• Aucun résultat trouvé

Avoir de nouvelles responsabilités

Dans le document Erasmus France/Italie : une forme d'exil ? (Page 32-35)

L’un des personnages centraux de la création du programme Erasmus est italien. Sofia Corradi fut pendant longtemps professeur de Science de l’Education à l’Université Roma Tre et elle est affectueusement appelée « mamma Erasmus » pour avoir été l’une des premières à s’être battue corps et âme pour la création d’un programme européen reconnaissant les études effectuées à l’étranger, après s’être elle-même vu refuser la validation de son année d’études à la Columbia University (New York). Elle a mené ce combat depuis le début des années soixante, mais ce n’est qu’en 1976 que des examens passés à l’étranger ont pu être validés pour la première fois. Puis elle a poursuivi sa lutte aux côtés de Jacques Delors (alors président de la Commission Européenne) et de bien d’autres car elle croyait déjà en la Génération Erasmus. La Génération Erasmus est celle qui s’apprête à devenir aujourd’hui classe dirigeante. Pour mener son combat, Sofia Corradi a pris appui sur le contexte social de son époque, et cela lui a été favorable, notamment le désormais célèbre « I have a dream », titre du discours prononcé par Martin Luther King en 1963.

Avec Erasmus, l’étudiant n’étudie plus en tant que simple citoyen français ou italien, mais en tant que citoyen français et européen, ou en tant que citoyen italien et européen. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Nous le verrons dans la partie suivante.

Avant cela, arrêtons-nous un instant pour voir, au-delà de la dimension universitaire (la confrontation avec une autre forme d’enseignement comme avec une autre langue) examinée dans la première partie, à quels autres aspects sont confrontés les étudiants pendant leur Erasmus.

L’une des premières tâches à laquelle doivent faire face les futurs étudiants Erasmus sont les tâches administratives pour concrétiser l’inscription dans l’université d’accueil. Aussi bien dans l’université d’origine que dans l’université d’accueil, l’étudiant est accompagné par le bureau des relations internationales et par un professeur qui endosse le rôle de « responsable Erasmus » dans l’optique d’accompagner l’étudiant dans cette tâche

32

administrative initiale qui s’avère souvent anxiogène. Toutefois, malgré les difficultés affrontées, cela s’avère bénéfique pour les étudiants sur le long terme, puisqu’ils développent une adaptabilité émotionnelle certaine face aux situations anxiogènes et aux nombreux imprévus de l’Erasmus. Aucune difficulté n’est en réalité insurmontable, et ils prennent ainsi confiance en eux. Beaucoup relativisent face aux épreuves qui se présentent à eux. Mais certains, n’ayant pas cette capacité préfèrent abandonner en cours de route, en accord tant avec l’université d’origine qu’avec l’université d’accueil. Concernant les abandons, le bureau Erasmus de l’Université de Florence m’a indiqué que, pour l’année universitaire 2017-2018, leur département a accueilli vingt-cinq étudiants français mais a enregistré une forte augmentation des abandons de dernière minute de la part d’étudiants français. Ainsi sept étudiants français ont-ils abandonné leur projet de poursuivre leur année auprès de l’Université florentine.

Les jeunes peuvent également, le cas échéant, être accompagnés dans la recherche d’un logement (avant le départ ou une fois arrivé dans le pays d’accueil). La plupart du temps la recherche d’un logement incombe aux étudiants. Sur ce point, on constate qu’en Italie c’est la collocation qui est privilégiée, tandis qu’en France existent aussi des résidences universitaires. L’aspect du logement n’est pas anodin. En effet, c’est un lieu central de la vie. Pour Cédric Klapisch35, dans son film L’Auberge Espagnole « cet appartement à un moment devient une métaphore de l’Europe » car chaque étudiant, chaque jeune y apporte une culture, une identité différente (la nourriture de leur pays, leur histoire…).

Maelys, (catégorie 3, n°4) m’indiquera : « Cette expérience m’a permis d’apprendre sur l’autre, de comprendre l’autre et surtout d’accepter l’autre. »

Pour le réalisateur, « Erasmus c’est vraiment là-dessus : comment vivre ensemble ? ». C’est une expérience qui permet l’apprentissage de la relation entre soi-même et les autres dans un monde pluriel.

