• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 TECHNIQUE EXPERIMENTALE ET PROTOCOLE

3.2 Les altérations des images

3.2.2 Les dommages dus au faisceau

Bombarder un échantillon de particules chargées peut endommager le spécimen, non seulement à cause des interactions électrons-matière mais aussi à cause du manque de conductivité de celui-ci. Ici sont cités quelques phénomènes induits par le faisceau : plasmons, ionisation ou déplacement d’un atome, émissions d’électrons et de photons, augmentation de la température, charge électrostatique, réticulation…, mais dans le cas présent, seuls l’ionisation de la molécule d’eau et les effets de charge seront développés car ils représentent les deux dangers principaux pour ce travail.

3.2.2.1 L’ionisation de l’eau et du substrat

L’eau est un matériau fragile face aux électrons où les ionisations atomiques donnent lieu à des réactions en chaîne pouvant créer des ions, des molécules d’eau à l’état excité, des radicaux libres, causer des transferts de protons, créer de nouvelles réactions chimiques ou encore élever la température de l’échantillon localement(139). Tous ces processus (affectant la glace mais aussi la vapeur d’eau introduite dans le microscope) peuvent entraîner l’accélération de la croissance, stimuler des processus atomiques hyperthermiques non accessibles dans la plage de température du substrat ou encore à la

76

sublimation, cristallisation ou amorphisation partielle du dépôt. L’ensemble de ces mécanismes peuvent ainsi mener à l’altération de la morphologie normalement développée dans les conditions de déposition choisies.

Les substrats aussi sont sensibles au faisceau d’électrons, en particulier la muscovite, bien connue pour se dégrader, se fragmenter ou encore se réorganiser lors de l’observation de celle-ci aux techniques de microscopie électronique (140,141). Ci-dessous sont des exemples observés lors de nos expériences de déposition à recouvrement partiel sur la muscovite (Figure 37 a, b, c et d) et sur l’or (Figure 37 e et f). Ici, il est possible d’observer la croissance de glace en filaments sur le substrat (Figure 37 a), en dendrites (Figure 37 b et d) et pics (Figure 37 c et d) à partir de cristaux préexistants ou encore simplement la nucléation accélérée de cristaux (Figure 37 e et f) où la densité en nombre de cristaux sur la zone observée (à fort grossissement) est accrue. Ces effets sont visibles lorsque la déposition est faite de façon simultanée à l’observation rapprochée des cristaux.

Les conséquences de l’exposition du substrat au faisceau d’électrons ne sont pas directement visibles sur la muscovite (excepté les effets de charges). Cependant, la croissance rapide, en filaments de la glace, longeant le substrat, peut provenir de la manifestation de l’ionisation de la surface améliorant la croissance sur un site (ou une zone) donnée (Figure 37 a et d). Jumelé à cela, les dendrites, croissant en s’éloignant du substrat (Figure 37 b, c et d), évoque la possible formation de molécules d’eau excitées (gazeuses et adsorbées), d’ions ou encore l’élévation locale de température (comme observées par Cartwrigh et al. (58), assimilées à la Zone3 d’où à la forte augmentation de température) bien que les mécanismes de croissance restent incompris. Les Figure 37 d, e et f, quant à elles, démontrent la circonscription des conséquences du bombardement électronique : le haut de la Figure 37 d, soumis à l’observation, est recouvert de glace alors que la partie basse expose la muscovite quasiment nue. De même pour les Figures 37 e et f, l’observation et ses conséquences sont localisées aux fenêtres d’observation préalablement étudiées.

77 Figure 37 : Dépôts partiels de glace altérée.

Dépôts faits à (183K ± 1) K et (1,0 ± 0,1)x10-3 Torr, observés à 20 kV par MEB, sur la muscovite, a), b), c) et d) après 30 à 45 minutes de déposition et e) et f) sur l’or après 20 minutes de déposition.

78

La nette différence de morphologie de la glace entre les deux substrats (i.e. muscovite vs or) suggère des processus mécanistiques bien distincts, inconnus et pourraient découler de la nature isolante ou conductrice du substrat. Ainsi, en régulant la densité électronique locale, il est possible d’influencer la nature chimique de l’environnement (du substrat, du dépôt et du gaz) et les processus diffusifs et d’adsorption (de physisorption et chimisorption). Afin de limiter ces effets, il est possible d’observer la glace avec des électrons de plus faible énergie (5 kV au lieu de 20 kV), permettant de prévenir les ionisations des substrats et de l’eau ainsi que d’imager un plus faible volume et d’être plus sensible à la topologie de surface.

Dans le cas où la densité électronique locale devient trop importante dans les couches peu profondes, à cause de la faible dissipation des charges, celle-ci n’influencent pas seulement la morphologie du dépôt mais altèrent aussi la qualité de l’image. Cet effet (simplement appelé ‘effet de charge’) est couramment observé lors d’études sur des matériaux organiques ou minéraux, et plus généralement des matériaux isolants.

3.2.2.2 L’effet de charge

Dans un matériau isolant (tels les échantillons organiques, céramiques, verres(142) ou bien entendu, dans le cas qui nous intéresse ici, la glace amorphe et poreuse), les charges restent piégées, durant un temps fini, dans le volume accessible aux électrons. Le taux d’émission des SE augmente (dû au mode balayage) et le signal devient plus intense voire sature, d’où une perte totale de l’information, rendant impossible l’observation suivie dans le temps. Pour pallier à cet effet, plusieurs méthodes peuvent être employées, dépendamment de la nature de l’échantillon. La plus commune est l’enrobage du spécimen d’une couche métallique d’une dizaine de nanomètres, permettant d’évacuer les électrons incidents, en risquant néanmoins, une perte d’information morphologique et surtout compositionnelle. Si, comme dans notre cas, il n’est pas possible d’enrober le matériau, l’utilisation des électrons de haute énergie (BSE) est préconisée, car moins sensibles aux champs électriques induits dans l’échantillon. Pour finir, l’élévation de la température permet de donner l’énergie nécessaire à la migration des électrons emprisonnés, ainsi qu’améliorer la conductivité électrique du matériau ou même changer sa phase (dans la glace, les pores nanoscopiques servant de pièges à électrons s’effondrent dès 120 K).

79

En résumé, dans le cas de l’observation de la glace, afin de limiter les distorsions des images, il est nécessaire avant chaque expérience d’aligner correctement la colonne et de limiter l’observation préalable des substrats, ainsi que l’exposition des dépôts prolongée et rapprochée aux électrons. Pour finir, en ce qui concerne les choix des conditions expérimentales ainsi que les limitations dues à l’appareillage, le prochain paragraphe traite de la stabilité des films de glace ainsi que des contraintes imposées par le microscope.