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3.2 Apports possibles de l’expression corporelle dans la PEC orthophonique des

3.2.4 Bien-être

Jouvent (2009) in Lejeune, Desana et Ducloy (2011) définit l’expression corporelle comme une manière de « respirer la vie ». Pour Cyrulnik (1993) in Lejeune, Desana et Ducloy (2011), il s’agit de « goûter le monde ». Ces différentes expressions renvoient à une même idée : il existe un impact positif de l’expression corporelle sur le bien-être global de la personne. Selon Lesniewska (2003), la danse stimule les récepteurs dopaminergiques du cerveau, c’est-à-dire les circuits neuronaux de la récompense, ainsi que les circuits de l’apprentissage et du mouvement. D’après Feil (2012), les stimuli non-verbaux, tels que le toucher, le contact visuel, la copie/adaptation des mouvements et les stimulations sensorielles,

3.2.4.1

Identité

D’après Basquin (1995), « quelle que soit la mentalisation, le moi corporel continuera

de vivre, fusse chez l’adulte ou chez le vieillard ». Il existe donc un moi corporel à tout âge de

la vie. D’ailleurs, pour Lejeune, Desana et Ducloy (2011), le mouvement constitue un repère identitaire, car « chaque malade a sa manière de se tenir, de se redresser, de marcher, de

s’adresser à l’autre, et de danser, [...] chaque malade a son style de mouvement ». En entrant

dans le mouvement, le malade redevient acteur, ce qui renforce son identité gestuelle selon Lejeune, Desana et Ducloy (2011). Ainsi, maintenir des activités physiques quotidiennes éviterait au malade d’éprouver un sentiment d’inutilité. Or, selon Feil (2012), « être utile » est l’un des trois comportements de base de l’être humain avec « être aimé » et « s’exprimer ».

D’après Uhalt (2012) in Parlange et Antoine (2012), « le fait de s’adresser à la

personne dans son unité », comme le permet l’expression corporelle, sollicite le patient dans

sa représentation de soi, son identité. C’est ce que définit également Vaysse (1997) in Lesniewska (2003), pour qui la danse-thérapie est « une utilisation psychothérapeutique du

mouvement comme processus pour promouvoir l’intégration physique et psychique d’un individu ». Pour Lowen (1977) in Heller (1991), « l'individu agit comme un tout » à travers

son expression émotionnelle. Ce type d’expression permet donc à la personne de se réunifier. Enfin, pour Salzer (1981), l’expression corporelle a pour effet la reconnaissance de son propre corps comme « corps choisi, ou tout du moins accepté, par rapport à un corps subi ».

3.2.4.2 Renarcissisation

« Dès qu’on danse, on est autre » rapporte Schott-Billmann (2001) in Lejeune,

Desana, Ducloy (2011). En proposant d’investir l’expression corporelle, le professionnel privilégie la communication dans sa globalité en donnant à la personne malade un statut d’être communicant. Par ce fait, l’expression corporelle constitue un support à la renarcissisation.

Selon Lesniewska (2003), il est important de montrer à la personne qu’une amélioration est toujours possible et qu’il n’y a pas d’âge pour progresser, apprendre et s’amuser. D’ailleurs, d’après Sellal (2005) in Lesniewska (2003), la maladie neurodégénérative ne prive pas nécessairement le patient de toute créativité et peut même, dans certains cas, faire émerger un talent artistique. C’est le cas du peintre De Kooning qui, selon Christen (1996) in Lesniewska (2003), continua à peindre alors qu’il était déjà atteint de la maladie. Certains considèrent même que ses œuvres ont gagné en originalité et en profondeur.

L’atelier d’expression corporelle permet ainsi à la personne malade d’évoluer avec la maladie en développant des capacités nouvelles dans le champ de l’expression corporelle, car comme l’explique également Chaby (2012), des capacités d’apprentissages sont encore possibles grâce à la mémoire implicite (par la répétition). Ces capacités nouvelles inattendues et la créativité du patient peuvent déclencher « un nouveau regard sur le malade », selon Lejeune, Desana et Ducloy (2011).

De plus, il n’y a pas de notion d’échec dans l’expression corporelle. Tout mouvement, toute proposition est acceptable, ce qui concourt également à une possible renarcissisation.

L’expression corporelle semble être un outil de PEC adapté pour des patients atteints de DTA.

