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Chapitre 2 : Le pouvoir local face aux autorités déconcentrées

3. Une nouvelle relation entre le centre et l’échelon local

Dans son ouvrage sur le Pouvoir local, J.-C. Maitrot juge que « le modèle d’administration territoriale républicaine est fondé sur l’influence réciproque des administrations de l’État, du préfet et des notables, sur la dépendance à l’égard du pouvoir central et sur la volonté de préserver une certaine autonomie »344. Il paraît nécessaire d’évaluer comment se présente le nouvel équilibre entre la décentralisation et la déconcentration. Dans ce contexte, il n’y a pas en Chine de recherche approfondie qui porte sur le modèle d’administration territoriale comme il existait avant le début du 20ème siècle. Quant à la République de Chine, elle a tenté à plusieurs reprises de mettre en place un modèle combinant décentralisation et déconcentration, mais sans succès. Les évolutions récentes après l’ouverture de la Chine semblent s’inspirer du modèle occidental, notamment français.

L’analyse classique, fortement fondée dans l’histoire de la Chine, des rapports centre-périphérie demeure encore valable sur le terrain. Les chercheurs chinois l’utilisent beaucoup pour justifier la construction des pouvoirs locaux dans la nouvelle Chine.

343《地方各级人民政府机构设置和编制管理条例》(国务院令 2007 第 486 号,以下简称《条 例》)。《中共中央办公厅国务院办公厅关于进一步加强和完善机构编制管理严格控制机构编制的通 知》(厅字[2007]2)。《机构编制监督检查工作暂行规定》。En février 2007, le Conseil des affaires de l'État a publié trois documents ayant valeur de décret : le Règlement sur l'administration de l'établissement et de

la dotation des organismes administratifs du gouvernent local (décret n° 486 de 2007) ; le Règlement du Comité central du PCC et du Conseil des affaires de l'Etat sur la poursuite, le renforcement et l'amélioration de l’action des organismes publics et des mécanismes de notification ; le Règlement provisoire sur le contrôle administratif et sur l’agence d'inspection.

Le caractère unitaire de l’État explique que l’analyse institutionnaliste soit celle qui ait connu les développements les plus poussées pour rendre compte de la nature, du statut et de l’évolution du pouvoir local dans le système politico-administratif. L’institution locale n’est perçue que comme subordonnée, quel que soit le territoire considéré. La référence à l’indivisibilité de l’État, réaffirmée avec plus ou moins de force au gré des contingences historiques, se retrouve dans le corpus de la Constitution : Si les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus, elles le font dans les conditions prévues par la loi. Dans ce contexte, la décentralisation ne peut représenter qu’une modalité de gestion administrative associant les populations locales à l’administration de leurs affaires345. Cette conception repose sur le caractère unique de la souveraineté : Une seule idée de droit anime une puissance d’État unique matérialisée par une seule organisation gouvernementale. « Les collectivités décentralisées ne peuvent faire valoir une idée de droit qui leur soit propre. Leur intervention est de nature exclusivement administrative et suppose l’emploi d’une puissance qui a été délimitée et conditionnée par l’État »346. Ainsi, l’État unitaire impose une structure administrative homogène établie par le législateur. Les collectivités sont identiques à travers le territoire et ne laissent en principe pas de place pour les particularismes régionaux.

Cette problématique de la centralité a été systématisée à partir de l’idéologie de l’intérêt général et en définissant un modèle de relations entre le centre (l’État) et la périphérie (les collectivités et organes de représentation infra-étatiques)347. La conception de l’État fait le lieu d’intégration et d’unification de la société civile et le modèle institutionnel a une structuration bipolaire : l’un des pôles incarne l’unité et la cohérence de l’ordre publique, l’autre traduit la diversité et l’ouverture aux influences extérieures. Au plan fonctionnel, cette construction a un double but : transmettre des informations et traduire des choix politiques. Les institutions administratives périphériques assurent par ce biais non seulement la canalisation des demandes sociales mais encore la représentation de divers intérêts sociaux348. Le rapprochement du modèle centre-périphérie et de l’analyse du système politico-administratif local développée par P. Grémion et J.-P. Worms fait apparaître les mécanismes

345任广浩,《国家权力纵向配置的法治化选择》,河北法学,2009 年第 5 期。Ren Guanghao, Le

choix de Constitutionnalité de la disposition des pouvoirs, Revue ‘Droit hebei’, 2009 n° 5, p. 84-90.

