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§ I. Le dividende ordinaire

Aux termes de l’art. 660 al. 1 CO, « tout actionnaire a droit à une part proportionnelle du bénéfice résultant du bilan, pour autant que la loi ou les statuts prévoient sa répartition entre les actionnaires ». En effet, la société anonyme ne poursuit généralement pas un but lucratif pour s’enrichir elle-même mais pour distribuer les bénéfices réalisés à ses actionnaires.1

1VON PLANTA, Liquidités, p. 52.

L’assemblée générale fixe le dividende en vertu d’une compétence intransmissible (art. 698 al. 2 ch. 4 CO).2 Elle se base sur une proposition d’utilisation du bénéfice faite par le conseil d’administration.3 L’assemblée générale n’est pas liée par cette proposition. Elle peut s’en écarter.4

Le dividende doit être calculé, sauf disposition contraire des statuts, en proportion des versements opérés au capital-actions (art. 661 CO).5 En ce qui concerne la source des distributions, l’art. 675 al. 2 CO prescrit que « des dividendes ne peuvent être prélevés que sur le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves constituées à cet effet ». Cela signifie que l’assemblée générale ne peut pas décider d’un dividende si ces postes n’apparaissent pas au bilan ou si leur montant est insuffisant.6 Les réserves susceptibles d’êtres distribuées sont les réserves libres issues du bénéfice ainsi que la part des réserves légales issues du bénéfice et du capital dépassant la moitié du capital-actions nominal (art. 671 al. 3 CO a contrario).7 La détermination concrète du montant à distribuer doit être nécessairement précédée des attributions aux réserves légales et statutaires (art. 674 al. 1 CO).

Le respect de ces exigences est vérifié par l’organe de révision. Il constate le cas échéant que la proposition du conseil d'administration à l'assemblée générale concernant l'emploi du bénéfice est conforme aux dispositions légales et aux statuts (art. 728a al. 1 ch. 2 CO). En cas de contrôle restreint, l’organe de révision se limitera à vérifier s'il existe des faits dont il résulte que la loi ou les statuts ont été violés (art. 729a al. 1 ch. 2 CO). Est cependant réservée l’hypothèse où l’ensemble des actionnaires d’une petite société anonyme a renoncé au contrôle restreint (art. 727a al. 2 CO). Dans ce cas, aucun contrôle ne sera effectué.

Les comptes annuels constituent la base d’un dividende ordinaire.8 Etant des personnes morales, toutes les sociétés anonymes doivent tenir une comptabilité (art. 957 al. 1 ch. 2 CO). Les comptes annuels se composent du bilan, du compte de résultat et de l'annexe et sont présentés dans le rapport de gestion (art. 958 al. 2 CO). Le rapport de gestion est établi et soumis dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice à l'organe ou aux personnes qui ont la compétence de l'approuver (art. 958 al. 3 CO). Pour les sociétés ayant l'obligation de faire contrôler leurs comptes annuels, le rapport de révision doit être disponible avant que l'assemblée générale approuve ceux-ci et se prononce sur l'emploi du bénéfice (art. 731 al. 1 CO). Les comptes annuels sont

2 FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 19.

3 CR CO II-CHENAUX, CO 660-661 N 18 ; CHK-WENGER, CO 660 N 5.

4 CR CO II-CHENAUX, CO 660-661 N 19.

5 FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 16 ; VON GREYERZ, p. 250 ; Manuel suisse d’audit, p. 238.

6 FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 53 ; VON GREYERZ, p. 252.

7 Manuel suisse d’audit, p. 237.

8 DRUEY/DRUEY JUST/GLANZMANN,§11N29; DRUEY,§ 67 N 36.

ensuite approuvés par l’assemblée générale en vertu d’une compétence intransmissible (art. 698 al. 2 ch. 4 CO). Si le rapport de révision n'a pas été présenté, les décisions d'approbation des comptes annuels et des comptes de groupe ainsi que la décision concernant l'emploi du bénéfice sont nulles (art.

731 al. 3 CO). En conséquence de cette procédure, la distribution du dividende ordinaire a lieu à un rythme annuel sur la base de la décision de l’assemblée générale ordinaire,9 qui a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice (art. 699 al. 2 CO).

