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PATRIMONIALES, URBANISME ET ARCHITECTURE ISLAMIQUES

5. DE LA NOTION L’AMBIANCE PATRIMONIALE

La mémoire de chaque société est inscrite sur le lieu où elle s’installe. Elle est révélée à travers les édifices et leur configuration, le vocabulaire architectural, les dimensions socioculturelles et spirituelles et les atmosphères spécifiques qui construisent la mémoire collective et donnent le caractère des lieux. Cette dernière notion rattache conjointement des éléments matériels et immatériels. Quant aux premiers, ils sont, la morphologie du

16 terrain, les proportions, les formes (architecturales et urbaines), les textures, etc., Les deuxièmes, quant à eux, sont les qualités perceptibles de l’environnement architectural et urbain à savoir, la lumière, le son, les odeurs, la matière, les couleurs et aussi les traditions culturelles (fêtes, mœurs etc.).

Chaque société a sa manière de fabriquer l’espace selon ses besoins et le contexte où elle se situe, (socioculturel, climatique etc.). En effet, les ensembles traditionnels qui sont considérés comme un patrimoine fécond, faisaient preuve d’une bonne intégration au site.

Ça s’est vu à travers la qualité des espaces et la bonne gestion de la lumière naturelle, les couleurs, les matières etc. Ce savoir-faire participe avec d’autres éléments pour donner un caractère au lieu, celui-ci se réfère non seulement, aux données visuelles mais aux autres données sensorielles que l’usager éprouve dans ce lieu.

Avec le développement que connait la notion du patrimoine et l’apparition d’autres objets patrimoniaux qui font les centres d’intérêt dans plusieurs disciplines, la notion du patrimoine ambiantal, la patrimonialisation des ambiances, les atmosphères vivantes ont pris une place importante.

Chaque édifice patrimonial possède une spécificité spatiale qui se matérialise par plusieurs facteurs visibles et invisibles qui définissent son caractère. La notion du caractère du lieu renoue simultanément des éléments tangibles et intangibles. Quant aux premiers, ils sont ; les proportions, les formes, les matières, etc., tandis que les deuxièmes, sont les qualités sensibles de l’environnement architectural à savoir, la lumière, le son, les odeurs, la matière, les couleurs, etc. Zardini définit la notion de caractère comme la spécificité du lieu qui se réfère non seulement à des dimensions visuelles mais aussi à d’autres dimensions sensorielles qu’on pourrait les éprouver dans un lieu (Zardini, 2005). Pour sa part, Norberg-Schulz voit que le lieu se compose d’une pluralité de choses concrètes ayant des substances matérielles (formes, textures, couleurs, etc.) et qui, à leur tour, définissent un caractère d’ambiances voire l’essence du lieu (Norberg-Schulz, 1981). Partant, les dimensions sensorielles de l’édifice patrimonial sont indispensables pour définir son caractère.

En revanche, plusieurs chercheurs ont illustré l’importance de patrimonialiser les ambiances et penser sensoriellement le patrimoine bâti (Sahraoui 2006, Belakehal 2008, Ben Hadj Salem 2009, Simonnot 2012, Belakehal 2012 etc.). Dès les années soixante-dix, la notion de paysage sonore a vu le jour grâce aux travaux de Schafer (Dal, 2010). Ce dernier a proposé des nouveaux contours à savoir le patrimoine sonore. Il a mis en relief l’importance de l’espace acoustique, non seulement dans les projets d’architecture, mais aussi dans les opérations de restauration et de réhabilitation des anciens bâtiments. On outre il a stipulé que chaque lieu possède une empreinte sonore, un son unique bien caractérisé par la société qui l’habite. Il nous a donné deux exemples, le premier de la société japonaise où la population est invitée à sélectionner plus de cent paysages sonores représentatifs du pays. Le deuxième est la célèbre maison, villa sur la cascade conçue par l’architecte F. L. Wright où il existe une corrélation entre la maison et son environnement sonore (cascade, nature) qu’on ne peut pas dissocier (Figure I.6). Toujours au sujet des ambiances sonores, Sahraoui affirme que certains bruits sont considérés comme un patrimoine culturel et ils construisent l’identité sonore des villes (Sahraoui, 2006).

