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2.3 L’étrange cas de l’étrangeté

3.1.2 Observables globales

Dans cette partie, nous présentons quelques observables globales habituellement utili- sées en physique des ions lourds et dont certaines proviennent d’un modèle géométrique de production de particules : le modèle de Glauber. Lors de notre travail de thèse, ce modèle a été exploité pour extraire certaines quantités intéressantes. Ces observables seront, pour la plupart, des outils pour notre étude car elles permettent d’extraire des informations sur le déroulement de la collision en termes de taux de production, de température, de volume, de vitesse d’expansion, voire de mécanismes de productionetc.

3.1.2.1 Masse / impulsion transverse

Les particules produites lors de la collision sont caractérisées par leur vecteur impul- sion ~p qui se décompose en une composante longitudinale pz ou pk et en une composante

transversale pT ou p⊥. Cinématique et géométrie de la collision selon le degré de liberté

longitudinal peuvent être étudiées, comme on l’a vu, en manipulant la rapidité y. Le plan transverse est très important dans les expériences de collision car la majorité des parti- cules créées y sont émises. Nous utiliserons l’impulsion transverse des particules pT pour l’ensemble de notre étude et, en particulier, pour calculer la quantité appeléemasse trans- verse mT ou m⊥définie par la formule 3.4 :

mT =

q p2

où m0 est la masse de la particule. La représentation de distributions en fonction de la

quantité (mT− m0) permet des comparaisons entre particules de masse différente. Notre

étude repose essentiellement sur l’analyse des spectres en masse ou en impulsion trans- verse des particules doublement étranges, les Ξ−et ¯Ξ+, définis par la relation 3.5 :

Ed 3N d3p = d2N 2πdypTdpT = d 2N 2πdymTdmT (3.5) L’extraction de l’amplitude de ces spectres pour différents domaines de centralité ap- portera de l’information sur les propriétés chimiques du système. Une discussion sur le sujet sera développée dans le chapitre 7. La forme des spectres sera également exploitée pour extraire une double information, sur la température du système et sur la dynamique de la collision. Cela sera développé dans le chapitre 8.

3.1.2.2 Multiplicité : Npart , Nbin

Étant donné qu’une mesure directe du paramètre d’impact n’est pas possible, on uti- lise la multiplicité de la collision, donnée par la mesure du nombre de hadrons chargés Nh− pour en déduire son paramètre d’impact et sa densité d’énergie. Chaque nucléon des

noyaux qui participent à la collision produit un certain nombre de particules. On peut donc calculer, à l’aide d’un modèle géométrique de la collision, le nombre moyen de nucléons ayant participé à la collision : le nombre de participants (Npart) à un paramètre d’im-

pact donné. Il s’agit alors de le relier au nombre de particules chargées produites. Une correspondance indirecte Nh− / paramètre d’impact apparaît.

Par la suite, nous allons utiliser abondamment le nombre de participants Npartpour définir

la centralité d’une collision et étudier la systématique en fonction de la centralité donc du volume du système mis en jeu de plusieurs quantités physiques comme les taux de produc- tion, l’impulsion transverse moyenneetc.

Lorsqu’une collision a lieu, les premières interactions qui se produisent entre nucléons sont des processus durs, rares et aléatoires pendant lesquels beaucoup d’énergie est échan- gée dans le système. Ces processus sont très bien décrits par la QCD perturbative. Ils donnent lieu dans l’état initial à la formation de constituants lourds dans le système comme des quarks charmés par exemple, ainsi que la formation de particules lourdes comme le J/Ψ (c¯c). Ces phénomènes durs deviennent minoritaires avec la répartition de l’énergie dans le système et le refroidissement de ce dernier. Pendant la durée de vie du plasma, le système passe d’un état perturbatif à un état où les amplitudes des transferts d’impulsion s’amoin- drissent. Les collisions plus douces entre partons y deviennent dominantes dans un volume d’interaction que l’on estime être bien représenté par Npart. On perçoit parfaitement que

pour un noyau de masse atomique A, Npart est proportionnel à cette quantité donc au vo-

lume du noyau (R ∝ A1/3). Aux énergies du RHIC, ces processus doux sont majoritaires

de sorte que l’essentiel des particules créées dans la collision appartient à un domaine de basse impulsion transverse. Cet ensemble de particules à bas pT sera qualifié par la suite de “bulk” (l’essentiel du volume, la plus grande part des particules).

