L’examen de la bibliographie disponible montre que l’île de la Possession n’a fait l’objet que de très peu d’études sommaires et ponctuelles, dont 5 campagnes d’échan-tillonnage à caractère géologique dans le passé (Tyrrell, 1937; Lacroix, 1940; Bellair, 1963; Gunn et al., 1970; Chevallier, 1980; Camps et al., 2001). Seulement 46 des échan-tillons récoltés sur cette île ont été étudiés pour leurs caractéristiques pétrologiques et géochimiques (Reinisch, 1908; Tyrrell, 1937; Berthois, 1953; Bellair, 1963; Gunn et al., 1970, 1972; Chevallier et al., 1983; Verwoerd et al., 1990). Malheureusement, le manque de données pétrologiques sur ces échantillons (i.e. composition des phases minérales, des-criptions pétrographiques, proportions des phénocristaux) ainsi que l’incertitude de leur localisation sur l’île ne nous permet pas d’interpréter correctement ces analyses dans le cadre de cette thèse. De plus, cette collection d’échantillons est aujourd’hui inaccessible car introuvable. Nous avons ainsi effectué 2 missions d’échantillonnage sur l’île de la Possession, dont les objectifs et bilans sont décrits dans les paragraphes suivants. Ces missions s’inscrivent directement dans ce travail de thèse et permettront de répondre aux objectifs suivants : – étudier les différentes séries volcaniques temporelles du stratovolcan de la Posses-sion pour obtenir une identification complète des produits magmatiques de cette île ; – caractériser la pétrologie et la composition géochimique des liquides primaires dont sont issues les laves de cette île, pour revenir aux conditions pétrogénétiques dans lesquelles ces liquides se sont formés (i.e. T-P de fusion partielle, composition et nature minéralogique de la source) ; – caractériser la composition chimique de la source mantellique des laves de cette île. 3.3.1 Mission 2009 Une première mission de terrain s’est déroulée en novembre - décembre 2009 (cam-pagne d’été austral) et avait pour objectif principal d’assurer un échantillonnage complet de l’empilement de laves de l’île. Nous l’avons réalisé en suivant le travail de cartographie de Chevallier (1980) reporté en figure 3.5 (cf. section 3.2.1). En bilan sur cette première mission, nous avons collecté 105 échantillons dont 54 coulées de laves, 36 intrusions, 1 échantillon de projections de lave et 4 échantillons de roches sédimentaires interstratifiées. La figure 3.8 illustre la répartition géographique des échantillons récoltés sur l’île de la Possession (i.e. points blancs), et la figure 3.9 montre la répartition de ces échantillons selon leur appartenance aux phases volcaniques et se-lon leur dynamique de mise en place. La liste de ces échantilse-lons, leurs caractéristiques FIGURE3.8 –Répartition des échantillons récoltés pour notre étude sur la carte géologique de l’île de la Possession, d’après les travaux de Chevallier (1980). Points blancs = échantillons récoltés lors de la 1ère mission de terrain CAPGEOS (2009) ; Points noirs = échantillons récoltés lors de la 2ndemission de terrain CAPGEOS (2010). Noms en italique = zones d’échantillonnage. géographiques (coordonnées), natures (coulée de lave, intrusion, projection ou roche dé-tritique) et descriptions pétrographiques sont reportées respectivement dans les tables C.1 et C.2 en annexe C. Les phases volcaniques II et III sont les phases les plus représentées dans notre collection d’échantillons 2009. Les échantillons de la phase II ont été collectés majoritairement dans la zone de Pointe Basse (ouest de l’île, fig. 3.8) et correspondent es-sentiellement à la mise en place du complexe filonien dans cette zone. D’après Chevallier (1980), l’empilement des coulées de lave de cette phase affleure particulièrement dans les fonds de rivières de l’île. Nous en avons échantillonné 7 dans différentes zones de l’île (Baie Américaine, Baie du Marin, Lapérouse, Pointe Basse), mais n’avons trouvé aucun critère morphologique ou pétrographique (macroscopique) pour différencier ces coulées de celles de la phase 3. En effet, ces deux phases présentent la même alternance de cou-lées de laves et de niveaux volcano-détritiques, et leurs échantillons ne présentent aucune distinction pétrographique. La phase volcanique 3 est la plus exprimée sur l’île, avec une épaisseur maximale de ∼800 m au niveau du pic du Mascarin (point culminant de l’île ; Chevallier, 1980). Les échantillons prélevés dans cette phase représentent∼40 % de notre collection 2009 (fig. 3.9), dont la majorité appartient aux 4 