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Notes suppl´ ementaires

1.6.1 Note A

En 1650, Huygens proposa de construire une spirale d’Archim`ede avec un m´ecanisme qui, en employant une corde qui s’enroule sur un disque auquel on a fix´e rigidement une barre de longueur variable, fait d´ependre le mouvement r´etrograde de la droite tournante de son mouvement de rotation126. Cela semblerait une construction de la spirale d’Archim`ede qui ne demande de prendre en compte qu’un seul mouvement g´en´erateur. Descartes n’´evoque pas explicitement de telles constructions, mais observe127 qu’il y a bien des constructions employant des ficelles qu’il faut rejeter comme des constructions de courbes g´eom´etriques, car ces ficelles “deuienent tantost droites & tantost courbes”. `A premi`ere vue, on pourrait voir dans cet argument une raison ad hoc pour rejeter des courbes telles que la spirale d’Archim`ede, lorsqu’elle est construite par la m´ethode de Huygens. Si on regarde les choses plus en profondeur, on se rend compte pourtant que derri`ere l’argument de Descartes il se cache une condition qui concerne le rˆole (et non pas simplement la forme) des ficelles dans la construction d’une courbe. Consid´erons pour cela les constructions de l’ellipse et de l’hyperbole faites par l’usage d’une ficelle, expos´ees par Descartes dans la Dioptrique128. Si, comme dans le cas de la construction de Huygens, l’usage d’une ficelle permet de connecter le mouvement de rotation d’une r`egle `a un mouvement d’un point sur cet r`egle, la condition

125Panza (1992a).

126Cf. Huygens (OC), vol. 11, p. 216 et Bos (1981), 320-321. 127Cf. Descartes (1637), 340-341.

que ce dernier mouvement doit respecter, et que, de facto, les ficelles le contraignent `a respecter, est une condition qui porte sur l’addition et la diff´erence de deux segments. Il s’ensuit que, dans les deux cas, la ficelle pourrait, localement, c’est-`a-dire dans tout point de ces courbes, ˆetre remplac´ee par deux r`egles. Selon Descartes129, “on ne se sert de chordes, en ces constructions, que pour d´eterminer des lignes droites dont on connaist parfaitement la longueur.” Ceci n’est pourtant vrai que partiellement. Car c’est seulement l’usage de ficelles qui permet (lorsque la courbe n’est pas donn´ee `a l’avance) d’´etablir la longueur de ces lignes. L’usage de la ficelle, plutˆot que de deux r`egles, a justement comme fonction de rendre automatique le respect de la condition qui caract´erise la courbe en question, lorsqu’on fait tourner la r`egle. Ceci n’est pas le cas de la construction de la spirale propos´ee par Huygens, car seule une partie de la ficelle pourrait, dans ce cas, ˆetre localement remplac´ee par une r`egle, l’autre devant l’ˆetre par un arc de cercle. Ainsi les constructions de l’ellipse et de l’hyperbole employant des ficelles sont des constructions r´ealis´ees par une machine qui peut, dans tous ses points, ˆetre d´ecrite comme une configuration de droites, dont une est cens´ee ˆetre soumise `a une rotation autour d’un centre fixe. Les droites interviennent dans cette machine comme des courbes g´eom´etriques d´ej`a re¸cues, dont on consid`ere des portions qui, pour tout point de la courbe `a construire, sont d´etermin´ees par intersection, pourvu que ce point soit donn´e. En revanche, la construction de la spirale de Huygens emploie une machine qui ne peut pas ˆetre d´ecrite de cette mani`ere, car, quel que soit le point qu’on prend sur la spirale, la configuration de courbes qui le d´etermine selon cette machine fait intervenir une portion de cercle qui ne peut pas ˆetre d´etermin´ee par intersection de courbes d´ej`a re¸cues, un fois que ce point est consid´er´e comme ´etant donn´e. On peut penser que celle-ci n’est qu’une autre mani`ere d’exposer la contrainte que Bos a exprim´ee en parlant d’un “axiome d’incommensurabilit´e entre le droit et le courb´e”130. N´eanmoins, lorsqu’elle est exprim´ee de cette mani`ere, cette contrainte montre ses liens avec le crit`ere g´en´eral de constructibilit´e g´eom´etrique d’une courbe : la spirale n’est pas une courbe g´eom´etrique, car sa construction, mˆeme celle con¸cue par Huygens, ne satisfait pas ce crit`ere. On pourrait dire alors, en g´en´eral, que les constructions avec des ficelles ne sont acceptables que lorsque les ficelles peuvent, pour tout point de la courbe `a construire, ˆetre remplac´ees par des portions de courbes g´eom´etriques d´ej`a re¸cues (construites), d´etermin´ees par intersection de ces mˆemes courbes ou d’autres courbes d´ej`a re¸cues, pourvu que ce point soit donn´e.

