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Les objectifs stratégiques des parties belligérantes de 1704 à

Première partie : Le rôle de la bataille dans le déroulement des opérations militaires

U NIQUA RATIO REGNI ?

1.3. Les objectifs stratégiques des parties belligérantes de 1704 à

1.3.1. S’attaquer aux maillons faibles de la Grande Alliance : les

princes d’Empire

1.3.1.1. La question bavaroise

Mener la guerre en union avec la Bavière représentait un problème nouveau pour les chefs militaires français. L‟alliance bavaroise n‟avait été définitivement acquise qu‟à la fin de 1702. Les opérations de 1703 pouvaient servir d‟exemple, mais le général français qui les avait menées, Villars, avait été envoyé faire face à la révolte des Camisards.

L‟entente avec la Bavière représentait la perspective de porter la guerre au cœur de l‟Empire, mais aussi la charge de protéger un petit pays sans défenses naturelles. Les choix

effectués face à une situation parfaitement nouvelle révèlent ainsi les conceptions stratégiques des Français en charge du haut commandement de la guerre.

Un consensus se dégage sur un point : la nécessité d‟envoyer des renforts pour compléter les régiments français de l‟armée du maréchal de Marcin, qui ont passé leurs quartiers d‟hiver en Bavière. La campagne de 1703 a en effet été très éprouvante, et l‟absence de communication avec la France a empêché les officiers de rentrer dans leurs provinces compléter leurs régiments ou leurs compagnies138. Marcin écrit régulièrement pour demander avec insistance l‟envoi de recrues, avertissant que, pour faire quoi que ce soit « avec quelque succez, il faut estre asseuré des recrues »139. De même, tous les généraux reconnaissent que pour traverser les défilés de la Forêt noire alors qu‟ils sont protégés par des troupes ennemies, ces soldats peu aguerris doivent être escortés par l‟armée du Rhin, sous la direction du maréchal de Tallard.

On s‟accorde également sur l‟action que devra mener Marcin – en parfaite intelligence avec Maximilien-Emmanuel – lorsqu‟il disposera de troupes suffisantes, que Chamillart évalue à quarante mille hommes140. Le maréchal aura pour but de menacer les Cercles de Souabe et de Franconie. Ces derniers, par le nombre de troupes qu‟ils fournissent à l‟Empereur, et par les ressources qu‟ils lui apportent, « forment presentement la principale puissance de l‟Empereur en Allemagne »141

. Ces circonscriptions impériales représentent donc des cibles prioritaires. Le maître mot de cette stratégie est « l‟inquiétude »142 : capables de se « porter en avant ou à droite ou à gauche »143, les troupes franco-bavaroises seront alors à même de menacer n‟importe quelle contrée. Il s‟agit donc de les inciter à « desarmer et demander la neutralité »144 : si les Cercles ne s‟accordent pas par un traité avec le roi, « on les ruinera entierement »145. Tallard ajoute même, optimiste, que l‟on pourrait, « s‟il se peut, […] les contraindre à donner des subsides et des places de sûreté, ou au moins des otages pour répondre de la validité de leur parole »146.

138 SHD AG, A1 1748, n°65, mémoire de Marcin à Chamillart, Augsbourg, 5 mars 1704. 139 SHD AG, A1 1748, n°37, mémoire de Marcin à Chamillart, Augsbourg, 9 février 1704. 140

SHD AG, A1 1747, Chamillart à Tallard, Versailles, 16 avril 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t. IV,p. 423-425.

141 SHD AG, A1 1748, n°133, Mémoire de Chamlay sur les affaires de la haute Allemagne, Versailles, 18

mai 1704.

142 SHD AG, A1 1748, n°38, Mémoire de Marcin, s. l., 9 février 1704. 143

Ibid.

144 Ibid.

145 SHD AG, A1 1748, n°133, Mémoire de Chamlay sur les affaires de la haute Allemagne, Versailles, 18

mai 1704.

