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PATRIMONIALES, URBANISME ET ARCHITECTURE ISLAMIQUES

REGLEMENTAIRES RELATIFS AU PATRIMOINE

10. LES AMBIANCES PATRIMONIALES DES VILLES ISLAMIQUES A TRAVERS LES TEXTES

10.2. Les ambiances dans les récits des européens

Vu son opulence stylistique et artistique, l’architecture islamique est un objet d’étude pour plusieurs orientalistes (architectes, voyageurs, historiens etc.). Plusieurs ouvrages ont été dédiés à l’architecture islamique où les auteurs analysaient plusieurs monuments les plus représentatifs de la civilisation islamique. Ce genre de textes nous fournit plusieurs renseignements sur l’architecture et l’urbanisme dans les villes islamiques.

Les médinas révèlent la grande histoire des pays de l’islam. Plusieurs dynasties s’y sont installées et ont contribué à la construction d’un héritage culturel. En effet, chaque dynastie a contribué à l'enrichissement des médinas tant au plan culturel qu’artistique. Ce qui transparait à travers les demeures anciennes, les édifices religieux, les Souks…etc.

Une autre institution islamique à caractère commercial, le Bazar est le centre commercial et artisanal traditionnel de toute ville ou localité en pays d’Islam (Encyclopédie Universalis, 2016). Cet établissement a séduit les voyageurs orientalistes comme Théophile Gauthier qui faisait une description d’un bazar en mettant en relief les différents formants d’ambiances comme dans cet extrait :

« Le grand Bazar, pour lui conserver le nom que les francs lui donnent, couvre un immense espace de terrain et forme comme une ville dans la ville, avec ses rues, ses ruelles, ses passages, ses carrefours, ses places, ses fontaines, inextricable labyrinthe où l’on a de la peine à se retrouver, même après plusieurs visites. Ce vaste espace est voûté, et le jour y tombe de ces petites coupoles … Une odeur pénétrante, composée des arômes

36 de tous ces produits exotiques vous monte aux narines et vous enivre. » (Gautier, 1856, pp.

121).

Parmi les récits de voyage qui témoignent de la présence du sens olfactif dans l’architecture islamique, le récit de T.E. Lawrence. Ce dernier décrit l’ambiance olfactive lors d’une visite d’un palais :

« Les arabes ont un sens aigu de cette pureté qui naît de la raréfaction. Je m’en avisai pour la première fois, voici des années, un jour où nous avions chevauché très loin par les plaines mouvantes du Nord de la Syrie jusqu’à une ruine de la période romaine. C’étaient, dirent mes compagnons, les restes d’un palais bâti dans le désert pour une reine par son époux, seigneur de la région limitrophe. Ils ajoutèrent que l’argile de cette construction avait été, pour plus de richesse, pétrie non pas avec de l’eau, mais avec de précieuses essences de fleurs. Reniflant l’air comme des chiens, mes guides me conduisaient de salle croulante en salle croulante disant : “ Voici le jasmin, voici la violette, voici la rose. » (Crunelle, 2001, pp. 91).

Parmi les chercheurs orientalistes qui se sont ardemment intéressé à la culture des pays Maghrébins et à celle du monde musulman en général, Georges Marçais. Ce dernier fait une description des demeures musulmanes en mettant en exergue leurs potentialités ambiantales :

« Alors que les demeures de nos villes d’Europe s’éclairent largement sur la rue, que l’agrément et le luxe des façades sont l’objet de recherches de l’architecte et, pour le maître du logis, un signe d’opulence, la demeure musulmane, même riche, présente l’aspect extérieur le plus sobre, des murs nus, que percent une porte massive perpétuellement close et des fenêtres étroites et rares. Tout l’intérêt de cette architecture domestique se reporte sur l’espace vide intérieur. La cour apparaît presque comme la pièce principale de l’habitation, et les façades qui l’encadrent offrent au constructeur un thème esthétique riche et varié, dont le charme n’est d’ailleurs accessible qu’aux hôtes du logis » (Golvin, 1982, pp.155).

Dans son ouvrage « les voix de Marrakech », Canetti nous importe l’identité ambiantale de Marrakech. Fasciné par l’opulence ambiantale que recèle la ville rouge, l’auteur nous décrit précieusement les séquences multi sensorielles. L’ambiance olfactive y est présente dans cet extrait par exemple :

« Les souks sentent les épices, il y fait frais et ils ruissellent de couleurs. L’odeur, qui est toujours agréable, change toutefois suivant la nature des marchandises. (Canetti, 1981, pp. 23).