1.6.2 Note B

Descartes n’affirme explicitement qu’une de ces deux implications : toute courbe constructible par r`egle, compas et r´eit´eration peut ˆetre exprim´ee par une ´equation Alg´ebrique [cf. Descartes (1637), 319]. Bien qu’il ne d´emontre pas cela, ce ne serait certes pas difficile de le faire, pourvu qu’on sp´ecifie suffisamment et raisonnablement le crit`ere de constructibilit´e par r`egle, compas et r´eit´eration. Il suffirait pour cela de consid´erer l’une apr`es l’autre toutes les courbes autres qu’une droite ou un cercle qui entrent dans cette construction, et de les exprimer r´ecursivement par des ´equations qu’on pourrait d´eterminer, en partant de la consid´eration des segments et des cercles qui sont `a l’origine de leur

construc-129cf. Descartes (1637), 341.

130Cf. Bos (1981), 322. Mancosu [cf. Mancosu (1996), 77] a mis en doute que ce crit`ere ait jou´e un rˆole important, en observant que personne ne le mit plus tard en doute, en se r´eclamant des rectifications des courbes g´eom´etriques trouv´ees par des moyens Alg´ebriques, par exemple par van Heuraet [cf. la section 3.5].

tion. Pour tous les exemples de construction par r`egle, compas et r´eit´eration que Descartes donne dans la G´eom´etrie, cela est d’ailleurs assez facile `a faire. Pour ce qui est de l’impli-cation inverse, il faut reconnaˆıtre que Descartes ne l’affirme jamais explicitement dans la G´eom´etrie, bien qu’il semble le faire implicitement [cf. Bos (1981), 324], en affirmant [cf. la note D, ci-dessous] : i ) qu’il est possible de construire, par r`egle, compas et r´eit´eration, n’im-porte quel point de toute courbe exprim´ee par une ´equation Alg´ebrique ; ii ) que toute courbe dont n’importe quel point peut ˆetre construit par r`egle, compas et r´eit´eration peut aussi “estre descrites par vn mouuement r´egulier & continu” [cf. Descartes (1637), 340]. Pourtant, ni l’une ni l’autre de ces affirmations n’est prouv´ee par Descartes. Et il est surtout difficile de voir comment la deuxi`eme pourrait l’ˆetre [cf. Bos (1981), 324]. En 1876, A. B. Kempe [cf. Kempe (1876)] a prouv´e un th´eor`eme qu’on pourrait formuler ainsi : si F (x, y) = 0 est une ´equation alg´ebrique qui exprime, par rapport `a un syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes orthogonales donn´e, une courbe r´eelle, et si on sait d´eterminer les coordonn´ees d’un point, appartenant `a une branche de cette courbe, alors il est en principe possible de d´eterminer un “syst`eme articul´e [linkwork ]” (c’est-`a-dire un syst`eme de barres rectilignes, ou “liens [links]”, de longueur constante, se connectant les unes avec les autres en des points fixes, et formant des angles qui varient tous ensemble, sous un mouvement d´etermin´e d’un point d’une de ces barres), dont un point explicitement d´etermin´e trace la branche de la courbe d’´equation F (x, y) = 0 `a laquelle appartient le point qu’on sait construire, lorsque le point qui engendre le mouvement du syst`eme trace une droite parall`ele `a l’axe des abscisses. Comme il est clair qu’une courbe ainsi construite soit construite conform´ement au crit`ere de construction par r`egle, compas et r´eit´eration, et que toute transformation d’un syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes en un autre ne comporte que des transformations lin´eaires ba-nales, il s’ensuit que si on sait d´eterminer les coordonn´ees d’un point appartenant au lieu qui respecte la condition exprim´ee par une ´equation propre `a l’Alg`ebre des segments de Des-cartes, relativement `a un syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes donn´e, alors on peut aussi d´eterminer une proc´edure qui conduit `a une construction par r`egle, compas et r´eit´eration d’une branche de la courbe exprim´ee par cette ´equation. Autant dire que toute courbe exprim´ee par une ´equation Alg´ebrique, dont un point est constructible par r`egle, compas et r´eit´eration, est elle mˆeme constructible (au moins partiellement) par r`egle, compas et r´eit´eration. C’est en mˆeme temps une clarification et une confirmation de deux conjectures de Descartes : d’une part celle relative `a la constructibilit´e par r`egle, compas et r´eit´eration de toute courbe exprim´ee par une ´equation Alg´ebrique ; de l’autre celle relative `a la possi-bilit´e de d´ecrire “par vn mouuement r´egulier & continu” toute courbe dont n’importe quel point peut ˆetre construit par r`egle, compas et r´eit´eration.

