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2 L E TRITIUM DANS L ’ ENVIRONNEMENT

2.1 L ES DIFFERENTES FORMES DU TRITIUM DANS L ’ ENVIRONNEMENT

2.1.1

L

ES FORMES CHIMIQUES NON

-

ORGANIQUES DU TRITIUM

La forme la plus abondante du tritium dans le milieu naturel (ainsi que dans les espèces vivantes) est l’eau tritiée HTO (Belot et al., 1996). D’autres espèces chimiques du tritium sont néanmoins naturellement présentes, principalement le tritium gazeux (HT) et le méthane tritié (CH3T). Le transfert de ces différentes molécules tritiées dans l’environnement est lié à des

processus physiques (transport en masse, diffusion), chimiques (réactions, changements d’état) et biologiques (Murphy, 1993).

2.1.2

L

E TRITIUM DANS LES ORGANISMES BIOLOGIQUES

Deux fractions distinctes du tritium sont considérées dans les organismes biologiques, animaux ou végétaux: le tritium présent dans l’eau tissulaire et le tritium incorporé à la matière organique. On distingue en outre deux formes de tritium organique selon la nature des liaisons chimiques dans lesquelles le tritium est impliqué. On parle habituellement de tritium incorporé à la matière organique de façon échangeable ou non-échangeable.

2.1.2.1 Le tritium dans l’eau tissulaire des organismes

Le tritium de l’eau tissulaire (souvent noté TFWT dans la littérature pour « Tissue Free Water Tritium ») correspond à la fraction de tritium sous forme d’eau tritiée (HTO) dans tous les compartiments aqueux des organismes biologiques. Cette fraction aussi appelée « tritium libre » est la plus facile à éliminer de l’organisme du fait du renouvellement de l’eau très rapide chez la plupart des êtres vivants (Belot et al., 1996).

2.1.2.2 Le tritium dans la matière organique

Le tritium organique correspond à la fraction du tritium intégré dans la matière organique des êtres vivants soit par échange isotopique avec des molécules (organiques) existantes, soit lors de la fabrication de nouvelles molécules via les processus métaboliques.

2.1.2.2.1 Le Tritium Organiquement Lié échangeable

Certains atomes de tritium sont liés à des atomes d’oxygène, d’azote, de soufre, d’halogènes… Dans ce type de liaisons covalentes faibles (alcool, acide, amine…), le tritium présente un caractère labile important. De ce fait il est facilement échangé avec les atomes

d’hydrogène (1H) de l’eau ou des alcools non tritiés (Thompson and Nelson, 1971) : c’est

pourquoi on parle de tritium organiquement lié échangeable (Belot, 1986; Diabaté and Strack, 1993; Baglan et al., 2005).

Les travaux de Guénot (Guenot, 1984) sur des vignes et des plants de pommes de terre soumis à une exposition atmosphérique d’eau tritiée durant quelques heures ont montré que le compartiment hydrogène/tritium échangeable est à tout moment en équilibre avec l’eau tissulaire des plantes. Ces deux compartiments ont donc la même dynamique ; les molécules contenant de l’hydrogène échangeable sont accessibles au marquage par le tritium avec la même rapidité que l’eau libre et se décontaminent de même.

2.1.2.2.2 Le Tritium Organiquement Lié non échangeable

Certains atomes de tritium sont intégrés à la matière organique par des liaisons covalentes à des atomes de carbone (C-H). Ces liaisons sont stables sauf en présence d’acides forts, de bases fortes ou de catalyseurs. Cette fraction du tritium n’est pas susceptible d’échange isotopique avec le sol et l’atmosphère, on parle pour cette raison de tritium organiquement lié non échangeable (Diabaté and Strack, 1993; Ware and Allott, 1999; Pointurier et al., 2004). Du fait de son temps de résidence plus long, la fraction non échangeable représente l’intégration du tritium environnemental pendant la croissance des organismes et plus généralement tout au long de leur vie. De ce fait, c’est un bon indicateur de la contamination au tritium en cas de rejet accidentel ou chronique (Guenot, 1984).

En pratique, si le terme de « tritium organiquement lié » ou « organically-bound tritium » (généralement noté TOL ou OBT) correspond en théorie à toute molécule organique à laquelle le tritium est lié, de manière échangeable ou non, on considère souvent dans la littérature que l’OBT renvoie seulement à la fraction non échangeable.

2.1.2.2.3 Discussion

Depuis quelques années, la définition du tritium organique non-échangeable comme tritium lié aux atomes de carbone de manière covalente au contraire du tritium organique échangeable (Belot, 1986; Diabaté and Strack, 1993; Baglan et al., 2005) est remise en question. En effet, les atomes de tritium prisonniers de macromolécules ou de sphères d’hydratation du fait de liaisons Hydrogène s’échangent très lentement en raison de leur inaccessibilité à l’eau cellulaire, et non de la nature de leur liaison chimique (Diabaté and Strack, 1993; Baumgartner and Donhaerl, 2004). Par conséquent, cette fraction du tritium dite « piégée » (« buried tritium ») peut se comporter, lors de la préparation analytique d’échantillons, de la même manière que le tritium organique non-échangeable sans impliquer de liaisons carbone-tritium (Baumgartner and Donhaerl, 2004).

Le groupe de travail du programme EMRAS (Environmental Modeling for Radiation Safety) de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) en charge des questions relatives au Tritium et au 14C a proposé en 2007 la définition suivante (IAEA, 2007b) : « OBT is

carbon-bound and buried tritium that was originally formed in living systems through natural environmental or biological processes from HTO (or HT via HTO). It is the activity in dry biomatter that has been washed repeatedly with tritium free water. Other types of organic tritium (e.g. tritiated methane, tritiated pump oil or radiochemicals) should be called tritiated organics, which can be in any chemical or physical form. » (« Le terme OBT recouvre le tritium lié aux atomes de

carbone et le tritium dit “caché” au sein des molécules qui a été formé dans des systèmes vivants via des processus naturels ou biologiques à partir de HTO (ou HT via HTO). Il est responsable de

l’activité de la matière biologique sèche qui a été lavée plusieurs fois à l’eau non tritiée. Les autres formes du tritium organique (méthane tritié, huiles ou produits radiochimiques tritiés) doivent être appelés produits organiques tritiés, sous quelque forme chimique ou physique qu’ils soient. »). Face à ce problème de définition, il convient donc d’être précis sur le protocole opératoire utilisé en pratique pour la mesure du tritium organique, notamment en ce qui concerne la méthode et le temps mis pour l’échange visant à éliminer la fraction échangeable (Belot et al., 1996; Ware and Allott, 1999). L’approche la plus pragmatique consiste en effet à considérer simplement comme OBT non échangeable la fraction qui n’a pas pu être échangée selon le mode opératoire utilisé.

De plus, il faut garder à l’esprit que ces définitions du tritium organique échangeable ou non-échangeable n’ont pas de sens d’un point de vue biologique (König, 1990). En effet, le tritium sous forme d’eau tritiée est intégré à la fraction organique au cours des réactions métaboliques, en position échangeable ou non selon la réaction considérée. Au cours des processus biologiques, des transformations de molécules surviennent et conduisent au transfert d’atomes de tritium échangeables en position non échangeable. Par conséquent, les molécules organiques, qui jouent un rôle clé dans les processus biologiques, peuvent présenter des atomes de tritium à la fois en position échangeable et en position non échangeable.