146 SHD AG, A1 1747, Mémoire de Tallard, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t.

Il est prévu que cette opération soit divisée en deux phases : en premier lieu, on se contentera de menaces, en faisant paraître un manifeste clamant que le parti des Deux- Couronnes ne songe pas aux conquêtes, mais recherche simplement un moyen de faire une paix rapide. Ce texte doit également souligner que l‟accommodement avec les princes allemands est d‟autant plus souhaitable pour ces derniers que ce sont eux-mêmes qui subissent tous les malheurs de la guerre, puisque les conflits se déroulent sur leur territoire. En second lieu, si malgré ces avertissements, les Cercles ne sont toujours pas enclins à la négociation, on hâtera leur décision en exécutant les menaces : « Il faut esperer que la force opérera ce que la douceur et la voye d‟insinuation n‟auront pu faire »147

.

Tous les généraux sont convaincus de la faible détermination des Cercles, et ne voient pas ce qu‟ils peuvent rechercher dans cette guerre. Chamlay appuie de tels arguments avec l‟exemple du margrave de Bade, à la fois doté de qualités militaires et d‟un souci très précautionneux pour le sort de ses propres États, c‟est-à-dire pour celui de ses propres revenus :

« [Comme l‟a montré] la manière dont ce prince s‟est conduit l‟année passée, le désir de conserver son pays le portera toujours, indépendamment du préjudice qui pourra en arriver à l‟Empereur et à l‟Empire, à employer un grand nombre de troupes pour le couvrir ; et certainement c‟est un grand bien pour le roi que ce prince ait eu ce goût, car s‟il ne se fût pas mis en peine de son pays, qu‟il se fût contenté de mettre de bonnes garnisons dans les places du haut Rhin et du voisinage de ce fleuve, et qu‟il eût fait passer l‟année dernière en Souabe toutes les troupes qui ont été employées à la garde des postes de Bühl et de Stollhoffen, il aurait pu embarrasser M. l‟Électeur de Bavière »148.

Le maréchal de Marcin propose en février 1704 un plan pour mettre ces objectifs en pratique : s‟emparer, avant même l‟ouverture de la campagne, ou après avoir reçu les renforts réclamés, de la ville et du château d‟Höchstädt, pour ensuite se porter sur Nördlingen et Wissembourg. L‟objectif de toutes ces manœuvres est Nuremberg, « dont l‟importance est assez connue pour qu‟il soit inutile d‟en parler »149

: la possession de cette ville au cœur de la Franconie contraindrait les ennemis à se diviser pour protéger toutes les places qui pourraient être menacées. Lorsque Tallard rencontre Marcin afin de lui apporter des recrues pour son

147

SHD AG, A1 1748, n°133, Mémoire de Chamlay sur les affaires de la haute Allemagne, Versailles, 18 mai 1704.

148 SHD AG, A1 1893, p. 77, Mémoire de Chamlay, février 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault,

op. cit., t. IV, p. 382-396.

armée, ces objectifs n‟ont guère changé. Tallard annonce en effet au secrétaire d‟État de la guerre que les troupes franco-bavaroises

« commencent a se preparer au siege de Norlingue, qu‟ils doivent commencer entre le 10 et le 20 de juin. Ils disent que la prise de cette place couvre toutes celles que nous possedons sur le Danube, et donne par conséquent lieu de fortifier l‟armée en affoiblissant les garnisons. Ils adjoutent qu‟elle ouvre l‟entrée de la Franconie, qu‟elle porte sur Nuremberg et que dés que nous la tiendrons, les ennemis seront obligés de se partager pour deffendre leur pays »150.

Selon Tallard, il convient d‟avoir neutralisé les Cercles avant de pouvoir envisager ce qui était pourtant, dans l‟esprit de Villars, prioritaire : une offensive dirigée sur Vienne151

. La perspective d‟envahir l‟Autriche est certes caressée par tous les généraux, mais on considère que de nombreuses conditions préalables doivent être obtenues. En premier lieu, il faut une victoire rapide contre les Cercles pour avoir le temps d‟agir avant l‟hiver : « Si l‟on était assez heureux pour consommer cet ouvrage en peu de temps, on serait en état […] de retomber sur la Bohême ou sur l‟Autriche, et de réduire l‟Empereur à la nécessité indispensable d‟avoir recours à la modération du roi, et à lui demander la paix »152.

