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Objectif 2 : Identifier certains mécanismes qui peuvent être associés aux effets

CHAPITRE 1 - INTRODUCTION GENERALE

I. 3 : O BJECTIFS DE LA THESE

I.3.2 Objectif 2 : Identifier certains mécanismes qui peuvent être associés aux effets

Le second grand objectif de cette thèse a été d’explorer quelques mécanismes écologiques et évolutifs liés aux effets de la fragmentation sur les interactions hôtes-parasites. Il est naturellement très difficile de concevoir une approche expérimentale

pour étudier l’ensemble des processus potentiels en simultané. Ce type d'approche est généralement focalisé sur un ou deux mécanismes d'intérêt. La sélection a priori des mécanismes à étudier pourrait donc se faire à partir de données descriptives. La stratégie serait alors de d’abord chercher si le lien existe par une approche corrélative (objectifs de cette thèse), puis d’essayer d’infirmer ou de confirmer le schéma causal de façon expérimentale (ce qui pourrait être l’objet de travaux futurs). En effet, les liens de causalité entre un facteur et une réponse biologique ne peuvent pas être mis en évidence à partir de données descriptives (ce qui est le cas des données exploitées dans ce manuscrit de thèse). Autrement dit, s’il existe un lien entre une mesure de qualité de l’hôte (diversité génétique par exemple), une mesure de la pression parasitaire subite par cet hôte (la prévalence par exemple) et la fragmentation des habitats, ces résultats ne pourront pas distinguer les différents schémas de causalité possibles (schéma de causalité A, B ou C de la Figure 13). Cependant, ces données peuvent mettre en évidence un lien entre ces trois mesures et orientent les recherches ultérieures à conduire en conditions contrôlées. Dans ce contexte, si les données descriptives ne mettent pas en évidence de lien, il semble peu intéressant d’aller chercher à orienter le schéma de causalité (A, B ou C), car il pourrait être, au départ, inexistant.

Figure 13 : Schémas causaux possibles si un lien est mis en évidence à partir de données empiriques entre la fragmentation des habitats, la diversité génétique de l’hôte et la prévalence parasitaire. Seule une étude expérimentale pourrait permettre de déterminer le

bon schéma.

Premièrement, nous avons testé le lien entre la fragmentation des habitats, la condition corporelle et le statut parasitaire (infecté/sain) des individus-hôtes. La

condition corporelle de l’hôte, qui permet de mesurer la quantité des réserves énergétiques d’un individu, est un caractère important, car plusieurs travaux ont montré qu'elle a un impact sur la forme physique et la santé des animaux (Krebs & Singleton 1993, Schulte-Hostedde et al. 2001). Par ailleurs, la condition corporelle est régulièrement utilisée comme descripteur de la forme physique, car cette dernière est souvent difficile à déterminer directement dans la nature (Jakob et al. 1996, Schulte-Hostedde et al. 2005) par des mesures génétiques ou immunologiques. De plus, l’état nutritionnel de l'hôte est un facteur important de sa capacité à faire face au parasitisme. Les individus-hôtes souffrants de malnutrition et dont l'état et les compétences immunologiques sont dégradés sont moins en mesure de se défendre contre les infections parasitaires (Gulland 1992, Hawlena et al. 2008). En parallèle, les parasites peuvent imposer un coût énergétique à l'hôte qui peut réduire davantage la condition corporelle de cet hôte (Püttker et al. 2008). Nous avons donc testé le lien entre la fragmentation des habitats et la condition corporelle de l’hôte, puis le lien entre la fragmentation et le statut parasitaire de l’hôte et finalement, le lien entre la condition corporelle et le statut parasitaire de l’hôte.

Deuxièmement, nous avons testé le lien entre la fragmentation des habitats, la diversité génétique et la prévalence parasitaire des populations de l’hôte. Lorsque l’on parle de la diversité génétique de l’hôte, il est important de considérer la différence entre la diversité génétique mesurée à l'aide de marqueurs moléculaires neutres (diversité génétique neutre) ou à partir de gènes potentiellement soumis à la sélection (diversité génétique adaptative). Classiquement, la diversité génétique est appréhendée à partir de marqueurs neutres, ces derniers permettant l'étude des processus démographiques tels que la migration ou les variations de taille des populations. En revanche, ils ne permettent d'approcher les effets de la fragmentation des habitats sur le potentiel évolutif des populations que de manière indirecte, en partant du postulat que la diversité observée sur des marqueurs neutres reflète la diversité présente sur les gènes fonctionnels, ce qui n’est pas toujours vrai (Figure 14 ; McKay & Latta 2002, Holderegger et al. 2006). Cela est essentiellement dû à l’effet de la sélection naturelle sur les gènes fonctionnels. En effet, les patrons génétiques observés sur des marqueurs neutres résultent de l'effet de la fragmentation des habitats sur la démographie des populations (dérive et flux de gènes), alors que les patrons génétiques observés sur des gènes sous sélection peuvent être expliqués à partir de la

somme des effets de la fragmentation sur la démographie et sur la sélection naturelle. Les réponses de la diversité génétique neutre et de la diversité génétique adaptative à la fragmentation des habitats pourraient alors être différentes. Nous avons donc d’abord étudié si la fragmentation affectait les patrons de diversité génétique selon l’attendu théorique (i.e., une baisse de diversité génétique au sein des populations et une augmentation de la différenciation génétique entre celles-ci). Nous avons ensuite comparé les réponses obtenues pour la diversité génétique neutre et adaptative pour évaluer les effets relatifs de la démographie (dérive génétique et flux de gènes) et celui des pressions de sélection. Finalement, nous avons testé si ces diversités génétiques pouvaient être associées à la variation des prévalences parasitaires en réponse à la fragmentation.

Figure 14 : Distribution des coefficients de corrélation de Pearson entre la diversité génétique neutre et adaptative de 71 jeux de données utilisés dans une méta-analyse. Figure

modifiée à partir de Reed & Frankham (2001).

Troisièmement, nous avons testé l’effet de la fragmentation des habitats sur la compétition apparente entre plusieurs hôtes de la communauté. La compétition apparente est un mécanisme par lequel la population d'une espèce-hôte peut entrainer une diminution de la population d’une autre espèce-hôte en provoquant une augmentation de l'abondance de leurs parasites communs (Holt & Bonsall 2017). Ce mécanisme indirect pourrait expliquer l’augmentation ou la diminution de la prévalence parasitaire en réponse à la fragmentation des habitats chez certaines espèces-hôtes. La prévalence d’une espèce-parasite chez une espèce-hôte pourrait ainsi être influencée par la sensibilité d'une autre espèce-hôte à la fragmentation des habitats. Cette espèce-hôte plus sensible pourrait alors agir comme source de parasites

et par conséquent augmenter la prévalence de cette espèce-parasite au sein de la première espèce-hôte. Bien qu’il existe de nombreux exemples de la présence d'une compétition apparente entre des paires d'espèces, cette dernière est rarement testée sur plusieurs espèces avec des degrés variables de spécialisation à un type d’habitat dans une même communauté locale. Par ailleurs, la manière dont la perte et la fragmentation per se de l'habitat affectent cette compétition apparente reste largement inexplorées (mais voir Frost et al. 2016, Gómez-Martínez et al. 2020). Nous avons donc testé la présence et la variabilité de la compétition apparente entre plusieurs paires d'espèces au sein d’une localité et l’effet de la fragmentation sur la variabilité de la compétition apparente observée au sein de chaque paire d’espèces.

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