• Aucun résultat trouvé

les obligations générales

La Convention d’Aarhus et le Protocole de Kiev, en leur article 3, imposent différentes obligations générales qui pallient certaines carences des dispositions spécifiquement liées à la participation 152. Dans la mesure où l’article 3 de la Convention est d’application générale, quelle que soit la décision publique concernée, alors que le Protocole ne s’applique qu’aux plans et programmes, et dans la mesure où les exigences que le Protocole pose ne sont pas plus strictes que celles de la Convention 153, on peut se borner à examiner ici le contenu de la Convention.

§ 1er. un cadre juridique précis, transparent et cohérent

La première obligation générale, inscrite au § 1er de l’article 3, de la Convention d’Aarhus, a été examinée ci-dessus : il s’agit de la mise en place d’un cadre précis, transparent et cohérent.

§ 2. une aide à la participation

Le § 2 de l’article 3 de la Convention d’Aarhus concerne l’aide et les conseils que les « fonctionnaires et les autorités » 154 doivent fournir au public pour « lui permettre de participer plus facilement ».

Il s’agit ici pour les Etats de « tâcher de faire en sorte que ». Cepen-dant, les termes anglais « shall endeavour to » et « ensure » paraissent plus contraignants que l’expression « faire en sorte ». De même, concernant le 152. Pour le surplus, s’agissant précisément d’obligations générales, en cas de contra-diction avec des dispositions spéciales de la Convention, ce sont ces dernières qui doivent prévaloir.

153. Pour l’essentiel, les dispositions de l’article 3 du Protocole constituent la reproduction de celles de l’article 3 de la Convention. On relève quelques différences mineures, sans réel intérêt concret. À titre d’exemple, alors que le paragraphe 4 de l’ar-ticle 3 de la Convention vise les associations, organisations ou groupes liés à la protec-tion de l’environnement, le paragraphe 3 de l’article 3 du Protocole vise également expressément ceux qui sont liés à la protection de la santé. Cette différence est cepen-dant dépourvue d’incidence dès lors que, nous le verrons, la Convention englobe mani-festement la santé dans le concept d’environnement. De même, alors que le Protocole vise ceux qui « œuvrent » en faveur de la protection de l’environnement, la Convention vise, elle, ceux qui « ont pour objectif » la protection de l’environnement, ce qui nous semble plus large.

154. On peut s’interroger sur l’incidence de l’utilisation cumulative de ces deux termes, spécialement dans un texte de droit international. Sans doute la Convention entend-elle insister sur la nécessité que chaque fonctionnaire se sente personnentend-ellement tenu au respect de l’obligation ici visée et que la charge qui en découle ne soit pas renvoyée, de manière impersonnelle, à l’administration il relève.

verbe « endeavour », le Guide d’application 155 précise que le terme n’a pas pour objet de rendre moins certaine l’obligation, mais traduit simplement l’impossibilité de dire s’il y a réellement assistance, cette question rele-vant d’une appréciation subjective. Dans cette mesure, le Guide estime qu’il faut interpréter les termes de la Convention comme signifiant que les Etats doivent « take firm steps towards ensuring (…) ». Pour K. DEKETE-LAERE et F. SCHRAM 156, « al zal hierbij een begin van initiatief als minimu-mvoorwaarde kunnen worden gezien ».

Le Guide d’application de la Convention d’Aarhus estime que cette obligation ne concerne pas seulement la production d’informations sur demande : il faut un véritable encouragement du public à participer. Nous marquons notre accord sur la première partie de cette proposition : l’aide et les conseils ne doivent pas se traduire par de simples réponses à des questions émanant des particuliers. En revanche, nous ne pensons pas que le § 2 vise un encouragement à participer : la différence de contenu entre cette disposition et celle du § 3 examinée ci-après (éducation et sensibilisation écologique), implique que l’obligation dont il est ici ques-tion ne doit effectivement être mise en œuvre par les autorités que sur la base d’une demande des particuliers. En d’autres termes, à notre sens, ce n’est pas dans le cadre du § 2 de l’article 3 que l’autorité est tenue d’adopter une démarche proactive à l’égard du public. D’un autre côté, une fois qu’une demande d’aide a été formulée par un particulier, l’auto-rité ne peut se limiter à répondre à des questions : elle doit spontanément dépasser ces questions et donner les conseils utiles. En d’autres termes encore, il nous semble que l’article 2, § 3, impose à l’autorité de prendre certaines initiatives, mais uniquement sur la base d’une demande préa-lable du particulier.