§ III. Le bilan intermédiaire

Le bilan est le reflet de la situation financière de la société à un moment donné, il renseigne sur les valeurs patrimoniales, les fonds propres, les engagements et les provisions pour risques et charges.10

On désigne par bilan intermédiaire un bilan représentant l’état financier de la société anonyme non pas à la clôture de l’exercice commercial, mais en cours de celui-ci. Le bilan intermédiaire acquerra, selon l’avant-projet, une base juridique dans le droit comptable (art. 960f AP-CO).11

Section II Les formes particulières de distributions

D’autres formes de distributions que le dividende ordinaire existent dans la pratique suisse. Dans la mesure où elles peuvent viser des buts semblables (cf.

infra p. 6 ss.) et où elles peuvent se ressembler sous certains aspects, il est nécessaire de les définir et de les distinguer.

§ I. Le dividende intérimaire

Le dividende intérimaire (die Interimsdividende, die Zwischendividende) est un dividende provenant du bénéfice de l’exercice en cours.12 Le bénéfice sous-jacent ne résulte donc pas d’un bilan annuel vérifié par l’organe de révision.13 Ce bénéfice a néanmoins été effectivement réalisé et pourrait techniquement être distribué aux actionnaires après une preuve de son existence.14

§ II. Le dividende extraordinaire

9 DRUEY/DRUEY JUST/GLANZMANN,§11N29;DRUEY,§ 67 N 36.

10 MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 8 N 40.

11 BLANC, p. 104.

12 FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 205 ; CAMPONOVO/MOSER, p. 48 ; DRUEY/DRUEY JUST/GLANZMANN,§ 11N31 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 55 ; REYMOND, p. 4 ;ZK-TANNER, CO 698 N 126 ; CHK-OERTLI/HÄNNI,CO731N 5 ;MONTAVON, p. 318 ; HSA-RUDIN, N 52.169 ; KÄGI, § 7 N 49 ; GLANZMANN, p. 672 ; RENGGLI/KISSLING/CAMPONOVO,p.

425 ; Manuel suisse d’audit, p. 239 ; VON PLANTA, Liquidités, p. 41 ; THALMANN/WAIBEL, p. 18 ; VON GREYERZ, p. 249.

13 ZK-TANNER, CO 698 N 126 ; CHK-OERTLI/HÄNNI,CO731N5 ;THALMANN/WAIBEL,p.18et p.25.

14 THALMANN/WAIBEL, p. 18.

Le dividende extraordinaire (die ausserordentliche Dividende) est le dividende décidé par une assemblée générale extraordinaire à charge du bénéfice et des réserves résultant du bilan de l’exercice précédent. 15 Le dividende extraordinaire se distingue du dividende ordinaire par la prise de décision lors d’une assemblée générale extraordinaire et du dividende intérimaire par le fait qu’aucun bénéfice provenant de l’exercice en cours n’est distribué.

§ III. L’avance sur le dividende

L’avance sur le dividende (die Akontodividende) est une avance sur le dividende annuel à venir.16 C’est un prêt que la société fait à l’actionnaire, dont la créance en restitution s’éteint ensuite par compensation avec la prétention en paiement du dividende de l’actionnaire.17 Si l’assemblée générale venait à ne pas décider d’un dividende ou à décider d’un dividende inférieur à la somme des avances, soit la société anonyme devra procéder à une réduction de capital18 soit le prêt devra être remboursé.19 Cette manière de faire est considérée comme licite.20 Pour cela, il faut cependant que le prêt à l’actionnaire soit aménagé de la même manière que s’il était un tiers par rapport à la société, notamment en ce qui concerne la perception d’intérêts et une garantie suffisante du remboursement.21 Dans le contexte des groupes de sociétés, les prêts intra-groupes ne respectant pas les conditions du marché peuvent cependant être licites.22 Il faut pour cela que le prêt ne mène pas à une double utilisation du capital propre librement disponible, autrement dit qu’une réserve liée du montant du prêt soit constituée.23

Chapitre 3 : Utilité du dividende intérimaire Section I Avantages du dividende intérimaire

