• Aucun résultat trouvé

La guerre de Succession d’Espagne, dénouement d’un siècle de guerre ?

Première partie : Le rôle de la bataille dans le déroulement des opérations militaires

U NIQUA RATIO REGNI ?

1.1. La guerre de Succession d’Espagne, dénouement d’un siècle de guerre ?

1.1.1. La question de la Succession d’Espagne

Lorsque Philippe IV meurt en 1665, il laisse en héritage à son fils Charles II l‟ensemble gigantesque constitué par les territoires de la couronne d‟Espagne : l‟Espagne elle-même, les Pays-Bas méridionaux, la Franche-Comté, de nombreuses possessions en Italie (la Lombardie, le royaume de Naples ou encore les présides de Toscane), enfin un considérable empire colonial hors d‟Europe. Or, le nouveau roi est de constitution très faible, et nul n‟imagine qu‟il pourra vivre de nombreuses années et avoir des enfants. Il n‟y a pas, en Espagne même, d‟autre héritier présomptif en cas de décès. Profitant de l‟affaiblissement temporaire de la monarchie ibérique, Louis XIV prétend à la succession de divers territoires, au titre de son mariage avec Marie-Thérèse, fille de Philippe IV : c‟est le prétexte du déclenchement de la guerre de Dévolution. Celle-ci se termine en raison non seulement, comme nous l‟avons vu, des pressions diplomatiques de la Hollande, de l‟Angleterre et de la Suède, mais aussi de la signature d‟un traité secret avec l‟Empereur. Ce « traité de Grémonville » – du nom de l‟ambassadeur français à Vienne –, entérine le 19 janvier 1668 l‟idée d‟un partage de la succession d‟Espagne entre les Habsbourg d‟Autriche et les Bourbons, dans l‟hypothèse où

Charles II mourrait sans enfants37. Dès lors, Louis XIV ne voit plus l‟intérêt de la guerre de Dévolution, et de combattre pour obtenir ce que le décès sans doute précoce du roi d‟Espagne va lui apporter sans coup férir. La longévité de Charles II déçut les attentes françaises – mais conformément à ce qui était escompté, le roi d‟Espagne n‟eut pas d‟enfants.

Il faut attendre 1698 pour que la question de la succession espagnole redevienne un élément de négociation diplomatique. Plusieurs prétendants à la succession, descendants de Philippe III ou Philippe IV, manifestaient alors leurs ambitions à la cour de Madrid : il s‟agissait principalement des Autrichiens (Léopold Ier et ses fils), des Français (le Grand Dauphin et ses fils) et des Bavarois (le fils de l‟Électeur de Bavière). Le marquis d‟Harcourt, ambassadeur de France en Espagne, cherchait à regrouper un parti favorable à une succession française38. Mais l‟amitié et l‟alliance pluriséculaire entre les Habsbourg de Vienne et de Madrid laissaient plutôt augurer que son successeur serait un Autrichien, l‟Empereur peut- être. C‟était le spectre du retour de l‟empire de Charles Quint, perspective qui réjouissait aussi peu la France que les puissances maritimes.

Le roi de France décida alors d‟entamer des négociations directement avec Guillaume III. Un premier traité de partage, négocié par le maréchal de Tallard, alors représentant de la France en Angleterre, fut signé le 10 octobre 1698 à La Haye. Il prévoyait l‟attribution de l‟héritage au prince Électoral de Bavière, et le démembrement de l‟empire espagnol, à la fois au profit de la France et du fils cadet de l‟Empereur. La signature avait été rendue possible par la modération dont fit preuve Louis XIV dans ses prétentions territoriales39.

La mort de l‟héritier présomptif, l‟année suivante, amena une renégociation. Le second traité fut signé à Londres et La Haye en mars 1700. L‟archiduc Charles, fils cadet de l‟Empereur, serait désigné comme héritier, tandis que le Dauphin deviendrait maître de toutes les possessions italiennes.