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Figure I.6 : A droite, vue en plan vue de la villa sur la cascade, à gauche vue de l’extérieur. La cascade comme l’un des générateurs d’ambiances sonores naturelles (Pfeiffer et al, 2004)

Belakehal, quant à lui, considère les ambiances environnementales dans les médinas comme un patrimoine oublié et qu’il est temps de penser la dimension sensorielle des vieilles villes au moment où les textes règlementaires restent muets par rapport à ce patrimoine (Belakehal et Farhi, 2008). Dans un deuxième temps, il stipule que les opérations de sauvegarde des édifices à caractère patrimonial ne prennent pas en considérations leurs dimensions sensorielles ce qui affecte négativement leurs ambiances intérieures. Il ajoute que le souci majeur de ces opérations n’est plus « garder en vie » l’édifice mais recréer et mettre en valeur ses ambiances authentiques (Belakehal, 2012).

Pour sa part, Simonnot affirme que les caractéristiques sensorielles font partie des éléments indispensables qui composent l’identité d’un lieu et qu’on doit penser à la conservation de ce patrimoine fragile (Simonnot, 2014). Selon elle, interroger les configurations sensibles des bâtiments du passé, parfois laissée en marge, c’est mettre en évidence l’une des forces de l’histoire architecturale (Simonnot et al, 2016).

Dans sa recherche sur les ambiances dans les gares de XIX siècle, Ben Hadj Salem voit que le patrimoine bâti est une mémoire vivante qui convoque tous les sens et il pourrait être approché par ses dimensions non visuelles (tactiles, sonore, olfactives etc.) (Ben Hadj Salem, 2009).

Viallard fait une classification des composantes du patrimoine qui sont, selon lui, multiples et c’est difficile de les classifier (Foumet Fayard, 1998). Parmi ces composantes, le patrimoine sensoriel qui est lié aux cinq sens qui permettent à l’être humain de se connecter avec son milieu (audition, toucher, vue, odorat etc.).

18 D’autres voient que les atmosphères font partie des composantes du caractère immatériel qui est, à son tour, un élément indispensable dans la définition de l’esprit du lieu (Prats et al., 2003, Turgeon 2008).

Watremez voit que : « Pour ceux qui l’habitent ou le visitent, le patrimoine est un objet de pensée, d’affection ou d’aversion ; il ne cesse d’être un évènement (Fabre, 2000). Il n’est plus un simple témoin immobile de l’histoire mais la source d’évènements, d’émotions collectives, de controverses, voire de révoltes. La dimension sensible est ainsi un aspect du patrimoine qui existe du côté des habitants et qu’il est intéressant d’étudier » (Watremez, 2010).

Dans son article « Une réflexion sur l'esprit du lieu de la ville méditerranéenne », Colleta confirme que les villes historiques méditerranéennes possèdent une unicité et des caractères matériels et immatériels construisant leur esprit du lieu. Il ajoute que l’atmosphère vivante de ces villes à savoir les odeurs, les bruits, les couleurs sont une partie intégrante de l’esprit méditerranéen (Colleta, 2008)

Cette lecture synthétique et partielle, nous a permis de constater que le patrimoine bâti n’est pas un objet pour le regard, il existe d’autres dimensions sensorielles qui font son trait identitaire. Quand on parle des ambiances patrimoniales, on parle de deux patrimoines à la fois, matériel et immatériel. L’un se construit par rapport à l’autre et la notion d’ambiance articule les deux. En outre, les recherches qui se penchent sur les ambiances patrimoniales mettent le patrimoine immatériel qui est très peu abordé, en primauté au patrimoine matériel. D’autre part, il est temps de penser et pratiquer autrement le patrimoine bâti par le rapprochement des caractéristiques sensorielles des lieux. Cela nous aide à caractériser son identité ambiantale qui doit être conservée et transmise.

6. LES AMBIANCES PATRIMONIALES DANS LES TETXES