Dans la préface du livre « espace persan, architecture traditionnelle en Iran » Gérard Grandval décrivait la synergie espace persan - le milieu environnant et la bonne maitrise des environnements sensoriels qui rendent les espaces confortables et significatifs. Ainsi, Grandval mit en exergue l’organicité et la simplicité, dans le sens positif du terme, de cette architecture qui fascine l’œil du visiteur:

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« Architecture témoignant d’une très grande attention aux vents, au soleil, à l’ombre, aux vivants, aux morts. Soucieuse de protéger des bruits, du sable, des barbares, ou simplement des regards qui sont parfois des couteux. Architecture jouant son rôle médiatique en des lieux rigoureux, lieux où tout effort excessif est dérisoire. Architecture extraordinairement économe de moyens négociant au plus juste, s’épargnant des digressions inutiles, et qui cependant ne saurait être réduite à son utilité. Elle nous dit diverses de la cour, dans l’espace des horizons de la terrasse, parce que cette architecture arabe détient le secret des dimensions humaines. Ces gens, ces guerriers terribles, aimaient à se reposer bien entendaient gouter à la joie e vivre… » (Deluz, 2001, p 234).

Dans son ouvrage « les aventures des derniers Abencerage », Chateaubriand fait une description assez détaillée de la ville de Grenade et ses édifices en mettant en relief la richesse ambiantale qui y règne. Dans un premier temps, l’auteur donne des séquences sensorielles sur la localisation stratégique de la ville de Grenade et les différents générateurs d’ambiances qui rendent ce lieu opulent en matière de sensorialité ; fraicheur, couleurs, odeurs etc. Il dit :

« Grenade est bâtie au pied de la Sierra-Nevada, sur deux hautes collines que sépare une profonde vallée. Les maisons placées sur la pente des coteaux, dans l'enfoncement de la vallée, donnent à la ville l'air et la forme d'une grenade entrouverte, d'où lui est venu son nom. Deux rivières, le Xénil et le Douro, dont l'une roule des paillettes d'or, et l'autre des sables d'argent, lavent le pied des collines, se réunissent, et serpentent ensuite au milieu d'une plaine charmante, appelée la Véga. Cette plaine que domine Grenade est couverte de vignes, de grenadiers, de figuiers, de mûriers, d'orangers; elle est entourée par des montagnes d'une forme et d'une couleur admirables. Un ciel enchanté, un air pur et délicieux, portent dans l'âme une langueur secrète dont le voyageur qui ne fait que passer à même de la peine à se défendre. On sent que dans ce pays les tendres passions auraient promptement étouffé les passions héroïques, si l'amour, pour être véritable, n'avait pas toujours besoin d'être accompagné de la gloire. » (Chateaubriand, 2000, p 9).

Les jardins sont également des œuvres architecturales et paysagères qui ont fasciné image du cosmos, avec toutes les délices de l’eau, de l’ombre, des effluves parfumées, des murmures des fontaines et des chants d’oiseaux dans les volières avec aussi des fruits apportés à la main s’offrant à la gourmandise afin que tous les sens furent satisfaits…. ».

(Bazin, 1999, p 38).

38 Pour sa part le voyageur espagnol Haedo décrit la ville d’Alger sous les turcs en s’intéressant aux jardins. Plusieurs ambiances sont explicitement et implicitement mentionnées. Il dit :

« Quand on sort dans la compagne, la vue est frappée par les nombreuses vignes et jardins qui entourent la ville ; on voit partout des citronniers et de grandes quantités de fleurs, surtout des roses, qui fleurissent toute l’année, mêlées aux légumes les plus variés. Tous ces jardins sont baignés par un nombre infini de fontaines, dont l’eau claire comme le cristal, court de tous côtés. On ne peut rien imaginer de plus gracieux……tous les après-midi, de nombreuses personnes, hommes et femmes, viennent savourer le plaisir de ces lieux. Dans toute cette verdure, il n’y a pas d’habitant qui n’ait construit sa petite maison dont la blancheur se détache dans le paysage et donne à ce paysage l’aspect du littoral de Gènes ». (Petruccioli, 1990, pp. 84-85).