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Comme nous avons pu le voir précédemment, l’analyse économique est déjà bien présente dans les nouvelles lignes directrices de la Commission. Mais à notre sens, elle pourrait être poussée encore plus loin afin d’améliorer l’efficacité et surtout l’efficience du contrôle des aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration. A cet effet, formulons ensemble quelques conseils généraux à partir du constat des différentes études et de nos considérations personnelles.

Malgré les améliorations considérables apportées à l’élaboration du plan de restructuration, celui-ci ne semble pas exempt de tout reproche. En effet, la Commission a fourni un modèle indicatif de plan mais il demeure encore trop vague et reste assez difficile à appréhender pour les entreprises. Ce plan devrait être plus concret en établissant par exemple des modèles basés sur les difficultés que les entreprises rencontrent souvent en pratique, ainsi que les différents secteurs liés à ces difficultés. Pour ce faire, il est important qu’à l’échelon national, les autorités fournissent les informations nécessaires à la Commission. D’ailleurs, il apparaît de manière globale, qu’une coopération plus accrue entre les institutions européennes et les Etats- membres301 semble indispensable dans le cadre de l’amélioration des mesures d’aides au sauvetage et à la restructuration302. La Commission étant un organe supranational, elle ne disposera jamais d’autant d’informations que les Etats membres, et particulièrement lorsque cette entreprise n’est visible qu’au niveau national.

De plus, comme nous le savons déjà, la Commission exige d’une part que le plan soit intégralement mis en œuvre et que des rapports périodiques sur son état d’avancement soient communiqués. Cependant, selon la Commission, beaucoup de plans ne sont pas exécutés intégralement303. C’est pourquoi il serait peut-être opportun d’adopter des sanctions plus strictes304 ou au contraire d’octroyer un avantage à l’entreprise ou à l’Etat membre qui aura veillé à l’exécution complète du plan. Cette mesure serait d’autant plus utile lorsque l’on sait que la mise en œuvre partielle d’un plan de restructuration influence négativement la viabilité de l’entreprise305. Il ressort également du rapport de la Commission que des retards dans l’octroi

des aides surviennent, et cela a une nouvelle fois un impact négatif sur la survie de l’entreprise. Dès lors, nous proposons qu’un calendrier précis et obligatoire soit mis en place afin de régler ces problèmes de timing.

301 Cette plus grande coopération peut également s’opérer entre la Commission et les autres acteurs de

l’entreprise comme les actionnaires et les administrateurs.

302 V. VEROUDEN et O. STEHMAN« Chapter 3 – Economic of State aid control », part. I : Introduction, t. I :

State aid, vol. IV : EU Competition Law, 2e éd. (par N. PESARESI, K. van de KASTEEL, L. FLYNN et C.

SIARTELI), Heverlee, Clayes et Casteels, 2016, p. 47.

303 Commission Européenne, Directorate-General for Competition : Ex-post evaluation of the impact of

restructuring aid decisions on the viability of aided (non-financial) firms, ISBN 978-92-79-54920-5, Bruxelles, 2016, p.100.

304 Comme par exemple des sanctions financières pour les Etats.

305 Commission Européenne, Directorate-General for Competition : Ex-post evaluation of the impact of

restructuring aid decisions on the viability of aided (non-financial) firms, ISBN 978-92-79-54920-5, Bruxelles, 2016, p. 100.

En outre, le plan de restructuration est parfois trop dépendant d’une seule mesure306. Si celle-ci

ne venait pas à se réaliser pour une raison quelconque, l’exécution dans son ensemble serait mise en danger. A cet effet, l’Etat-membre et l’entreprise pourrait par exemple prévoir une sorte d’option b qui viendrait suppléer ou pallier l’absence de cette mesure. Toujours dans le cadre du plan de restructuration, la Commission se concentre beaucoup sur les coûts de la restructuration. Néanmoins, une réflexion en termes de rendement dans certains cas de figure pourrait être plus efficace voire même plus sûre. Effectivement, l’erreur quant aux coûts, peut parfois coûter plus cher qu’une erreur faite dans le calcul de prévision du rendement307.