D‟autre part, la capacité des Français à agir se trouve également dépendre du nombre et de l‟attitude des ennemis, c‟est-à-dire du rapport de forces dont disposera l‟Électeur dans l‟Empire : « Quant au dessein de retomber sur la Bohême ou sur l‟Autriche après avoir subjugué les Cercles de Souabe et de Franconie, il est beau et grand, mais vaste ; et tout ce qu‟on peut dire, pour ne promettre rien à propos, c‟est qu‟il n‟y a point de doutes que l‟Électeur ne profite des conjonctures et de la force de l‟armée pour en tirer le meilleur parti qu‟il se pourra »153. Chamlay quant à lui ne nie pas les avantages d‟une expansion à l‟est, si

elle est destinée à mieux protéger la Bavière :

« J‟ai toujours cru que le moyen de faire la guerre avec succès dans l‟Empire, de la manière dont les choses y sont présentement disposées, était, non de porter les forces bien avant du côté des États héréditaires de l‟Empereur et particulièrement du côté de

150 SHD AG, A1 1746, n°11, Tallard à Chamillart, camp de Gindlingen, 23 mai 1704.

151 Le maréchal de Marcin souligne quant à lui que l‟on ne peut pas agir sur l‟Autriche rapidement,

puisqu‟il est nécessaire de ne pas faire faire trop de chemin aux réserves : si « nous prenions à droite en descendant le Danube pour nous enfoncer dans l‟Autriche, elles coureroient risque de ne nous joindre peut estre de longtemps et avec difficulté ». SHD AG, A1 1748, n°38, Mémoire de Marcin, s. l., 9 février 1704.

152 SHD AG, A1 1747, Mémoire de Tallard, 11 janvier 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit.,

t. IV, p. 374-379.

153

SHD AG, A1 1748, n°91, Mémoire de Marcin, s.l., 31 mars 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault,

l‟Autriche, parce que je trouvais à cela plus d‟éclat et d‟apparence que de solidité, hors à l‟égard de Passau et de Kufstein, pour s‟assurer de l‟Inn et du Danube de ce côté-là, et pour couvrir les États de M. l‟Électeur de Bavière du côté du Tyrol et de l‟Autriche, mais d‟attaquer les princes et États qui fournissent beaucoup de troupes à l‟Empereur et qui forment sa principale puissance dans l‟Empire »154.

Nous pouvons ainsi observer une quasi-unanimité sur l‟objectif assigné aux troupes de Marcin et de l‟Électeur : leur priorité est d‟obtenir des garanties de la part des princes et États d‟Empire avant de songer à l‟Autriche. En revanche, les avis divergent sur le rôle que doit jouer l‟armée du Rhin après avoir fourni des hommes ainsi que de l‟argent aux troupes franco- bavaroises.

Pour Chamlay, la priorité est l‟obtention d‟une paix rapide. Il propose donc que les forces de Tallard adoptent une attitude audacieuse et agressive : « Il est certain que le roi ne saurait rien faire de plus capable de procurer l‟avancement de la paix que d‟employer ladite armée à presser d‟un côté vivement l‟Allemagne, pendant que M. l‟Électeur de Bavière et M. le maréchal de Marcin la presseront de l‟autre. Tout ce qu‟on pourrait entreprendre sur le Rhin, quoique excellent pour le bien et l‟intérêt de l‟Alsace et par conséquent du royaume, étant constamment fort inférieur en prix et en mérite à ce qu‟on pourra faire plus avant en Allemagne de concert avec M. l‟Électeur de Bavière ». Tallard doit donc selon Chamlay agir sur le haut Necker, en étant constamment en mesure de joindre l‟Électeur, pour opprimer le Wurtemberg et le pays de Bade.

Chamlay est conscient des risques : une telle attitude laisserait l‟Alsace sans protection, et surtout il pourrait « être contre la prudence de jeter ainsi toutes ses forces bien en avant en Allemagne et de s‟exposer à n‟avoir aucune ressource, si par malheur on venait à perdre une bataille ». Chamlay répond à cette objection en soulignant que la guerre est d‟une constitution tout à fait nouvelle, où « tout est forcé » : la forte imbrication géographique des différents belligérants implique de toutes parts des risques pour ses frontières. Il donne pour modèle des paradoxes de cette guerre la situation de l‟Empereur qui, alors qu‟il est menacé par la Hongrie et la Bavière, doit envoyer la plupart de ses troupes en Italie, malgré le risque de les perdre, tabt il est convaincu que le sort de la guerre se joue dans le Piémont155.

