• Aucun résultat trouvé

Les noms propres se référant à des personnages cités dans le Coran

CHAPITRE V / ANTHROPONYMES DANS LES PROVERBE LIBYENS

5.1. Les noms propres se référant à des personnages cités dans le Coran

religion au sein de la société libyenne afin de mieux comprendre les différents sens des proverbes libyens. La société libyenne est une communauté entièrement musulmane. L’Islam est basé sur le Coran en tant que paroles de Dieu transmises à travers le prophète Mohamed. Ce livre sacré comprenant les récits des prophètes et des messagers ayant précédé le prophète Mohamed porte aux musulmans, la sagesse et la moralité, lesquelles se reflètent dans la culture de la communauté.

Les personnages de ces récits sont de ce fait mémorisés tant au niveau socioculturel que dans la conversation populaire où le proverbe prend une place primordiale. L’interprétation des proverbes présentés dans ce sous-chapitre pourra illustrer cette idée.

5.1.1- Moïse, Pharaon et Haman

Transcription phonétique Proverbe libyen

1 [illī tiḥsbah mūsā yaṭla` far`ūn] ْنﻮُﻋ ْﺮَﻓ ْﻊَﻠْﻄَﯾﻰَﺳﻮُﻣْﮫَﺒْﺴ ْﺤِﺗ ﻲﻠْﻟا

2 [illī mā yarḍā biḥukum mūsā yarḍā

biḥukum far`ūn]

ْﻢُﻜُﺤْﺑﻰَﺿ ْﺮَﯾﻰَﺳﻮُﻣ ْﻢُﻜُﺤْﺑﻰَﺿ ْﺮَﯾﺎﻣﻲﻠْﻟا ْنﻮُﻋ ْﺮَﻓ

3 [qālūlah yāfar`ūn 'iīsh fara`nak qāl mā lqayt ḥad rddnī]

ﻲﻧّد ْر ْﺪَﺣ ْﺖﯿَﻘْﻟﺎﻣ ْلﺎﻗ ْﻚَﻨْﻋَﺮَﻓ ْﺶﯾإ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓﺎﯾْﮫَﻟﻮﻟﺎﻗ

4 [kul far`ūn lah mūsā] ﻰَﺳﻮُﻣْﮫَﻟ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓ ْﻞُﻛ

5 [ma`a hāmān yāfar`ūn !] ؟ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓﺎﯾ ْنﺎﻣﺎھَﻊَﻣ

Tableau 1: Proverbes contenant les noms propres : Moïse, Pharaon et Haman

Les figures de Moïse ﻰﺳﻮﻣ, Pharaon نﻮﻋﺮﻓ, Haman نﺎﻣﺎھ appartiennent toutes à la croyance populaire en Libye. Moïse est unanimement reconnu par les trois religions monothéistes comme le guide et le sauveur du peuple juif qu’il sortit d’Égypte en lui permettant de réaliser un exode vers la terre promise - terre qu'il ne verra jamais de son vivant du fait de la désobéissance de son peuple aux commandements, ce qui suscita la colère de Dieu.

Les récits coraniques concernant Moïse ont suscité de nombreux commentaires mystiques, essentiellement dans les rangs les plus spiritualistes de l'Islam, le face-à-face avec Dieu présenté sous l'apparence d’un buisson étant la quintessence de la rencontre mystique. L'image de l'opposition entre Moïse et Pharaon reste vivace et tout homme puissant à l'attitude unique est perçu comme un « pharaon » vis-à-vis duquel « tout croyant peut se sentir investi de la mission de lui rappeler la dimension éthique du monothéisme

coranique23 ».

Les légendes populaires musulmanes se rapportant à Moïse et aux prophètes, au-delà du Coran, offrent des histoires détaillées. De ce fait, les deux personnages Moïse et Pharaon connotent, dans la société libyenne, deux pôles extrêmes du bien et du mal. L’un, représenté par Moïse, désigne l’extrémité positive comprenant toutes les qualités d’un prophète, messager de Dieu. Il représente, en cela, l’égalité, la justice, la fidélité, l’obéissance de Dieu etc. Inversement, Pharaon, à qui Dieu a donné le pouvoir et la

23 LELOUP J-Y, (2010), Dictionnaire amoureux de Jérusalem, cf :

puissance, symbolise la mauvaise action à l’encontre de Dieu. Il incarne, en cela, la désobéissance, l’inégalité, l’injustice, l’infidélité etc.