Il est possible de dégager des constantes dans ces différentes discussions : jamais la France ne prétendit accéder aux Pays-Bas, ce qui aurait rebuté profondément les puissances

37 Selon les termes de ce traité, Louis XIV obtenait les Pays-Bas avec la Franche-Comté, Naples et la

Sicile, les Philippines et les présides d‟Afrique du nord, ainsi que le royaume de Navarre. L‟Autriche y gagnait l‟alliance militaire française, et la régente d‟Espagne Marie-Anne se voyait contrainte d‟accepter ces accords secrets en échange de la restitution de la Franche-Comté en 1668. JeanBérenger, « Une décision de caractère stratégique : l‟acceptation par Louis XIV du testament de Charles II d‟Espagne », dans Revue internationale

d’Histoire militaire, n°82, Vincennes, Commission française d‟histoire militaire, 2002, p. 99.

38

Lucien Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris, Fayard, 1990, p. 33-34.

39 Lucien Bély, Les relations internationales en Europe,

maritimes40. En revanche, la possession par les Français de postes en Italie était destinée à empêcher une jonction territoriale entre Espagnols et Autrichiens, et à neutraliser l‟empire espagnol. Enfin, la perspective d‟échanger des territoires italiens avec des régions limitrophes de la France (Savoie et Lorraine) s‟inscrivait parfaitement dans le cadre de la recherche d‟un « pré-carré » défensif41. La succession d‟Espagne apparaissait ainsi comme l‟accomplissement de toute la politique étrangère de Louis XIV. Mais deux facteurs rendirent caducs les traités.

Il s‟agit en premier lieu de l‟hostilité de l‟Empereur, qui refusait que son fils soit dépossédé des possessions italiennes de la couronne d‟Espagne. Toutefois, une action militaire combinée de l‟Angleterre, de la Hollande et de la France pouvait aisément le neutraliser. Le second élément, le plus décisif, avait été largement négligé par les chancelleries européennes : il s‟agit du sentiment national espagnol, très fort à la cour de Madrid, qui refusait catégoriquement toute idée de partage de l‟empire. Nous verrons que ce sentiment demeurera très vivace tout au long de la guerre, malgré l‟importance des revers. C‟est ce qui amena Charles II à choisir comme héritier universel le petit-fils de Louis XIV, le duc d‟Anjou. Le soutien militaire de la France pouvait faire croire aux Espagnols qu‟ils seraient assez forts pour pouvoir défendre la totalité des territoires qu‟ils avaient rassemblés au cours des siècles précédents.

1.1.2. Le testament de Charles II

Cette décision inattendue provoqua la stupeur des cours européennes. Dès lors, un choix douloureux s‟imposait au roi de France : il pouvait encore soit refuser le testament, par respect envers les traités de partage, soit l‟honorer. Il préféra la seconde solution. Les motifs de cette décision, qui éclairent l‟attitude future des différentes puissances belligérantes, doivent être examinés. Il nous faut pour cela refuser de critiquer l‟acceptation du testament seulement en considération des malheurs qui l‟ont suivie, et se replacer dans le contexte de 1700, en examinant les arguments des différents interlocuteurs qui intervinrent dans les discussions.

Dans le camp des opposants, certains, comme Tallard, invoquaient le respect de la parole donnée en 1698 et en 1700. On trouvait aussi les partisans du « pré-carré », qui

40 LucienBély, Yves-MarieBercé, JeanBérenger, et alii, Guerre et paix dans l’Europe du

XVIIe siècle,

Paris, Sédès, 1991, t. I, p. 413.

41 Ibid., t.

aspiraient à des acquisitions territoriales modestes mais solides42. Ils arguaient qu‟en cas d‟acceptation du testament, la guerre contre l‟Empereur était inéluctable, voire susceptible de dégénérer en guerre générale. Torcy assura au roi « qu‟il n‟y avait point de comparaison entre l‟accroissement de la puissance et d‟États unis à la couronne aussi nécessaire que la Lorraine, aussi important que le Guipúzcoa pour être un chef de l‟Espagne, aussi utiles en commerce que les places de Toscane, Naples et la Sicile, et la grandeur particulière d‟un fils de France, […] qu‟en acceptant le testament il fallait compter toute une longue et sanglante guerre par l‟injure de la rupture du traité de partage et par l‟intérêt de toute l‟Europe à s‟opposer à un colosse tel qu‟allait devenir la France pour un temps »43. Plus profondément, on craignait qu‟à terme le roi d‟Espagne ne devînt un roi espagnol. Chamlay dans ses mémoires au roi soulignait ainsi que tout État suivait en politique étrangère ses « intérêts », plutôt que des principes moraux, religieux ou juridiques44. À plus ou moins long terme, Philippe V se détacherait donc de l‟alliance française :