1.6.3 Note C

Pour avoir un exemple de cette proc´edure, supposons donn´ee l’´equation :

y = axm1 + bxn1 (1.24)

o`u m et n sont des nombres entiers strictement positifs, premiers entre eux, et cherchons `a la r´eduire en une ´equation enti`ere.

Si M est le plus petit commun multiple de m et n, on aura

h et k ´etant deux nombres entiers premiers entre eux et tels que 1≤ h ≤ n

1≤ k ≤ m (1.26)

De la position

t = xM1 (1.27)

il s’ensuit alors le syst`eme d’´equations    th= xMh = xm1 tk = xMk = xn1 y = ath+ btk (1.28)

Il s’agit alors de d´eterminer les M coefficients Aj (j = 0, 2, . . . , M− 1) d’un polynˆome

PM(y) =

M

X

j=0

Ajyj (1.29)

o`u on aura pos´e AM = 1, tel que des conditions pr´ec´edentes il s’ensuive

PM(y) = 0 (1.30)

quel que soit y. Si ces coefficients sont `a leur tout des polynˆomes en x, alors on aura ainsi trouv´e l’´equation enti`ere cherch´ee. En substituant on obtient

M X j=0 Aj ath+ btkj = M X j=0 Aj " j X i=0  j i  athj−i btki # = M X j=0 Aj " j X i=0  j i  aj−ibith(j−i)+ik # = 0 (1.31)

Le polynˆome PM(y) contiendra alors

1 + 2 + 3 + . . . + (M + 1) = (M + 1)(M + 2)

2 = N (1.32)

monˆomes, tous de la forme Ktλo`u K est une constante et λ un exposant entier positif, dont certains pourront ˆetre semblables. Or, comme tout nombre entier peut ˆetre ´ecrit modulo M , on aura pour tout λ

tλ= tθu+µ= xθtµ (1.33)

o`u θ et µ sont des nombres entiers positifs et µ < u. Parmi les monˆomes qui interviennent dans le polynˆome PM(y), tous ceux dont l’exposant de t est plus grand ou ´egal `a M peuvent ainsi ˆetre ´ecrits comme des produits d’une puissance enti`ere positive de x et d’une puissance tµ o`u µ < u. Apr`es avoir op´er´e ces r´e´ecritures, on aura alors une ´equation enti`ere en t

dont les coefficients sont des polynˆomes en x et des fonctions lin´eaires des coefficients Aj (j = 0, 1, ..., M− 1). Cette ´equation pourra ˆetre ´ecrite ainsi :

M−1 X j=0 Bjtj = 0 (1.34) Or, si 0≤ j ≤ u − 1, on a tj= xMJ (1.35)

o`u les exposants Mj sont tous diff´erents entre eux et sont aussi plus petits que 1 et plus grands ou ´egaux `a 0. Les puissances tj (0≤ j ≤ M − 1) peuvent ainsi ˆetre trait´ees comme une base d’un espace vectoriel et il est donc possible d’appliquer la m´ethode des coefficients ind´etermin´es, ce qui fournit M ´equations lin´eaires dans les inconnues Aj(j = 0, 1, . . . u−1) :

{Bj = 0}j=uj=0−1

Pour trouver l’´equation enti`ere cherch´ee, il faut ainsi r´esoudre ce syst`eme, et obtenir ainsi les coefficients Aj (j = 0, 1, . . . u− 1) sous la forme de fonctions rationnelles de x. Mˆeme si ces fonctions n’´etaient pas toutes enti`eres, il serait de toute fa¸con ais´e de transformer l’´equation obtenue de l’´equation (1.30) en substituant ces fonctions aux coefficients Aj

(j = 0, 1, . . . u− 1) en une ´equation enti`ere, que serait alors ´equivalente `a l’´equation (1.24) qui avait ´et´e donn´ee. Comme on sait a priori que la r´eduction qu’on cherche `a r´ealiser est possible, on peut aussi ˆetre sur que ce syst`eme est d´etermin´e. Ceci ne peut pourtant pas ˆetre prouv´e directement. On ne peut pas non plus ˆetre sˆur qu’on sache effectivement r´esoudre ce syst`eme, qui devient rapidement tr`es complexe lorsque les nombres M augmentent. Le cas consid´er´e n’est d’ailleurs qu’un des plus simples qu’on puisse imaginer, de sorte que dans d’autres cas, la proc´edure `a suivre pour obtenir l’´equation enti`ere cherch´ee pourrait ˆetre encore plus complexe.