Le marquis de Chamlay oppose ainsi deux types de campagnes : d‟une part, celles qui caractérisent une guerre ordinaire, menées pour faire « des conquestes et des establissements

154 SHD AG, A1 1893, p. 77, Mémoire de Chamlay, février 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault,

op. cit., t. IV, p. 382-396.

de proche en proche »156. Or la paix de Ryswick a bien montré que le but de Louis XIV n‟était pas d‟accumuler les places sur la rive droite du Rhin, et que toute nouvelle acquisition devrait être rendue lors de la paix future. C‟est pourquoi l‟armée du roi a ici affaire à un autre type de campagne, destinée à « procurer au plus tost le réstablissement de la paix », en raison du coût énorme et de l‟épuisement qu‟occasionne la présente guerre157

.

Le maréchal de Marcin, inquiet d‟être laissé seul au cœur de l‟Empire, appuie bien évidemment les propositions de Chamlay : « Le Roy ne sçauroit rien faire de plus utile pour son service, ny de plus propre à avancer la paix, que de laisser l‟armée de M. le marechal de Tallard, sur le haut Neckre, pour y agir de concert avec M. l‟Électeur de Bavière »158

. Il insiste sur la nécessité de pouvoir faire communiquer rapidement les troupes, craignant d‟être accablé seul par un renfort des Alliés qui pourrait surgir pour soutenir les troupes impériales.

En revanche, le principal intéressé, le maréchal de Tallard, exprime à partir d‟avril une opinion très différente159. Il indique en premier lieu à Chamillart les faiblesses inhérentes à une action au cœur de l‟Empire : il souligne tout d‟abord la vulnérabilité de l‟Électeur, tant en raison du territoire qu‟il doit conserver que de son manque chronique d‟hommes et d‟argent, malgré les renforts qui lui ont été fournis. Ensuite, il indique que le nombre de troupes dont les ennemis pourront disposer, si celles-ci sont aussi nombreuses que l‟an passé, mais mieux employées, doit « faire regarder l‟établissement d‟une communication comme une chose absolument douteuse »160. Enfin, « la Souabe est absolument ruinée », ce qui implique qu‟au moins une des deux armées françaises opérant dans l‟Empire devra prendre à nouveau ses quartiers d‟hiver en Alsace, renouvelant pour 1705 les angoisses et les difficultés du passage et de l‟apport des recrues.

En second lieu, il oppose à ces faiblesses franco-bavaroises les facilités dont jouiront les ennemis : la Franconie n‟étant « entamée que par un coin » (la frontière sud), ils auront tout loisir de la fortifier de troupes venant du nord, du Brandebourg par exemple. Mais à ces considérations militaires s‟ajoutent des réflexions politiques. Tallard en vient en effet à dénier

156 SHD AG, A1 1748, n°133, Mémoire de Chamlay sur les affaires de la haute Allemagne, Versailles, 18

mai 1704.

157 Ibid. 158

Ibid.

159 Notons que le maréchal de Tallard était favorable en janvier à une action contre les Cercles : il a donc

changé d‟avis entre-temps.

160

SHD AG, A1 1749, n°60-61, Tallard à Chamillart, Strasbourg, 11 avril 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t. IV, p. 413-420. Les citations du paragraphe suivant sont également issues de cette lettre.

tout intérêt au désarmement de ce Cercle, et à contester l‟idée que cela hâterait la fin de la guerre :

« Je dis plus : quand les princes et les villes qui le composent le voudraient, comment retireraient-ils leurs troupes qui sont dans l‟armée ennemie ? Au pis aller, les Hollandais n‟auraient à en user à leur égard comme ils font avec le Cercle de Souabe, qui, à la réserve du duché de Wurtemberg, ne donne plus rien pour la caisse militaire : c‟est ces premiers qui entretiennent les troupes ; ainsi sa neutralité n‟est plus de nulle importance ; elle serait plutôt à charge qu‟utile. Celle du Cercle de Franconie serait de même »161

.