Quant à Haman, il apparaît qu’il aurait bel et bien existé près de Pharaon et qu’il aurait travaillé dans son palais. Selon la croyance collective populaire, il était ministre de Pharaon et lui donnait beaucoup de conseils. Nous pouvons supposer qu'à l'époque, il jouait le rôle du conseiller ou plus précisément de ministre. Néanmoins, le Coran ne le mentionne pas de manière explicite. Parmi les citations coraniques à propos de Haman, on lit : « Et Pharaon dit : « Haman, bâtis-moi une tour afin que j'atteigne les voies, les voies des cieux, et que je puisse apercevoir la divinité de Moïse ; je pense de lui qu'il est un

menteur » (Coran 40/36-37).

Ailleurs dans le texte, un thème voisin est abordé aux versets 28/38, dans lesquels le texte coranique relate que Pharaon demanda à Haman de lui préparer des briques en terre cuite et de bâtir ladite tour. Ces deux passages semblent montrer que Haman était un haut responsable des constructions sous Pharaon.

Étymologiquement parlant, Moïse est un nom d’origine hébreu qui peut signifier « la personne sauvée ». Al-HATTI (2003 :20) explique que le nom de ﻰﺳﻮﻣ [mūsā] dans son origine hébreu, signifie « le repêché » et que cette dénomination était en rapport avec l’histoire de la fille de Pharaon qui l’avait « repêché » ﻰﺳﻮﻣ [mūsā] de l’eau.

Il semblerait, selon certains arabophones, que ce nom donné pour la première fois au prophète Moïse, soit en réalité un nom composé de deux mots : le terme hébreu ﻮﻣ [mū] signifiant « l’eau », et le mot ﻰﺳ [sā] ou ﻰﺷ [shā] qui signifie « les arbres ». Cette combinaison désigne également le lieu où le petit Moïse a été trouvé et sauvé. Il est à noter que ce prénom est encore utilisé de nos jours comme prénom masculin.

Le nom نﻮﻋﺮﻓ [far`ūn], d’origine copte, est un nom de famille qui signifie « la grande maison ». En langue arabe, il désigne une personne oppressive, injuste, tyrannique. De ce fait, ce nom n’est pas utilisé pour décrire l’état d’une personne. Concernant Haman, ce nom existait à l’époque de la famille pharaonienne, et servait à désigner un ministre ou un chef d’ouvriers sans pour autant avoir une signification précise dans la langue arabe ni posséder fonction dénominative dans la culture arabo-musulmane.

Ainsi, nous pouvons analyser les proverbes qui contiennent l’un des noms propres susmentionnés, selon ces caractères soulignés ci-dessus.

ْنﻮُﻋ ْﺮَﻓ ْﻊَﻠْﻄَﯾ ﻰَﺳﻮُﻣْﮫَﺒْﺴ ْﺤِﺗ ﻲﻠْﻟا

[illī tiḥsbah mūsā yaṭla` far`ūn]

Ce proverbe pouvant être traduit littéralement par : « Celui que tu considères comme

Moïse, se révèle être le Pharaon », ce pourrait être compris comme signifiant : « L’on ne

peut pas juger les gens selon leurs apparences ». La moralité serait donc : « Il ne faut pas avoir confiance en quelqu’un avant d’être sûr de sa personne. »

Sur le plan linguistique, nous pouvons compter 10 syllabes constituant une phrase binaire ayant une fonction de conditionnelle. Cette phrase commence par ﻲﻠْﻟا [illī] qui se traduit en français par « celui que » venant comme complément d’objet.

il lī tiḥs bah mū sā yaṭ la` far `ūn

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Dans ce proverbe, la relation entre les deux noms propres est fixée par les deux verbes « croire » et « constater ». L’énoncé projette un sens métaphorique basé sur un jugement provisoire Croire qu’il est Moïse et le résultat final de Constater qu’il est

Pharaon. La relation entre les deux énoncés désigne l’existence d’une sorte de

« trahison ». Nous pouvons ainsi établir une grille de situations possibles :

