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Academic year: 2021

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Fragmentation des habitats et interactions

hôtes-parasites

Antoine Perrin

To cite this version:

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THESE DE DOCTORAT DE L’ETABLISSEMENT UNIVERSITE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

Préparée à l’Unité Mixte de Recherche CNRS 6282 Biogéosciences

École doctorale n°554, Environnement-Santé Spécialité : Biologie des populations et écologie

Fragmentation des habitats et interactions hôtes-parasites

Par

Antoine PERRIN

Thèse présentée et soutenue à Dijon, le 29 avril 2021

Composition du Jury :

Élisa Thébault Chargée de recherche CNRS, Sorbonne Université Rapporteure

Philippe Christe Associate professor, Université de Lausanne Rapporteur

Luc Barbaro Chargé de recherche INRAE, INRAE Occitanie-Toulouse Examinateur

Francis Raoul Professeur des universités, Université Bourgogne Franche-Comté Examinateur - Président

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Titre : Fragmentation des habitats et interactions hôtes-parasites

Mots-clés : structure du paysage, forêt tropicale, prévalence parasitaire, génétique des

populations, réseaux écologiques, compétition apparente La fragmentation des habitats est l’une des principales

menaces pesant sur la biodiversité mondiale et malgré une abondante littérature concernant ses impacts sur l'abondance et la diversité des espèces, ses conséquences à l’échelle des processus écologiques et évolutifs restent relativement méconnues. Dans ce contexte, en plus d’être une composante majeure de la biodiversité, les parasites pourraient être des acteurs-clefs des changements de biodiversité observés en milieu fragmenté. Cette thèse vise donc à appréhender l'effet de la fragmentation des forêts sur les interactions hôtes-parasites et s’appuie sur un échantillonnage important mené dans les Petites Antilles et en Guyane française qui a permis de récolter des données morphologiques, génétiques et parasitologiques pour environ 8000 oiseaux forestiers appartenant à une quinzaine d’espèces.

La fragmentation des habitats conduit d’une part à la réduction de la surface de l'habitat considéré (i.e., perte d’habitat) et d’autre part à des changements de la configuration spatiale des parcelles d'habitat restantes (i.e., fragmentation au sens strict de l’habitat). Les objectifs spécifiques de cette thèse sont donc, dans un premier temps, d’appréhender l’effet

relatif de ces différentes composantes de la fragmentation sur les interactions hôtes-parasites, cela à plusieurs niveaux d’organisation (individu, population et communauté) ; puis, dans un second temps, d’explorer quelques mécanismes écologiques (comme la condition corporelle et la diversité génétique de l’hôte ou la compétition apparente entre les hôtes) potentiellement associés à ces effets. Quel que soit le niveau d’organisation étudié, la fragmentation forestière au sens strict a un effet plus important que la réduction de la surface forestière sur les interactions hôtes-parasites. Par ailleurs, cette thèse met en évidence qu’une augmentation de la prévalence parasitaire en réponse à la fragmentation des habitats est associée (directement ou indirectement) à une baisse de la condition corporelle, une baisse de la diversité génétique neutre et une modification de la diversité immunogénétique (dépendante du marqueur étudié) chez l’hôte mais aussi à une augmentation de la compétition apparente entre les hôtes. L’ensemble de ces relations peuvent ainsi aider à expliquer l’accélération du déclin de la faune sauvage observé actuellement en réponse à la dégradation et la fragmentation des habitats naturels.

Title: Habitat fragmentation and host-parasite interactions

Keywords: landscape structure, tropical forest, parasite prevalence, population genetics,

ecological networks, apparent competition Habitat fragmentation is one of the main threats to global biodiversity and despite an abundant literature on the impact of fragmentation on species abundance and diversity, the consequences of this global change in terms of ecological and evolutionary processes remain poorly understood. Beyond their direct contribution to biodiversity, as species-rich category of organisms, parasites could be involved in biodiversity change as key actors of ecological and evolutionary processes. The present work aims to understand the effect of forest fragmentation on host-parasite interactions. It is based on a large sampling carried out in the Lesser Antilles and in French Guiana, and allowing the obtention of morphological, genetic and parasitological data for approximately 8000 forest birds from fifteen species.

Habitat fragmentation leads (i) to a reduction of the surface covered by this habitat (i.e., habitat loss) and (ii) to changes in the spatial configuration of the remaining habitat patches (i.e., habitat fragmentation per se). The specific objectives of this PhD thesis

are, first, to understand the relative effect of these fragmentation components on host-parasite interactions at several organizational levels (individual, population and community); and second, to explore some ecological mechanisms (as host body condition and genetic diversity or apparent competition among hosts) potentially associated with these effects.

Forest fragmentation per se has a greater effect than forest loss on host-parasite interactions regardless of the organizational level studied. In addition, this PhD thesis shows that an increase in parasite prevalence in response to habitat fragmentation is associated (directly or indirectly) with a decrease in host body condition, a decrease in host neutral genetic diversity and changes in host immunogenetic diversity (depending on the studied locus), but also an increase in apparent competition between hosts. All together these relationships can increase our understanding of the current decline of wildlife diversity in response to the degradation and fragmentation of natural habitats.

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Remerciements

Nous voilà à l’heure du bilan de toutes ces années de thèse. J’aimerais remercier l’ensemble des personnes qui ont participé de près ou de loin à l’aboutissement de ce document. Je vais commencer par te remercier toi, qui me lis, merci de t’intéresser à mon travail, j’espère que la lecture de tout ou une partie de ce manuscrit sera agréable et instructive !

D’abord, Stéphane, merci de m’avoir mis le pied à l’étrier, si ce n’est les deux... dans le monde de la recherche ! Merci d’avoir décelé un potentiel chez moi depuis mon premier stage de master, de m’avoir poussé et montré la voie dans les domaines que je ne maitrisais pas ou au contraire de m’avoir laissé une autonomie totale dans ceux que je maitrisais. Merci de m’avoir remis sur les rails à de nombreuses reprises et de m’avoir fait profiter de ton expérience. Bruno et Aurélie, merci pour votre temps et vos remarques systématiquement pertinentes tout au long de ma thèse, que ce soit pour les analyses ou la rédaction des différents manuscrits. Anthony et Nelly, merci pour votre aide précieuse pour l’ensemble des manips de biologie moléculaire.

Merci à l’ensemble des membres de l’équipe BioME pour vos retours sur mes nombreuses présentations. Nicolas, merci pour ta disponibilité et pour avoir presque toujours trouvé une solution à mes (TRES) nombreuses questions et problèmes statistiques !

Karen et Francis, merci de m’avoir conseillé et encouragé lors des différents comités

de thèse. Merci aussi à Élisa, Philippe et Luc d’avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse pour évaluer mon travail.

Les copains de bureau/thèse, Chloé, Corentin, Charly, Marion, Gabrielle,

Nicolas, Clémentine, Alex, Adrien, Silène, Alexandrine et Agathe, je vous remercie

tous d’avoir égayé mes journées, la vie au labo a été super avec vous. L’ambiance a toujours été bonne et on sait que c’est important pour aller au bout d’une thèse ! Paul, je te remercie pour les nombreuses discussions sur les doutes, les galères (big-up au processus de révisions des manuscrits), mais aussi pour le partage de bonnes nouvelles. C’est rare d’avoir quelqu’un qui traverse les mêmes choses pratiquement aux mêmes moments.

Merci à tous les membres du laboratoire Biogéosciences avec qui j’ai pu discuter et qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre.

Merci à mes amis et ma famille qui ont été là pour me soutenir et m’écouter, sans forcément toujours comprendre ce que je faisais de mes journées. Les repas, discussions, activités, etc. avec vous m’ont permis de souffler et de ne pas avoir constamment "la tête dans le guidon".

