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Dans les parties précédentes, nous avons défini les mécanismes de la déformation plastique au sein d’un monocristal (figure 28 (a)), c'est-à-dire dans un cristal de même orientation cristallographique. Cependant, les matériaux métalliques conventionnels se trouvent sous la forme de matériaux polycristallins (figure 28 (b)) : plusieurs grains d’orientations différentes constituent le matériau. Si les grains ont des orientations différentes, ils vont avoir tendance à se déformer différemment.

Figure 28 : Présentation schématique d’un matériau monocristallin et d’un matériau polycristallin. Les grains voisins exercent des contraintes les uns sur les autres par l’intermédiaire des joints de grain. Un joint de grain est la zone d’accolement entre deux cristaux de même nature et d’orientation différente. C’est une zone de transition où un arrangement spécifique et localisé des atomes permet d’accommoder sans contrainte à grande distance la différence d’orientation. Ainsi, les joints de grain interrompant de façon brutale la régularité de la matière interviennent comme des obstacles à la libre propagation des dislocations : soit ils les piègent, soit ils les repoussent. Les joints de grain présentent une accumulation de défauts dans leur voisinage (dislocations empilées, ancrées, précipitation préférentielle, ségrégation, …). Les joints de grain représentent l’accommodation de la désorientation entre deux cristaux, ainsi ils peuvent être classés en plusieurs catégories suivant cette désorientation. Par exemple, pour des joints de grain inférieurs à une désorientation de 15°, on parle de sous-joints. Lorsque celle-ci est supérieure, le joint de grain est souvent considéré comme un film de matière amorphe d’épaisseur de l’ordre de quelques distances interatomiques. Les joints de faible désorientation peuvent être créés à partir d’écheveaux de dislocations après déformation plastique et un recuit. Lorsque cette désorientation devient plus importante, on parle de recristallisation.

Par conséquent, la contrainte vue par un grain est écrantée par les autres. Il faut donc en général une contrainte plus grande pour déformer un matériau polycristallin : ils sont plus durs que les monocristaux. Pour que la déformation préserve la cohérence du cristal aux joints de grain, il faut qu’il existe un nombre suffisant de degrés de liberté (glissements intra et inter-granulaire, rotations) comme le montre la figure 29.

7 Lorsqu’ un acier subit une déformation plastique en traction, sa limite élastique en traction augmente, cependant sa limite élastique en compression diminue (en valeur absolue) sensiblement d'autant. Cet effet porte le nom d’écrouissage cinématique: durcissement dans un sens adoucissement dans l’autre. Cet effet est représentatif du comportement plastique réel de nombreux matériaux. Ce phénomène est également appelé effet Bauschinger. Contrairement à l’écrouissage isotrope qui impose que la limite élastique du matériau augmente (en valeur absolue) à la fois en traction et en compression.

I.4. Mécanismes de déformation des métaux cubiques à faces centrées

Figure 29 : Déformation d’un monocristal sans contrainte (a) et rotation des plans de glissement dues à une contrainte (b).

Dans les matériaux polycristallins le problème de la déformation plastique est un peu plus complexe que dans les monocristaux. Ashby suggère un modèle de dislocation pour la déformation des matériaux polycristallins [32]. Une distinction est faite entre les dislocations statistiquement stockées lors de la déformation (celles qui se rencontrent et se piègent avec d’autres aléatoirement) et les dislocations nécessairement géométriques qui sont générées pour obtenir une déformation uniforme du matériau. Dans le modèle d’Ashby [33], les matériaux polycristallins sont déformés suivant l’orientation cristallographie de chaque grain et en fonction du chargement appliqué qui permet ainsi le glissement suivant la loi de Schmid. Ce processus génère les dislocations statistiquement stockées. Toutefois, si chaque grain se déforme de manière uniforme sans aucun lien avec les autres grains, une incompatibilité plastique se produit. Des vides et des enchevêtrements de matière viendraient rompre la continuité du matériau (figure 30 (b)). Afin de restaurer la continuité géométrique, des dislocations doivent être réintroduites sur les joints de grain : ce sont les dislocations géométriquement nécessaires (figure 30 (c)). La contrainte interne associée à cette densité de dislocations géométriquement nécessaires est associée à un écrouissage de nature cinématique « intergranulaire ».

Figure 30 : (a) Modèle de déformation d’Ashby d’un matériau polycristallin déformé en traction. (b) enchevêtrements et des vides aux joints de grain (c & d) Introduction des dislocations

géométriquement nécessaires [33].

