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Des normes trop strictes : condition suffisante pour la sécurité ?

Encadré 2 : Exemples de points faibles des pays en développement dans la gestion des normes SPS:

3. Effets des normes sanitaires : une analyse coûts-bénéfices

3.2. Renforcement des normes de sécurité des denrées alimentaires : garantie pour la santé des consommateurs ?

3.2.1. Des normes trop strictes : condition suffisante pour la sécurité ?

Le marché de la qualité alimentaire est souvent loin d’être parfait. L’asymétrie d’information sur ce marché est la principale source de l’imperfection (Smith, 2010). Akerlof (1970) a montré combien une information imparfaite du consommateur concernant la qualité ou la sécurité des produits pouvait nuire au bon fonctionnement du marché. Si les consommateurs ne sont pas complètement informés sur les caractéristiques des produits, ils peuvent consommer un produit dangereux, ou

prendre plus de risques qu’ils ne le voudraient, ou encore payer un prix ne reflétant pas le risque associé au produit (Marette et al., 2000).

Les économistes de l'information (Nelson, 1970; Darby et Karni, 1973) distinguent trois catégories des biens de consommation. On parle ainsi d’un bien de recherche lorsque les consommateurs sont capables d’en évaluer la qualité avant l’achat. Avec un bien d’expérience, les consommateurs découvrent la qualité du bien qu’après l’avoir acheté et consommé. Enfin, avec un bien de confiance, les consommateurs ne découvrent jamais la qualité du bien.

Si en pratique, un même produit alimentaire peut présenter des caractéristiques relevant des trois catégories44 (Smith, 2010) (tableau 4), lorsque l’on s’attache à la

composante « sécurité », les biens relèvent de l’aspect « confiance » (Gozlan & Marette, 2000 ; OCDE, 1999). Dans cette thèse nous traitons plus précisément de la sécurité sanitaire des aliments : la consommation d’un aliment peut engendrer des dommages au consommateur du fait de certains composants potentiellement dangereux qui sont contenus dans le bien (la présence de résidus toxiques, de résidus de pesticides, des additifs, etc.)

Tableau 4 : Catégories des biens :

Catégorie du bien Caractéristiques Exemples

Bien de recherche information sur la qualité

avant l’achat. Couleur d’un fruit/légume Bien d’expérience information sur la qualité

après l’achat en se fondant sur l’expérience après la consommation.

Goût d’un fruit/légume

Bien de confiance Quasi impossibilité

d’acquisition de l’information sur la qualité

avant ou après l’achat.

La présence des résidus toxiques sur un fruit/légume à effet cumulatif à long terme sur la santé.

En matière de sécurité sanitaire des aliments, on traite ainsi de l’incertitude sur la qualité, compte tenu de la difficulté pour le consommateur à détecter la nocivité des

44 « Par exemple, le choix d’une tomate sur un étal de fruits et légumes peut faire intervenir la « recherche » d’une tomate en

apparence mûre, au parfum agréable, ne présentant aucun signe extérieur de maladie ou d’attaque d’insecte. Après avoir mangé la tomate, fort de son « expérience », le consommateur en apprécie la qualité en fonction de divers facteurs subjectifs, tels que la saveur, la fermeté et la texture. Toutefois, les caractéristiques de « confiance » lui échappent. Elles peuvent se rapporter à la méthode de production employée, obéissant par exemple aux principes de l’agriculture biologique, ou à la présence d’éléments ou de résidus toxiques susceptibles d’avoir un effet cumulatif à long terme sur la santé. Autrement dit, le consommateur se contente de la conviction que ces caractéristiques s’appliquent ou font défaut, selon le cas, à la tomate consommée. Les caractéristiques de confiance peuvent être particulièrement problématiques, dès lors que le consommateur n’a aucun moyen d’en vérifier l’existence, ni en procédant à une recherche avant l’achat (dont le coût serait prohibitif), ni en se fondant sur l’expérience après la consommation » (Smith, 2010, p. 11).

produits. Face à cette asymétrie informationnelle sur la qualité sanitaire, l’intervention publique à travers un niveau minimum de sécurité imposé à tous les produits semble nécessaire (Lupton, 2002a ; OCDE, 1999). Les normes, fixant un niveau minimal de qualité de façon réglementaire, sont utilisées pour éviter la mise sur le marché de biens jugés dangereux (Gozlan & Marette, 2000). En effet, il a été montré que la fixation de réglementations de qualité pourrait permettre de résoudre les problèmes d’asymétrie d’information (Akerlof, 1970). A l’inverse, en analysant les limites de la réglementation, Lupton (2009) estime qu’elle n’est pas suffisante pour jouer son rôle de référentiel de sécurité. La réglementation qui suppose que l’entrée sur le marché soit limitée à ceux qui respectent les seuils minimaux de qualité, est confrontée à des limites d’applicabilité et pose un problème de crédibilité (Lupton, 2009 ; Lupton, 2002a). La crédibilité suppose que l’effectif de contrôle (le nombre d’agents chargés du contrôle), la fréquence du contrôle, la qualité du contrôle, et les sanctions en cas de non respect des règles de qualité soient suffisamment élevés pour inciter les producteurs à respecter les règles (Lupton, 2002a). En effet, même si les contrôles sont effectués, le manque de moyens pose un problème d’applicabilité de la réglementation (Lupton, 2009).

Dans ce cadre, Noll (1989) souligne trois facteurs qui déterminent le respect des agents régulés vis à vis des exigences de l’autorité réglementaire. A savoir, le degré de conflits d’intérêts entre le régulé et le régulateur ; les coûts et la précision des méthodes de contrôle des agents et enfin le pouvoir des mécanismes de contrôle du régulateur à inciter le régulé à se conformer aux règles. Pour Starbird et Amanor- Boadu (2006), la capacité d'inspection à inciter les fournisseurs à livrer des aliments sains, dépend de la précision des méthodes d’inspection, des coûts de contrôle payés par le fournisseur, de l’amende en cas de rejet et les sanctions en cas de problème de sécurité sanitaire.

La question des moyens de contrôle n’est pas été abordée par la littérature. L’hypothèse retenue est que les instances publiques ont tous les moyens pour vérifier la conformité des agents aux règles (Lupton, 2009). Or le manque de moyens financiers est toujours la raison invoquée pour justifier certaines difficultés ou inefficacités dans les politiques d’inspection (Marette, 2005).

Bien entendu, ce contrôle ne peut être établi de façon parfaite (du fait des coûts de contrôle, des effectifs insuffisants, de la difficulté d’avoir accès à toute

l’information...), mais doit être suffisamment efficace45 (De et Nabar, 1991 ; Lupton, 2009)

L’existence d’une réglementation, même sévère, ne signifie pas nécessairement que tous les producteurs respectent les exigences de qualité (Lupton, 2009). Le rôle du contrôle est ainsi déterminant pour deux raisons au moins. D’une part, le contrôle influence le comportement des producteurs (Noll, 1989 ; Marette, 2005) et doit être suffisamment efficace pour assurer le respect de la réglementation (Lupton, 2009). D’autre part, seul un contrôle suffisamment efficace permet de limiter l’entrée au marché à ceux qui respectent la réglementation et de garantir la qualité des produits consommés par les consommateurs et l’efficacité des réglementations sanitaires. C’est le cas du secteur agro-alimentaire que nous étudions. Dans ce secteur, l’utilité