Camille, j’ai du mal à trouver les mots justes pour te remercier, merci d’être à mes

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Table des matières

CHAPITRE 1 - INTRODUCTION GENERALE ... 1

I.1 :QU’EST-CE QUE LA FRAGMENTATION DES HABITATS ? ... 2

I.1.1 Définition de la fragmentation des habitats ... 2

I.1.2 Cadre conceptuel de l’étude des effets de la fragmentation des habitats ... 4

I.1.3 Grandes questions de recherche associées à la fragmentation des habitats ... 6

I.1.3.1 Est-il possible de dissocier les effets de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat ? ... 8

I.1.3.2 Quelle est la stratégie à employer pour étudier les effets de la fragmentation des habitats ? ... 10

I.1.3.2 Quelle est l’échelle spatiale à employer pour étudier les effets de la fragmentation des habitats ? ... 14

I.2 :EFFETS DE LA FRAGMENTATION DES HABITATS SUR LES INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 17

I.2.1 Comment la fragmentation des habitats affecte les interactions hôtes-parasites ? ... 18

I.2.2 Quelles sont les conséquences des effets de la fragmentation des habitats sur les interactions hôtes-parasites ? ... 20

I.3 :OBJECTIFS DE LA THESE ... 25

I.3.1 Objectif 1 : Déterminer les effets relatifs de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat sur les interactions hôtes-parasites ... 25

I.3.2 Objectif 2 : Identifier certains mécanismes qui peuvent être associés aux effets de la fragmentation des habitats sur les interactions hôtes-parasites ... 26

I.3.3 Organisation du document de thèse ... 30

CHAPITRE 2 - MATERIEL ET METHODES GENERAL ... 31

II.1 :CADRE DE LA THESE ET ZONES D’ETUDES ... 32

II.1.1 Projet de recherche FRAGmentation & Biological INVasions ... 32

II.1.2 La Guadeloupe et la Martinique ... 35

2.1.3 La Guyane française ... 37

II.2 :MODELES BIOLOGIQUES ... 38

II.2.1 Les oiseaux tropicaux ... 38

II.2.2 Les parasites étudiés ... 39

II.2.2.1 Les tiques ... 39

II.2.2.2 Les hémosporidies ... 39

(9)

II.3 :ACQUISITION DES DONNEES ... 42

II.3.1 Échantillonnage ... 42

II.3.2 Descripteurs de la fragmentation des habitats ... 43

CHAPITRE 3 - EFFETS RELATIFS DE LA PERTE ET DE LA FRAGMENTATION PER SE DE L’HABITAT SUR LES INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 46

III.1 :EFFETS SUR LA PREVALENCE DE PLUSIEURS COMBINAISONS HOTE-PARASITE ... 47

III.1.1 Contexte général et méthodologie ... 47

III.1.2 Résultats majeurs de l’étude ... 52

III.2 :EFFETS SUR LA STRUCTURE DES RESEAUX D’INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 56

III.2.1 Contexte général et méthodologie ... 56

III.2.2 Résultats majeurs de l’étude ... 66

CHAPITRE 4 - MECANISMES ECOLOGIQUES ET EVOLUTIFS ASSOCIES AUX EFFETS DE LA FRAGMENTATION DES HABITATS SUR LES INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 68

IV.1 :FRAGMENTATION DES HABITATS, CONDITION CORPORELLE DE L’HOTE ET STATUT PARASITAIRE ... 69

IV.1.1 Contexte général et méthodologie ... 69

IV.1.2 Résultats majeurs de l’étude ... 76

IV.2 :FRAGMENTATION DES HABITATS, DIVERSITE GENETIQUE DE L’HOTE ET PREVALENCE PARASITAIRE ... 78

IV.2.1 Contexte général et méthodologie ... 78

IV.2.2 Résultats majeurs de l’étude ... 82

IV.3 :EFFETS DE LA FRAGMENTATION DES HABITATS SUR LA COMPETITION APPARENTE ... 86

IV.3.1 Contexte général et méthodologie ... 86

IV.3.2 Résultats majeurs de l’étude ... 91

CHAPITRE 5 - DISCUSSION GENERALE ... 94

V.1 :EFFETS DE LA PERTE ET DE LA FRAGMENTATION PER SE DE L’HABITAT SUR LES INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 95

V.1.1 Effets relatifs de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat ... 95

V.1.2 La fragmentation des habitats est-elle bénéfique pour la biodiversité du point de vue des interactions hôtes-parasites ? ... 100

V.2 :MECANISMES ASSOCIES AUX EFFETS DE LA FRAGMENTATION DES HABITATS SUR LES INTERACTIONS HOTES-PARASITES ... 102

V.2.1 Mécanisme associé : baisse de la condition corporelle de l’hôte ... 102

V.2.2 Mécanisme associé : augmentation de la compétition apparente entre les hôtes .... 105

V.2.3 Mécanisme associé : modifications de la diversité génétique de l’hôte ... 106

(10)

V.3 :PERSPECTIVES DE RECHERCHE ... 111

V.3.1 Prise en compte du compartiment vectoriel ... 111 V.3.2 Données de virulence des parasites chez les hôtes étudiés ... 112 V.3.4 L’étude des réseaux écologiques dans le cadre de la fragmentation des

habitats : pour aller plus loin ... 113

BIBLIOGRAPHIE ... 114 ANNEXES ... 130 ANNEXE 1 - HABITAT FRAGMENTATION MATTERS MORE THAN HABITAT LOSS: THE

CASE OF HOST-PARASITE INTERACTIONS. Perrin A, Khimoun A, Ollivier A, Richard Y, Pérez-Rodríguez A, Faivre B, Garnier S (article soumis à la publication dans Journal of Animal

Ecology)

ANNEXE 2 - THE STRUCTURE OF HOST-PARASITE NETWORKS UNDER TROPICAL

FOREST LOSS AND FRAGMENTATION. Perrin A, Khimoun A, Ollivier A, Debrosse N, Faivre B, Garnier S (article en préparation)

ANNEXE 3 - HABITAT FRAGMENTATION DIFFERENTIALLY SHAPES NEUTRAL AND

IMMUNE GENE VARIATION IN A TROPICAL BIRD SPECIES. Perrin A, Khimoun A, Faivre B, Ollivier A, de Pracontal N, Théron F, Loubon M, Leblond G, Duron O, Garnier S (article publié dans Heredity (2021) 126:148–162)

ANNEXE 4 - FOREST FRAGMENTATION PROMOTES APPARENT COMPETITION

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I.1 : Qu’est-ce que la fragmentation des habitats ?

I.1.1 Définition de la fragmentation des habitats

En 2000, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a demandé l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire dans son rapport intitulé « We the Peoples: The Role of

the United Nations in the 21st Century ». L'un des objectifs de cette évaluation était

d'établir la base scientifique des actions nécessaires pour améliorer la conservation et l'utilisation durable des écosystèmes et leurs contributions au bien-être humain. Cette évaluation s’est terminée en 2005 et a permis de dresser plusieurs constats : (i) Plus de terres ont été transformées en terres cultivées dans les 30 ans qui ont suivi 1950 que dans les 150 ans entre 1700 et 1850. (ii) Au cours des dernières décennies du 20ème

siècle, 20% des récifs coralliens connus ont été détruits, 20% se sont dégradés et 35% de toutes les mangroves ont été perdues. (iii) La plupart des biomes du monde ont connu une transformation de 20 à 50% de leur surface en terres cultivées par l’homme. (iv) Pour la grande majorité des biomes, les projections indiquent de nouvelles pertes dans les 50 prochaines années. Cette liste non exhaustive met en lumière l’un des défis majeurs de l’humanité dans les prochaines années : concilier l’augmentation continue de la population humaine et la protection des milieux naturels. En effet, l’importance de protéger la biodiversité n’est plus sujette à débat, tant pour l’importance de ses services écosystémiques que pour l’importance de sa valeur intrinsèque (Millennium Ecosystem Assessment 2005).