1.6.4 Note D

Si une courbe g´eom´etrique est exprim´ee par une ´equation Alg´ebrique qu’on sait mettre sous la forme y = f (x), o`u f (x) est une expression Alg´ebrique, alors du fait que l’Alg`ebre des segments de Descartes est d´eterminative, il s’ensuit qu’on sait construire, par r`egle, compas et r´eit´eration, n’importe quel point de cette courbe. Si l’´equation est du deuxi`eme degr´e, cette construction est d’ailleurs une simple construction par r`egle et compas131. Descartes semble penser de surcroˆıt qu’il est possible de parvenir `a construire par r`egle, compas et r´eit´eration n’importe quel point d’une courbe g´eom´etrique, mˆeme si on ne sait pas mettre l’´equation qui exprime cette courbe sous la forme y = f (x). L’´equation Alg´ebrique F (x, y) = 0 ´etant donn´ee, il est en effet ais´e de transformer cette ´equation en une ´equation `

a une seule variable, G(y) = F (a, y) = 0 en assignant `a une de ses variables (disons x) une valeur d´etermin´ee (disons a). Ceci ´etant fait, on peut ensuite chercher deux ´equations `a deux variables Φ(z, y) = 0 et Ψ(z, y) = 0, dont chacune exprime une courbe qu’on sait d´ej`a construire par r`egle, compas et r´eit´eration, telles que toute racine de l’´equation G(y) = 0

soit aussi une racine de l’´equation RΦ,Ψ(y) = 0, qui r´esulte du syst`eme 

Φ(z, y) = 0 Ψ(z, y) = 0 en ´eliminant z, c’est-`a-dire que :

RΦ,Ψ(y) = P (y) [G(y)]

o`u P (y) est un polynˆome en y. Il est clair alors que toutes les racines r´eelles de l’´equation G(y) = 0, et donc tous les points de la courbe d’´equation F (x, y) = 0 d’abscisse x = a, correspondront `a des intersections des deux courbes d’´equation Φ(z, y) = 0 et Ψ(z, y) = 0 ; si P (y) = 0 n’a pas de racines r´eelles, toutes les intersections de ces courbes donneront un point d’abscisse x = a de la courbe d’´equation F (x, y) = 0. Cette m´ethode est illustr´ee par Descartes dans le troisi`eme livre de la G´eom´etrie, o`u elle est appliqu´ee `a la construction des racines d’une ´equation quelconque (l’´equation choisie par Descartes n’est pas exacte-ment quelconque, car elle doit respecter une condition relative `a la relation de deux de ses coefficients, mais il est facile de la rendre quelconque par une translation convenable132de sixi`eme degr´e, `a une variable133. Et Descartes affirme en clˆoturant la G´eom´etrie134, sans en donner pourtant aucune preuve, que cette mˆeme m´ethode — qui deviendra ensuite une technique habituelle de la th´eorie de la “construction des ´equations”135 — peut ˆetre ap-pliqu´ee `a la construction (par r`egle, compas et r´eit´eration) des racines de n’importe quelle ´

equation Alg´ebrique `a une variable. Il s’ensuit que Descartes pense pouvoir construire par r`egle, compas et r´eit´eration n’importe quel point d’une courbe exprim´ee par n’importe quelle ´

equation Alg´ebrique.

Cela ne signifie pourtant pas encore que la donn´ee d’une ´equation Alg´ebrique, qu’on choisit de r´ef´erer `a un certain syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes soit ´equivalente `a la donn´ee d’une construction par r`egle, compas et r´eit´eration de la courbe que cette ´equation est cens´ee exprimer, car la construction par r`egle, compas et r´eit´eration de n’importe quel point de la courbe n’est nullement une construction par r`egle, compas et r´eit´eration de la courbe elle-mˆeme.

Descartes distingue d’ailleurs entre construction, par r`egle, compas et r´eit´eration, de n’importe quel point d’une courbe et construction, par r`egle, compas et r´eit´eration d’une infinit´e de points particuliers d’une courbe. Clavius avait pr´esent´e, dans son commentaire aux ´El´ements, en particulier au livre VI136, une construction, par r`egle et compas, de tout point d’une quadratrice dont la projection horizontale sur le cˆot´e du carr´e g´en´erateur est un des points qui partagent ce mˆeme cˆot´e en 2i(i = 1, 2, ...) parties ´egales. Descartes137observe que par des constructions comme celle-ci “on ne trouve pas indifferement tous les poins de la ligne qu’on cherche, mais seulement ceux qui peuuent estre determin´es par quelque mesure plus simple que celle qui est requise pour la composer”138.

