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4.1 La norme

Dans le Grand dictionnaire de linguistique et sciences du langage (2008), Dubois et al. proposent la définition suivante de norme :

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« On appelle norme un système d’instructions définissant ce qui doit être choisi parmi les usages d’une langue donnée si l’on veut se conformer à un certain idéal esthétique ou socioculturel. […] On appelle aussi norme tout ce qui est d’usage commun et courant dans une communauté linguistique ; la norme correspond à l’institution sociale que constitue la langue standard. »

Selon Maingueneau dans L’énonciation en linguistique française (1991), le langage s’associe nécessairement à la notion de norme. La norme fonctionne comme un « modèle », un « standard » que l’on pourrait utiliser à l’échelle collective et qui préconise des règles d’utilisation du langage. En effet, au-delà des règles sémantiques et syntaxiques, il existe des conventions au bon emploi du langage. Afin de fournir une analyse rigoureuse, un cadre de référence s’impose. Il faut se référer à un langage « préalable », à des normes. La norme est une notion fondamentale sur laquelle l’orthophoniste va à la fois se reposer mais dans le cadre de l’évaluation et de la rééducation il s’en éloignera pour mieux décrire le langage utilisé par le sujet parlant.

Rey dans Usages, jugements et prescriptions linguistiques (1972) distingue deux types de normes. Les normes objectives sont celles auxquelles nous nous référons lorsque l’on étudie des productions de locuteurs de manière scientifique. Les normes subjectives sont celles auxquelles nous nous référons lorsque l’on analyse des opinions et/ou des idéologies.

Nous pouvons mettre en parallèle les notions de norme et imaginaire linguistique. Selon Houdebine (2013), le concept d’imaginaire linguistique émerge dans les années 1972-1978 de travaux de terrain et notamment d’enquêtes sur la prononciation du français dans la région du Poitou. Dans ses investigations, elle remarqua une certaine « culpabilité linguistique » de la part des sujets parlants interrogés. La plupart étaient gênés car avaient l’impression de ne pas bien maîtriser la langue française. Labov, dans les années 60, parlait plutôt « d’insécurité linguistique » c’est-à-dire un sentiment négatif lié à l’usage d’une langue ressenti chez un locuteur donné et entraînant un certain malaise. Houdebine proposa alors de définir l’imaginaire linguistique comme étant le rapport du sujet à la langue. Cela désigne d’abord les remarques métalinguistiques que peuvent faire les locuteurs sur l’orthographe, l’histoire de la langue, la grammaire etc. Selon Houdebine (2015), l’imaginaire linguistique est un modèle plus complexe. Chaque locuteur s’exprime finalement selon son propre imaginaire linguistique entremêlant :

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- normes objectives c’est-à-dire les standards admis de manière statistique (relevant des convergences des usages) et systémique (normes internes qu’impose la langue) et,

- normes subjectives comprenant les normes fictives (rationalisation personnelle de la langue), les normes prescriptives (relevant de pressions scolaires ou académiques) et les normes communicationnelles (relatives à l’intégration au groupe).

4.2 La variation

La notion de variation, née dans les années 1950-1960 rejoint la sociolinguistique, dont Labov en est le père fondateur. Ce courant variationniste s’intéresse à la langue en situation de communication et non en tant qu’objet d’étude figé. En effet, en réalité, la langue n’est pas entièrement homogène. C’est d’ailleurs une propriété majeure des langues. Au sein d’une langue, il existe donc des variations, s’éloignant plus ou moins de la norme (Gadet, 1997).

Dans son Dictionnaire des sciences du langage (2011), la notion est décrite ainsi par Neveu :

« La variation peut être définie comme une manifestation de la variabilité des langues naturelles, observée dans la diversité des usages linguistiques d’une communauté, et qu’expliquent notamment des déterminations politiques, géographiques ou socioculturelles » (Neveu, 2011).

Selon Blanchet et Bulot (2013), il existe plusieurs types de variations. La langue peut varier selon l’espace géographique (variation diatopique), le groupe social (variation diastratique), l’usage (variation diaphasique), le sexe (variation diagénique) ou encore le temps (variation diachronique). Par exemple, les dialectes et régiolectes sont le résultat d’une variation diatopique tandis que les sociolectes et autres technolectes sont le résultat d’une variation diastratique.

L’orthophoniste, s’intéressant à la notion de langue en situation de communication, doit être au fait de ces différentes variations lors de l’évaluation et de la rééducation du sujet parlant. Il doit prendre en compte toutes les données définissant le

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locuteur sans stigmatiser son usage de la langue, usage s’éloignant plus ou moins de la norme.

4.3 L’usage

L’usage désigne la manière individuelle de parler, en effet nous avons tous un usage différent de la langue qui dépend de différents facteurs et notamment des époques. La conception du bon usage de la langue au XVIIème-XVIIIème siècle était moins souple que la conception actuelle par exemple. En effet, une norme unique était appliquée, résultat d’un apprentissage systématique des composantes langagières, sans écarts. Mais les normes ne sont pas seulement linguistiques, elles s’inscrivent dans un schéma global de la communication, auquel s’ajoutent des facteurs sociaux, régionaux, ethniques, générationnels pouvant alors remettre en question de bon usage de la langue (Charmeux, 1992).

Rey dans Usages, jugements et prescriptions linguistiques (1972) discute les variations autorisées par tout système de communication. Il ne faut alors pas confondre norme et bon usage dans le discours. Il y a des usages sociaux différents pour une langue supposant une tolérance aux variations retrouvées dans le discours.

Cette dimension complexifie l’analyse linguistique car il faut tenir compte non seulement des variations d’une langue, mais aussi de l’usage qu’en ont les locuteurs.