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Niveaux d'eau et temps de submersion des cheniers de haut estran . 54

II.2 Les cheniers du fond de baie

II.2.3 Niveaux d'eau et temps de submersion des cheniers de haut estran . 54

Connaissant précisément les altitudes des cheniers et bancs sableux du littoral de Vildé-Hirel (Fig. II.15), il est possible d'obtenir les niveaux d'eau atteints par la marée en fonction des coecients.

Sur la gure II.16 sont superposés à l'ortho-littorale 2002 de l'IGN les niveaux de sub-mersion pour des coecients s'échelonnant entre 40 et 110. Tous les bancs sableux de moyen estran sont submergés à partir d'un coecient 70. En revanche, l'eau n'inonde les schorres par les chenaux de vidange qu'au-delà d'un coecient de 90. Les cheniers de haute slikke ne sont jamais totalement submergés par un niveau d'eau statique. Le niveau de submersion de coecient 110 s'enroule autour de la crête de la barrière littorale.

Les niveaux moyens des pleines mers ont été calculés par année, sur la période 1950-2005 (Fig. II.17), pour toutes les pleines mers et pour les pleines mers supérieures à un coecient de marée donné3. La hauteur moyenne des pleines mers tous coecients confon-dus montre une oscillation entre 11,14 m et 11,47 m CM (soit entre 4.40 m et 4.73 m IGN) avec une période d'un peu plus de 18 ans. Cette cyclicité est appelée cycle de Saros. D'une période de 18,6 ans, il est associé à la lente rotation des lignes de noeuds de la Lune (Fig. II.18-B'). Les lignes de noeuds correspondent aux intersections entre le plan de l'écliptique

3Données de hauteurs et heures des pleines et basses mers journalières, gracieusement fournies par le SHOM (Mr Raymond Jehan)

Fig. II.17  Niveaux moyens des pleines mers par année sur la période 1950-2005. Les niveaux sont calculés pour toutes les pleines mers, et pour les pleines mers supérieures à un coecient donné.

II.2. Les cheniers du fond de baie (orbite apparente du Soleil autour de la Terre) et l'orbite de la Lune autour de la Terre (Fig. II.18-B).Cette cyclicité n'est pas négligeable puisqu'elle peut faire varier le niveau moyen du plan d'eau de plus de 30 cm.

Si on trace les niveaux moyens des pleines mers supérieures à un coecient de marée de plus en plus élevé (Fig. II.17), on observe que la cyclicité de Saros à 18,6 ans laisse place à une oscillation plus haute fréquence, avec une période de 4 ans et demi environ. Cette cyclicité est liée aux mouvements du périgée. Le périgée correspond, lors de la rotation

Fig. II.18  Schématisation des cycles lunaires de 4,4 et 18,6 ans. A) Mouvement de l'axe périgée-apogée de la Lune, faisant coïncider le périgée aux environs des équinoxes (distance mi-nimale entre la Terre et le Soleil) tous les 4 ans et demi environ. B) Représentation des noeuds ascendants et descendants, intersections entre l'orbite de la Lune autour de la Terre et le plan de l'écliptique (orbite apparente du soleil autour de la Terre). B') Ces deux intersections, appelées  lignes de noeuds  sont animées d'un lent mouvement dans le sens des aiguilles d'une montre, leur faisant faire un tour complet en 18 ans et 224 jours (18,6 ans). Modié d'après Guérin (1993).

de la Lune autour de la Terre (en 28 jours), à la distance la plus courte séparant les deux astres, à l'inverse de l'apogée (distance la plus longue). La position de la Lune au périgée de la Terre provoque les grandes marées de vive-eau. La position de la Lune à l'apogée de la Terre provoque les petites marées de vive-eau. La rotation de l'axe périgée-apogée d'environ 40° tous les ans ((Fig. II.18-A) fait que le périgée se retrouve en coïncidence avec les équinoxes (distance la plus courte entre la Terre et le Soleil) tous les 4,4 ans, produisant des grandes marées de vive-eau d'amplitude exceptionnelle. La rotation de l'axe périgée-apogée module ainsi l'amplitude des grandes marées de vive-eau. Cette mo-dulation du niveau moyen des grandes vive-eau peut atteindre 45 cm, comme le montre la courbe de coecients supérieurs à 100 sur la gure II.17. Celle-ci oscille entre 13,67 m et 14,13 m CM, soit entre 6,93 et 7,39 m IGN.

