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5.1

INTEGRATION DU TRITIUM ORGANIQUE

5.1.1

C

AS DES EXPOSITIONS CHRONIQUES

Si un certain nombre d’études ont été menées concernant l’impact d’exposition au tritium de courte durée sur les végétaux, peu de données expérimentales sont disponibles en ce qui concerne les expositions chroniques. Ce manque de données limite la validation des modèles, en particulier pour les plantes se développant en milieu naturel où un très grand nombre de paramètres sont à prendre en compte. En outre, du fait de la difficulté de maintenir une exposition au tritium de niveau constant sur le long terme, la plupart des études portant sur les expositions chroniques ont été réalisées sur des périodes relativement courtes allant de quelques jours à quelques semaines (Garland and Ameen, 1979; Amano and Garten, 1991; Amano et al., 1995). Les exceptions concernent le suivi environnemental autour des installations nucléaires, pour lesquelles l’historique des mesures du tritium dans certains végétaux est disponible sur plusieurs années. Cependant, toutes les données requises pour les modèles ne sont pas systématiquement relevées dans le cadre de ces contrôles. Par exemple, de nombreuses études ont porté sur la mesure du tritium organique dans les cernes d’arbres à proximité d’installations rejetant du tritium (Yamada et al., 1989a; Kozak et al., 1993; Fuma and Inoue, 1995; Kalin et al., 1995; Yamada et al., 2004a; Vichot et al., 2008b). Les résultats de ces mesures sont en cohérence avec les niveaux de rejets annoncés par les exploitants. Néanmoins, ce type d’étude ne permet pas de comprendre réellement les mécanismes d’incorporation du tritium sous forme organique dans les végétaux en cas d’exposition de longue durée, ni de déduire un impact dosimétrique.

5.1.2

M

ECANISMES BIOLOGIQUES LIES A L

INTEGRATION DU TRITIUM ORGANIQUE

Les aspects biologiques de l’absorption et de l’incorporation du tritium dans les plantes ne sont pas à l’heure actuelle parfaitement compris. Si les aspects qualitatifs et quantitatifs sont bien connus au niveau des réactions enzymatiques, ce n’est pas le cas en revanche à l’échelle du métabolisme de la plante entière. En effet, les voies métaboliques sont bien décrites mais les bilans de matière associés ne le sont pas, notamment en raison des effets difficilement prédictibles de la discrimination isotopique. L’importance relative des différents phénomènes n’est pas bien chiffrée et les données physiologiques nécessaires pour quantifier précisément chaque processus biologique sont manquantes.

Ces données seraient particulièrement intéressantes pour l’amélioration des modèles prédictifs de l’activité tritium dans les végétaux suite à une exposition au tritium. En effet, la pertinence de ces modèles est liée à l’estimation de paramètres dépendant directement ou indirectement de facteurs biologiques, tel que le taux d’incorporation du tritium dans la fraction organique à partir du tritium libre de l’eau tissulaire. Ce taux est en général considéré comme constant tout au long de la vie des plantes. Cependant, des études récentes ont prouvé de grandes différences dans les quantités d’OBT formé en fonction du stade de développement du végétal (Atarashi-Andoh et al., 2002; Choi et al., 2005; Keum et al., 2006). L’évolution quantitative du taux d’incorporation du tritium libre en tritium organique tout au long de la

croissance des végétaux doit à présent être étudiée afin d’améliorer les modèles, notamment ceux dédiés à l’impact dosimétrique de produits agroalimentaires.

D’une manière générale, les données expérimentales concernant l’absorption et l’incorporation organique du tritium font défaut, notamment pour les conditions nocturnes ou pour des conditions météorologiques pluvieuses. La translocation des molécules organiques marquées au tritium et le taux d’élimination de l’OBT après la fin de l’exposition sont également encore mal comprises (Galeriu et al., 2008).