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ambiguïté quant à la manière de nommer ces différents mécanismes et il a parfois été proposé de distinguer la fragmentation au sens large (prenant en compte le changement de la quantité d'habitat et de sa configuration spatiale) de la fragmentation au sens strict (changement de configuration spatiale seulement), ou encore de réserver le terme fragmentation aux modifications de configuration spatiale des parcelles (Fahrig 2003). Dans la suite de ce document de thèse (et dans l’Annexe 3), le terme « fragmentation » est utilisé pour englober les deux mécanismes (diminution de la quantité d'habitat et changement de configuration spatiale) et le terme « fragmentation per se » est utilisé seulement pour faire référence au changement de configuration spatiale. Néanmoins, dans les Annexes 1, 2 et 4, qui avaient comme objectif spécifique de discriminer les effets de la quantité d'habitat des effets du changement de configuration spatiale, aucun terme n’a été utilisé pour définir la fragmentation au sens large pour éviter toute ambiguïté. Le terme « fragmentation » a donc, dans ces trois annexes, été réservé au changement de configuration spatiale.

Figure 1 : Processus de fragmentation par perte et fragmentation per se de l'habitat. L'habitat considéré est représenté en vert et la surface blanche correspond à la matrice paysagère. La surface perdue de l'habitat vert à un instant donné est représentée en vert

transparent. Les flèches indiquent si au court du temps le processus de fragmentation implique de la perte et/ou de la fragmentation per se de l’habitat (flèches noires et blanches,

respectivement). Cette fragmentation per se est caractérisée par une augmentation du nombre de parcelles (passage de a à b), d'une augmentation de leur isolement (configuration d versus e), ou encore d'une augmentation du linéaire total de lisières

(15)

I.1.2 Cadre conceptuel de l’étude des effets de la fragmentation des habitats

Avant de décrire les effets que peut avoir la fragmentation des habitats sur la biodiversité, il semble important de présenter le cadre conceptuel dans lequel sont ancrés les travaux sur ce processus. En effet, ces travaux ont bénéficié de l'apport de plusieurs règles et théories en écologie, et même si ces dernières n'étaient pas toujours destinées à l’étude de la fragmentation, elles permettent d’expliquer et/ou de prédire les réponses de la biodiversité à ce processus.

(16)

Figure 2 : Théorie de la biogéographie insulaire (MacArthur & Wilson 1967). Celle-ci prédit que la richesse spécifique d'une petite île isolée (A) est plus faible que celle d’une grande île

isolée ou d’une petite île peu isolée (B), elle-même inférieure à la richesse spécifique d’une grande île peu isolée (C).

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la diversité et la différentiation génétiques des animaux (Keyghobadi 2007). Le second type concerne les travaux sur la résistance des éléments du paysage à la dispersion des oiseaux, grâce à des expériences de translocation. Ces travaux ont par exemple mesuré le nombre de jours avant de disperser, la probabilité ou le temps de retour des individus dans leur territoire initial après translocation. Il a été montré une résistance à la dispersion plus importante lorsque l’élément du paysage à traverser ne correspondait pas à l’habitat de l’espèce (Gobeil & Villard 2002, Castellón & Sieving 2006, Villard & Haché 2012).

Figure 3 : Dynamique des populations pour deux situations différentes : (A) métapopulation classique avec possibilité de dispersion dans la matrice entre les populations. Les ronds noirs représentent des parcelles d'habitat occupées par une espèce

donnée et les ronds blancs des parcelles d'habitat vacantes. La recolonisation (flèches rouges) des populations éteintes (croix rouges) est possible et permet à la métapopulation de persister au cours du temps. (B) Populations isolées où la dispersion dans la matrice est

impossible. La persistance au cours du temps est limitée, car l’extinction d’une population est définitive sans recolonisation possible.

I.1.3 Grandes questions de recherche associées à la fragmentation des habitats

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23/02/2021 ; environmental science & ecology research area). Si la production scientifique associée dépasse celle consacrée aux invasions biologiques (environ 7 000 articles), elle reste nettement inférieure à celle dédiée aux effets du changement climatique (environ 117 000 articles), ces deux phénomènes étant les deux autres grandes menaces mettant en péril la biodiversité globale. L’augmentation du nombre de publications concernant les effets de la fragmentation des habitats sur la biodiversité au cours du temps n’est par ailleurs pas aussi forte que celle observée concernant les effets du changement climatique (Figure 4). Il reste cependant de nombreux axes de questionnement, qui vont de problèmes sémantiques jusqu’à l'importance relative et le signe des effets de la perte et de la fragmentation per se de l'habitat. Certains questionnements ont d'ailleurs récemment donné lieu à des débats scientifiques enthousiastes et stimulants par publications interposées (Fahrig 2003, 2013, 2017, in press, Didham et al. 2012, Hanski 2015, Haddad et al. 2015, Fletcher et al. 2018, Fahrig et al. 2019, Miller-Rushing et al. 2019, Saura 2021).

Figure 4 : Nombre de publications qui traitent des effets du changement climatique, de la fragmentation des habitats (au sens large) et des invasions biologiques par an (Web of

Science consulté le 23/02/2020 ; environmental science & ecology research area). L’augmentation du nombre de publications concernant les effets de la fragmentation des

habitats et des invasions biologiques sur la biodiversité au cours du temps est linéaire, contrairement à l’augmentation du nombre de publications concernant les effets du

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I.1.3.1 Est-il possible de dissocier les effets de la perte et de la fragmentation per

se de l’habitat ?

L’un des premiers questionnements concerne la possibilité et le moyen de dissocier les effets de la perte d'habitat de ceux de la fragmentation per se de l’habitat. Lors de la transformation d'un habitat non fragmenté en un habitat fragmenté, la fragmentation

per se de cet habitat est généralement causée par une perte de ce même habitat (Figure

5). Observer de la fragmentation per se sans observer de perte d’habitat est donc impossible (Didham et al. 2012). Ainsi, il n'est pas aisé de concevoir et de quantifier un effet de la fragmentation per se sur la biodiversité, indépendant de l’effet de la perte d'habitat. La grande majorité des études ignorent cette interdépendance entre la perte et la fragmentation per se de l’habitat, entrainant alors une surestimation des effets soit de la perte d’habitat, soit de la fragmentation per se (Figure 5 ; Didham et al. 2012). Par exemple, en corrigeant la configuration spatiale par la quantité d’habitat d’un paysage, la variance expliquée d’une réponse biologique par les deux facteurs est implicitement attribuée à la quantité d’habitat (Figure 5b). Dans cet exemple on surestime donc l’effet de la perte d’habitat et on sous-estime l’effet de la fragmentation

per se (Didham et al. 2012).

Figure 5 : (a) Représentation de la corrélation des processus de perte et de fragmentation per se de l’habitat et son impact sur la variance expliquée d’une réponse biologique. Dans le cas (b), la variance intercorrélée est attribuée à la perte d’habitat seulement, alors que dans le cas (c), cette variance intercorrélée est seulement attribuée à un effet de la fragmentation per se. Le cas (d) n’attribue la variance expliquée qu’aux effets indépendants de la perte et

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Malgré ces difficultés, mesurer les effets de la fragmentation per se (effets indépendants de la perte d’habitat) reste crucial en biologie de la conservation, notamment dans le cadre du débat SLOSS (single large or several small ; Figure 6), dont l’objectif est de répondre à la question suivante : « Indépendamment de la quantité d’habitat, est-il plus intéressant de protéger de nombreuses petites parcelles ou une grande parcelle unique dans un paysage ? ». D’un côté, maintenir un grand nombre de petites parcelles favorise l'existence d'une métapopulation où l’extinction locale de certaines populations suite à une perturbation biotique (présence d’un pathogène ou d’un compétiteur qui conduit l’espèce à l’extinction) ou abiotique (phénomène météorologique extrême par exemple) est potentiellement compensée par une immigration des individus de populations proches (Figure 3A). Cependant, la densité de lisière dans ce type de configuration d'habitat est très forte (le ratio du linéaire total de lisières par rapport à la quantité d’habitat est très élevé). Or, il a été démontré que la quantité de lisières d'un habitat a un impact écologique important (détaillé dans l’Encadré 1 ; Ewers & Didham 2006). De l’autre côté, protéger une grande parcelle unique permet de réduire au maximum le taux d’extinction locale des espèces et de maximiser la richesse spécifique de cette parcelle. Mais dans cette situation, il n’y a plus de recolonisation possible depuis une population proche si l’une des espèces de la communauté s’éteint. Les biologistes de la conservation ont longtemps admis qu’une seule grande parcelle d'habitat était plus intéressante à protéger que de multiples petites parcelles (à quantité d’habitat identique). Cependant, les résultats de méta-analyses récentes ont montré qu’il n’existait aucune preuve écologique permettant de favoriser la préservation de grandes parcelles continues plutôt que de multiples petites parcelles. Les résultats étaient plutôt en faveur du

several small pour maintenir une richesse spécifique élevée (Fahrig 2017, 2020).

