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2.1 Projets de prise en charge orthophonique pour des patients atteints d’une DTA

2.1.3 Objectifs de cette PEC : le triple combat des patients

Voici le témoignage de Blandine (Gzil et Hirsch, 2012, in Deleplace, 2013), une personne atteinte de DTA, qui illustre les objectifs que peuvent revêtir une PEC orthophonique : « Vivre avec cette maladie, c’est un triple combat. Le premier de ces

combats, c’est avant tout de ne pas perdre mes capacités : me battre pour les garder le plus longtemps possible. Le deuxième c’est d’accepter, car si je n’accepte pas la perte de ces capacités, alors je n’ai qu’à sombrer. Donc ce 2ème combat : m’accepter telle que je suis et ne serai plus. M’accepter avec tous ces moins. Et enfin, en même temps que ces deux combats : un troisième combat, celui de m’inventer des solutions, m’inventer un avenir. Le troisième combat est de trouver des solutions de remplacement. »

En d’autres termes, les objectifs d’une PEC orthophonique sont (Rousseau, 2002):

 maintenir les capacités de communication du patient et ralentir le processus de dégénérescence,

 permettre aussi longtemps que possible le maintien d’une vie socio-familiale et faire que le malade continue à être reconnu comme communiquant,

 s’adapter aux difficultés du patient et trouver des moyens permettant de les compenser.

2.1.3.1 « Ne pas perdre mes capacités » : stimuler les capacités

résiduelles nécessaires à la communication

2.1.3.1.1 Mémoire, praxies, gnosies et fonctions exécutives

Comme l’expose Cornet (2010), la communication est le résultat de la mise en jeu des fonctions mnésiques, langagières, praxiques, gnosiques et exécutives. Ainsi, afin de préserver les capacités communicationnelles du patient, il va falloir entraîner non seulement les capacités langagières, mais également toutes les fonctions cérébrales citées ci-dessus.

Pour cela, l’orthophoniste va proposer des activités permettant de stimuler les fonctions cognitives en s’appuyant sur les centres d’intérêt du patient (Pottier, 2014). Cet aspect de la rééducation est basé sur le concept de réserve cognitive développé par Stern (2009) in Fossard (2013), qui suggère que le cerveau « cherche activement à faire face au

dommage cérébral en utilisant des systèmes de traitements cognitifs préexistants »

(c’est-à-dire en utilisant un réseau cognitif de manière plus intensive) et « en recrutant de nouvelles

voies de traitement » (c’est-à-dire en activant d’autres régions cérébrales plus efficaces que

celles visées initialement pour résoudre la tâche).

2.1.3.1.2 Langage et communication

Nous avons vu qu’il était nécessaire de stimuler les capacités résiduelles du patient qui participent à la fonction de communication. Il est également nécessaire de stimuler le langage et la communication afin qu’ils restent fonctionnels le plus longtemps possible (Bouzelloc et Le Lay, 2011).

Ainsi, l’orthophoniste proposera des mises en situation permettant d’exploiter les capacités de communication préservées, cela dans les conditions les plus écologiques possible, afin de permettre un transfert dans les activités de la vie quotidienne. Toute situation ou support pouvant favoriser le langage oral (chants, musiques, films, livres, journaux, sorties, etc.) ainsi que toutes les modalités de stimulations (vue, ouïe, odorat, goût, toucher) pourront être utilisés. Selon Patry-Morel (2006) in Bouzelloc et Le Lay (2011), cela permettra de maintenir les réseaux sémantiques existants, de favoriser les résurgences lexicales, d’entraîner la morphosyntaxe et de préserver au mieux les habiletés discursives et pragmatiques. Selon Bouzelloc et Le Lay (2011), c’est l’utilisation la plus fréquente possible des capacités de communication préservées qui permettra de les maintenir efficientes le plus longtemps

De plus, l’orthophoniste incitera le patient à communiquer le plus possible, même si les propos du patient sont erronés, car comme l’explique Rousseau (2013), ce sont les patients qui communiquent le plus, qui parviennent le mieux à communiquer, même s’il y a des actes inadéquats dans leurs tentatives de communication.