Jugement de départ Relation Résultat découvert

Moïse Antagonisme Pharaon

Fidèle Antagonisme Infidèle

Obéissant Antagonisme Désobéissant

Position positive Antagonisme Position négative

Tableau 2 : Antagonisme : Moïse et Pharaon

Nous remarquons, ici, que les caractères de Moïse et de Pharaon, bien connus dans le milieu socioculturel, ont permis de rendre intelligible cet énoncé proverbial en renforçant

l’aspect générique du proverbe. Remplacer les noms propres employés dans ce proverbe par leurs significations étymologiques ne donne pourtant pas de résultat logique :

Jugement de départ Rapport Résultat découvert

Moïse Antagonisme Pharaon

Sauvé / repêché / L’eau et les arbres

Pas de rapport Oppressif

Injuste / tyran

Tableau 3 : Rapport et absence de rapport dans l’emploi de : Moïse et Pharaon Haman

.ْنﻮُﻋ ْﺮَﻓ ْﻢُﻜُﺤْﺑﻰَﺿ ْﺮَﯾ ﻰَﺳﻮُﻣ ْﻢُﻜُﺤْﺑﻰَﺿ ْﺮَﯾ ﺎﻣ ﻲﻠْﻟا

[illī mā yarḍā biḥukum mūsā yarḍā biḥukum far`ūn]

Littéralement nous pouvons traduire ce proverbe en: « Celui qui n’accepte pas le jugement de Moïse, acceptera celui du Pharaon. »

Ou pour dire les choses autrement : « On doit subir le résultat de son choix, si on ne réussit pas à faire le bon choix » ou encore « Il faut bien distinguer ce qui est utile de ce qui ne l’est pas. »

il lī mā yar ḍā bi ḥukum mū sā yar ḍā bi ḥukum far `ūn

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

Ce proverbe est composé de 15 syllabes formant une binarité non rimée comme dans le proverbe précédant. Les deux phrases qui le constituent ont le même verbe ﻰَﺿ ْﺮَﯾ [yarḍā] qui peut se traduire en français par « être satisfait ». La combinaison conditionnelle y est, de ce fait, présente. Il est à noter que le mot ﻲﻠْﻟا [illī] précédant les deux proverbes n’a pas la même fonction grammaticale. En effet, si dans le proverbe précédent nous l’avons traduit par l’expression « celui que », laquelle joue le rôle de complément d’objet, dans cet autre proverbe, le terme joue le rôle de sujet et se traduit par « celui qui ».

Dans ce proverbe comme dans le précédant, une comparaison est faite entre deux situations. L’une est liée aux connotations faites à Moïse et l’autre à celles concernant Pharaon. Nous signalons avec KERBRAT-ORECCHIONI (1980) que les valeurs

additionnelles des messages quelquonque, valeurs étrangères à la signification proprement dite, constituent ce qu’on appelle connotation. Ainsi, les connotations faites à ces deux personnages, comme nous l’avons déjà mentionné, sont bien connues du milieu socioculturel dans lequel le proverbe est employé.

La première fait référence à tout ce qui est bien, à un « guide sauveur » tandis que l’autre fait référence au mal absolu, à « un tyran ». Ici, le proverbe consiste en l’acceptation de l’un des deux jugements, en soulignant qu’existe un jugement juste et un jugement injuste. Mais étant donné qu’on est obligé d’en choisir un, d’emblée, on prend partie pour la personne qui représente le juste et l’on rejette le jugement injuste. Le proverbe emploie le nom propre Moïse pour sa connotation positif et le nom propre Pharaon pour sa connotation négative.

Par ailleurs, la signification étymologique de ces deux noms propres ﻰﺳﻮﻣ [mūsā] et نﻮﻋﺮﻓ [far`ūn] ne peut pas justifier seule leur emploi dans cet énoncé. En effet, l’interprétation que nous venons de présenter suppose qu’un choix doit être fait entre deux situations, en prenant en compte le fait que le jugement juste est le bon, celui à suivre, et qu’en cas contraire, le jugement mauvais sera imposé comme punition :