(21)

2012, Hanski 2015, Haddad et al. 2015, Fletcher et al. 2018, Fahrig et al. 2019, Miller-Rushing et al. 2019, Saura 2021).

Figure 6 : Le débat SLOSS est l’une des grandes controverses en biologie de la conservation : faut-il plutôt protéger une seule grande parcelle (single large) ou plusieurs

petites parcelles (several small) pour conserver la biodiversité en milieu fragmenté ?

I.1.3.2 Quelle est la stratégie à employer pour étudier les effets de la fragmentation des habitats ?

(22)

initialement une même quantité et configuration spatiale de l’habitat et que les processus de fragmentation ont été globalement synchrones entre les différents paysages (pour limiter les biais liés aux effets à retardement). En effet, la création d’une lisière, par exemple, va entrainer des effets à retardement, en particulier dans les changements de structure de la végétation causés par une mortalité plus importante des arbres au niveau de ces lisières (Laurance et al. 2006). Dans ce contexte, pour correctement conclure quant aux effets lisières sur la structure de la végétation, l’ensemble des effets à retardement doivent avoir eu lieu au sein des différents paysages locaux.

(1933, 1978, 1982, 2006, 2009, 2009, 2011, 2011)

Encadré 1 : Effet lisières

Historiquement, les lisières étaient considérées comme favorables pour la faune, et ce depuis le début des années 1900 et le traité d'Aldo Leopold (1933) sur la gestion du gibier. Celui-ci avait noté qu’une partie de la faune avait tendance à être plus abondante dans les paysages riches en lisières. Ainsi, les gestionnaires de la faune ont largement considéré un effet positif des lisières dans les plans de gestions. Dans ce contexte, il existe de nombreux exemples où la richesse spécifique est plus importante au niveau des lisières (Ewers & Didham 2006). Encore actuellement, la présence de lisères est considéré comme positif par certains auteurs et elle est par ailleurs utilisée pour expliquer l’effet positif de la fragmentation per se qu’ils ont observé dans leurs études. On trouve dans la discussion de ces études que les lisières sont plus productives et plus diversifiées que le cœur des parcelles, ce qui offre une plus grande disponibilité de ressources, qu’elle soit alimentaire ou de refuge contre la prédation (Klingbeil & Willig 2009, Walter et al. 2009, Moore et al. 2011, Henden et al. 2011).

Cependant, cet effet positif a été remis en question par d’autres auteurs qui ont noté que toutes les espèces n'étaient pas favorisées par la présence de lisières. Les premiers exemples viennent d’études sur la prédation dans les nids et le parasitisme plus important chez les oiseaux près des lisières (Gates & Gysel 1978, Chasko & Gates 1982).

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(1995, 1998, 2002, 2004)

Encadré 1 : Effet lisières

Il est maintenant clair que de nombreuses espèces déclinent au niveau des lisières d’un habitat, alors que d'autres espèces augmentent ou ne sont pas affectées (exemples dans Ries et al. 2004). Les lisières sont associées à une baisse de la qualité de l’habitat pour les espèces spécialistes de cet habitat (Mills 1995, Burke & Nol 1998). Finalement, de très nombreuses perturbations ont été observées au niveau des lisières avec des effets qui se produisent à des distances aux lisières très variables (Figure 7). D’une manière générale, la grande majorité des perturbations abiotiques ont tendance à pénétrer à moins de 100m dans la forêt, alors que les perturbations biotiques s'étendent généralement à 100m ou plus (Figure 7).

Figure 7 : Distances de pénétration des différents effets lisières dans les parcelles forestières [mesures issues du projet Biological Dynamics of Forest Fragments Project,

(Laurance et al. 2002)]. La distance est mesurée en mètres. Les barres blanches correspondent à des variables biotiques, les barres noires correspondent à des variables

(24)

I.1.3.2 Quelle est l’échelle spatiale à employer pour étudier les effets de la fragmentation des habitats ?

Le troisième questionnement est lié aux différentes échelles spatiales auxquelles les effets de la fragmentation des habitats ont été et/ou devraient être étudiés. Ainsi, les travaux sur la fragmentation sont principalement centrés sur les parcelles d'habitat favorable et leurs caractéristiques comme leur taille et leur isolement (Fahrig 2003, Fardila et al. 2017). L’étude se fait alors à l’échelle de la parcelle et permet de faire des prédictions basées sur la théorie de la biogéographie insulaire. Cependant, mesurer les effets de la fragmentation à l'échelle de la parcelle plutôt qu'à l'échelle du paysage pose problème. Pour certains auteurs, on ne peut pas étudier les effets de la fragmentation à cette échelle, car la fragmentation se produit à l'échelle du paysage. On peut trouver dans la littérature 3 arguments en défaveur de l’étude de la fragmentation à l’échelle de la parcelle :

(i) Lorsqu'une étude est à l'échelle de la parcelle, la taille de l'échantillon à l'échelle du paysage est égale à 1 (plusieurs parcelles, mais un seul paysage), ce qui signifie que l'inférence à l'échelle du paysage n'est pas possible (Fahrig 2003).

(ii) Les plus petites parcelles ont moins d'habitat que les plus grandes parcelles et les parcelles les plus isolées sont plus isolées parce qu'il y a peu d'habitat autour d'elles. Les études sur les effets de la taille et de l’isolement des parcelles ne permettent pas d’étudier les effets de la fragmentation per se de l’habitat, car ces deux métriques (taille et isolement) ne sont que la conséquence de la quantité et non de la configuration spatiale de l'habitat dans le paysage (Fahrig 2013, 2017). (iii) En étudiant qu’une seule parcelle, il est impossible de mesurer de la

fragmentation per se car l’augmentation du nombre de parcelles est impossible à cette échelle (Fahrig et al. 2019).

(25)

pas réutilisé après 2003. Pour le deuxième argument, même si les caractéristiques des parcelles peuvent être corrélées à la quantité d'habitat, elles sont aussi corrélées avec certains aspects de la configuration spatiale de l'habitat (Fletcher et al. 2018). De plus, même si la fragmentation des habitats se produit à l'échelle du paysage, les mécanismes de réponses de la biodiversité peuvent résulter d’effets à l’échelle de la parcelle, par exemple l’effet des lisières (Figure 7). Enfin, pour le troisième argument, bien que l’on ne puisse pas observer d’augmentation du nombre de parcelles à l’échelle de la parcelle, il est possible que plusieurs parcelles avec une quantité d’habitat similaire aient des configurations spatiales différentes (complexité de forme, linéaire de lisière ou encore isolement de cette parcelle) permettant de mettre en évidence des effets attribuables à la fragmentation per se.

Dans ce contexte, les travaux conduits sur les effets de la fragmentation des habitats sur la biodiversité à l’échelle de la parcelle sont cruciaux, car la prise en compte ou non de ceux-ci change les conclusions concernant l’effet positif ou négatif de la fragmentation per se sur la biodiversité [ce qui a suscité des échanges vigoureux dans la littérature ces dernières années (revue par Miller-Rushing et al. 2019)]. Dans le cas où les travaux à l’échelle de la parcelle et du paysage sont pris en compte, l’effet de la fragmentation per se sur la biodiversité est plutôt négatif (Haddad et al. 2015, Fletcher et al. 2018). Si l’effet de la fragmentation per se sur la biodiversité n’est mesurée qu’à partir des travaux conduits à l’échelle du paysage, celui-ci est plutôt positif (Fahrig 2017, Fahrig et al. 2019). Or, en termes de protection et conservation des milieux naturels, les zones à protéger en priorité sont différentes si l’on considère que la fragmentation per se à un effet positif ou négatif. Dans le premier cas, il est préférable de protéger quelques grandes parcelles (Figure 6, single large), dans l’autre, de protéger de nombreuses petites parcelles (à quantité d’habitat égale ; Figure 6, several

small).

