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Si certains travaux (Herve, Venturini & Albe, 2014 ; Seck, 2008) se sont intéressés à l’analyse d’enseignement ordinaire sur l’énergie, les travaux de recherche sur l’enseignement de l’énergie sont principalement représentés par des propositions d’enseignement alternatifs qui se sont développées du fait qu’il n’existe pas de consensus sur les contenus d’enseignements liés à l’énergie (Millar, 2014). Besson & Ambrosis, (2014) proposent à partir d’exemples de regrouper ces enseignements en trois grandes catégories : (1) les approches historiques (Bevilacqua, 2014 ; Coelho, 2012 ; 2014 ; Guedj & Mayrargue, 2014) qui proposent d’aborder le concept d’énergie à partir d’une analyse de sa formation historique, (2) les approches conceptuelles se rapprochant des modèles de la physique et (3) les approches liées aux sciences, à la technologie, la société et l'environnement qui sont ancrées dans une perspective « d’éducation à ».

Concernant les approches conceptuelles, Doménech et al., (2007) développent, par exemple 24 propositions qui répondent à six aspects débattus sur l’enseignement de l’énergie. Ces six points renvoient : (1) aux stratégies pour construire des connaissances scientifiques sur les questions d’énergie, (2) aux premières approches sur la signification du terme énergie, (3) à la nature systémique et relative du concept d’énergie, (4) à la signification du travail, de la chaleur et de leur relation avec l’énergie, (5) au principe de conservation et de transformation de l’énergie et (6) enfin au principe de dégradation de l’énergie. Ces points de débat concernent principalement l’enseignement de la physique théorique, où un réductionnisme conceptuel et une forme de décontextualisation sont généralement acceptés (Ibid.). Au sein de ces approches, de nombreuses propositions ont été développées (Kurnaz & Calik, 2009). Certaines se sont intéressées aux aspects suivants : (a) thermique (Agabra, 1986 ; Lewis & Linn, 1994), (b) mécanique (Agabra, 1985 ; Bliss

& Ogborn, 1994; Canal, 1986), (c) concernant la conservation (Trellu & Toussaint, 1986), ou (d) la dégradation de l’énergie (Kesidou & Duit, 1993 ; Pintó, Couso, & Gutierrez, 2005). D’autres se sont intéressés à donner une vision générale du concept. Parmi ces approches, Besson et Ambrosis (2014) spécifient des approches qu’ils nomment « holistiques » et présentent notamment des approches philosophiques (Bunge, 2000 ; Papadouris & Constantinou, 2011 ; 2012 ; Papadouris, Constantinou, & Kyratsi, 2008), ainsi qu'une approche proposant le principe de conservation comme entrée pour définir le concept d'énergie (Solbes, Guisasola, & Tarín, 2009)

Afin de permettre aux élèves de développer un modèle de la conservation de l’énergie, de nombreux auteurs (Colonese, Heron, Michelini, Santi & Stefanel, 2012 ; Lee & Liu, 2009 ; Liu &

McKeough, 2005 ; Liu & Ruiz, 2008 ; Neumann et al., 2013) considèrent qu’une progression dans l’enseignement de l’énergie est indispensable. Ces progressions concernent les notions et les contenus associés à l’énergie introduits à différents niveaux de la scolarité ainsi que le niveau de formulation et le vocabulaire associé (Bächtold, Munier, Guedj, Lerouge, & Ranquet, 2014). Ces études montrent qu’à l’école primaire l’énergie doit être introduite qualitativement pour aller vers une approche quantitative associée au principe de conservation dans le secondaire. Elles proposent également une progression des contenus, en présentant successivement : les sources et les formes d’énergie, les notions de transformation, de transfert, de dissipation puis de conservation. Une autre proposition discutée par ces travaux est une entrée par les transformations d’énergie dès l’école primaire, qui permet une approche phénoménologique des situations quotidiennes pour les élèves.

Bätchold, Munier, Guedj, Lerouge & Ranquet (2014) montrent que les programmes français sont plutôt en adéquation avec les résultats de ces recherches.

Une autre caractéristique du concept d’énergie mise en avant et discutée par les recherches en éducation est son fractionnement entre les différentes disciplines scolaires (Bruguière, Sivade &

Cros, 1994, 2002 ; Koliopoulos & Ravanis, 2000 ; Morge & Buty, 2014). Cet aspect concerne principalement l’enseignement secondaire où la structuration disciplinaire est plus marquée qu’en primaire. Ces recherches mettent en avant une mobilisation du concept d’énergie, ainsi qu’une terminologie différente en Physique, en Biologie et en Sciences de la société (notamment en Géographie). Pour pallier cette difficulté pour les élèves, Darot (1986) propose un enseignement pluridisciplinaire entre ces disciplines. C’est également en partie pour répondre à ce problème que se sont développées les approches « science, technologie, société et environnement » (Besson &

