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Dans ce chapitre, attelons-nous à mettre en exergue les principaux changements opérés par la Commission dans les lignes directrices de 2014, dans le cadre de la politique de modernisation des aides d’Etat.

Tout d’abord, la définition d’une entreprise en difficulté a évolué avec la mise en place de nouveaux critères précis et obligatoires. Des ratios provenant de l’analyse financière d’une entreprise sont notamment utilisés pour évaluer la situation de l’entreprise259. Cette pratique

dénote complètement avec les anciennes lignes directrices qui n’utilisaient que des critères indicatifs et exemplatifs260. Les entreprises bénéficiaires doivent désormais démontrer que les

aides sont employées afin d’accomplir un objectif d’intérêt commun pour éviter des difficultés sociales ou une défaillance du marché. Mise à part ces modifications, c’est surtout au niveau des aides à la restructuration que les changements sont les plus visibles261. Pour que les aides soient considérées comme nécessaires et appropriées, l’Etat doit fournir une analyse contrefactuelle démontrant que sans celles-ci, l’objectif d’intérêt commun ne serait pas atteint262. En outre, l’Etat doit démontrer que la forme de l’aide utilisée est adéquate pour

répondre aux difficultés de l’entreprise. Précédemment, ces exigences n’existaient pas, l’aide devait simplement être justifiée par des considérations sociales ou régionales ou exceptionnellement pour éviter une situation oligopolistique263. Ensuite, la Commission, s’inspirant de la crise bancaire, a introduit la notion de répartition des charges entre les actionnaires historiques (et entre les créanciers subordonnés si nécessaire). Cette nouvelle disposition vient combattre encore un peu plus le risque d’aléa moral et responsabilise enfin les actionnaires264. Concernant les mesures qui limitent les distorsions de concurrence, les critères qui évaluent leur étendue ont été complétés. Dorénavant, on tient compte des caractéristiques de l’aide octroyée en plus de celles de l’entreprise bénéficiaire et du marché. On insère également des mesures comportementales afin de soutenir les mesures structurelles265. Celles-

ci ont principalement pour effet de circonscrire les attitudes des entreprises qui pourraient utiliser à mauvais escient l’aide dont elles disposent. Elles pourraient présenter l’octroi de ces

259 Communication de la Commission – Lignes directrices communautaires pour l’aide au sauvetage et à la

restructuration des entreprises en difficulté, J.O.U.E., C249, 31 juillet 2014, §20.

260 F. SÄCKER et F. MONTAG, European State Aid Law : A Commentary, BECK-Hart-Nomos, Munich, 2016,

p. 903 : la Commission possédait une large marge d’appréciation quant à l’acceptation de ces critères. Parmi ceux-ci on retrouve par exemple l’augmentation des pertes, la surcapacité, la diminution du cash-flow, etc.

261 G. MAMDANI et S. RITZEK-SEIDL, « Chapter 21- Rescue and restructuring », part. III : Compatibility

rules, t. II : State aid, vol. IV : EU Competition Law, 2e éd. (par N. PESARESI, K. van de KASTEEL, L.

FLYNN et C. SIARTELI), Heverlee, Clayes et Casteels, 2016, p. 804.

262 Ibid.

263 Communication de la Commission – Lignes directrices communautaires pour l’aide au sauvetage et à la

restructuration d’entreprises en difficulté, J.O.U.E., C244, 1er octobre 2004, §25 b) et §31.

264 Communiqué de presse de la Commission – Aides d’Etat : la Commission adopte des lignes directrices

révisées relatives au soutien apporté aux entreprises en difficulté, COM (2014) 795, 9 juillet 2014.

265 Communication de la Commission – Lignes directrices communautaires pour l’aide au sauvetage et à la

aides comme un avantage commercial auprès de leurs partenaires économiques. Quant aux mesures structurelles, la Commission privilégie la cession d’une branche d’activité viable de l’entreprise qui serait le meilleur moyen de réduire les distorsions de concurrence266.

Comme apport majeur nous pouvons encore pointer la création d’un soutien temporaire à la restructuration destiné aux petites et moyennes entreprises. C’est en quelque sorte une aide au sauvetage prolongée sur une période de 18 mois. Elle aide les PME à surmonter leur plus gros problème : le manque de liquidité267. Pour le surplus, on peut voir que l’on a augmenté le

montant minimum de l’aide au sauvetage, et que de nouvelles règles en termes d’évaluation et de transparence ont été adoptées. Enfin, les prestataires de SIEG peuvent disposer d’un cadre juridique plus cohérent par rapport aux autres dispositions les concernant268.

A travers ces nouveautés, la Commission a donc conçu ces lignes directrices dans le respect des principes généraux de compatibilité lancés par le SAM. Certes cela provoque un alourdissement substantiel du régime, mais cela fait également apparaître une certaine systématisation dans l’octroi de l’aide. De manière globale, le niveau d’exigence augmente considérablement. Nous pouvons d’ailleurs le constater dans l’affaire Idem Papers concernant la définition de l’objectif d’intérêt commun. La Commission avait demandé aux autorités belges de calculer un taux de chômage idiosyncratique. Ce taux reprenait la somme des taux de chômage dans les communes où résidaient les employés de l’entreprise, pondérée par le nombre d’employés par commune concernée. En effet l’entreprise se trouvait dans la province du Brabant wallon mais également très proche de la province du Hainaut. La plupart des travailleurs de l’entreprise venait d’ailleurs de cette même province. Or le taux de chômage de la province du Hainaut s’élevait à 14,4% en 2014 et celui du Brabant wallon s’estimait à 8,8%. La seule prise en compte des chiffres de la province du Brabant wallon ne reflétait donc pas la situation réelle de tous les travailleurs engagés à Idem Papers. Ce nouveau taux a permis de constater que la situation globale du bassin des travailleurs de l’entreprise se trouvait en dessous du taux moyen de chômage dans l’Union européenne. La Commission a fini par conclure que l’aide au sauvetage contribuait bien à l’accomplissement d’un objectif d’intérêt commun visé au point 44 des lignes directrices269.

266 F. SÄCKER et F. MONTAG, European State Aid Law : A Commentary, BECK-Hart-Nomos, Munich, 2016,

p. 953.

267 Communiqué de presse de la Commission – Aides d’Etat : la Commission adopte des lignes directrices révisées

relatives au soutien apporté aux entreprises en difficulté, COM (2014) 795, 9 juillet 2014.

268 Communication de la Commission – Lignes directrices communautaires pour l’aide au sauvetage et à la

restructuration des entreprises en difficulté, J.O.U.E., C249, 31 juillet 2014, §91, 96 et 121.

269 Décision (UE) 2017/N de la Commission concernant l’aide au sauvetage octroyée par la Belgique en faveur

Chapitre 6 : Analyse de l’efficacité et de l’efficience des