§ I. En général

La question des dividendes intérimaires est importante pour la pratique.24 De façon générale, les dividendes intérimaires sont un moyen de flexibiliser la politique de dividendes et d’accélérer la transmission du bénéfice.25 Un tel

15 FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 205 ; REYMOND, p. 4 ; DRUEY/DRUEY JUST/GLANZMANN,§11N30.

16 FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 206 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 58 ; BÖCKLI, Neue, N 738 ; DRUEY/DRUEY JUST/GLANZMANN,§11N31; VON PLANTA,Entwurf, p.6;MONTAVON, p. 318 ; VON GREYERZ, p. 250.

17 FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 206 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 58 ; GLANZMANN/WOLF,pp. 272-273 ; VON PLANTA,Entwurf,p. 6 ; MONTAVON, p. 318 ; VON GREYERZ, p. 250 ; Manuel suisse d’audit, p. 240.

18 BÖCKLI, N 533.

19 BÖCKLI, N 533 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 58.

20VON GREYERZ, p. 250.

21 THALMANN/WAIBEL, p. 20 ; FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 206.

22 ATF 140 III 533, consid. 4.2.

23 ATF 140 III 533, consid. 4.2.

24 KUNZ,p. 67 ; THALMANN/WAIBEL, p. 18.

25 STÄHLIN/KISTLER,p. 855 ; SCHÄR, p. 371.

besoin de rapidité pourrait notamment se faire sentir lors de l’aliénation d’actifs immobilisés.26 En effet, une prompte distribution permettrait d’éviter que ces capitaux ne restent trop longtemps dans la société-fille, alors qu’ils pourraient être utilisés plus rationnellement à un autre niveau du groupe. Par exemple, ils pourraient servir au remboursement d’une ou plusieurs dettes de la société-mère ainsi qu’à financer de nouveaux investissements.

§ II. Dans les groupes de sociétés

Les groupes de sociétés, en particulier, éprouvent le besoin de distribuer des dividendes intérimaires.27 Si l’on ne devait admettre que les dividendes ordinaires, la progression des bénéfices des sociétés inférieures aux sociétés supérieures serait particulièrement lente.28 En effet, le bénéfice réalisé pendant un exercice commercial ne peut parvenir aux actionnaires qu’après la tenue de l’assemblée générale ordinaire, qui a lieu après cet exercice commercial.29 Dans les groupes de sociétés comportant plusieurs niveaux, la cumulation des délais peut faire en sorte qu’un bénéfice mettra plusieurs années à atteindre la société-mère.30

§ III. Pour l’attractivité internationale de l’ordre juridique suisse

Le dividende intérimaire permet également de favoriser la création en Suisse de sociétés-filles de groupes ayant leur siège dans un pays connaissant et appréciant la possibilité de distribuer un dividende tiré du bénéfice de l’exercice en cours.

Il existe certes de nombreuses raisons possibles de choisir un pays plutôt qu’un autre pour y établir une société-fille destinée à s’occuper des affaires du groupe dans la région. Toutes choses égales par ailleurs, les groupes seront néanmoins plus enclins à choisir un ordre juridique flexible. Ils pourront s’organiser de la manière la plus adaptée à leur secteur d’activité, à l’organisation individuelle de leur entreprise et aux expectatives des acteurs de la vie économique.

Ainsi, les sociétés suisses avec un fort actionnariat anglo-saxon doivent normalement verser des dividendes trimestriels pour se conformer aux attentes du marché,31 cette fréquence de distribution étant répandue aux USA.32 Il en va de même pour les autres pays dans lesquels cette institution est

26 STÄHLIN/KISTLER,p. 855 ; CAMPONOVO/MOSER, p. 50.

27 FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 205 ; KUNZ,p. 67 ; LISSI, p. 10.

28 SCHÄR, p. 371.

29 SCHÄR, p. 371.

30 STÄHLIN/KISTLER,p. 858.

31 MÜLLER, Revisited, p. 522 ; VON PLANTA, Liquidités, pp. 43-44.

32 FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 40 N 55 ; MÜLLER, New Approach, p. 363.

familière.33 Les dividendes intérimaires sont par exemple autorisés (à des périodicités différentes) en France, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et au Japon.34

Section II Désavantages et comparaison avec d’autres formes de distribution

§ I. Inadéquations du dividende intérimaire

Le dividende intérimaire ne convient pas à tous les types de sociétés anonymes. Sa procédure de distribution peut donner lieu à des coûts difficilement supportables si la situation est compliquée par un actionnariat diversifié35 (par exemple en raison de la cotation en bourse de la société)36 notamment en ce qui concerne l’organisation d’une assemblée générale (cf.

infra p. 21 ss.).