Le logement est un lieu central de l’apprentissage de cette relation. On y grandit, comme le relatent de nombreux étudiants dans leurs témoignages :

« Sondare attentamente il terreno è fondamentale per non incorrere in disagi non preventivati che tingano il sogno dei toni foschi dell'incubo. Preparazione, realizzazione sono elementi fondamentali. È un salto

35 LEGAY Sébastien ; DREUJOU Mathieu, Infrarouge - Erasmus, notre plus belle année. [enregistrement

video] [en ligne]. Diffusé le 24/10/17, France 2. Disponible sur : https://www.france.tv/documentaires/societe/296871-infrarouge-erasmus-notre-plus-belle-annee.html

33

nel buio, un vuoto che può risucchiare e, in una certa misura, lo fa. Ti svuota di ogni energia, lasciandoti prostrata ed in preda ai dubbi e ai timori, smonta la tua concezione di te, ti priva delle convinzioni, gioca con le tue insicurezze e ti mina fisicamente e psicologicamente. Ma se riesci a scoprire il segreto, se smetti di combattere tutto ciò che non va e scegli semplicemente di abbandonarti alla corrente e seguire il flusso, scoprirai un mondo di cui non avevi neppure supposto l'esistenza. Un mondo oltre il tuo orizzonte, per quanto caotico ed ingarbugliato.» (Alessia, catégorie 4, n°1)

Erasmus est une expérience dite personnelle mais en aucune manière individuelle. Tous les étudiants participant au programme sont confrontés aux mêmes difficultés. Tant sur le plan académique que financier ou relationnel. Ils découvrent ce sentiment commun d’être étrangers, comme étiquetés face à des étudiants locaux qui sont « chez eux ».

« Per un viaggio si parte tanto con le proprie certezze quanto con i propri dubbi e il tragitto del percorso è importante almeno quanto la meta finale. Il viaggio, in definitiva, rappresenta un’esperienza polisemica, nella quale lo spazio per l’autoriflessione non è mai distaccato dall’incontro con l’alter, e l’esperienza stessa si colora con la varietà di questo scambio.» 36

Tant le témoignage d’Alessia que celui de Luca Alteri illustrent l’idée que l’étudiant part aussi dans l’optique de sortir de sa zone de confort. L’âge moyen des départs est de 22 à 24 ans, ce qui constitue pour la plupart leur premier départ loin du foyer familial.

« Sono passata dal vivere a casa con la mia famiglia, in cui non sapevo cucinare o fare una lavatrice, a dover pensare a me stessa, da sola lontana chilometri da casa. Ho dovuto affrontare tutte le difficoltà da sola, dal cambiare una lampadina ad uscire con la febbre per andare in farmacia a comprare le medicine. Ho vissuto da sola, ho imparato a stare da sola, ho imparato ad apprezzare la solitudine ed il silenzio. » (Marta, catégorie 4, n°4)

Les organismes Erasmus tels que ESN (Erasmus Student Network) ou l'Association des États Généraux des Etudiants de l'Europe (AEGEE) sont parfois une ressource utile pour les étudiants car ils y retrouvent d’anciens étudiants Erasmus pouvant leur venir en aide. Anciens et nouveaux étudiants Erasmus se rencontrent lors des soirées organisées par les divers organismes existants ou lors des voyages. Ils sont heureux de partager (leur expérience, l’histoire de leur pays…) et éprouvent bien souvent une forme de nostalgie. Nous reviendrons sur l’aspect du retour plus tard.

36 ALTERI Luca, « Il programma Erasmus tra sapere ed esperienza», in [Generazione Erasmus? : l'identità

europea tra vissuto e istituzioni. - ( Leggere la società)]. - [Firenze : Firenze University Press, 2008.] - Cit. p.58

34

Mais lors du séjour Erasmus s’agit-il simplement d’apprendre une langue ? Sinon, quelles sont les attentes, les aspirations des étudiants sortants ?

Dans le document Erasmus France/Italie : une forme d'exil ? (Page 32-35)