Le jugement de Moïse --- Le jugement de Pharaon

Ainsi, nous pouvons affirmer que le proverbe intime l’idée selon laquelle le jugement de Moïse représente le bon choix du fait que ce dernier soit corrélé à la fidélité et à la justice. Dans ce cas, la signification étymologique du nom n’a aucun rapport avec le sens du proverbe. Il en est de même pour le nom de Pharaon dont la signification étymologique ne présente aucune orientation quant au sens. En revanche, c’est la connaissance des mauvais caractères associés à celui qui porte le nom « le jugement du Pharaon » qui aboutit à ce que le résultat de son choix soit forcément défavorable. Or, dire que le jugement de la personne « sauvée / repêchée » ou que celui de l’être surnommé « l’eau et les arbres » est meilleur que le jugement de l’être « oppressif / du tyran ou de la grande maison » semble logique. En effet, il est plus logique d’adhérer au jugement d’une personne « fidèle et juste » qu’à celui d’une personne de type « tyran et injuste ».

.ﻲﻧّد ْر ْﺪَﺣ ْﺖﯿَﻘْﻟ ﺎﻣ ْلﺎﻗ ْﻚَﻨْﻋَﺮَﻓ ْﺶﯾإ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓﺎﯾ ْﮫَﻟﻮﻟﺎﻗ

[qālūlah yāfar`ūn 'iīsh fara`nak qāl mā lqayt had rddnī]

Littéralement, nous traduisons ce proverbe en : « On a demandé à Pharaon : Comment es-tu devenu tyran ? Il a répondu : Personne ne m’avait arrêté. »

Ce qui signifie que l’on a toujours besoin des conseils d’autrui pour mieux agir. Et qu’il faut traiter le mal avant qu’il ne s’aggrave.

qā lū lah yā far `ūn 'iīsh far a`nak qāl mā lqayt ḥad rdd nī

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

Sur le plan linguistique, ce proverbe est composé de quinze syllabes avec une totale absence de rime. Il se présente sous forme d’un dialogue avec un verbe introducteur « dire » ْﮫَﻟﻮﻟﺎﻗ [qālūlah] et ْلﺎﻗ [qāl].

Il semblerait ici que le nom propre Pharaon soit employé pour désigner la manière d’accéder au niveau supérieur du mal. L’autre remarque est que le verbe َﻦَﻋ ْﺮَﻓ [far`ana] qui signifie « devenir Pharaon », est constitué du même nom propre que celui utilisé dans le dialecte libyen pour désigner le fait de continuer à faire du mal aux autres. À titre d’exemple, l’on dit : ْﻦَﻋْﺮﻔﯿﺑ نﻼُﻓ [fulan bifar`in], pour désigner une personne qui viole les lois sans être arrêtée. Ce proverbe sert donc à signaler que même la police ne l’a pas arrêtée.

L’interprétation de ce proverbe est que Pharaon représente la réservation des droits des autres pour soi-même. Cependant, le sens ne s’arrête pas à Pharaon puisque le caractère propre au personnage de Pharaon est valable pour toute personne qui continue à toucher les autres, sans tenir compte de leur capacité à se défendre contre ses effets.

D’après ce qu’on vient de mentionner, nous pouvons considérer que le comportement de Pharaon et le fait qu’il se jugeait supérieur aux autres, peut finalement signifier que toute personne est capable d’agir de la même manière si l’on ne l’arrête pas. En effet, la signification du nom de Pharaon et le caractère de la personne à qui ce nom se réfère se confondent l’un l’autre. Ce qui aboutit à ce que l’utilisation de l’un explique

ﻰَﺳﻮُﻣ ْﮫَﻟ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓ ْﻞُﻛ [kul far`ūn lah mūsā]

Lit. : « Pour chaque Pharaon, il y a un Moïse. » Ou pour dire les choses autrement,

« Personne ne peut prétendre être le plus fort, ou qu’on ne pourra pas l’arrêter. »

Cela peut se comprendre comme « Il ne faut jamais désespérer. Il faut savoir que pour chaque problème, il y a toujours une solution. »

Cette phrase proverbiale est une phrase simple composée seulement de six syllabes. C’est une phrase dite « nominale » n’ayant pas de verbe dans sa version dialectale arabe.

kul far `ūn Lah mū sā

1 2 3 4 5 6

Il est clair que, dans ce proverbe, il y a plus qu’un Pharaon et plus qu’un Moïse. Ce qui confirme que l’emploi de ces deux noms propres a ici pour fonction métaphorique de généraliser le nom de Pharaon pour désigner toute personne commettant des fautes graves dans la vie, mais cet emploi a aussi pour fonction de généraliser l’emploi du nom de Moïse pour désigner toute personne luttant contre ces personnes dangereuses.