Une autre question importante est de déterminer si le respect de l’obligation imposée par le § 2 doit être observé au niveau normatif, par la mise en place de procédures dans des textes, ou en pratique, par l’adoption d’un comportement général dans le chef de l’administration.

La Convention n’impose aux Etats aucune modalité particulière pour remplir l’obligation de l’article 3, § 2. Mais, compte tenu des destinataires de l’obligation et des termes utilisés 157, le juge, pensons-nous, ne se posera pas la question, en cas de litige, de savoir si, concrètement, une aide suffisante a été accordée à tel ou tel particulier : il ne pourra que vérifier si l’Etat a adopté des mesures en vue de favoriser cette aide. Nous

155. p. 43.

156. K. Deketelaere et F. sCHram, Milieurechten van het publiek in de participatiedemo-cratie, Bruges, Vanden Broele, 2002, p. 32.

157. Il s’agit pour les États de « tâcher de faire en sorte que les fonctionnaires et auto-rités aident » et non pour les fonctionnaires et autoauto-rités de « tâcher d’aider ».

penchons donc en faveur de la première des deux réponses proposées, celle qui concerne le niveau normatif.

§ 3. l’éducation et la sensibilisation écologiques du public

Le § 3 de l’article 3 concerne « l’éducation écologique du public » et sa « sensibilisation aux problèmes environnementaux », « afin notamment qu’il sache comment procéder pour participer ». Il s’agit sans doute d’une obligation essentielle, dans la mesure où « le niveau d’instruction est (...) un facteur particulièrement déterminant de la participation » 158.

Par comparaison à ce qui a été dit ci-dessus à propos du § 2, il s’agit ici, dans le chef des Etats, d’une démarche active : pour remplir cette obli-gation, les autorités doivent prendre l’initiative et ne peuvent attendre une demande des particuliers.

Quant aux moyens concrets à mettre en œuvre, on peut sans doute renvoyer au Manuel de bonnes pratiques de la Convention qui fournit une série de « recettes » relatives aux moyens d’aider le public à parti-ciper 159.

§ 4. l’interdiction des vexations consécutives à la participation Les conséquences potentielles de l’obligation inscrite au § 8 de l’article 3 de la Convention sont relativement larges. En effet, il est indiqué dans ce texte que les Etats doivent veiller à ce que les personnes qui exercent leur droit à la participation « ne soient en aucune façon pénalisées, persécutées ou soumises à des mesures vexatoires en raison de leur action ». Cela a pour effet de donner la possibilité aux particuliers d’invoquer la violation de cette interdiction dans un certain nombre d’hypothèses 160.

158. J. laGroye, Sociologie politique, Paris, Dalloz, 1991, p. 331 ; comp. ég. Ch.-F. no

-tHomB, « Les modalités de participation des citoyens à la vie communale », in La parti-cipation directe du citoyen à la vie politique et administrative, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 219.

159. Public Participation in Making Local Environmental Decisions, Good Practice Hand-book, The Aarhus Convention Newcastle Workshop, DETR, Londres, 2000, pp. 49 et s.

(ci-après : « le Manuel de bonnes pratiques »).

160. Par exemple vis-à-vis de certaines communes qui rechignent manifestement à communiquer des documents administratifs ou qui opposent des refus d’autorisation administrative à certains citoyens qui ont été particulièrement actifs dans la lutte contre un projet précédemment mené ou soutenu par elles. On est évidemment loin ici du type de sanction que les particuliers peuvent subir ailleurs du fait de leur participation (comp. N. GiBril et A. assemBoni, « L’accès à l’information et la participation du public à la prise de décisions publiques en droit africain de l’environnement », in La protection

Toute la difficulté sera évidemment pour eux d’apporter la preuve que l’attitude adoptée à leur égard par telle ou telle administration constitue effectivement une pénalisation, une persécution ou une vexa-tion interdite par la Convenvexa-tion. En effet, il n’est pas toujours facile d’ob-tenir des éléments tangibles permettant d’établir l’intention à laquelle correspond le comportement d’une autorité 161.

Section III. le régime applicable aux différentes