132Cf. Bos (1981), 306, note 11. 133Cf. la note (97), ci-dessus. 134Cf. Descartes (1637), 412-413. 135Bos (1984), en particulier 342-344 et (1986) 136Cf. Clavius (1611-1612), I, 296-304 137Cf. Descartes (1637), 339-340.

Or, Bos a soutenu139 que Descartes consid`ere que la constructibilit´e par r`egle, com-pas et r´eit´eration de n’importe quel point d’une courbe est une condition suffisante pour la donation de la courbe, lorsque celle-ci est con¸cue comme un lieu qui fournit la solu-tion finale d’un probl`eme, tandis qu’il demande plus (`a savoir que la courbe elle mˆeme soit constructible par r`egle, compas et r´eit´eration), lorsque cette courbe est cens´ee entrer dans une autre construction. Pour justifier la premi`ere partie de son appr´eciation, Bos se r´eclame de diff´erents passages dans la G´eom´etrie. D’abord, il consid`ere140 la solution, que Descartes fournit pour le probl`eme de Pappus pour trois ou quatre droites141, o`u aucune m´ethode explicite de construction par r`egle, compas et r´eit´eration n’est exhib´ee, sans que cette solution soit par ailleurs consid´er´ee comme ´etant incompl`ete. Il faut pourtant ob-server (comme d’ailleurs Bos le reconnaˆıt lui aussi142) que dans le cas d’une conique, la construction des sommets, des axes et des foyers (ou de quelques autres param`etres dont cette connaissance d´ecoule), que Descartes ne manque pas de donner, est une condition suffisante pour d´eterminer ais´ement une proc´edure de construction par r`egle, compas et r´eit´eration de la courbe elle-mˆeme. On peut donc penser que, dans le cas de sa solution du probl`eme de Pappus pour trois ou quatre droites, Descartes ne fait que laisser implicite ce qui est facile d’expliciter `a partir des donn´ees qu’il fournit. Ensuite, Bos se r´eclame de la solution du probl`eme de Pappus pour cinq droites, dont quatre parall`eles et la cinqui`eme perpendiculaire `a celles-ci, les distances d1, d2, ..., d5´etant prises sous des angles droits143. Si la distance `a cette derni`ere droite est plac´ee dans le membre de droite de (1.23), alors la courbe solution du probl`eme est un lieu que Descartes montre comment construire ; si cette distance est plac´ee dans le membre de gauche, alors la courbe solution est un lieu, dont Descartes dit seulement comment il est possible d’en construire n’importe quel point. Rien ne nous laisse penser pourtant qu’une telle description de cette courbe soit con¸cue par Descartes comme une exhibition de la solution du probl`eme. Il semble plutˆot que celui-ci ne soit ici en train que d’indiquer rapidement quelques caract´eristiques qu’une telle solu-tion devrait satisfaire. Ceci semble plutˆot se confirmer lorsqu’on passe au troisi`eme passage consid´er´e par Bos144 : “[...] ayant expliqu´e — dit Descartes145 — la fa¸con de trouver vne infinit´e de poins par o`u elles [des courbes solutions du probl`eme de Pappus en d’autres cas] passent, ie pense auoir ass´es donn´e le moyen de les descrire”. Mais il ajoute, peu apr`es146: “Et pource que cete fa¸con de trouuer une ligne courbe, en trouuant indifferement plusieurs de ses poins, ne s’estend qu’`a celles qui peuuent aussy estre descrites par vn mouuement regulier & continu, on ne la doit pas entierement reietter de la Geometrie”. Comme Bos l’observe, Descartes ne fournit pas de d´emonstration pour cette affirmation, mais il n’avance pas de doutes `a son ´egard.

Il semble alors que la constructibilit´e, par r`egle, compas et r´eit´eration, de n’importe quel point d’une courbe ne soit une raison pour recevoir cette courbe en g´eom´etrie que parce que cette constructibilit´e est cens´ee impliquer la contructibilit´e, par r`egle, compas et

139Cf. Bos (1981), 302-303 et 315-319. 140Cf. Bos (1981), 302-303. 141Cf. Descartes (1637), 324-334. 142Cf. Bos (1981), 315. 143Cf. Descartes (1637), 335-339. 144Cf. Bos (1981), 317-318. 145Cf. Descartes (1637), 339. 146Cf. Descartes (1637), 340.

r´eit´eration, de la courbe elle-mˆeme147. La possibilit´e de r´ealiser la premi`ere construction est