« Quand un petit-fils de France, rempli du meilleur naturel du monde pour Sa Majesté, sera une fois revestu de la couronne d‟Espagne et qu‟il sera bien instruit des véritables intérests de son pays, il ne pourra sans se déshonorer et se discréditer parmy sa nation et mesme dans toutte l‟Europe, se dispenser de les suivre. Il les suivra mesme peut-estre, s‟il est ambitieux, plus exactement qu‟un autre estranger ou par émulation ou par politique pour s‟accréditer chez luy et chez les estrangers »45.

Les partisans de l‟acceptation du testament présentaient de leur côté les avantages à retirer d‟une alliance étroite avec l‟Espagne. Le chancelier, Pontchartrain, lié au milieu des négociants de l‟Atlantique et de la Manche46, rêvait des avantages économiques du commerce avec les possessions espagnoles des Indes occidentales. D‟un point de vue strictement militaire, il avançait également que puisque l‟on devait de toute façon lutter contre l‟Empereur, il était plus profitable de le faire avec l‟Espagne dans son propre camp. L‟alliance

42 C‟était ainsi la priorité de Vauban : « Toutes les ambitions de la France doivent se renfermer entre le

sommet des Alpes et des Pyrénées, des Suisses et des deux mers ; c‟est là où elle doit se proposer d‟établir ses bornes par les voies légitimes selon le temps et les occasions ». Vauban, « Intérêt présent des États de la chrétienté », cité par Albert de Rochas d‟Aiglun, Vauban. Sa famille et ses écrits, ses oisivetés et sa

correspondance, Genève, 1972, t. I, p. 490-496 ; publié à nouveau dans les annexes des Oisivetés de Vauban…,

op. cit., p. 1691-1699.

43 J. Bérenger, « Une décision de caractère stratégique… », art. cit., p. 105-106. Pontchartrain rétorqua

que la Lorraine, dont le duc Léopold était redevenu maître en 1697, n‟était plus qu‟un État neutralisé, « désarmé, démantelé, enclavé ». Ibid., p. 107.

44 J.-P. Cénat, Chamlay…, op. cit., t.

I, p. 231.

45 SHD AG, A1 1523, n°8, « Mémoire de Chamlay sur la succession d‟Espagne », Fontainebleau, 6

novembre 1700.

avec les puissances maritimes était plus que douteuse : on voyait mal Guillaume III soutenir avec ardeur les conquêtes de son vieil ennemi. Les craintes françaises de se retrouver seul face aux Habsbourg étaient, de ce point de vue là, tout à fait fondées. Le roi d‟Angleterre écrivait en effet à Heinsius : « Ayant fait un traité pour éviter la guerre, je n‟entends pas faire la guerre pour exécuter un traité »47.

Le roi, après avoir sollicité l‟avis de tous les membres du Conseil d‟En-Haut, prit seul sa décision. Il est possible qu‟il ait été influencé par la requête inattendue du Grand Dauphin, qui lui demanda pour son propre fils, le duc d‟Anjou, l‟héritage espagnol qu‟il estimait lui être dû48. La recherche de la gloire a ainsi joué dans le choix du souverain : en refusant le testament, il aurait honoré sa parole vis-à-vis des Alliés. Mais les territoires attribués à la France par le traité de partage auraient dû être conquis par une guerre qui aurait été « regardée dans le monde et à la postérité comme une chose injuste ; car il n‟y a pas moyen de se plaindre avec raison du roy d‟Espagne, ny des Espagnols, puisqu‟ils ont appellé à leur couronne l‟héritier naturel et légitime après Monseigneur et monseigneur le duc de Bourgogne »49.

Entre le 9 et le 10 novembre, trois événements jouèrent en faveur de l‟acceptation du traité. Le 9, le roi apprit que le Portugal refusait de signer un traité d‟alliance avec la France ; le même jour le duc de Savoie lui annonça par la voix de son ambassadeur qu‟il ne voulait pas s‟engager sur un échange entre le Milanais et la Savoie50

. Deux importants facteurs de succès pour l‟application des traités de partition disparaissaient ainsi. Enfin, Louis XIV fut réceptif aux « vœux des seigneurs et peuples d‟Espagne » – de nombreuses dépêches parvenues le 10 novembre, jour de la décision royale, soulignèrent leur espoir de voir Philippe V devenir leur souverain51. Ces renseignements firent également changer d‟avis Torcy et Beauvillier – la décision fut prise à l‟unanimité par le conseil du roi – ainsi que Chamlay, qui rédigea la journée même du 10 un mémoire récusant son opinion précédente d‟une hostilité irréductible entre Français et Espagnols.