Concernant les distorsions de concurrence, des ajustements pourraient également être accomplis à travers des mesures compensatoires plus ciblées et plus spécifiques308. Elles devraient par exemple tenir compte que dans certains secteurs, l’octroi d’une aide ait un effet négatif sur le plus long-terme309. De manière générale, nous pensons que les mesures compensatoires devraient être plus en adéquation avec les distorsions de concurrence propres à chaque aide ainsi qu’aux objectifs d’intérêt commun qu’elles cherchent à atteindre. Si l’objectif premier de l’aide est de sauver un maximum d’emplois, la cession d’une branche d’activité ou la réduction de production ne sont peut-être pas les mesures à privilégier. Certes, elles diminueraient sensiblement les distorsions sur le marché et permettraient aux concurrents de s’emparer de ces nouvelles parts disponibles. Mais cela ne doit pas être fait au détriment de l’objectif d’intérêt commun car il n’est pas dit que les concurrents engageraient par la même occasion les travailleurs touchés par ces mesures. Il semble qu’un équilibre devrait être trouvé. Nonobstant l’exigence de nécessité, la Commission pourrait également fixer un plafond avec les Etats-membres pour le montant de l’aide à la restructuration. Celui-ci pourrait être calculé en fonction des pertes de production potentielles mais également du coût réel de la perte d’emploi étant donné que celui-ci semble surestimé310.

Nous pouvons encore ajouter qu’il serait peut-être opportun d’améliorer le régime d’aide aux PME. Même si nous saluons l’adoption de ce nouveau type d’aide qui vient répondre aux problèmes de liquidité des PME, nous pensons que la Commission devrait compléter celui-ci. Etant donné que 95%311 des entreprises actives au sein de l’Union sont des PME peuvant déjà bénéficier d’une aide au sauvetage « prolongée », il semblerait plus juste que les PME aient l’obligation de fournir un plan de restructuration plus complet afin de diminuer les distorsions de concurrence. Bien entendu, ce plan tiendrait toujours en compte la situation et les ressources plus précaires inhérentes aux PME.

306 Commission Européenne, Directorate-General for Competition : Ex-post evaluation of the impact of

restructuring aid decisions on the viability of aided (non-financial) firms, ISBN 978-92-79-54920-5, Bruxelles, 2016, p. 96.

307 P. PAPANDROPOULOS et al., Aides d’Etat et Analyse Economique : vers un contrôle des aides d’Etat en

considération de leurs effets, acte du colloque organisé le 11 mai 2016 par Gide Loyrette Nouel.

308 M-A BOLSA FERRUZ et P. NICOLAIDES, « An Economic assessment of State aid for Restructuring Firms

in Difficulty : Theoretical Considerations, Empirical Analysis and Proposals for Reform », World Competition

n°37, Kluwer Law International BV, The Netherlands, 2014, p. 224 : dans l’absolu, les mesures compensatoires

comme la vente d’actif, semblent bénéficier plus aux actionnaires qu’aux travailleurs.

309 Ibid., p. 233. 310 Ibid., p. 227. 311 Ibid., p. 231.

Enfin, nous souhaiterions voir que les entreprises se situant dans des régions assistées, soient soutenues exclusivement par le régime des aides régionales. Comme nous l’avons vu, 40% des aides au sauvetage et à la restructuration sont octroyées dans des régions assistées312, mais

celles-ci n’apportent réellement une plus-value que lorsqu’il est nécessaire qu’une aide ponctuelle soit accordée. En plus d’une réponse structurelle s’inscrivant sur le long-terme, l’aide régionale pourrait aussi intégrer dans son régime un soutien financier plus rapide afin de garantir une plus grande cohérence dans l’attribution d’une aide d’Etat. Dès lors l’aide au sauvetage et à la restructuration dans ces régions n’aurait plus lieu d’être, laissant la place à un instrument plus approprié.

Dans l’absolu, nous pouvons voir que pour accroitre encore l’efficacité des aides au sauvetage et à la restructuration, des mesures doivent être prises essentiellement pour favoriser l’échange d’informations ainsi que la coordination entre les Etats-membres, la Commission et les entreprises. Cette communication devra s’effectuer avant et pendant l’attribution des aides mais également après, à travers notamment des études post aides qui seraient réalisées auprès des Etats membres313. Somme toute, cela pourrait créer un effet d’apprentissage entre les Etats pour

les situations futures.