(26)

l’abondance des espèces, alors que seulement une étude sur 10 mesure comment la fragmentation des habitats affecte la physiologie des espèces ; Figure 8). Dans ce contexte, utiliser en grande majorité l'abondance des espèces pour quantifier les impacts de la fragmentation sur la biodiversité pourrait être insuffisant ou même trompeur. En effet, en milieux fragmentés, on peut observer une métapopulation avec une dynamique source-puits entre les différentes populations d’une espèce. C’est-à-dire qu’une population va pouvoir persister dans un habitat très fragmenté (population-puits) par la migration des individus d’une population d’un habitat non fragmenté (population-source). L’utilisation de l’abondance comme seul indicateur de la biodiversité pourrait alors poser problème, car certains travaux ont suggéré que cette dynamique source-puits pouvait conduire à observer une abondance plus élevée dans les populations-puits qui sont en milieux fragmentés (Van Horne 1983, Pulliam 1988, Mortelliti et al. 2010, Stephens et al. 2015). Par conséquent, les résultats obtenus quant à l’effet de la fragmentation sur la distribution (i.e., l’abondance) des espèces ne sont pas généralisables à l’ensemble des réponses de la biodiversité. Dans ce contexte, une étude de l’effet de la fragmentation des habitats sur d’autres réponses est un domaine de recherche essentiel dans les années à venir (Wilson et al. 2016).

Figure 8 : Proportion des publications menées sur l’étude de l’effet de la fragmentation des habitats pour chaque réponse de la biodiversité, qu’elles soient à l’échelle individuelle (en jaune), populationnelle (en rouge) ou communautaire (en bleu). Dans ce cadre, l’interaction

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I.2 : Effets de la fragmentation des habitats sur les

interactions hôtes-parasites

L’étude des effets de la fragmentation des habitats est majoritairement focalisée sur la réponse de la distribution des espèces (i.e., abondance, occurrence et taille de l’aire de répartition) et peu sur la réponse des processus écologiques [i.e., dynamique des populations, interactions biotiques et dispersion (Figure 8 ; Fardila et al. 2017)]. Cependant, ce sont ces processus écologiques qui sont utilisés pour expliquer l’effet de la fragmentation des habitats sur la distribution des espèces. L’une des plus anciennes explications aux potentiels effets positifs de la fragmentation per se est, par exemple, que cette fragmentation stabilise les systèmes trophiques (proies-prédateurs ou hôtes-parasites). Les expériences conduites par Huffaker (1958) ont montré que c’était grâce à la subdivision des ressources, combinée à une capacité de dispersion plus importante de la proie, qu’un système proies-prédateurs pouvait perdurer. En effet, la proie se déplace dans l’espace et dans le temps plus efficacement que le prédateur et tous les individus ne sont pas concentrés à un seul endroit en même temps, ce qui conduit à des oscillations de densité et une coexistence de la proie et du prédateur dans le temps (Figure 9). Sans cette subdivision des ressources et cette capacité de dispersion plus importante de la proie, Huffaker (1958) a montré que le prédateur, après avoir exploité la proie et conduit celle-ci à l’extinction, n’a plus de source de nourriture et s’éteint à son tour.

Figure 9 : Oscillations de densité d'une relation proie-prédateur en milieu fragmenté dans laquelle le prédateur, Typhlodromus occidentalis (points verts), s'attaque à sa proie, Eotetranychus sexmaculatus (points noirs) en fonction du temps. Figure modifiée à partir

(28)

Les interactions entre les espèces sont au cœur de la plupart des processus écologiques et évolutifs, car toutes les espèces interagissent avec de nombreuses autres. Ces interactions biotiques ont un rôle dans l'origine (par exemple, la spéciation due à la coévolution ou la spécialisation), le maintien (par exemple, la coexistence d'espèces due à des mécanismes de stabilisation), et la fonction de la biodiversité (par exemple, les effets de complémentarité au sein des niveaux trophiques) (Andresen et al. 2018). Une interaction entre n'importe quelle paire d'espèces n'est possible que lorsque les deux espèces de cette paire coexistent. Par conséquent, comme deux espèces peuvent coexister mais ne pas interagir (alors que le contraire est impossible), les variations spatiales des interactions devraient être supérieures ou égales à la variabilité de la composition des communautés à travers plusieurs localités. La prise en compte des interactions entre les espèces est donc une approche plus puissante pour étudier comment les changements environnementaux impactent les communautés écologiques que la simple considération de la composition spécifique de ces communautés (Poisot et al. 2017).

Dans ce contexte, la réponse des réseaux d’interactions hôtes-parasites à la fragmentation des habitats est peu étudiée par rapport à la réponse des réseaux d’interactions proies-prédateurs (Hagen et al. 2012), quand bien même le parasitisme est la stratégie animale la plus commune (Lafferty et al. 2006). En effet, toutes les espèces sont impliquées dans un schéma d’interactions hôte-parasite, soit en tant qu’hôte soit en tant que parasite (Sorci & Garnier 2019). De plus, ces interactions sont rarement prises en compte, plus par limites méthodologiques (difficulté à les observer et les quantifier) que par raison d’ordre scientifique (Lafferty et al. 2006, 2008). Il existe par ailleurs un grand nombre de mécanismes écologiques et évolutifs par lesquelles la fragmentation des habitats peut affecter les interactions hôtes-parasites. Certains de ces mécanismes sont détaillés dans la partie qui suit.

I.2.1 Comment la fragmentation des habitats affecte les interactions hôtes-parasites ?

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plus forte différenciation entre celles-ci (Keyghobadi 2007). Cette faible diversité génétique rend les hôtes moins résistants face à un parasite et augmente donc le risque de maladie lorsque ce parasite est pathogène (Jousimo et al. 2014). Les populations d’hôtes qui ont une plus faible diversité génétique ne contiennent pas obligatoirement des individus qui sont tous moins résistants à un parasite en soi, mais tous les individus de ces populations ont une sensibilité plus similaire à un parasite que les individus des populations d’hôtes qui ont une forte diversité génétique. Ainsi, les parasites se propagent nettement mieux dans les populations d’hôtes avec une faible diversité génétique par rapport aux populations d’hôtes avec une forte diversité génétique (Altermatt & Ebert 2008). En effet, une fois qu'un génotype-hôte est infecté, la propagation du parasite est rapide, car ce parasite n’a besoin d’aucune adaptation génétique pour infecter un autre individu (Anderson et al. 1986). À l’inverse, dans des populations d’hôtes qui ont une forte diversité génétique, un parasite peut rencontrer différents génotypes-hôtes lors de sa transmission d'un individu-hôte à un autre (Keesing et al. 2006). Des adaptations génétiques sont donc nécessaires chez le parasite lorsqu’il est transmis à des génotypes-hôtes résistants pour survivre. Sans ces adaptations, les génotypes-hôtes résistants sont des impasses pour les parasites ce qui ralentit leur propagation (Anderson et al. 1986).

Ensuite, la fragmentation des habitats peut modifier la susceptibilité d’un hôte à un parasite par le biais du stress accru subi par cet hôte dans les habitats fragmentés. En effet, la fragmentation conduit à une diminution de la quantité de nourriture disponible et une augmentation du taux d’interaction intra- et inter-spécifique, entrainant une augmentation des mesures de stress physiologiques (Suorsa et al. 2004, Hinam & Clair 2008, Johnstone et al. 2012) et une baisse de la condition corporelle des individus-hôtes (Bucher & Entling 2011, Delciellos et al. 2018). À terme, la capacité de l’hôte à se défendre contre le parasite est donc réduite dans les zones qui ont subi une forte fragmentation de leurs habitats.

