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CHAPITRE 2 CONCEPTS THEORIQUES

2.3 Théorie classique de la nucléation et mouillage

2.3.4 Nucléation hétérogène

Plusieurs concepts précédemment cités sont à rassembler afin d’appréhender la nucléation hétérogène. En premier lieu, la qualification d’hétérogène est attribuée grâce à l’existence d’un substrat physique ou d’une substance chimique distincte de la vapeur qui condense. L’explication des phénomènes qui s’en suivra cible la nucléation hétérogène physique puisque c’est le sujet de cette thèse.

La nucléation de germes provient, comme le paragraphe précédent stipule, de la sursaturation imposée ainsi que de la probabilité à créer un agrégat de rayon 𝑟∗ et de volume 4𝜋𝑟∗3

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considérons à présent l’existence d’une surface plane, dont l’affinité avec le composant qui condense est grande : la substance est mouillante, l’angle de contact exhibé est au maximum 90°. Afin d’obtenir un germe stable de même rayon 𝑟∗, il ne sera nécessaire que d’assembler (au maximum) la moitié du

‘volume homogène’ (2𝜋𝑟∗3

3 ) (Figure 18). Par rapport à la nucléation homogène, c’est la morphologie du

germe qui est affectée. Ainsi, la différence d’énergie libre entre la vapeur et le solide est pondéré par un facteur géométrique 𝑓(𝜃) (pour les substrats dont le rayon est bien supérieur au rayon critique), dépendant de l’angle de contact arboré : 𝑓(𝜃) = (2 + 𝑐𝑜𝑠 𝜃)(1 − 𝑐𝑜𝑠 𝜃)2

4 (112). 𝑓(𝜃) pondère les termes de

volume et de surface de manière égale (équation 2.5): ∆𝐺𝑡𝑜𝑡 =𝑓(𝜃) [𝑛𝑅𝑇𝑙𝑛 𝑃 𝑃0+ 𝐴𝛾] [2.5] Pour 𝑑∆𝐺𝑡𝑜𝑡 𝑑𝑟 = 0, 𝑟 ∗= −2𝛾 ∆𝐺𝑉 et ∆𝐺 ∗ =𝑓(𝜃) 16𝜋𝛾3

3∆𝐺𝑉2. Il est à remarquer que le rayon critique ne varie pas face au cas homogène mais la valeur de l’énergie libre diminue grâce à la présence du substrat. C’est parce que la valeur du rayon critique ne varie pas que la surface devient un atout à la nucléation : le système diminue son énergie libre totale (Figure 20 b) grâce au recouvrement (partiel) du substrat et au développement d’un dôme sphérique (et non d’une sphère). Pour être stable, l’agrégat n’a pas besoin d’autant de molécules que pour une sphère complète d’où une nucléation plus facile (la probabilité de créer un agrégat stable est plus grande). Ainsi, c’est l’affinité entre la surface et le condensat (la morphologie du germe) qui permet de diminuer la barrière énergétique à franchir (113). Pour résumer, à sursaturation égale, le nombre de germes sera plus grand lors d’une nucléation hétérogène qu’homogène (Figure 20 c). Généralement (de manière pratique), il est plus intéressant de regarder la diminution de sursaturation associée à la nucléation hétérogène. Puisque ∆𝐺𝑉 ℎé𝑡é𝑟𝑜 est

systématiquement inférieur à ∆𝐺𝑉 ℎ𝑜𝑚𝑜 : ∆𝐺𝑉 ℎ𝑜𝑚𝑜 > ∆𝐺𝑉 ℎé𝑡é𝑟𝑜 alors Pℎ𝑜𝑚𝑜 > P ℎé𝑡é𝑟𝑜, c’est pour cela que la nucléation hétérogène domine la formation de nouvelles phases.