47 Louis André, Louis XIV et l’Europe, Paris, A. Michel, 1950, p. 292. 48

L.Bély et alii, Guerre et paix…, op. cit., t. I,p. 425.

49 SHD AG, A1 1523, n°10, « Memoire de Chamlay sur la Succession d‟Espagne », Fontainebleau, 10

novembre 1700.

50

J.-P. Cénat, Chamlay…, op. cit., t. I,p. 252.

51 L.Bély et alii, Guerre et paix…, op. cit., t.

1.1.3. Le déclenchement de la guerre

La décision de Louis XIV semble avoir été au début assez bien acceptée par l‟ensemble des cours européennes, à l‟exception de l‟Autriche. Les puissances maritimes reconnurent Philippe V, qui fut acclamé à Madrid52. Mais certaines initiatives malheureuses de la part de la France excitèrent contre elle les puissances maritimes. Dès lors, la coalition que souhaitait Léopold disposait des moyens financiers pour s‟attaquer à ce royaume.

La première imprudence fut d‟avoir fait enregistrer par le Parlement de Paris le 1er

février 1701 des lettres patentes qui conservaient à Philippe V sa qualité de prince successible à la couronne de France53. Certes, on peut supposer que l‟objectif était surtout d‟éloigner la perspective d‟une succession des Orléans au trône de France ; Philippe V aurait pu, s‟il avait été appelé à hériter de la couronne de son grand-père, se trouver un remplaçant pour ceindre celle du Roi Catholique54. Mais l‟hypothèse de l‟union des monarchies de France et d‟Espagne en une seule couronne représentait un véritable spectre, qui effrayait les autres pays européens.

On peut aussi voir dans cette décision le refus du Roi-Soleil d‟admettre que les règles dynastiques puissent être altérées par des traités. Faut-il expliquer de la même façon la décision de Louis XIV, qui choisit de reconnaître le fils de Jacques II comme roi d‟Angleterre à la mort de ce dernier, le 16 septembre 1701 – décision qui constitue la seconde maladresse que l‟on peut reprocher au roi français ? Les réclamations de Marie de Modène, la femme du défunt, ne voulant pas que son enfant soit considéré comme un « simple particulier », eurent un certain poids : c‟eût été humilier une personnalité de sang royal que de ne lui reconnaître aucun titre. Mais la politique avait aussi sa part dans cette décision : le peuple anglais était d‟humeur changeante, et la restauration des Stuart était imaginable. Dans ce cas, il ne fallait pas que le roi de France semblât avoir abandonné un souverain légitime. Louis XIV attribuait en effet la politique ambiguë de Charles II à l‟égard de la France à son ressentiment envers l‟alliance entre Mazarin et Cromwell55

. Du reste, un tel geste pouvait sembler bénin, puisqu‟il ne faisait qu‟accorder au Prétendant les hommages dérisoires dont bénéficiait auparavant son père. Reconnaître un titre, ce n‟était pas nécessairement affirmer que les prétentions associées

52 Sur Philippe V et ses relations avec la France, voir AlfredBaudrillart, Philippe V et la cour de France,

t. I, « Philippe V et Louis XIV », Paris, Didot, 1890, 711 p. ; et Jean-François Labourdette, Philippe V,

réformateur de l’Espagne, Paris, Sicre, 2001, 610 p.

53 F. Bluche, Louis XIV…, op. cit., p. 771. 54

R. Hatton, « Louis XIV and his fellow monarchs », art. cit., p. 179.

à ce titre étaient légitimes. Guillaume s‟était fait nommer Rex Franciae dans le traité de Ryswick, sans que le Roi-Soleil n‟y vît d‟inconvénient56.