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la densité d’hôtes conduit à une rencontre plus fréquente entre individus, ce qui augmente le potentiel de transmission de parasites généralistes (Lafferty & Gerber 2002, McCallum & Dobson 2002). Au-delà de l’abondance d’un hôte en particulier, la fragmentation des habitats peut modifier la richesse et la composition des communautés d’hôtes (Haddad et al. 2015). La perte d’habitat conduit à la réduction de la richesse et une simplification des communautés, en revanche l’effet de la fragmentation per se est encore discuté est ne fait pas consensus (Miller-Rushing et al. 2019). Une augmentation de la richesse spécifique des hôtes conduit à un plus fort effet dilution (Keesing et al. 2006, 2010). Dans ce cadre, les communautés qui ont une richesse spécifique élevée sont susceptibles de contenir un plus grand nombre d’espèces-hôtes qui ne sont pas capables de transmettre le parasite contrairement aux communautés avec une richesse spécifique plus faible. Dans les communautés plus riches en espèces-hôtes, la probabilité de rencontre entre un parasite et son hôte et la transmission du parasite entre les hôtes sont alors réduites (Keesing et al. 2006). Le risque pour un hôte d’être contaminé par un parasite est donc plus faible dans ces communautés.

Pour les parasites à transmission vectorielle [i.e., le parasite est inoculé par un vecteur (moustique, phlébotome, tique, punaise...), qui s’est lui-même infecté sur un hôte], la fragmentation des habitats modifie également le risque d’infection par un effet sur l'abondance des vecteurs (Estrada-Peña et al. 2014). En effet, des travaux ont mis en évidence que la fragmentation forestière était responsable de l’émergence de maladies causées par des parasites chez l’homme et que le mécanisme associé était souvent lié à une expansion du vecteur. C’est par exemple le cas du paludisme, transmis par les moustiques et causé par les parasites du genre Plasmodium, de la maladie de Chagas, transmise par les punaises et causée par les parasites du genre Trypanosoma, ou encore la maladie du sommeil, transmise par les glossines (mouche tsé-tsé) et aussi causée par les parasites du genre Trypanosoma (Morand & Lajaunie 2018).

I.2.2 Quelles sont les conséquences des effets de la fragmentation des habitats sur les interactions hôtes-parasites ?

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biodiversité. En effet, les parasites ont des effets très forts sur leurs hôtes, que ce soit au niveau de l’individu, de la population ou de la communauté.

Au niveau de l’individu, les parasites ont par définition un effet négatif sur leurs hôtes, car les parasites se développent en consommant les ressources de l’hôte réduisant ainsi l’énergie disponible pour les individus parasités (Combes 2001). De plus, l’énergie nécessaire à l’hôte pour se défendre contre le parasite n’est plus disponible pour d’autres fonctions telles que la survie ou la reproduction (Tompkins et al. 2001). Il a par exemple été montré lors d’une étude conduite sur 6 années chez le renne de l'archipel du Svalbard (Rangifer tarandus plathyrynchus) qu'un traitement antiparasitaire en Avril-Mai augmentait le succès de reproduction du renne l'année suivante par rapport aux rennes non traités (Albon et al. 2002). Ainsi, dans un monde sans parasites, les hôtes n’auraient pas à maintenir des défenses immunitaires très coûteuses, car elles seraient dans ce contexte inutiles (Wood & Johnson 2015). Cependant, un parasite peut aussi avoir des effets positifs sur l’hôte en faisant concurrence à d'autres parasites plus virulents au sein de cet hôte via deux mécanismes : l’immunité croisée et l’inhibition compétitive. En effet, il est possible d’observer une élimination d'un parasite par la réponse immunitaire provoquée par un autre parasite (immunité croisée) ou de la compétition entre deux parasites au sein d’un même hôte (inhibition compétitive) (Martin et al. 2013). Par exemple, dans le cadre du paludisme chez l’homme, de nombreuses études ont montré que les symptômes étaient moins sévères lors de l’infection d’un individu par Plasmodium

falciparum (parasite très pathogène et responsable d'une grande majorité des décès)

lorsque celui-ci était déjà infecté par Plasmodium vivax (parasite peu pathogène et responsable d’une forme bénigne du paludisme rarement mortelle) (Mitran & Yanow 2020).

(32)

2001, Wood & Johnson 2015). Par exemple, l’administration d’un traitement antiparasitaire chez le lagopède d'Écosse (Lagopus lagopus scoticus) a modifié la dynamique des populations de cette espèce. En effet, sans traitement la dynamique était cyclique avec des phases d’augmentation et de diminution de l'abondance de l’espèce, alors qu’avec un traitement ces phases de diminution n’étaient pas observées (Figure 10 ; Hudson et al. 1998).

Figure 10 : Abondance du lagopède d’Écosse (mesurée par le nombre d’individus chassés au cours de l’année) au sein de quatre populations. Deux de ces populations ont reçu un traitement à deux reprises (populations noires), et deux autres populations n’ont pas été traitées (populations vertes). Les années traitées sont indiquées par les deux flèches rouges.

Figure modifiée à partir de Hudson et al. (1998).

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11). Ce processus a par la suite été étendu au système hôtes-parasites entre deux hôtes qui partagent le même parasite (Hatcher & Dunn 2011). Les exemples de compétition apparente sont particulièrement surveillés lorsqu’une espèce sert de réservoir d'infection à l'autre. C’est le cas par exemple de l’exclusion de l’écureuil roux (Sciurus

vulgaris) par l’écureuil gris (Sciurus carolinensis) en Angleterre (Rushton et al. 2000,

Tompkins et al. 2003). Les populations de l'écureuil gris hébergent un virus qui provoque des infections asymptomatiques chez les écureuils gris, mais qui est hautement pathogène chez les écureuils roux. Il en résulte que plus l’écureuil gris s’étend sur le territoire, plus l’écureuil roux disparait (Figure 12). La compétition apparente peut aussi permettre le maintien de plusieurs espèces-hôtes si le parasite partagé impacte plus négativement l’espèce la plus compétitive. C’est ce qui a été observé chez deux espèces de lézard dans les Caraïbes (Schall 1992). Les populations de Anolis gingivinus et Anolis wattsi ne vivent en sympatrie que lorsqu’une souche

Plasmodium (P. azurophilum) est présente. A. gingivinus est un compétiteur

supérieur à A. wattsi, mais P. azurophilum infecte rarement A. wattsi, alors qu’elle peut être commune chez A. gingivinus (Figure 12).

Figure 11 : Effet d’un prédateur ou parasite partagé entre deux proies ou hôtes. Le symbole + ou - indique un effet positif ou négatif d’une espèce sur l’autre, respectivement. Par exemple, une augmentation de l'abondance de l’hôte 1 augmente les ressources disponibles pour le parasite, dont l'abondance va alors augmenter. Ce modèle génère de la compétition

apparente, c’est-à-dire des interactions de compétition indirectes entre les hôtes qui partagent un même parasite (flèches en pointillés).

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pourrait donc fortement impacter la structure et la dynamique des populations, des communautés et même des écosystèmes.

Figure 12 : (A) Distributions observées dans un quadrillage de 5 km de l’écureuil roux et l’écureuil gris dans le comté de Norfolk en Angleterre. Les carrés noirs représentent les zones de présence de l’espèce (de l’écureuil roux à gauche et de l’écureuil gris à droite) et les

carrés blancs les zones où l’espèce est absente. (B) Sites de capture d’Anolis gingivinus et d’Anolis wattsi au sein de l’île Saint-Martin. A. gingivinus est présent sur l’ensemble des

sites alors qu’A. wattsi n’est présent que dans la zone centrale de l’île (délimitée en pointillés). La présence (points blancs) ou l’absence (points noirs) du parasite (P. azurophilum) a été relevée pour chaque site d’échantillonnage. La flèche représente un

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I.3 : Objectifs de la thèse

I.3.1 Objectif 1 : Déterminer les effets relatifs de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat sur les interactions hôtes-parasites

Le premier grand objectif de cette thèse était de déterminer si la perte d'habitat d'une part et la fragmentation per se de l’habitat d'autre part affectaient les interactions hôtes-parasites et si ces effets étaient plutôt positifs ou négatifs pour la biodiversité, ceci à plusieurs niveaux de complexité.

