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Le premier objectif de la recherche est de définir clairement l’environnement du poste de triage hospitalier dans lequel les acteurs interagissent. Les urgences pédiatriques présentent un « espace vivant » où les rencontres entre soignant, enfant soigné et la famille sont spécifiques au milieu. Lors de sa visite, le patient doit passer par plusieurs étapes ; l’accueil, le poste de triage, l’attente, la consultation avec le médecin, la salle de réanimation ou d’observation pour certains et l’hospitalisation pour d’autres. Ces phases se déroulent une à la suite de l’autre dans des environnements particuliers impliquant divers individus et de multiples relations interpersonnelles (carte conceptuelle 1) influençant directement le processus thérapeutique. Le deuxième objectif est l’étude de la proposition graphique comme hypothétique solution aux problèmes de communication existants entre les acteurs. Cette étude se divise en deux étapes : une recherche sur les « réseaux sémantiques » des maladies et une recherche sur les symboles graphiques et iconographiques interculturels des symptômes biomédicaux. Pour ce faire, il est nécessaire de développer une méthodologie rigoureuse qui permet l’évaluation de contenus visuels afin de créer une liste de critères de design définie sur lesquels se baseront les icones.

« Réseaux sémiotiques » des maladies

Les significations allouées aux maladies sont plurielles et influençables par de multiples facteurs sociaux, culturels, historiques, etc. De ce fait, plusieurs auteurs (Turner, Les tambours d’affliction : analyse des rituels chez les Ndembu de Zambie , 1972 ; Gadamer, L’Herméneutique, 1990 ; Good, Medecine Rationality and Experience. An anthropological perspective, 1994 ; Ricoeur, Les trois niveaux du jugement médical , 1995) indiquent qu’il n’est pas possible de définir un symptôme par un seul terme linguistique, car il n’entre pas dans une catégorie pathologique définie. Le patient exprime des signes pathologiques de façon verbale ou via l’expression de son corps (facial et gestuel). Ces signes ou manifestations empiriques de la maladie sont interprétés par le professionnel d’après ses connaissances médicales comme un ou des symptômes : « a sign becomes a symptom in reference to the code of medical semiology ». (Fainzang, 2011) L’interprétation du médecin se fait sur deux niveaux; il interprète le signe qu’il perçoit chez le patient et il interprète l'explication du patient quant au signe qu’il ressent. La configuration et l’acte de lecture de ces signes se traduisent par le diagnostic. (Massé, 1999) Le diagnostic est plus précis, mais les signes et les symptômes peuvent provenir de diverses sources et deviennent, alors, indéfinissables. Par exemple, une douleur au niveau de la tête peut représenter soit une céphalée, un hématome, une tumeur ou une commotion cérébrale. Face à cette réalité, Good (1994) propose une catégorisation à travers le terme de « semantic illness network ». Les réseaux sémantiques15 des maladies se forment à travers les expressions langagières, gestuelles (selon les rites et les croyances) et visuelles. Ce mémoire se penche particulièrement sur les expressions visuelles fixes, et donc les images, avec l’objectif de valider, de comprendre leur dynamique de transmission et de créer un support graphique pouvant aider la communication entre les professionnels de la santé et les patients, car l’abstraction des signes est « la forme qui rend possible la communication et structure l’intersubjectivité. » (Massé, 1999; 14)

15 « Good uses the term semantic illness network to label the network of words, situations, symptoms and

Création d’images de symptômes biomédicaux

La difficulté de la création de l’image pour le Lingvô bêta se trouve dans la façon de représenter le symptôme afin que l’image soit comprise par une grande majorité répondant ou correspondant, par conséquent, à un ensemble de visions différentes d’une même idée qu’est la maladie. Il est donc question, en quelque sorte, de dépasser l’indexicalité de manière à ce que l’image soit reconnaissable indépendamment du lieu, du moment et de la personne qui la regarde. En d’autres mots, l’image doit permettre un dialogue multiculturel. Trouver l’émetteur (l’image) qui soit compris par tous les récepteurs est l’enjeu au cœur du projet. Il faut ainsi considérer tant le sens commun à tous et les raisons pratiques qui motivent chacun des observateurs (expliquer le motif de la présence aux urgences ou comprendre les symptômes du patient).

Un second point à prendre en considération lors de la création de l’image est l’impact qu’elle produit. Lorsqu’un individu observe une image, c’est l’hémisphère droit de son cerveau qui est stimulé. Il s’agit du même qui commande l’imagination, les émotions et les sentiments. C’est pourquoi, les symboles sont remplis de sens et ont, par conséquent, une forte portée pour mystifier, leurrer ou pour encourager, appuyer, former les gens à suivre une certaine voie et penser d’une certaine manière. Chaque signe illustré doit ainsi être longuement réfléchi et en connaissance des gammes d’échos possibles.

L’image est une représentation fictive de la réalité conceptuelle et plusieurs études démontrent que plus une représentation est proche de la réalité (hologrammes, modélisation, …) moins les individus sont réceptifs et confortables à interagir. C’est pourquoi une image générique qui exclut toutes les variables non significatives est souhaitable. Dans le cas d’une image détaillée, une lecture attentive et un certain lapse de temps pour la décoder sont nécessaires ; ce qui fait justement défaut dans une situation d’urgence. Ainsi, l’image doit être simplifiée à son maximum sans la rendre incompréhensible.