346谢庆奎,《中国地方政府体制概论》,中国广播电视出版社, 1998。Comp. de manière générale : Xie Qingkui, Introduction au système chinois de l'administration locale, China Radio et Télévision Presse, 1998, Chapitre 1.

347J. Chevallier, L’État de droit, Paris, Montchrestien, 1992. Comp. de manière générale : première partie.

de régulation à l’œuvre entre la filière administrative (l’administration étatique centrale et territoriale) et la filière politique (les élus). La configuration qui prévaut est ainsi caractérisée par des relations de dépendance et d’échange entre les administrations de l’État et les administrations locales. Il faut souligner que ce modèle permet une intégration équilibrée de l’administration et du politique au niveau local, où fonctionnaires et élus concourent à la régulation du système. Une régulation multiforme, parfois « complice », parfois « pouvoir parallèle », permet à l’appareil administratif de l’État de remplir en permanence un rôle d’arbitrage s’appuyant tantôt sur les exigences centrales tantôt sur les exigences locales pour se définir comme centre de négociation relativement autonome à l’égard des administrations centrales et des groupes socioprofessionnels349. Le système qui s’impose est celui de la régulation croisée dans lequel les deux filières, la bureaucratie d’État et le milieu des élus s’interpénètrent. La régulation s’opère alors à travers un réseau informel qui permet la domination du centre tout en donnant les moyens d’accès à la périphérie.

Mais ce modèle centre-périphérie ne rend qu’imparfaitement compte de la situation du pouvoir local, notamment depuis les lois de décentralisation. Donc trois séries de facteurs expliquent l’apparition et le développement de ce décalage : l’inadaptation de la référence nobiliaire ; la professionnalisation de la politique locale et l’insuffisante prise en compte des nouveaux modes de médiation par les élites diversifiées. La difficulté à proposer un modèle achevé des nouveaux rapports, qui s’établissent entre les différents acteurs intervenant à la tire de l’administration territoriale, traduit la faiblesse du recul d’analyse dont on dispose, le fait que, malgré des points de repère qui sont assez nettement perceptibles, le paysage qui se profile est loin d’être complètement stabilisé.

Certains observateurs soulignent que c’est d’abord la complexité du pouvoir local qui est mise en évidence : le pouvoir local est marqué par une certaine opacité où se trouvent mêlés les comportements acquis, la professionnalisation du personnel politique et administratif, les tactiques des parties politiques, les conceptions des élus et les intérêts internes à l’appareil local. Cet ensemble forme un système complexe en état de tension ou de déséquilibre plus ou moins grand. Faire du pouvoir local uniquement un élément de l’appareil

349P. Grémion, Le pouvoir périphérique : Bureaucrates et notables dans le système politique français, Seuil, 1976. Comp. de manière générale : introduction. Et J.-P. Worms, Le management sauvera-t-il le service

central serait fausser sa nature350. Au-delà de la complexité de l’analyse d’un système de relation et d’interactions en profonde mutation, il semble qu’un certain nombre de points de repère peuvent être identifiés351 : 1) Au plan institutionnel, la mise en œuvre de la décentralisation et de la déconcentration ont correspondu à une nouvelle représentation du plan local. Il s’agit aujourd’hui d’un plan local reconsidéré, devenu le niveau de référence privilégié des sociétés contemporaines. Pour autant, par la logique inhérente à la décentralisation et à la déconcentration, on ne recherche plus un équilibre stable mais plutôt un équilibre flexible qui est fonction des positions fluctuantes des différents acteurs du jeu institutionnel local. 2) Au plan politique, l’échelon local n’est plus seulement un territoire ou un niveau d’administration, il est devenu une modalité de gouvernement. Il est aujourd’hui un espace public donnant la capacité à un ensemble social d’influencer le pouvoir politique. Il est aussi un champ de l’action publique offrant au pouvoir politique la possibilité d’une légitimation nouvelle de son action, par l’intégration de la préoccupation de proximité, par la plus grande transparence sociale qui en résulte et par la réponse ainsi apportée, même partiellement, à la revendication démocratique dans ses nouvelles formes.