Ambrosis, 2014). Ces approches renvoient, pour nous, à une éducation à l’énergie (Batchöld &

Munier, 2014 ; Bätchold, Munier, Guedj, Lerouge & Ranquet, 2014). Cette dernière est considérée comme une part de l’éducation au développement durable. Son objectif est le développement de

l’esprit critique et l’acquisition d’une culture scientifique permettant de participer aux débats et aux choix de société sur les questions complexes relatives à l’énergie (Munier & Batchöld, 2014). Pour Koliopoulos et Ravanis (2000), il s’agit d’aider les élèves à développer une culture de l’énergie. Ils décrivent cette culture comme « l’appropriation du concept scientifique de l’énergie et plus précisément la compréhension des transformations, de la conservation et de l’équivalence des différents types d’énergie et, en même temps, la reconnaissance et l’application de ce concept dans le milieu social » (Koliopoulos & Ravanis, 2000, p.74). D’autres auteurs s’y sont intéressés en développant des enseignements basés sur une « energy literacy » (Bodzin, 2012 ; Bodzin, Fu, Peffer, & Kulo, 2013 ; DeWaters, Qaqish, Graham, & Powers, 2013) qui prend en compte non seulement les connaissances des élèves sur l’énergie, mais aussi leurs attitudes et comportements.

De nombreux auteurs (dont Bodzin, Fu, Peffer & Kulo, 2013 ; Chen, Wang & Liu, 2013 ; Dias, Mattos & Ballestri, 2004 ; Lane, Floress & Rickert, 2014 ; Zografakis, Angeliki, Menegaki, Konstantinos & Tsagarakis, 2008) ont montré que certains dispositifs de formation pouvaient améliorer le développement de cette « energy literacy », que ce soit en ce qui concerne les connaissances ou les comportements et les attitudes. Enfin, ces approches ont été aussi étudiées à travers une entrée par les questions socialement vives ou socio-scientific issues (Sakschewski, Eggert, Schneider, & Bögeholz, 2014), notamment la question du défi énergétique (Vince &

Tiberghien, 2012) ou celle du réchauffement climatique (Boylan, 2008 ; Hervé, 2012 ; Svihla &

Linn, 2012). Ces approches peuvent être vues comme des enseignements visant à développer chez les élèves des notions sur l’énergie leur permettant d’expliquer une importante variété de phénomènes dans des contextes très variés. C’est par exemple le cas des travaux qui s’intéressent à l’importance de l’énergie dans les processus de transformations de carbone, considérées comme primordiales pour comprendre les systèmes « socio-écologiques » (Jin, Zhan, & Anderson, 2013).

On retrouve aussi cette façon de voir chez les auteurs qui se sont intéressés aux conceptions des élèves sur l’énergie dans les processus biologiques. (Opitz, Harms, Neumann, Kowalzik, & Frank, 2014)

Parmi l’ensemble de ces travaux certains recommandent l’utilisation d’un modèle de l’énergie appelé chaîne énergétique. Il s’agit d’un outil permettant la modélisation du concept d'énergie (Devi, Tiberghien, Baker, & Brna, 1996 ; Tiberghien & Megalakaki, 1995) recommandé vis-à-vis de la mise en place d’un enseignement de nature transphénoménologique (Koliopoulos & Ravanis, 2000; Papadouris & Constantinou, 2012), interdisciplinaire (Bruguière, Sivade & Cros 2002, Morge et Buty, 2014) et en lien avec les enjeux de société (Vince & Tiberghien, 2012 ; Koliopoulos &

Argyropoulou, 2012; Sissamperi & Koliopoulos, 2015)

Les travaux sur l’enseignement de l’énergie sont donc majoritairement centrés sur la façon dont le concept doit être présenté et sur le langage que les enseignants et les manuels doivent utiliser. En effet, peu de ces recherches portent sur l’efficacité des différentes approches et interventions (Millar, 2014). Parmi les propositions d’enseignement faites sur le concept d’énergie, on retrouve un certain nombre de convergences. Il semble en effet nécessaire de présenter le concept aux élèves à travers une approche qui soit : globale (Morge & Buty, 2014), interdisciplinaire (Bruguière et al., 2002) et qui mette en avant les liens entre science et société (Doménech et al., 2007).

Dans le cadre de cette thèse, l’approche proposée s’ancre dans une perspective d’éducation à l’énergie. Pour cela, elle vise à permettre aux élèves de développer un modèle de l’énergie qui puisse les aider à comprendre les enjeux de société sur l’énergie, quel que soit le contexte dans lequel ils s’inscrivent. Afin de développer ce modèle, nous proposons une approche de l’énergie construite sur les bases de « l’approche systémique ». C’est cette approche choisie qui est développée dans la partie suivante.