Premièrement, il était important de séparer les effets relatifs de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat, et de déterminer les signes propres de ces effets, pour deux raisons. D’un point de vue fondamental, il s'agissait d’apporter des éléments concrets dans le cadre des questionnements actuels concernant (i) les effets relatifs de ces deux processus de fragmentation et (ii) l’effet positif ou négatif de la fragmentation

per se sur la biodiversité (Fahrig 2003, 2013, 2017, in press, Didham et al. 2012, Hanski

2015, Haddad et al. 2015, Fletcher et al. 2018, Fahrig et al. 2019, Miller-Rushing et al. 2019, Saura 2021). Dans ce contexte, la réponse des interactions hôtes-parasites est très peu étudiée alors que ces interactions sont centrales pour comprendre la structure et la dynamique de la biodiversité. La séparation des effets de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat est par ailleurs la première étape pour déterminer les mécanismes sous-jacents de la modification des interactions hôtes-parasites en réponse à une modification du paysage (Lindenmayer & Fischer 2007). Ensuite, d’un point de vue appliqué, ce premier objectif est crucial pour obtenir des résultats concrets permettant de guider la gestion et la conservation des milieux naturels. En effet, la manière dont la fragmentation per se affecte la biodiversité indépendamment de la perte d'habitat pourrait par exemple permettre d’atténuer les inévitables conséquences négatives de la perte d'habitat en manipulant la configuration spatiale des parcelles d'habitat restantes (Villard & Metzger 2014).

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de parasites. En effet, les mécanismes par lesquels la fragmentation des habitats peut affecter les interactions hôtes-parasites sont variés et opèrent à différentes échelles d’organisation [individuelle, populationnelle ou communautaire (voir chapitre I.2)]. Par ailleurs, ces deux niveaux de complexité sont complémentaires. L’avantage de l’approche « un hôte-un parasite » permet de prendre en compte à la fois l’identité de l’hôte et celle du parasite. Cela est particulièrement intéressant compte tenu de la différence de sensibilité à la fragmentation des espèces-hôtes (MacNally & Bennett 1997, Henle et al. 2004, Ewers & Didham 2006, Bergl et al. 2008, Khimoun et al. 2016) et des espèces-parasites (Chasar et al. 2009, Valdespino et al. 2010, Froeschke et al. 2013, Rakotoniaina et al. 2016, Carbayo et al. 2019, Forti et al. 2020). Toutefois, lorsque différentes combinaisons hôte-parasite répondent différemment à la fragmentation des habitats, cette approche « un hôte-un parasite » ne permet pas de faire de prédictions sur la réponse des communautés d’hôtes et/ou parasites à cette fragmentation. À l’inverse, l’étude des effets de la fragmentation des habitats à un niveau communautaire permet d’avoir une image plus synthétique. Cependant, à ce niveau d’organisation, les travaux ont essentiellement été conduits en mesurant la réponse de la richesse et de la diversité spécifique de la communauté (voir Figure 8 ; Fardila et al. 2017). Cela peut masquer des changements de composition (car on ne prend pas en compte l’identité des hôtes ou des parasites) en réponse aux différents mécanismes de fragmentation. Par exemple, Banks-Leite et al. (2012) ont montré que la perte d’habitat avait un gros effet sur la composition de la communauté d’oiseaux dans les forêts de São Paulo au Brésil alors que la richesse spécifique n’était pas affectée. De la même manière, Blake et Karr (1984) ont montré que la fragmentation

per se des forêts augmentait le nombre d'espèces d'oiseaux dans les forêts en Illinois

aux États-Unis, mais que la richesse de deux groupes de préoccupation majeure pour la conservation (les espèces spécialistes de l’habitat forestier et les espèces migratrices) diminuait.

I.3.2 Objectif 2 : Identifier certains mécanismes qui peuvent être associés aux effets de la fragmentation des habitats sur les interactions hôtes-parasites

(37)

pour étudier l’ensemble des processus potentiels en simultané. Ce type d'approche est généralement focalisé sur un ou deux mécanismes d'intérêt. La sélection a priori des mécanismes à étudier pourrait donc se faire à partir de données descriptives. La stratégie serait alors de d’abord chercher si le lien existe par une approche corrélative (objectifs de cette thèse), puis d’essayer d’infirmer ou de confirmer le schéma causal de façon expérimentale (ce qui pourrait être l’objet de travaux futurs). En effet, les liens de causalité entre un facteur et une réponse biologique ne peuvent pas être mis en évidence à partir de données descriptives (ce qui est le cas des données exploitées dans ce manuscrit de thèse). Autrement dit, s’il existe un lien entre une mesure de qualité de l’hôte (diversité génétique par exemple), une mesure de la pression parasitaire subite par cet hôte (la prévalence par exemple) et la fragmentation des habitats, ces résultats ne pourront pas distinguer les différents schémas de causalité possibles (schéma de causalité A, B ou C de la Figure 13). Cependant, ces données peuvent mettre en évidence un lien entre ces trois mesures et orientent les recherches ultérieures à conduire en conditions contrôlées. Dans ce contexte, si les données descriptives ne mettent pas en évidence de lien, il semble peu intéressant d’aller chercher à orienter le schéma de causalité (A, B ou C), car il pourrait être, au départ, inexistant.

Figure 13 : Schémas causaux possibles si un lien est mis en évidence à partir de données empiriques entre la fragmentation des habitats, la diversité génétique de l’hôte et la prévalence parasitaire. Seule une étude expérimentale pourrait permettre de déterminer le

bon schéma.

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condition corporelle de l’hôte, qui permet de mesurer la quantité des réserves énergétiques d’un individu, est un caractère important, car plusieurs travaux ont montré qu'elle a un impact sur la forme physique et la santé des animaux (Krebs & Singleton 1993, Schulte-Hostedde et al. 2001). Par ailleurs, la condition corporelle est régulièrement utilisée comme descripteur de la forme physique, car cette dernière est souvent difficile à déterminer directement dans la nature (Jakob et al. 1996, Schulte-Hostedde et al. 2005) par des mesures génétiques ou immunologiques. De plus, l’état nutritionnel de l'hôte est un facteur important de sa capacité à faire face au parasitisme. Les individus-hôtes souffrants de malnutrition et dont l'état et les compétences immunologiques sont dégradés sont moins en mesure de se défendre contre les infections parasitaires (Gulland 1992, Hawlena et al. 2008). En parallèle, les parasites peuvent imposer un coût énergétique à l'hôte qui peut réduire davantage la condition corporelle de cet hôte (Püttker et al. 2008). Nous avons donc testé le lien entre la fragmentation des habitats et la condition corporelle de l’hôte, puis le lien entre la fragmentation et le statut parasitaire de l’hôte et finalement, le lien entre la condition corporelle et le statut parasitaire de l’hôte.

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somme des effets de la fragmentation sur la démographie et sur la sélection naturelle. Les réponses de la diversité génétique neutre et de la diversité génétique adaptative à la fragmentation des habitats pourraient alors être différentes. Nous avons donc d’abord étudié si la fragmentation affectait les patrons de diversité génétique selon l’attendu théorique (i.e., une baisse de diversité génétique au sein des populations et une augmentation de la différenciation génétique entre celles-ci). Nous avons ensuite comparé les réponses obtenues pour la diversité génétique neutre et adaptative pour évaluer les effets relatifs de la démographie (dérive génétique et flux de gènes) et celui des pressions de sélection. Finalement, nous avons testé si ces diversités génétiques pouvaient être associées à la variation des prévalences parasitaires en réponse à la fragmentation.

