergétiques sont aujourd'hui intégrées dans plusieurs enseignements et figurent dans la plupart des manuels. Elles sont considérées comme un outil permettant la modélisation du concept d'énergie (Devi, Tiberghien, Baker & Brna, 1996 ; Tiberghien & Megalakaki, 1995). Elles sont également recommandées car elles permettent de prendre en compte la nature transphénoménologique de l’énergie (Koliopoulos & Ravanis, 2000; Papadouris & Constantinou, 2012). Pour Bruguière, Sivade & Cros (2002), cette chaîne énergétique permet aussi de synthétiser la vision commune de l'énergie qui existe entre les élèves, les enseignants et les programmes en Physique, Sciences de la vie et de la Terre, ainsi que la Technologie. Enfin, ces chaînes énergétiques sont aussi vues comme un outil permettant de construire du lien entre Science et Société (Vince &

Tiberghien, 2012 ; Koliopoulos & Argyropoulou, 2012 ; Sissemperi & Koliopoulos, 2014).

Le modèle de la chaîne énergétique, a été initialement conçu pour répondre à des problèmes de mécanique et de thermodynamique (Agabra, 1984 ; Trellu & Toussaint, 1986). Il met en effet l'accent sur les transformations de l'énergie et ses transferts (Devi, Tiberghien, Baker, & Brna, 1996). Ce modèle est basé sur le raisonnement linéaire causal. Il intègre le stockage, les transformations, les transferts, la conservation et la dégradation comme principales propriétés du concept d'énergie (Koliopoulos & Argyropoulou, 2012).Parmi les recherches sur la chaîne

énergétique, on trouve différentes représentations (par exemple, figure 1, 2 et 3) de ce modèle qui mettent en jeu des facettes différentes du savoir (au sens de Tiberghien & Malkoun, 2007).

Figure 1 : Représentation schématique de l’explication qualitative de l’éclairage d’une lampe à partir d’un bec bunsen (Lemeignan & Weil-Barais, 1994 cité par Koliopoulos &

Argyropoulou, 2012)

Figure 2 : Exemple de chaîne énergétique, solution idéale pour l'expérience de la lampe (Devi et al., 1996).

Figure 3 : Diagramme décrivant la transformation d’énergie dans les systèmes (A et B) et les transferts d’énergie entre ces deux systèmes (Givry & Pantidos, 2015)

Dans chacune des représentations précédentes : les flèches symbolisent les transferts d'énergie (travail mécanique, travail électrique, chaleur ou rayonnement) et les formes géométriques (cercle, rectangle…) sont utilisées pour décrire les systèmes. Sur la figure 2, les formes varient pour mettre en avant la distinction entre les transformateurs et les réservoirs. La figure 3 détaille certaines

transformations des formes d'énergie (énergie chimique (Ec), cinétique (Ek), potentiel (Ep) ou interne (Ei)) à l'intérieur d'un même système.

À partir de ces précédents travaux, nous avons élaboré un premier modèle de la chaîne énergétique (Boyer & Givry, 2016 ; 20172) pour aider les élèves de cycle 3 à mieux comprendre les enjeux de société associés à l'énergie. Conformément aux préconisations des précédentes recherches sur l'apprentissage de l'énergie par les élèves de l’école primaire, nous avons développé un modèle qualitatif (Colonnese, Heron, Michelini, Santi, & Stefanel, 2012 ; Koliopoulos & Argyropoulou, 2012 ; Rizaki & Kokkotas, 2013) ancré dans le quotidien des élèves (Nordine, Krajcik, & Fortus, 2011) et qui met principalement l’accent sur les sources et les transformations d’énergie (Colonnese, Heron, Michelini, Santi, & Stefanel, 2012 ; Neumann, Viering, Boone, & Fischer, 2013). Dans une perspective d’éducation à l’énergie, ce modèle est basé sur les facettes suivantes du concept d’énergie : (a) l’utilisation de l'énergie dans le quotidien des élèves (à partir d'objets qui chauffent, éclairent, ou se déplacent), (b) l’exploitation des ressources naturelles et (c) les objets intermédiaires permettant de passer de l’exploitation des ressources naturelles à l’utilisation quotidienne d’énergie.