5.2

I

MPACT RADIOLOGIQUE DES FAIBLES DOSES

Les faibles doses de rayonnements ionisants correspondent à des irradiations pour lesquelles aucun effet néfaste sur la santé n’est observé. On parle de « faibles doses » pour des expositions inférieures ou égales à des doses de l'ordre de 100 à 200 mSv. Ces niveaux correspondent à la plupart des expositions : en dehors de la radiothérapie ou d’applications médicales spécifiques, les irradiations (naturelles ou artificielles) délivrent des faibles doses. Pour le public (personnes n’étant pas exposées à une irradiation professionnelle), l’irradiation naturelle est la principale source d’exposition, de l’ordre de 2 à 2,5 mSv par an en France. L’exposition du public vivant à proximité des installations nucléaires se situe au niveau du micro-Sievert en ordre de grandeur. A ces faibles niveaux de dose, aucun effet sur la santé n’est décelé par l’épidémiologie, cependant, l’absence d’effets décelables ne peut exclure l’existence d’un risque. Le risque est lié à la probabilité d’apparition de mutations radio-induites pouvant conduire, après de nombreuses altérations supplémentaires, à des effets stochastiques, en particulier des cancers. La difficulté d’identifier l’existence ou non d’un risque pour les expositions aux faibles doses tient notamment (CARMIN, 2008b):

- au délai de plusieurs années ou même dizaines d’années entre l’irradiation et la maladie cancéreuse, délai pendant lequel de nombreux facteurs de l’environnement sont susceptibles également d’introduire des altérations dans le fonctionnement et l’ADN cellulaire,

- à l’absence de spécificité des cancers radio-induits,

- à la grande fréquence des cancers survenant spontanément.

Le tritium est l’un des radionucléides rejetés par l’homme dans l’environnement dont l’activité est la plus importante ; la question des faibles doses engendrées par le tritium est donc incontournable. A l’heure actuelle, les données expérimentales actuelles concernant les expositions chroniques au tritium à faible dose cumulée et à faible débit de dose ne sont pas suffisamment étayées. En effet, la plupart des études épidémiologiques portant sur les effets du tritium ont été réalisées sur des animaux de laboratoire à des doses et débits de dose beaucoup plus élevés que les expositions professionnelles, et plus encore que les expositions reçues par le public (Belot et al., 1996). Les résultats obtenus pour des doses élevées chez l’animal ne sont pas toujours extrapolables aux faibles doses chez l’Homme.

5.3

S

TANDARDS EN MATIERE DE MESURE ET MATERIEL BIOLOGIQUE DE REFERENCE

5.3.1

N

ECESSITE D

UNIFORMISER LES TECHNIQUES

Différentes méthodes et techniques analytiques ont été développées pour mesurer le tritium dans les échantillons environnementaux. Des normes ont été établies concernant les mesures dans l’air ou les eaux (AFNOR, 1999a, 2000; ISO, 1989). En revanche, il n’y a pas à

l’heure actuelle de méthodologie normalisée pour la mesure des différentes fractions du tritium au sein des organismes biologiques. La mesure du tritium organique, sous forme échangeable ou non, reste le point le plus problématique. En effet, les spécialistes de la radioécologie du tritium sont divisés sur les définitions même de ces deux fractions, et par voie de conséquence, sur la méthodologie à suivre pour les mesurer (Baumgartner and Donhaerl, 2004; IAEA, 2007b). Ceci explique en grande partie la disparité des résultats obtenus par différents laboratoires dans le cadre d’exercices d’intercomparaison (Workman et al., 2005).

5.3.2

A

BSENCE DE MATERIEL BIOLOGIQUE DE REFERENCE

Outre l’absence de méthodologie validée de mesure, il n’existe pas actuellement de matériel biologique de référence pour la mesure du tritium organique, échangeable ou non- échangeable. Jusqu’à présent, seule la thymidine tritiée a été proposée comme molécule « standard » (Harms and Jerome, 2004). Cette molécule permet en effet la calibration des systèmes de mesure du tritium organique. Cependant, elle n’est pas représentative, seule, de la complexité des phénomènes biologiques mis en jeu dans un organisme biologique. De ce fait, elle ne peut pas constituer une référence biologique pour les modèles dosimétriques. La caractérisation d’un organisme entier comme matériel biologique de référence semble donc nécessaire, en particulier pour l’évaluation des niveaux de tritium environnementaux. Le choix d’un végétal de consommation humaine semblerait d’autre part judicieux en termes d’impact dosimétrique.