§ II. L’avance sur le dividende

La diversité de l’actionnariat rend également en pratique plus difficile l’octroi d’une avance sur le dividende.37 En effet, elle compliquerait considérablement un éventuel remboursement de l’avance,38 qui comme on l’a vu est une conséquence probable d’un dividende ordinaire inférieur à la somme des avances. Pour surmonter cette difficulté il faudrait faire garantir le remboursement par un tiers,39 ceci à des conditions fortement désavantageuses pour la société compte tenu du risque supporté par un tel garant.40 Sous cet aspect, aussi bien l’avance sur le dividende que le dividende intérimaire sont relativement inappropriés à ce genre de société anonyme.

L’avance sur le dividende n’est pas seulement désavantageuse pour les sociétés à large actionnariat. A cause de la nécessité de traiter l’actionnaire comme un tiers en ce qui concerne les conditions du prêt, celui-ci voit son dividende se réduire du montant des intérêts. A cet égard, il faut être conscient du fait que, par définition, l’avance sur le dividende est un prêt à court terme, puisque de durée inférieure à un exercice commercial, ce qui augmente d’autant plus les intérêts à payer.

Il n’est certes pas requis de traiter l’actionnaire comme un tiers si l’avance est accordée dans le contexte d’un groupe de sociétés (cf. supra p. 6). La seule condition exigée, l’absence de double utilisation du capital propre librement

33VON PLANTA, Entwurf, p. 6.

34 THALMANN/WAIBEL, p. 19 et les réf.

35 STÄHLIN/KISTLER,p. 856 ; pour d’autres raisons : SCHÄR, p. 373.

36VON PLANTA, Liquidités, p. 44 ; CAMPONOVO/MOSER, p. 50.

37 THALMANN/WAIBEL, p. 20.

38 THALMANN/WAIBEL, p. 20.

39 BaK-KURER/KURER, CO 675 N 37.

40 THALMANN/WAIBEL, p. 20.

disponible, ne procure pas la même sécurité aux créanciers que la procédure de versement d’un dividende. Manque particulièrement une révision des comptes sous-tendant le prêt.

§ III. Les dividendes ordinaires et extraordinaires

Le dividende ordinaire ne permet pas de répondre aux besoins décrits ci-dessus. Le dividende extraordinaire n’est, lui, qu’une variante différée dans le temps du premier. Il ne permet pas de distribuer plus de bénéfice que ce qu’autorisait déjà le dividende ordinaire. La substance distribuable est la même, diminuée du premier dividende et d’éventuelles pertes. Cette forme de distribution ne sert ainsi qu’à compléter un dividende ordinaire jugé a posteriori comme insuffisant.

§ IV. Conclusion intermédiaire

L’avance sur le dividende est, au premier abord, une solution attrayante. Elle permet de distribuer un bénéfice qui n’aurait pu l’être au moyen des dividendes ordinaires et extraordinaires. Elle est cependant un prêt, ce qui signifie que la société doit traiter l’actionnaire bénéficiaire comme un tiers.

Ceci appauvrit la société par des garanties coûteuses et l’actionnaire par la perception d’un intérêt. Seule exception à ce principe, le prêt intra-groupe avec constitution d’une réserve liée ne protège pas suffisamment les créanciers. Plus généralement, l’avance dépend aussi d’un événement futur incertain, la décision de distribuer un dividende ordinaire au moins égal aux avances, le risque d’un remboursement planant jusqu’à la fin de l’exercice commercial.