Elle apporterait des bénéfices au niveau de la communication, des fonctions cognitives, du comportement et du bien-être.

Au vu des éléments théoriques détaillés ci-dessus, nous avons choisi d’étudier la pertinence de proposer des ateliers d’expression corporelle dans la PEC orthophonique de patients atteints de DTA. Notre objectif est de savoir si l’expression corporelle, proposée dans le cadre d’une PEC orthophonique de groupe, permettrait de renforcer, de stimuler et/ou d’optimiser les capacités de communication résiduelles des patients. Afin d’apporter une réponse à ce questionnement, voici les hypothèses que nous formulons et que nous tenterons de valider ou d’invalider grâce à nos expérimentations :

1

ère

grande hypothèse : Les ateliers d’expression corporelle seraient un

support thérapeutique adapté pour favoriser la communication du patient

atteint de DTA.

a. Ces ateliers permettraient d’optimiser la communication non-verbale du patient atteint de DTA. Comme les ateliers mettent l’accent sur les possibilités d’expression par

le corps, il se pourrait que les patients investissent davantage ce canal (qui est relativement préservé chez les patients atteints de DTA) et diversifient leurs actes de communication non-verbale par imitation.

b. Ces ateliers permettraient de stimuler la communication verbale du patient atteint de DTA. Les ateliers, en proposant des activités basées sur le pôle sensitivo-moteur (pôle

préservé chez les patients atteints de DTA), offriraient un support d’échanges verbaux accessible aux patients atteints de DTA. De plus, l’organisation des activités dans l’espace (participants assis en cercle et rencontres duelles) faciliterait l’investissement des échanges verbaux.

c. Ces ateliers seraient un support adapté pour renforcer le statut d’interlocuteur. Les

ateliers, proposant des activités où une réponse juste n’est pas attendue, offriraient aux patients atteints de DTA des occasions d’investir leur statut d’interlocuteur de manière positive.

d. Ces ateliers seraient un support adapté pour renforcer les liens sociaux entre des patients atteints de DTA. Les ateliers, proposant une activité partagée avec plusieurs

résidants, permettraient de consolider les liens sociaux existant entre les résidents et ainsi de renforcer leur plaisir à échanger ensemble.

e. Ces ateliers permettraient de favoriser la disponibilité du patient à entrer en communication. Les ateliers d’expression corporelle, en employant le toucher, le contact

visuel, le mouvement et les stimulations sensorielles, pourraient permettre de réduire les troubles comportementaux des patients atteints de DTA et de leur apporter un certain bien-être, ce qui les rendrait davantage disponibles à entrer en communication.

2

ème

grande hypothèse : Les ateliers d’expressions corporelle permettraient

de stimuler certaines fonctions cognitives altérées dans la DTA et entravant

la communication.

a. Ces ateliers seraient un support adapté pour stimuler la mémoire. Les ateliers, en

proposant des activités faisant appel à la mémoire, permettraient de la stimuler. De plus, la régularité des séances permettrait également de stimuler une mémorisation des activités, des lieux et des personnes y participant.

b. Ces ateliers seraient un support adapté pour stimuler l’orientation spatiale. Les

ateliers, en proposant diverses activités mettant en jeu l’espace proche (espace disponible pour se mouvoir sans changer de place) et l’espace lointain (espace de la pièce), permettraient d’ancrer les patients dans l’espace.

c. Ces ateliers seraient un support adapté pour stimuler certaines fonctions exécutives.

Les ateliers, en faisant appel aux capacités d’attention (notamment pour rester concentré sur les activités proposées) et d’abstraction (dans les activités faisant appel à la créativité et à l’imaginaire), permettraient de stimuler ces deux fonctions exécutives.

3

ème

grande hypothèse : Les ateliers d’expression corporelle auraient un

retentissement positif sur les comportements de communication du patient

dans sa vie quotidienne.

Si la communication peut être favorisée entre les patients au sein des ateliers, les comportements de communication positifs (concernant la communication non-verbale, la communication verbale, le statut d’interlocuteur, les liens sociaux et la disponibilité à entrer en communication) observés durant les ateliers pourraient être transférés dans la vie quotidienne du patient grâce à la mémoire procédurale.

Nous avons effectué la recherche de nos sujets d’expérimentation à l’EHPAD Korian le Gentilé de Laxou début novembre 2013. Nous avions pour objectif de sélectionner des sujets chez lesquels une DTA avait été diagnostiquée.