Dans le même sens, reprenons le proverbe algérien cité par BENCHENEB (1904 : 244, III) ; ْﺐﯿﻠﯿﻠﻏ ﮫﯿﻟ ب ّﻼَﻏ ْﻞُﻛ [kul ghallāb līh ghlīlīb] : « Tout vainqueur a (un grand vainqueur) plus fort que lui ». Selon cet auteur, ce proverbe se dit à propos de la joie que l’on ressent lorsque l’on apprend que celui qui nous a fait souffrir, ou qui a abusé de son autorité, souffre à son tour de l’autorité d’un supérieur.

Remarquons ici que les deux proverbes permettent de comparer deux situations dont l’une est supérieure à l’autre en termes de conséquence. En effet, dans le premier proverbe, les deux noms propres dont les références sont bien connues, permettent d’imaginer deux situations pouvant être comparées. Tandis que dans le deuxième proverbe, c’est le mot et son diminutif qui renvoient chacun à une situation spécifique. Ainsi, le mot ب ّﻼَﻏ [ghallāb] signifie-t-il « vainqueur », alors que ْﺐﯿﻠﯿﻠﻏ [ghlīlīb], qui est le diminutif de ب ّﻼَﻏ, désigne « le vainqueur le plus fort ». D’ailleur, le nom propre de Pharaon connotant la puissance, est employé pour constituer une image confirmant qu’il est possible de

trouver un point de faiblesse pour dépasser une difficulté. Le proverbe suivant pourrait allustrer cet emploi.

؟ ْنﻮﻋ ْﺮَﻓﺎﯾ ْنﺎﻣﺎھ َﻊَﻣ

[ma`a hāmān yāfar`ūn?]

Lit. : « Ô Pharaon, avec Haman ?! », soit « La méchanceté boit elle-même la plupart de son venin. » Ou encore : « On subit souvent soi-même le résultat des pièges que l’on tend aux autres. » Autrement dit : « Il faut être juste / correct avec tout le monde. »

ma `a hā mān Yā far `ūn?]

1 2 3 4 5 6 7

Cette autre phrase est de structure simple et sans verbe : il s’agit d’une phrase interrogative sans pronom interrogatif.

Pour interpréter ce proverbe, il est très important de savoir qui est Haman. Les récits courants racontent que ce dernier était ministre chez Pharaon. Il connaissait tout de celui-ci à tel point que lorsque Pharaon mentait au peuple en lui faisant croire qu’il pouvait créer différentes sortes d’animaux, Haman pouvait le démentir. Un jour, Haman rendit visite à Pharaon mais ne put le rencontrer car ce dernier était occupé à créer des animaux.

Cette raison ordonnée par Pharaon aux gardes du palais n’a pas convaincu Haman qui dit alors en souriant : « Tu ne me la fais pas à moi. » Pharaon pouvait certes tromper tout le peuple mais pas Haman, son ministre, qui le connaissait. De ce fait, nous pouvons voir ici que les deux noms propres sont employés pour désigner d’une part, une personne ayant l’habitude de tricher désignée par Pharaon ; et d’autre part, une personne qui l’aide à tricher et qui devient elle-même victime de ce qu’elle fait, et qui est désignée par Haman.

La structure du proverbe se compose de quatre éléments dont deux noms propres : Ô / Pharaon / avec / Haman

Cette structure proverbiale parait incomplète du fait qu’elle ne dise pas ce qu’évoquent les deux noms propres. Le segment supprimé du proverbe est, bien sûr, connu

de l’énonciateur et de son interlocuteur. Ce segment pourrait être le suivant : « Ô Pharaon, avec Haman, tu fais ça ?! »

5.1.2. Mohammed et Ali

ﻲْﻠَﻋَو ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ [muḥammad , `alī]

Transcriptions Proverbe

6 [ḥaḍḍirlak muḥammad wa`alī] ﻲْﻠَﻋَو ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ ْﻚَﻟ ْﺮﱢﻀَﺣ