En conclusion, le dividende intérimaire présente un intérêt véritable pour certaines entreprises. Il n’est pas possible de parvenir aux buts poursuivis par ce type de distribution en utilisant les autres moyens décrits ci-dessus, si ce n’est au prix de difficultés parfois rédhibitoires.

Chapitre 4.1 : Licéité du dividende intérimaire – le texte légal

Section I Le Code des obligations de 1936

Le droit de la société anonyme antérieur à la révision de 1991 datait de 1936.41 Les opinions doctrinales émises sous l’ancien droit se fondaient essentiellement sur une interprétation littérale de la loi pour conclure à

41 Message 1983, 758.

l’illicéité du dividende intérimaire. Le texte était clair à ce sujet, ce qui explique la quasi-unanimité de la doctrine de l’époque.42

Le Code des obligations de 1936 ne permettait aucune autre conclusion. Selon son art. 660 al. 1, « (…) chaque actionnaire a droit à une part proportionnelle du bénéfice net (…) ».43 L’art. 675 prévoyait que les dividendes ne peuvent être prélevés que sur le bénéfice net ou sur les réserves constituées à cet effet.44 L’ancien droit établissait expressément le lien entre le bénéfice net et le bilan en statuant à l’art. 662 al. 1 que le bénéfice net se calcule d’après les résultats du bilan annuel.45 Par conséquent, le versement d’un dividende intérimaire basé sur des comptes intermédiaires était clairement exclu.46

Section III Le Code des obligations en vigueur

La révision de 1991 a modifié le texte des dispositions sur lequel les auteurs fondaient leur interprétation littérale. L’art. 660 al. 1 accorde depuis le « droit à une part proportionnelle du bénéfice résultant du bilan ». L’art. 662 al. 1 CO révisé, entre-temps remplacé par l’art. 958 al. 2 CO, avait la teneur suivante :

« le conseil d’administration établit pour chaque exercice un rapport de gestion qui se compose des comptes annuels, du rapport annuel et, lorsque la loi le prescrit, des comptes du groupe ». Ainsi le lien textuel entre la notion de bénéfice net (remplacée dans le code par celle de bénéfice résultant du bilan, une « modification rédactionnelle »47) et le bilan annuel fut rompu.48

L’ouverture au dividende intérimaire par la rupture n’était cependant pas volontaire.49 Ce type de distribution n’est plus exclu50 par la lettre mais sa licéité n’est pas non plus affirmée. Puisque la lettre de la loi n’est pas claire, l’on ne peut s’y arrêter. Il faut donc se tourner vers d’autres méthodes d’interprétation pour répondre à la question de la licéité du dividende intérimaire.

Chapitre 4.2 : Licéité du dividende intérimaire - la protection des créanciers

La crainte majeure que suscite le dividende intérimaire est de léser les créanciers sociaux. La question se pose donc de savoir si les intérêts de ceux-ci

42VON GREYERZ, p. 249 ; LOCHER, pp. 162-163 ; RUCKSTUHL, p. 33 ; RUCKSTUHL, p. 41 ss. et les réf.

43 RO 1937 185, 211.

44 RO 1937 185, 215.

45 RO 1937 185, 211.

46 THALMANN/WAIBEL, p. 23.

47 Message 1983, 922.

48 THALMANN/WAIBEL, p. 23 ; FORSTMOSER/ZINDEL/MEYER BAHAR, p. 209 et p. 214.

49 THALMANN/WAIBEL, p. 23, nbp. 45.

50THALMANN/WAIBEL, p. 23.

sont suffisamment protégés lors de la distribution d’un dividende intérimaire.

Cette question sera analysée sous l’angle de la protection du capital, pilier de la protection des créanciers en droit de la société anonyme.