coupes stratigraphiques réalisées dans différentes zones de l’île (fig.3.8) et synthétisées dans la figure 3.15. L’étude de ces coupes montre clairement la prédominance des formations volcano-détritiques par rapport aux coulées identifiées, qui ne représentent que 24 % de ces empilements. Cette observation suggère en premier ordre que cette phase correspond plus à une période de quiescence et de des-truction de l’édifice volcanique (i.e. érosion) qu’à une période d’activité volcanique. Les coulées de lave récoltées aux bases et sommets de ces coupes sont destinées essentielle-ment à des datations K/Ar pour affiner la période d’activité de cette phase. FIGURE 3.9 – Histogramme de répartition des échantillons récoltés lors de la première mission de terrain selon leur appartenance aux phases volcaniques décrites par Chevallier (1980) et le type de produit (i.e. coulée de lave, intrusion, projection ou roche détritique). Nous avons très peu échantillonné la phase volcanique IV, avec seulement 3 coulées ankaramitiques (i.e. Ol+Cpx) de plateaux. Nous avons récolté les projections de scories et principales coulées associées au ré-gime strombolien de la dernière phase volcanique V, ces coulées remplissant les vallées en auge de l’île (fig. 3.8). Cet échantillonnage représente seulement 11 % de notre collection 2009 (fig. 3.9). 3.3.2 Mission 2010 Cette mission avait plusieurs objectifs : – compléter l’échantillonnage de la première mission de terrain, notamment dans les zones de Pointe Basse et de Lapérouse (fig. 3.8), – étudier la série basculée à 40°ouest de la Pointe des Moines, qui appartient à la phase volcanique la plus ancienne reconnue sur cette île d’après Chevallier (1980), – étudier les différents systèmes intrusifs (« ring-dykes » et « cone-sheets », cf. sec-tion 3.2.1) présents à l’ouest de l’île et appartenant à la phase volcanique II (Che-vallier, 1980). Ainsi, nous pourrons déterminer le sens d’écoulement des magmas de ce stratovolcan et reconstruire l’histoire géologique et structurale de l’île selon la plomberie magmatique sous-jacente à cette dernière. Cette seconde mission a permis de collecter 83 échantillons de laves, dont la réparti-tion géographique est illustrée dans la figure 3.8. Nous avons étendu notre échantillonnage de la phase volcanique la plus récente de l’île (i.e. phase V), qui a été datée jusqu’à pré-sent de façon relative entre 10 000 ans et 6 500 ans Ce nouvel échantillonnage permettra dans le futur de dater précisément cette phase d’activité et de savoir si ce volcanisme est synchrone sur l’ensemble de l’île, ou s’il existe une progression géographique de ce volcanisme dans le temps. L’étude de terrain menée sur le site de la Pointe des Moines nous a permis de constater que cette unité est constituée majoritairement par des roches d’origine volcano-détritique. La relation structurale de cette unité avec le reste de l’île est peu claire et nécessitera dans le futur une étude de terrain plus détaillée. Durant l’étude de terrain dans la zone de Lapérouse, une nouvelle intrusion phono-litique a été répertoriée et ne figure pas sur la carte géologique actuellement disponible (Chevallier, 1980). Cette intrusion constitue donc un nouvel élément dans la carte géolo-gique de l’île de la Possession. D’après l’étude géologique de terrain menée sur l’île, les laves échantillonnées dans la vallée du Petit Caporal lors de cette mission de terrain seraient les plus anciennes de l’île. Ces laves appartiennent à la phase volcanique III décrite par Chevallier (1980). La datation K/Ar de ces échantillons dans le futur permettront de confirmer cette hypothèse. Dans cette même vallée ont été observées des surfaces polies démontrant la présence de glaciers sur l’île. Cette observation suggère également que les morphologies observées des vallées principales (i.e. en auge) ont aussi une origine glaciaire. La majorité de ces échantillons sont arrivés tardivement dans notre laboratoire suite à des difficultés de rapatriement des échantillons sur le navire scientifique Marion Du-fresne pour des raisons climatiques. De ce fait, peu d’échantillons de cette mission ont été sélectionnés pour ce travail de thèse (n=11), et appartiennent tous à la dernière phase volcanique V. 3.4 Etude géologique et géochronologique de l’île de la Dans le document Pétrogenèse des laves de l'île de la Possession (archipel de Crozet) et implications pour les hétérogénéités lithologiques des sources de points chauds (Page 118-122)