Nous allons être amenés à étudier l’évolution des taux de production des particules multi-étranges en fonction du nombre de participants pour étudier entre autres quels mé- canismes peuvent être à l’origine de leur production. Si, par exemple, les taux de production

Au+Au (200 GeV) Au+Au (62.4 GeV) d+Au (200 GeV)

Centralité (%) Npart Nbin Npart Nbin Npart Nbin

0-5 352.9±3.2 1043.5±71.5 - - - - 5-10 301.2±7.5 826.1±63.0 - - - - 0-10 - - 318.7±5.2 794.3±62.4 - - 10-20 235.5±7.8 592.4±50.7 224.1±8.2 494.1±50.8 - - 20-40 139.7±10.0 289.3±35.6 134.4±9.5 248.6±37.2 - - 40-60 62.1±7.4 94.1±17.9 58.0±7.6 80.2±18.3 - - 60-80 21.2±4.5 22.1±6.4 19.9±4.2 20.0±6.0 - - 0-20 - - - - 16.3±0.7 16.5±6 20-40 - - - - 11.4±0.3 10.5±4 40-100 - - - - 4.3±0.01 3.4±1

Table 3.2 –Calcul du nombre de participants Npartet du nombre de collisions binaires Nbinà partir

du modèle de Glauber en simulant 10000 événements Au+Au à √sNN = 200 GeV sur 6 domaines

de centralité, √sNN = 62.4 GeV sur 5 domaines de centralité et d+Au à √sNN= 200 GeV pour trois

centralités (les centralités sont données en pourcentage de la section efficace inélastique totale). des Ξ s’avèrent évoluer comme le nombre de participants, il sera possible de conclure que leur production est dominée par de la physique douce et n’a donc pas lieu aux premiers instants de la collision. Nous discuterons ce point dans les chapitres 7 et 8.

Dans les modèles géométriques de production de particules, Npart est proportionnel au

volume et est associé aux processus doux. Par contre, à plus haute énergie, on s’attend à une augmentation de la production des particules à plus haute impulsion transverse. Les processus durs dans ce cas devraient être dominants. Ces processus plus rares et aléa- toires sont assimilables à des interactions élémentaires et multiples entre les nucléons des noyaux. Les sections efficaces d’interaction de ces processus durs évoluent dans ce cas comme lenombre de collisions binaires (Nbin). Par conséquent, les processus durs de

l’état initial donnant lieu à la formation de charme par exemple devraient évoluer propor- tionnellement à Nbin. Ces nombres de collisions binaires sont également calculables par les

modèles géométriques. En utilisant lemodèle de Glauber présenté en annexe A, nous avons extrait ces valeurs repertoriées dans la table 3.2 pour les exploiter ensuite lors de l’interprétation des résultats.

3.1.2.3 Énergie transverse

Au cours de ce travail de thèse, nous avons également exploité l’énergie transverse de la collision, notre objectif étant toujours de caractériser le système créé lors de cette dernière (température, densité, taille...). L’énergie transverse de la collision est générée par la diffusion initiale des partons des noyaux interagissant et probablement aussi par la réinteraction des partons entre eux et des hadrons formés [JaLa 86, Wang 97].

Deux cas de figure sont envisageables. Si la boule de feu créée lors de l’interaction des deux noyaux se dissocie rapidement sans qu’il y ait eu beaucoup de réinteractions entre les partons constituants, l’énergie transverse observée par unité de pseudorapidité dET/dη

sera quasiment identique à celle générée initialement. Si au contraire, beaucoup de réin- teractions ont lieu entre les quarks constituants et entre hadrons créés, un équilibre local

devrait être atteint très vite et devrait être maintenu pendant l’expansion. Pendant cette dernière, le travail longitudinal de la pression hydrodynamique a pour conséquence de di- minuer la valeur de dET/dη pendant l’évolution de la boule de feu [GyMa 84, EKTR 00]. Il