Section I Le capital en général

Le capital social est, sauf procédure particulière, fixe.51 Cela lui permet de constituer un montant cible.52 En ce sens, il représente le montant qui doit être mis à disposition par les actionnaires lors de la fondation et, par la suite, le montant minimal de fortune nette que la société doit s’efforcer de maintenir.53 Il s’agit uniquement d’une fortune nette voulue mais dont l’effectivité n’est pas certaine.54 Cela est dû au fait que la loi ne peut pas empêcher que la couverture du capital soit diminuée par des pertes, c’est-à-dire involontairement.55 Seule la diminution volontaire de celle-ci, notamment par des distributions aux actionnaires, est interdite.56 Cette restriction à l’usage du patrimoine social représente sa fonction limitative.57

La raison pour laquelle un montant minimal de fortune nette est exigé tient au régime de responsabilité applicable à la société anonyme.58 Celui-ci restreint la responsabilité patrimoniale au seul patrimoine social, à l’exclusion de celui des actionnaires (art. 620 al. 1 et 2 CO). C’est donc par la double exigence d’apport et de conservation de moyens que le capital social sert de garantie aux créanciers.59

La loi protège de différentes manières le capital.60 Trois dispositions sont particulièrement importantes dans le contexte du dividende intérimaire.

Premièrement, la restitution du capital est interdite, qu’elle ait lieu sur demande de l’actionnaire ou à l’initiative de la société (art. 680 al. 2 CO).61 Fait également partie des dispositions visant la protection du capital l’art. 675 al. 2

59VON GREYERZ, p. 62. Mentionnant la fonction de garantie pour les créanciers sans faire le lien avec ces exigences : TF, 4A_174/2007, 13 septembre 2007, consid. 4.3.1 ; ATF 102 Ib 21, consid. 2 in fine ; ATF 65 I 148, 149.

60 Pour un aperçu : FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 50 N 2.

61 FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 1 N 44 et § 50 N 107 ; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 16 N 70 ; CHK-SCHMID, CO 680 N 7 ; VON GREYERZ, p. 62 ; TF, 4A_248/2012, 7 janvier 2013, consid. 3.2 ; TF, 4A_174/2007, 13 septembre 2007, consid. 4.3.1 ; ATF 65 I 147, 148 s.

CO,62 selon lequel des dividendes ne peuvent être prélevés que sur le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves constituées à cet effet. La protection des réserves sert indirectement celle du capital. Les réserves, en particulier la réserve générale (art. 671 al. 3 CO), sauvegardent le capital social en absorbant au préalable les pertes.63

Section II Le dividende intérimaire au regard du capital

La conclusion à laquelle parviennent les différents auteurs sur la licéité du dividende intérimaire dépend essentiellement de la question du respect de la protection du capital lors de son versement.

Selon un premier courant doctrinal, le principe de la conservation du capital ne s’oppose pas à la distribution de dividendes intérimaires.64 Le capital social ne serait en effet pas lésé si les conditions légales du versement d’un dividende ordinaire sont respectées. Autrement dit ces conditions ne sont pas seulement nécessaires mais suffisantes à protéger le capital social 65 malgré les particularités du dividende intérimaire. Selon ces auteurs, il ne peut alors y avoir conceptuellement de remboursement du capital, et ce même si la somme des dividendes intérimaires est supérieure au montant qui aurait pu être distribué par dividende ordinaire.66 En raisonnant ainsi, ils dissocient le dividende des comptes annuels et font dépendre sa validité uniquement des comptes qui l’ont établis. Contrairement à l’opinion d’autres auteurs, il n’est selon eux pas nécessaire de prendre en compte l’évolution future des affaires pour respecter les dispositions sur la protection du capital.67

Selon un premier courant doctrinal, le principe de la conservation du capital ne s’oppose pas à la distribution de dividendes intérimaires.64 Le capital social ne serait en effet pas lésé si les conditions légales du versement d’un dividende ordinaire sont respectées. Autrement dit ces conditions ne sont pas seulement nécessaires mais suffisantes à protéger le capital social 65 malgré les particularités du dividende intérimaire. Selon ces auteurs, il ne peut alors y avoir conceptuellement de remboursement du capital, et ce même si la somme des dividendes intérimaires est supérieure au montant qui aurait pu être distribué par dividende ordinaire.66 En raisonnant ainsi, ils dissocient le dividende des comptes annuels et font dépendre sa validité uniquement des comptes qui l’ont établis. Contrairement à l’opinion d’autres auteurs, il n’est selon eux pas nécessaire de prendre en compte l’évolution future des affaires pour respecter les dispositions sur la protection du capital.67

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