I.5 La texture

Comme nous venons de le voir, la déformation plastique d’un métal polycristallin modifie l’orientation cristallographique des grains pour accommoder la déformation. Il en résulte une rotation des axes cristallographiques dans chaque grain qui conduit à la mise en place d’un nombre restreint d’orientations préférentielles. C’est pourquoi nous allons dans cette partie parler de la notion de texture. Lors de la mesure d’une propriété physique d’un échantillon de métal, prélevé dans un lingot, une barre, un fil ou une tôle, le constat suivant est souvent avancé : les caractéristiques varient suivant l’endroit étudié, mais aussi suivant la direction de mesure. Le métal est ainsi hétérogène et anisotrope.

Cette anisotropie, variation de certaines propriétés suivant la direction, a plusieurs origines possibles : elle peut provenir d’une répartition particulière de contraintes internes, d’une variation orientée de la concentration en impuretés, de l’existence de bandes riches en inclusions, ou encore de la forme des grains… Elle peut aussi être la conséquence de l’anisotropie du cristal parfait, qu’elle soit sensible par le faible nombre de grains mis en jeu (éprouvette pluricristalline), ou plus souvent que l’orientation des grains ne soit pas aléatoire : dans ce cas le métal présente une texture ou une orientation préférentielle.

Il est bien connu qu’après une déformation plastique orientée (laminage, tréfilage,...) l’orientation cristallographique des grains n’est plus aléatoire. Ce traitement engendre la formation de textures de déformation. Ces textures dépendent de la nature de la déformation plastique, du matériau déformé et de la température de l’essai.

I.6. Le processus d’affinement d’une structure micrométrique vers une structure nanométrique L’orientation préférentielle, résultant de la déformation plastique, est fortement dépendante du glissement et du maclage de la structure cristallographique. Ainsi, les paramètres les plus importants qui conditionnent en grande partie l’orientation préférentielle sont :

la nature du champ de déformation appliquée à la pièce.

l’énergie de fautes d’empilement de la pièce déformée.

Par exemple, dans le cas du fil étiré, si le matériau est un cubique corps centré, il présentera une texture <110> alors que s’il est cubique à faces centrées, il présentera une texture <111> et <100>. Ainsi, une texture <111> est favorisée par les systèmes de glissement pour les métaux à haute énergie de faute d’empilement comme l’aluminium. Dans le cas d’une faible énergie de fautes d’empilement, la texture prédominante est <100>.

La texture fixe l’orientation des défauts réticulaires : les dislocations parfaites ont des vecteurs de Burgers bien déterminés (a/2 <110> dans les métaux CFC) et glissent sur des plans particuliers (sur les quatre ensembles de plan {111} dans les métaux CFC). Dans un métal présentant une texture prononcée, la répartition des défauts réticulaires est donc anisotrope, et peut entraîner une anisotropie de caractéristiques isotropes dans un cristal cubique [32].

Les textures sont l’un des moyens d’améliorer certaines propriétés des matériaux, et plus spécifiquement des métaux qui jouent longtemps un rôle essentiel par leur résistance mécanique jointe à leur ductilité. La précipitation et/ou l’écrouissage ont souvent une influence plus marquée que la texture sur les propriétés mécaniques. Dans certains cas, elles peuvent nuire aux propriétés mécaniques et à d’autres caractéristiques du matériau. Le durcissement textural de fils conducteurs en cuivre ou en aluminium est ainsi très intéressant à considérer bien qu’il soit limité, il ne porte en effet aucun préjudice à la conductivité électrique (isotrope dans un métal cubique). La texture peut, par exemple, améliorer de façon significative les propriétés physiques des matériaux. Pour un matériau de structure cubique, la texture peut améliorer les propriétés élastiques, plastiques, magnétiques, magnétostrictives… Par exemple, un monocristal de fer déformé suivant la direction [111] a un module d’Young deux fois plus important que s’il est déformé suivant la direction [100]. Dans d’autres cas, une texture peut être néfaste. Par exemple, une texture cubique (001) [001] est néfaste pour les alliages d’aluminium car elle est liée à la formation de cornes d’emboutissage. Cependant, pour les alliages de fer silicium à 3% de Si, elle permet de minimiser les pertes énergétiques dans les transformateurs [34].

I.6 Le processus d’affinement d’une structure micrométrique