7 [lā ḥḍirhā muḥammad lā `alī] ﻲْﻠَﻋﻻْﺪﱠﻤَﺤُﻣﺎھ ْﺮِﻀ ْﺣﻻ

Tableau 4 : Proverbes contenant les noms propres : Mohammed et Ali

Mohamed est certainement le prénom le plus illustre et le plus significatif pour les musulmans. C'est, en effet, le prénom du prophète de l'Islam. À partir du VIIe siècle, une période correspondant au début de l'expansion de l'Islam, le prénom Mohamed commença à se répandre largement aux quatre coins de la planète avant de se classer parmi les prénoms les plus attribués dans le monde. Il donna, par ailleurs, naissance à d'innombrables variantes et transcriptions qui connurent la même expansion. Son succès flamboyant fut notamment illustré par la panoplie de sultans, généraux, scientifiques et hommes de Lettres qui le portent. En France, Mohamed est le prénom arabe le plus attribué dans les familles d'origine maghrébine. Sa popularité n'a cessé de croître jusqu'à nos jours.

Quant au prénom Ali, il fait référence à l'origine du personnage Ali Ibn Abi Talib, gendre du prophète de l'islam Mohamed et quatrième et dernier des califes rachidiin de l'Islam. Il est de ce fait très usité parmi les musulmans.

Étymologiquement, le prénom ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ [muḥammad] pouvant désigner « la personne

ayant des caractères méritoires et digne de louanges » (AL-HATTI, 2003 : 20), est très

populaire parmi les musulmans et souvent donné à l’aîné des fils. Pour ce qui est du prénom, ﻲْﻠَﻋ [`alī], il pourrait signifier le plus élevé ou le plus haut. Pour Al-ARNAOUT (1989 : 67), c’est « le fort et le sévère ». Ces deux noms propres sont fréquemment employés ensemble dans les expressions et les proverbes arabes.

ﻲْﻠَﻋَو ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ ْﻚَﻟ ْﺮﱢﻀَﺣ

[ḥaḍḍirlak muḥammad wa`alī]

Lit. : « Convoque Mahomet et Ali » ou encore « Les travaux qui satisfont les ordres de Dieu plaisent à tout le monde », ou « Il faut bien faire et tenir compte des prières des autres. »

ḥaḍ ḍir lak mu ḥam mad wa `a lī

1 2 3 4 5 6 7 8 9

Dit sous forme de prière, ce proverbe est employé pour encourager et souhaiter une bonne fin aux efforts fournis. L’usage de ces deux noms, Mohamed et Ali, se réfère à Mohamed le prophète de l’Islam et à Ali ibn Abi-Talib, son oncle. Dans la culture arabo-musulmane, tous les travaux, les activités et les efforts fournis ne pourraient aboutir à un succès sans la volonté de Dieu. Selon la tradition musulmane, il s’agit de ce qu’on appelle la « baraka » (bénédiction), considérée comme l’autorisation et la satisfaction de Dieu. La présence « morale » de ces deux illustres personnages facilite l’obtention de la satisfaction de Dieu. Ils n’ont, de ce fait, pas besoin de décodage.

ﻲْﻠَﻋ ﻻ ْﺪﱠﻤَﺤُﻣﺎھ ْﺮِﻀ ْﺣ ﻻ

[lā ḥḍirhā muḥammad lā `alī]

Ce proverbe pourrait être traduit littéralement par : « Ni Mahomet ni Ali n’y étaient. » Ou bien : « N’y ont assisté ni Mahomet, ni Ali. »

lā ḥḍir hā mu ḥam mad lā `a lī

1 2 3 4 5 6 7 8 9

Ce proverbe est structuré en une phrase simple de forme négative. Il pourrait avoir une valeur énonciative différente de celle du proverbe précédent. Il décrit une situation située dans le passé alors que le proverbe précédent est un souhait ou une prière pour une action future. Toutefois, leur point commun réside dans la valeur sémantique de deux noms propres employés. Comme nous l’avons déjà mentionné, ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ [muḥammad] et ﻲْﻠَﻋ [`alī],

fins. Ainsi, dire à quelqu’un « que ْﺪﱠﻤَﺤُﻣ [muḥammad] et ﻲْﻠَﻋ [`alī] soient avec lui », c’est lui souhaiter le succès et inversement, juger ou décrire une situation par l’absence de ces deux figures, signifie la juger comme s’étant mal passée et n’ayant pas eu de succès.