Figure 14 : Distribution des coefficients de corrélation de Pearson entre la diversité génétique neutre et adaptative de 71 jeux de données utilisés dans une méta-analyse. Figure

modifiée à partir de Reed & Frankham (2001).

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et par conséquent augmenter la prévalence de cette espèce-parasite au sein de la première espèce-hôte. Bien qu’il existe de nombreux exemples de la présence d'une compétition apparente entre des paires d'espèces, cette dernière est rarement testée sur plusieurs espèces avec des degrés variables de spécialisation à un type d’habitat dans une même communauté locale. Par ailleurs, la manière dont la perte et la fragmentation per se de l'habitat affectent cette compétition apparente reste largement inexplorées (mais voir Frost et al. 2016, Gómez-Martínez et al. 2020). Nous avons donc testé la présence et la variabilité de la compétition apparente entre plusieurs paires d'espèces au sein d’une localité et l’effet de la fragmentation sur la variabilité de la compétition apparente observée au sein de chaque paire d’espèces.

I.3.3 Organisation du document de thèse

Ce document est structuré en chapitres correspondants aux grands objectifs de cette thèse. Les résultats présentés dans ces chapitres ont donné lieu à la rédaction de manuscrits (publié, soumis ou en préparation) placés en Annexes. Bien que les chapitres de ce document de thèse et les manuscrits d'articles soient partiellement redondants, certains éléments ne sont présents que dans les chapitres ou les manuscrits. Ce document de thèse peut néanmoins être lu indépendamment de la lecture des manuscrits d’articles, car il présente l’ensemble des résultats majeurs obtenus tout au long de la thèse. Le matériel et méthodes général est présenté dans le Chapitre 2. Le Chapitre 3 de ce document de thèse ainsi que les Annexes 1 et 2 présentent des travaux qui répondent au premier grand objectif (i.e., déterminer les

effets relatifs de la perte et de la fragmentation per se de l’habitat sur les interactions hôtes-parasites). Ce chapitre est divisé en deux sous-chapitres correspondants aux

deux niveaux de complexité étudiés [(i) entre un hôte et un parasite et (ii) entre la communauté d’hôtes et la communauté de parasites]. Le chapitre 4 ainsi que les Annexes 3 et 4 présentent des travaux qui répondent au deuxième grand objectif (i.e.,

identifier certains mécanismes qui peuvent être associés aux effets de la fragmentation des habitats sur les interactions hôtes-parasites). Le chapitre est divisé

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II.1 : Cadre de la thèse et zones d’études

II.1.1 Projet de recherche FRAGmentation & Biological INVasions

Cette thèse s’appuie sur les acquis d’un projet européen financé dans le cadre de l’ERA-Net l’ERA-Netbiome 2010 qui s’est terminé en février 2016. Les principaux objectifs de ce projet étaient de déterminer les effets de la fragmentation forestière sur plusieurs réponses biologiques (individuelles et populationnelles) d’un ensemble d'espèces d'oiseaux des Caraïbes ayant des degrés de spécialisation vis-à-vis de l'habitat forestier plus ou moins importants (31 espèces échantillonnées en vue d’analyses ultérieures ; Tableau 1). Plus précisément, les objectifs étaient de déterminer les effets de la fragmentation sur (i) la diversité génétique, (ii) la qualité phénotypique des individus (morphologie, immunologie, physiologie) et (iii) les interactions hôtes-parasites. La méthode mise en œuvre pour répondre à ces objectifs était essentiellement descriptive et consistait en l’échantillonnage de plusieurs populations de ces différentes espèces en milieux naturels dans plusieurs localités avec des quantités et des configurations spatiales de l’habitat forestier contrastées (parcelles forestières petites ou grandes / connectées ou isolées).

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Millennium Ecosystem Assessment 2005). C’est par ailleurs dans ces zones tropicales que l’on observe actuellement les taux les plus élevés de fragmentation forestière (Laurance 2010, Hansen et al. 2010). Par conséquent, il parait primordial d’étudier comment la perte et la fragmentation per se des forêts affectent la biodiversité en particulier dans ces zones à enjeux.

Tableau 1 : Espèces du projet FRAG&BINV échantillonnées en Guyane française et dans les Petites Antilles ainsi que leurs ordres (A : Apodiformes, C : Columbiformes et P : Passériformes), les habitats où l’espèce est présente (a : Forêt, b : Plantation artificielle et

forêt dégradée, c : Végétation arbustive, d : Jardin en milieu rural et e : Milieu agricole et/ou urbain) et leurs statuts de conservation (LC : Préoccupation mineure et NT : Espèce

quasi menacée). L’habitat a une importance majeure (rouge) ou mineure (jaune) pour l’espèce. Pour que la figure soit lisible, les informations concernant l’habitat et le statut de

conservation n’ont été données que pour les 16 espèces dont les données ont été utilisées dans ce manuscrit. Réalisé à partir des données de l’UICN.

Territoire Espèce Statut de

conservation a b c d e

Campylotpère à ventre gris (A) Dryade à queue fourchue (A) Ermite à brins blancs (A)

Grimpar bec-en-coin (P) LC

Manakin auréolé (P) Manakin à tête d'or (P) Manakin casse-noisette (P) Manakin tijé (P)

Merle à col blanc (P)

Myrmidon à flancs blancs (P) Pipromorphe de McConnell (P) Colibri à tête bleue (A)

Colibri madère (A) LC

Colombe à croissants (C) LC

Colombe rouviolette (C) LC

Elénie siffleuse (P) LC

Grive à pieds jaunes (P) NT

Merle à lunettes (P) LC Moqueur corrosol (P) LC Moqueur grivotte (P) LC Moucherolle gobemouche (P) LC Paruline caféiette (P) LC Saltator gros-bec (P) LC Solitaire siffleur (P) Sporophile rouge-gorge (P) LC

Sucrier à ventre jaune (P) LC

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Figure 15 : Surface potentielle de chaque Biome convertie par l’homme en milieu cultivé. Les barres montrent, pour chaque biome, la fraction de la superficie perdue en 1950, perdue entre 1950 et 1990 et la perte projetée d'ici 2050. Les biomes ont été regroupés selon leurs

zones géographiques (tempérée en rouge, tropicale et subtropicale en vert, arctique et subarctique en bleu et azonale en noir). Traduit et modifié à partir du Millennium

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II.1.2 La Guadeloupe et la Martinique

La Guadeloupe et la Martinique sont deux îles françaises faisant partie de l’archipel des Petites Antilles situé dans la mer des Caraïbes. La Guadeloupe se compose de deux zones, Basse-Terre du côté ouest et Grande-Terre du côté est, reliées par un isthme urbanisé. Un double intérêt existe à étudier les effets de la fragmentation sur ces deux îles. Premièrement, les îles abritent généralement de nombreuses espèces endémiques (Tableau 2 ; c’est par exemple le cas du Pic de Guadeloupe ou de l’Oriole de Martinique, endémiques de la Guadeloupe et de la Martinique, respectivement) et l’isolement géographique de ces îles limite les mouvements des espèces entre îles ou depuis une éventuelle source continentale. Limiter les effets de la fragmentation est donc particulièrement important pour que ces espèces d’intérêt persistent. Deuxièmement, les capacités de dispersion des espèces en milieux insulaires sont souvent réduites par rapport aux espèces continentales, ce qui rend ces espèces particulièrement sensibles à la fragmentation (Adler & Levins 1994).

Tableau 2 : Nombre de reptiles, d’oiseaux, d’amphibiens et de mammifères endémiques stricts identifié (espèce présente uniquement sur le territoire considéré) en Guadeloupe (ONF en ligne ; Eraud et al. 2009) et Martinique (UICN Comité français et al. 2020). Le

nombre d’espèces en gras correspond au nombre d’espèces total. Pour les oiseaux, le nombre d’espèces entre parenthèses correspond au nombre d’espèces endémiques des

Petites Antilles.

Espèces Guadeloupe Martinique

Reptiles 6/21 5/12

Oiseaux 1/81 (17) 1/118 (8)

Amphibiens 2/3 0/3

Mammifères terrestres 4/21 1/13

Références

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