Cet ancrage dans une perspective « d’éducation à l’énergie » a produit une spécificité de ce modèle de chaîne énergétique. En effet, la volonté d’adopter une démarche ascendante (Dessus, 2012) de la consommation vers l’exploitation des sources d’énergie, nous a conduit à développer un modèle dont le fondement n’est pas le raisonnement linéaire causal. Comme dans la figure 2, nous avons décidé d'utiliser des formes géométriques différentes (un rond pour les objets, un rectangle pour les sources naturelles et un triangle pour les objets intermédiaires). Les différents éléments de ce modèle n’existent donc que les uns par rapport aux autres. Il ne s’agit pas d’expliquer la nature de ces objets mais de les associer à leur fonction dans le système (Donnadieu, Durand, Neel, Nunez,

& Saint-Paul, 2003 ; Lemoigne, 1994). En effet, dans l’exemple de la figure 4 (ci-dessous), le soleil n’est une source d’énergie que si l’on se réfère à l’utilisation de son rayonnement, les objets considérés comme intermédiaires ne peuvent prendre cette fonction que dans l’ensemble du système.

Contrairement aux modèles précédents, nous avons fait le choix d'utiliser la flèche, non pas pour représenter les transferts (qui apparaissent uniquement dans les objets qui chauffent, éclairent et se déplacent, ainsi que pour les centrales électriques), mais pour mettre en avant les interactions entre les éléments du système, en particulier l’idée de nécessité qui existe entre les différents éléments.

Un humain a besoin de se nourrir pour pouvoir se déplacer. Il peut avoir besoin dans notre exemple

2 accepté

d'une pomme pour bouger, qui a besoin d’un pommier pour exister, qui a besoin du soleil pour obtenir son énergie (Figure 4). Une des particularités de ce modèle est de mettre sur un même plan transformation de matière et d’énergie, dans le but de pouvoir prendre en compte les filières sans transformation d’énergie (par exemple, le pétrole transformé en essence).

figure 4 Modèle 1 de la chaîne énergétique et exemple d’application du modèle utilisé dans la pré-enquête

Ce premier modèle a été testé (Boyer & Givry, 2017) auprès d’élèves de cycle 3 (CM1 et CM2).

Cette pré-enquête a montré que la notion d’objet intermédiaire probablement trop générique avait engendré des difficultés chez les élèves. De plus, en gardant un sous-système aussi générique, les chaînes énergétiques demandées aux élèves ne faisaient pas toutes la même longueur ce qui a eu un effet sur la réalisation de chaînes énergétiques complètes. À partir de ces résultats le sous-système intermédiaire a été spécifié et remplacé par les sous-systèmes « transformateurs » et « sources d’énergie », afin, d’une part de fixer la taille de la chaîne énergétique, et d’autre part de faciliter la réalisation de chaîne énergétique par les élèves. C’est ce modèle adapté qui a été utilisé dans le cadre de cette thèse et qui est présenté dans la partie suivante.

Modèle de chaîne énergétique pour l’école primaire

Le modèle de chaîne énergétique que nous avons développé est un modèle qualitatif, ancré dans le quotidien des élèves et qui met l’accent sur les sources d’énergies, et les transformations. (Figure 5)

figure 5 : Modèle de la chaîne énergétique et exemple d’application du modèle utilisé dans la thèse

La figure 5 représente le modèle utilisé et testé dans cette thèse. Il présente une convention symbolique associée aux différents sous-systèmes définis par leur fonction dans le système énergétique. Ces sous-systèmes comportent différents éléments : un objet de départ, une source d’énergie, un transformateur et une ressource naturelle. L’objet de départ est associé à un rond, il correspond à l’élément du système qui consomme une source d’énergie pour produire de la chaleur, du mouvement ou de la lumière. La source d’énergie correspond à l’élément utilisé par l’objet de départ pour produire de la chaleur, de la lumière ou du mouvement. Il peut s’agir d’une substance (essence, gaz, etc.) ou d’un transfert d’énergie (électricité). Elle est symbolisée par un rectangle. Le transformateur correspond à l’élément qui permet d’obtenir la source. Il peut s’agir d’être vivant (l’arbre d’où provient le bois, ou l'herbe qui a transformé l’énergie du soleil en énergie chimique) de centrales électriques, de raffinerie (cas de l’essence et du gaz). Ces transformateurs sont associés à un triangle. Enfin, les ressources naturelles correspondent à l’élément utilisé par les transformateurs pour donner la source et sont symbolisés par un rectangle. Nous avons considéré que l’ensemble de ces sous-systèmes constituaient un système énergétique, qu’il s’agit d’observer selon son aspect structural (de quoi il est composé) et fonctionnel (à quoi il sert). Dans le cadre de cette thèse, nous avons donc défini un système énergétique comme l’ensemble « objet de départ », « source d’énergie », « transformateur » et « ressource naturelle » organisé pour donner chaleur, mouvement ou lumière à un individu. À partir de ce modèle nous avons demandé aux élèves de reconstituer des systèmes en apparence très différents. Ce sont ces systèmes qui sont présentés dans la partie suivante.