La troisième erreur attribuée à Louis XIV est d‟avoir chassé les troupes hollandaises de la « Barrière », c‟est-à-dire un ensemble de places-fortes situées aux Pays-Bas méridionaux, occupées par des forces bataves, qui constituaient un glacis destiné à prévenir une éventuelle attaque française contre les Provinces-Unies. Certes, d‟un strict point de vue diplomatique, il ne s‟agissait pas d‟une trahison. La convention hispano-néerlandaise de 1698 qui fixait les conditions de cette occupation stipulait qu‟on pouvait l‟annuler après un préavis de trois mois – préavis qui ne fut pas respecté57

. Une telle décision pouvait sembler être destinée à alléger les dépenses de la monarchie espagnole, puisque le paiement des troupes hollandaises était à leur charge. De même, ce retrait se fit sans violence, Guillaume III décidant de rappeler ses troupes pour éviter qu‟elles ne fussent considérées comme prisonnières si elles tardaient à partir. Toutefois, cette décision affola les dirigeants hollandais : leurs frontières se voyaient directement exposées, et plus rien ne s‟opposait à une nouvelle invasion française, plus aisée encore qu‟en 1672. La reconstitution d‟une Barrière fut l‟un des objectifs primordiaux de la diplomatie néerlandaise durant les négociations de paix58. Cet épisode, s‟ajoutant à d‟autres motifs d‟inquiétude, comme l‟arrivée de conseillers français en Espagne, fit craindre une mainmise de la France sur les affaires ibériques. La compagnie de Guinée reçut l‟Asiento de negros, privilège nécessaire pour acheminer des esclaves entre l‟Afrique et l‟Amérique espagnole, dans les ports de laquelle les navires de guerre français furent autorisés à pénétrer en janvier 170159. Les intérêts commerciaux des puissances maritimes étaient menacés.

L‟Empereur fut le premier à réagir militairement. Sans déclaration de guerre, il envoya en 1701 le prince Eugène affronter Catinat dans le Milanais, prétendant que la succession au duché de Milan était indépendante de celle au trône d‟Espagne, parce que c‟était un fief d‟Empire60

. Guillaume III de son côté excita son peuple contre la France, accusée de vouloir rétablir les jacobites et d‟interdire aux puissances maritimes le commerce avec l‟Amérique espagnole. Il fit voter par le Parlement l‟Act of Settlement (acte d‟établissement), en juin 1701, destiné à garantir la succession protestante sur le trône anglais. Ensuite, il congédia ce même Parlement, et en convoqua un autre pour le 10 janvier 1702, espérant que seraient élus des

56 En effet, la guerre de Cent ans s‟étant terminée sans traité en bonne et due forme, le roi d‟Angleterre

n‟avait pas eu à renoncer solennellement à une telle appellation. ArsèneLegrelle, La diplomatie française et la

Guerre de Succession d’Espagne, seconde édition, Braine-le-Comte, impr. Zech, 1895-1899, t. V, p. 9.

57 R. Hatton, « Louis XIV et l‟Europe… », art. cit., p. 133. 58 L. Bély, Espions et ambassadeurs…, op. cit., p. 535. 59

J. Black, European international relations…, op. cit., p. 127.

60 L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t.

députés encore plus hostiles aux deux monarchies Bourbon. Pour orienter le vote, on focalisa l‟opinion sur des incidents mineurs dus à des manifestations d‟enthousiasme spontanées de quelques partisans jacobites, et on diffusa les rumeurs de complots financés par la France61. Au jour de sa mort, Guillaume III avait suffisamment orienté l‟opinion britannique contre la France pour qu‟elle n‟évolue guère jusqu‟à la fin du conflit. Une politique similaire avait été menée, de l‟autre côté de la Manche, par le Grand Pensionnaire Heinsius, qui incitait les États Généraux à agir contre la France.

L‟Empereur, les Provinces-Unies et l‟Angleterre ne tardèrent donc pas à s‟allier le 7 septembre 1701 à La Haye. Les termes du traité ne remettaient pas en cause la légitimité de Philippe V, en revanche, ils revendiquaient pour l‟Empereur les possessions italiennes de l‟Espagne, le contrôle des Pays-Bas par les puissances maritimes, et la cession à ces dernières de places dans les Indes62. La situation fut définitivement clarifiée lorsqu‟ils déclarèrent en commun la guerre à Louis XIV et Philippe V, le 15 mai 1702.