faut toutefois prendre en compte les effets du flot hydrodynamique qui, en se construisant dans le plan transverse, contribue à l’inverse à augmenter ET[KHHETT 01]. La saturation

du milieu en gluons, peut toutefois contrebalancer quelque peu et ralentir la formation du flot en diminuant légèrement la pression effective qui se forme dans le milieu. Cela a pour effet également de réduire la différence entre le ET initial et ET observé. Notre objectif

n’est pas d’étudier en détail l’évolution de cette énergie transverse avec l’évolution de la collision. Nous ne discutons ici que de son évolution avec la centralité et de sa dépendance au nombre de participants, toujours avec la volonté de trouver la meilleure paramétrisa- tion possible du volume du système. Les valeurs de ET publiées par la collaboration STAR

sont répertoriées en fonction de la centralité dans la figure 3.6 [ETStar 04]. Ces valeurs seront exploitées dans le chapitre 7. ET/0.5Npartest également représenté en fonction de la

centralité sur la figure 3.7.

Figure 3.6 – Énergie transverse de la collision en fonction de la centralité de la collision.Les erreurs sont uniquement systématiques car les erreurs statistiques sont négligeables. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 ) (GeV) part / (0.5 N 〉η /dT dE0 1 2 3 4 5 6 = 200 GeV) NN s STAR (Au+Au - = 130 GeV) NN s PHENIX (Au+Au - = 17.5 GeV) NN s WA98 (Pb+Pb - EKRT model HIJING Two component model

part N 0 50 100 150 200 250 300 350 400 2 4 6

Figure 3.7 – <dET/dη|η=0.5 >/(0.5Npart) en fonction

de Npart. Sur la figure du haut, Npart est obtenu à

partir d’un modèle de Glauber “Monte-Carlo” et sur la figure du bas à partir de Glauber “optique”. Les don- nées de STAR à 200 GeV sont comparées à celles de PHENIX à 130 GeV et à celles de WA98 à 17.5 GeV. Les données sont comparées à trois modèles.

La figure du haut représente <dET/dη > par paire participante (Npart/2) en fonction

de Npart (obtenu à partir du modèle de Glauber (annexe A) pour 0 < η < 1. Les données

130 GeV [Adco 01c] (à |η| = 0) et de WA98 en Pb+Pb à 17.2 GeV [Agga 01] (à |η| = 0). Les bandes grises représentent les erreurs systématiques indépendantes de Npart. Les lignes

représentent la somme quadratique des erreurs statistiques négligeables et des erreurs systématiques sur ETet Npart.

Les données sont comparées à trois modèles :

• Un modèle de saturation de gluons de l’état final (EKRT [EKTR 00]) qui prévoit une baisse de l’énergie transverse avec la centralité de la collision. Sur la figure du haut dET/dη par paire participante a été représenté en utilisant un modèle de Glauber “Monte-Carlo” alors que sur la figure du bas, c’est un modèle de Glauber “optique” qui a été utilisé. Sur la figure du haut, le modèle EKRT ne décrit ni la dépendance en centralité, ni la normalisation. En bas, la dépendance en centralité est bien reproduite tandis que la normalisation ne l’est toujours pas.

• Le modèle de HIJING prévoit une augmentation de <dET/dη >/(0.5Npart) avec la cen-

tralité de la collision (trait plein sur la figure 3.7). Ce modèle inclut à la fois la génération multiple de “mini” jets par des processus durs et de la production de particules plus “douce” par fragmentation de cordes. Les effets de la géométrie nucléaire y sont calculés à partir d’un modèle de Glauber “Monte-Carlo”. Sur la figure du haut, HIJING est en bon accord avec les données.

• Finalement, les données ont été comparées avec une approche simple à deux composantes :

dET/dη = A Npart + B Nbin permettant d’estimer la fraction de collisions dures dans la

production de ET. L’accord est assez bon.

De cette étude, nous voyons les limites actuelles et les risques encourus en utilisant les prédictions du modèle de Glauber, qui doit être encore affiné. Moyennant les grandes barres d’erreur à petit Npart, on constate globalement que l’énergie transverse par unité de

pseudorapidité est proportionnelle à Npartdonc peut être utilisée pour essayer de quantifier

le volume du système.