2.1.3.2 « M’accepter telle que je suis » : renforcer une identité

fragilisée par la maladie en favorisant le maintien du

statut d’être communicant

Les troubles du langage et de la communication apparaissant chez les patients atteints de DTA peuvent facilement conduire l’entourage et le personnel soignant à délocuter le malade, et ainsi à le priver de son statut d’interlocuteur, ce qui fragilise son identité (Rousseau, 1995). Or, l’un des rôles de l’orthophoniste, selon Rousseau et Gatignol (2012) est de faire en sorte que « le malade soit toujours reconnu, à ses yeux et aux yeux de son

entourage, comme un individu communicant, et tout simplement une personne à part entière ». L’orthophoniste a donc pour mission de souligner les possibilités communicatives

du patient auprès de ses proches et également auprès du patient lui-même, afin d’éviter que l’un ou l’autre des partenaires de l’interaction ne renonce à communiquer. Maintenir le statut d’être communicant du patient permet de consolider son identité, en renforcant l’un des trois comportements de base décrits par Feil (2012) : s’exprimer.

De plus, en favorisant la reconnaissance du statut d’être communicant à la personne atteinte de DTA, l’orthophoniste contribue à éviter l’apparition de troubles surajoutés (Rousseau et Gatignol, 2012) tels que l’isolement, les troubles psychologiques et les troubles comportementaux. Rousseau (2004) modélise la communication avec le malade atteint de DTA par le schéma présenté à la page suivante.

La communication avec le malade Alzheimer

Le malade Alzheimer L’entourage

Troubles du langage et Renoncement à la de la communication communication

Isolement du malade

Perte du statut d’individu communicant

Apparition de troubles psychologiques et comportementaux

En favorisant la communication du patient, l’orthophoniste peut contribuer à rompre ce cercle vicieux dans lequel peut entrer le patient par ses troubles du langage et de la communication.

2.1.3.3 « Trouver des solutions de remplacement » : optimiser la

communication et faciliter les coûts mnésiques et cognitifs

« S’il fonctionne sur un mode différent, le patient dit dément a aussi le droit d’exister sur un mode différent » (Ogay, 1996).

2.1.3.3.1 Optimiser la communication en adaptant l’environnement Selon Patry-Morel (2006) in Bouzelloc et Le Lay (2011), « à terme, la rééducation du

langage vise l’optimisation des capacités de communication » dans la PEC orthophonique de

patients atteints de DTA.

L’objectif, selon Pottier (2014), sera alors de s’adapter au mieux aux difficultés du patient en modifiant le contexte de la communication, en privilégiant un ou des canaux de communication particuliers et en adaptant son message aux possibilités intellectuelles du patient, en fonction de ses attentes, de ses désirs et de son histoire.

Les possibilités d’adaptation du patient étant réduites, l’entourage aura un rôle primordial à jouer pour s’adapter aux capacités de communication de leur proche atteint de DTA. C’est au cours de séances destinées aux aidants que l’orthophoniste va leur transmettre des conseils pour qu’ils puissent faire face plus facilement aux troubles spécifiques du patient. Voici quelques conseils essentiels pour faciliter la communication, qui ont été développés par Ploton (2010) :

- Mettre en place un cadre d’échanges protégé,

- Recourir à un maximum d’empathie, renforcée par un toucher chaleureux et une posture non-agressive,

- Savoir rejoindre le patient dans le registre émotionnel, registre resté performant, - Respecter des préliminaires avant d’entrer dans le vif du sujet et prendre le temps

d’attendre des réponses qui peuvent être longues à venir,

- Valider l’attitude de l’interlocuteur, son point de vue, ses réactions (par exemple : « Vous avez bien raison! » « C’est normal »),

- Soutenir son attention en ne le quittant pas du regard. 2.1.3.3.2 Proposer des aides externes

Chez les patients atteints de DTA, l’aspect fonctionnel de la mémoire, des fonctions cognitives, des fonctions exécutives et de la communication peut souvent être facilité par des aides externes (Bouzelloc et Le Lay, 2011). En effet, il est possible d’installer des repères temporels (calendrier, horloges, etc.), spatiaux (signalisation des pièces, stabilité de l’environnement, etc.), des aide-mémoires (utilisation d’un agenda dans lequel le patient écrit tout ce qui lui semble important, etc.) et des appuis à la communication (album photos permettant un support à la communication, etc.) permettant de soulager le coût cognitif demandé au patient.

2.2 Comment l’orthophoniste peut-il aborder sa prise en