Dans le cas de la nucléation hétérogène, l’apport de matériel n’est pas seulement fonction de la phase gazeuse mais est aussi due à la diffusion des molécules sur la surface. La fréquence de nucléation devient alors 𝐽ℎé𝑡é𝑟𝑜 = 𝑊ℎé𝑡é𝑟𝑜𝑛ℎé𝑡é𝑟𝑜∗ , où le flux incident de monomères est 𝑊ℎé𝑡é𝑟𝑜 est dû à la somme

du 𝑊ℎ𝑜𝑚𝑜 et du flux incident d’adatomes à la périphérie du germe : 𝑊ℎé𝑡é𝑟𝑜 = 𝑊ℎ𝑜𝑚𝑜+ 𝑊𝑠𝑢𝑟𝑓 . 𝑊𝑠𝑢𝑟𝑓

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𝐽ℎé𝑡é𝑟𝑜 = 𝐶ℎé𝑡é𝑟𝑜 𝑒− (∆𝐺ℎé𝑡é𝑟𝑜 ∗

+∆𝐺𝑠𝑢𝑟𝑓

𝑘𝑇 ) [2.6]

Figure 20 : Comparaison entre nucléation homogène et hétérogène.

a) Comparaison des morphologies et volumes nécessaires à la création d’un germe stable dans le cas de nucléations homogène (en bleu) et hétérogène (en noir), b) Différences d’énergies libres relatives entre des phénomènes de nucléation homogène (en bleu) et hétérogène (en noir) et c) Fréquence de nucléation homogène (en bleu) et hétérogène (en noir) en fonction de la sursaturation.

Dans ce cas, le facteur pré-exponentiel dépend de la fréquence des sauts pour la diffusion ainsi que de la géométrie des germes et des flux incidents. La Figure 20 c montre l’évolution de la fréquence de nucléation en fonction de la sursaturation. Comme il est visible sur la Figure 20 c, il existe une sursaturation ‘pseudo-critique’, imitant presque une transition, avant laquelle la nucléation n’est pas observable durant un temps raisonnable de manipulation.

La nucléation hétérogène a été présentée comme étant la création d’une nouvelle phase sur la surface lisse. En pratique, aucune surface n’est atomiquement plane et la présence de rugosités ou d’impuretés (physiques et chimiques) influent grandement sur les sursaturations nécessaires à la nucléation.

2.3.4.1 Nucléation Hétérogène de surface et Hétérogène assistée

Deux types de nucléation hétérogène existent. Premièrement qualifiées ‘d’hétérogène’ car la nouvelle phase se développe sur une surface, le deuxième qualificatif (‘de surface’ ou ‘assistée’) précise les affinités d’interactions avec le substrat et la morphologie du noyau de glace. La nucléation hétérogène de surface est celle présentée ci-dessus (Figure 21 b), où une nouvelle phase pure nuclée sur une surface

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plane. Si le germe nuclée sur un défaut concave ou convexe, la surface offre de ce fait un volume initial fini, favorisant la nucléation (tant que son rayon est supérieur au rayon critique). Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser l’expression développée de 𝑓(𝜃) (114) afin d’exprimer la géométrie spécifique et la nucléation est qualifiée d’hétérogène assistée.

Figure 21 : Géométrie d’un germe de rayon critique.

Lors d’une nucléation a) homogène, b) hétérogène de surface et c) hétérogène assistée sur une impureté convexe (inspiré de Yarom et al. (114)).

Un deuxième cas de nucléation hétérogène assistée provient de la nucléation d’une nouvelle phase induite par un composé chimique (qui ne sera pas traitée dans ce manuscrit). Aux vues de la diversité chimique des composés et des aérosols atmosphériques (115) la nucléation hétérogène assistée (chimiquement) est largement répandue. Les sels et acides, par exemple, recouvrant partiellement (ou entièrement) les particules aéroportées, prouvent leur efficacité quant à leur influence sur la fréquence de nucléation. La grande solubilité des composés dans l’eau abaisse le potentiel chimique de la solution (face à l’eau pure), favorisant l’accrétion et la création de germes stables. Évidemment, ces concepts, bien séparés théoriquement, coexistent dans la nature (et en laboratoire), et participent ainsi, de concert, à la nucléation de germes de glace. Ainsi, comme précisé précédemment, la nucléation homogène est un phénomène très rare aux vues des quantités d’aérosols existant et est même crue inexistante par certains (111).