Il est par nature difficile de définir ce que sera ou ce que serait l’état stable d’un système politico-administratif local recomposé. Le déséquilibre provoque le nouvel agencement des pouvoirs entre les pouvoirs locaux et l’État, le système local évolue de manière spontanée autant que régulée, le droit venant, à certaines étapes, prendre acte de certains acquis ou encadrer des dérives possibles. Ainsi, l’époque de la répartition rigide des compétences semble révolue, la dynamique territoriale crée la nécessité d’accepter les incertitudes de la négociation et ressuscite le compromis. Il faut admettre que dans une perspective territoriale, les légitimés sont multiples et ‘en concurrence les unes avec les autres’ mais des rapprochements sont possibles et plus nombreux qu’on le croit : les décisions publiques doivent désormais, pour être légitimes, être prises par des « représentants du peuple

350王冀明,《论转型期中国中央与地方的关系》,郑州大学,硕士论文,2004。Comp. de manière générale : Wang Jiming, Sur la transformation de la Relation entre central et local en Chine, Université de Zhengzhou, mémoire de master 2004.

351杨晋,《论转型时期我国中央与地方关系的构建》[D],中国政法大学,2006。Comp. de manière générale : Yang Jin, Sur la construction de la relation entre le pouvoir central et et le pouvoir local en Chine pendant une périodede transformation, Université de Chine de sciences politiques et droit, Mémoire de master 2006.

qui reconnaissent à l’administration d’État sa capacité de gérer dans le cadre des objectifs qui lui sont assigné par un pacte territorial »352.

§ 2. La déconcentration et la gestion publique

La portée du nouveau statut politique et administratif de la déconcentration doit être appréciée par rapport aux évolutions récentes qui ont marqué l’environnement de l’administration territoriale de l’État. De ce point de vue, la portée de la déconcentration et les effets qu’elle a eus sur l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des services de l’État, sont à l’origine d’une situation où la déconcentration joue de plus en plus un rôle non-remplaçable. Il est cependant possible de définir les principales mutations qui sont à l’œuvre et qui se s’accompagnent d’un important travail de réflexion et d’expérimentation. Les services déconcentrés de l’État, sauf quelques exceptions rares, et non les services centraux, sont responsables de la mise en œuvre des politiques de l’État. Ce renversement d’une des hiérarchies fondatrices de l’administration tire la conséquence de l’inscription croissante des politiques publiques dans un cadre territorial défini. Il génère une nouvelle articulation entre les structures centrales et territoriales de l’État ainsi qu’une révision des procédures administratives et de la gestion publique.

La « gestion » est, d’après le dictionnaire Larousse, l’action ou la manière de gérer, d'administrer, de diriger, d'organiser quelque chose. Elle vise également l’administration d'une entreprise soit dans sa globalité, soit dans une de ses fonctions. On observe à ce propos un nouveau phénomène de gestion publique notamment dans le contexte de la gestion financière publique et budgétaire de l’État dont les modalités se rapprochent de plus en plus de la gestion privée. Toutefois, la gestion publique est un domaine bien large dans la mesure où elle vise également le droit et l’économie du contrat administratif comme les marchés publics, les délégations de service public et les partenariats public – privé.

Nous présenterons d’abord les relations entre les administrations centrales et ses services déconcentrés (1), pour aborder ensuite la gestion interministérielle et coopérationnelle (2) et pour enfin nous prononcer sur les perspectives de la déconcentration (3).