La conséquence de cette vision pessimiste des opérations, qui estime que seul un « miracle » peut faire subsister une armée française en Bavière, est le choix d‟une campagne que Chamlay qualifierait d‟« ordinaire ». L‟armée de l‟Électeur et de Marcin doit vivre sur ses propres ressources, en recrutant des troupes en Bavière même, sans attendre de secours de France. Elle sera ainsi réduite, par la faiblesse de ses moyens à « se contenter [de faire] une forte diversion ». Les troupes du Rhin et de la Moselle, jointes ensemble, agiront dans le Wurtemberg, dans la vallée du Rhin ou dans le Palatinat, « toujours avec la vue de revenir au mois d‟octobre à portée de l‟Alsace »162

.

La carrière militaire de Tallard nous permet de comprendre sa grande prudence à l‟égard de la Bavière. Maréchal de création récente, il n‟a jamais opéré au-delà de la Forêt noire. En revanche, ses plus belles heures de gloire datent de l‟année précédente, où il a pu donner au duc de Bourgogne une stature de « roi de guerre » en dirigeant l‟armée dont était nominalement chargé le petit-fils de Louis XIV. Tallard s‟était emparé de deux places d‟importance : Brisach et Landau, fermant ainsi deux voies d‟invasion potentielle. En outre, il a remporté la bataille de Spire. Nous pouvons toutefois remarquer que ces victoires n‟auraient pas été possibles sans le départ de Louis de Bade vers la Bavière. Or, Tallard est dans le même temps resté sourd aux injonctions de Villars, qui le pressait de le rejoindre en Allemagne pour contrer ce prince qui a pu, sans être jamais menacé, s‟emparer d‟Augsbourg.

En outre, on peut expliquer ces choix stratégiques par la volonté de favoriser son intérêt personnel. Il est en effet fort probable qu‟une armée opérant sur la Moselle ou le Rhin aurait été pour cette année 1704 sous son seul commandement, alors qu‟il lui aurait fallu s‟accommoder, s‟il agissait plus profondément dans l‟Empire, des décisions du maréchal de Marcin et de l‟Électeur.

161

Ibid.

Le soin de trancher entre ces différentes opinions revient au roi seul, influencé en dernier lieu par son secrétaire d‟État de la guerre. C‟est également lui qui est chargé d‟exprimer les volontés du roi. Or, c‟est à la seconde option que va la préférence de Versailles : le roi, « sur le compte que [Chamillart] lui a rendu », qualifie les propositions de Tallard de « sages reflexions sur l‟état présent des forces de l‟Électeur […] et les différents partis […] que l‟on peut prendre, en perdant cette première idée de faire désarmer les Cercles et de porter la guerre bien avant dans l‟Empire, puisque les ennemis y ont de si grandes forces »163.

Tallard est donc chargé d‟opérer principalement sur le Rhin. On reconnaît là la politique de frontières sûres de Louis XIV. Ce souverain tient toutefois à respecter les termes de l‟alliance avec la Bavière, pour son honneur, et pour ne pas s‟aliéner l‟Électeur : l‟envoi des recrues est le signe que la France remplit « les engagements que M. l‟Electeur de Bavière doit attendre de son alliance ». Toute l‟habileté diplomatique de Tallard devra être employée pour justifier ce changement dans la conception de la campagne :

« Cet objet, qui est bien différent des premières idées que vous lui aviez données par votre projet, auquel il s‟est abandonné avec vivacité par les grands résultats qu‟il espérait en tirer, cet objet, dis-je, ne lui laissant d‟autre espérance que la jonction de dix mille hommes de recrues, pourrait lui faire de la peine et le déterminer à prendre une autre résolution ; c‟est ce que vous devez ménager avec beaucoup de prudence, et attendre à le faire connaître que vous ayez joint M. de Marcin »164.

De son côté, le maréchal de Marcin devra « insinuer » à Maximilien-Emmanuel que le plan choisi est le meilleur.

Si l‟on résume de façon schématique les objectifs que les divers chefs militaires français ont pu assigner à une campagne en Bavière, on peut en trouver trois. Le premier est de se