Pour ce qui est de l’efficience, nous pensons que les mesures prises dans le cadre des aides au sauvetage et à la restructuration doivent tenir compte en permanence des conditions du marché et être modifiées lorsque cela est nécessaire314. Une attitude dynamique et une plus grande

flexibilité des mesures pourraient atténuer les distorsions de concurrence sur le marché. A l’instar du droit de la concurrence, l’entreprise pourrait réaliser en plus d’une analyse structurée, une analyse de marché qui prendrait en compte tous les éléments factuels de la situation. En poussant la réflexion plus loin, cette analyse pourrait se calquer sur celle utilisée par le droit de la concurrence qui accorde une très grande importance aux distorsions de compétition. La Commission définit par exemple le marché géographique et le marché de produits de manière très détaillée315. Puis, elle entame une analyse approfondie basée sur le concept de substituabilité du côté de la demande et de l’offre et mesure le taux de concentration du marché316. Ensuite, la Commission vérifie les conditions d’accès de ce marché en tenant compte notamment d’études spécifiques sur l’élasticité du produit, du point de vue des consommateurs et des concurrents, des barrières réglementaires, etc. Cette analyse pourrait donc être la bienvenue et sans doute être exploitée. Cependant, elle pourrait se heurter à un obstacle de taille : le manque de rationalité dans les décisions d’octroi des aides étatiques.

312 F. MAIER-RIGAUD et C. MILDE, The rescue and restructuring aid guidelines of the european Commission

– An economic point of view, 2014, disponible sur : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2560227, p. 11.

313 313 Commission Européenne, Directorate-General for Competition : Ex-post evaluation of the impact of

restructuring aid decisions on the viability of aided (non-financial) firms, ISBN 978-92-79-54920-5, Bruxelles, 2016, p. 101

314 Une analyse stricte des critères de compatibilité combinée à un examen de la structure initiale du marché n’est

pas suffisante.

315http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:l26073, consulté le 20 juillet 2017.

316 A cet effet, il utilise le test SNIPP qui permet de voir si, suite à une variation du prix, les clients du produit ont

la possibilité d’accéder à un produit similaire dans les mêmes conditions. En outre, pour calculer le taux de concentration, on utiliser couramment l’indice Herfindahl-Hirschman : http://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/TXT/?uri=uriserv:l26073, consulté le 20 juillet 2017.

Celles-ci subissent encore trop les pressions politiques. Et malheureusement, politique et aide d’Etat sont deux faces d’une même pièce, il est donc souvent difficile d’écarter complètement la dimension politique dans l’évaluation d’une aide d’Etat.

C’est pourquoi, il convient d’examiner un dernier instrument qui pourrait être un palliatif approprié aux aides au sauvetage et à la restructuration : la procédure d’insolvabilité. D’ailleurs, la Commission elle-même, considère que la plupart du temps, les principaux objectifs de la restructuration d’une entreprise pourraient être atteints sans l’intervention publique. Elle encourage avant tout la restructuration par le biais de procédures nationales d’insolvabilité ou d’assainissement dont les effets ont un impact minime sur la structure du marché317.

Les écarts entre les différentes procédures nationales d’insolvabilité entre les Etats-membres sont un handicap et entravent leur efficacité. Néanmoins depuis quelques années, des efforts sont fournis notamment à travers le règlement du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité. Au niveau européen, les autorités tentent d’harmoniser certains aspects spécifiques pendant que les Etats-membres réduisent les divergences en encourageant la cohérence entre les cadres nationaux. Il apparaît que plus tôt ces procédures sont enclenchées, plus elles augmentent les chances de viabilité de l’entreprise en optimisant d’une part la taille de son patrimoine disponible et d’autre part en diminuant les coûts de sa restructuration318.

Selon nous, cela pourrait engendrer plusieurs conséquences positives comme une augmentation du taux de préservation d’emplois dans l’entreprise. Les actionnaires et les créanciers disposeraient également d’une plus grande marge de manœuvre dans l’évaluation des risques liés à cette procédure. Dès lors, ils réagiraient plus favorablement à une demande d’ajustement de la dette ou d’injection de capital.

L’amélioration de cette procédure serait particulièrement intéressante pour les grandes entreprises qui lorsqu’elles bénéficient d’aides d’Etat, engendrent de grandes distorsions de concurrence319. Qui plus est, elles ont la plupart du temps, les ressources suffisantes pour faire

face à la restructuration. Cette conception dénote totalement avec l’attitude des entreprises moins performantes qui prennent des risques considérables sur le marché et attendent souvent le dernier moment avant de solliciter un soutien étatique. Le changement de mentalité des entreprises mais aussi des Etat-membres est donc indispensable.

317 Communication de la Commission – Lignes directrices communautaires pour l’aide au sauvetage et à la

restructuration des entreprises en difficulté, J.O.U.E., C249, 31 juillet 2014, §7.

318 Recommandation de la Commission relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et

d’insolvabilité des entreprises, COM(2014) 1500, 12 mars 2014.

319 M-A BOLSA FERRUZ et P. NICOLAIDES, « An Economic assessment of State aid for Restructuring Firms

in Difficulty : Theoretical Considerations, Empirical Analysis and Proposals for Reform », World Competition