Si les niveaux de submersion tidale représentent un paramètre essentiel pour la com-préhension de la dynamique des cheniers de haut estran, le temps de submersion au-dessus d'une certaine cote est tout aussi primordial puisqu'il dénit le temps d'action potentiel des agents hydrodynamiques tels que la houle et la marée. Il est important de connaître : (i) le temps caractéristique de submersion lors d'une marée en fontion de l'altitude de

Fig. II.19  Hauteurs d'eau prédites par le SHOM pour le 02/01/2002 et courbes de ot et de jusant calculées à partir des heures et hauteurs des basses mers et de la pleine mer. Sont également indiqués le temps calculé de submersion tsub au-dessus d'une hauteur hsub, et les heures de début tsub.1 et de n tsub.2 de submersion.

II.2. Les cheniers du fond de baie l'estran, pour diérents coecients de marée ; (ii) les temps de submersion cumulés par année qui contrôlent à plus long terme la morphodynamique des cheniers.

Les temps de submersion sont calculés à partir de données d'entrées simples et faci-lement récupérables, ici l'annuaire des marées fourni par le SHOM (hauteurs et heures des marées de pleines et basses mers). A partir de trois points fournis en entrée (première basse mer, pleine mer, deuxième basse mer), la courbe de marée est reconstituée pour le ot et le jusant. Disposant ainsi d'une formulation analytique de la courbe de marée à chaque pleine mer, il est possible de connaître le temps de submersion au-dessus d'une hauteur donnée.

 Formulation analytique de la marée

La variation de hauteur d'eau au cours d'un cycle de marée est assimilable à une loi périodique sinusoïdale, c'est-à-dire régie par une fonction de la forme :

h(t) = a.sin(ωt + φ) + b (II.1) où h représente la hauteur d'eau , t le temps , a est l'amplitude de la fonction, ω est la pulsation, φ est le déphasage (déplacement de la fonction de long de l'axe des abscisses) et b le niveau moyen.

Cette fonction est maximale lorsque sin(ωt+φ) = 1 et minimale quand sin(ωt+φ) = −1. Ceci nous donne, en notant hP M la hauteur maximale, et hBM la hauteur minimale :

 hP M = a + b hBM = −a + b (II.2) ⇔  a = 12(hP M − hBM) b = hBM +12(hP M − hBM) (II.3) La pulsation ω est inversement proportionnelle à la période T :

ω =

T (II.4)

Le déphasage est introduit pour caler le maximum de la fonction à l'heure exacte de la pleine mer :

φ = π

2 − ω.tP M (II.5)

La courbe de marée, en baie du Mont-Saint-Michel comme ailleurs, est asymétrique : le ot est plus court que le jusant. Pour rendre compte de cette asymétrie, il est nécessaire de dénir deux courbes sinusoïdales diérentes, une pour modéliser le ot et l'autre le jusant. On note BM1 la basse mer précédent la pleine mer P M, et BM2 la basse mer

suivante. Alors,

hf lot(t) = a1.sin(ω1t + φ1) + b1 hjusant(t) = a2.sin(ω2t + φ2) + b2          a1 = 12(hP M − hBM 1) b1 = hBM 1+12(hP M − hBM 1) ω1 = π/(tP M − tBM 1) φ1 = π2 − ω1.tP M          a2 = 12(hP M − hBM 2) b2 = hBM 2+ 12(hP M − hBM 2) ω2 = π/(tBM 2− tP M) φ2 = π2 − ω2.tP M (II.6)

Nous obtenons ainsi deux équations simples, fonctions des heures et hauteurs de pleines et basses mers, qui approximent de façon tout à fait satisfaisante les données heure par heure fournies par le SHOM (Fig. II.19).

 Calcul du temps de submersion

A l'aide des équations de la variation de hauteur d'eau pour le ot et le jusant, il est possible de calculer le temps pour lequel la hauteur d'eau est supérieure à une hauteur de

Fig. II.20  Courbes de marée moyennées (1950-2000) par coecient à Cancale. Les hauteurs d'eau sont exprimées en mètres par rapport au zéro des cartes marines. Les courbes sont arbi-trairement centrées autour de 12h pour une meilleure lecture et comparaison entre les diérents coecients.

II.2. Les cheniers du fond de baie submersion hsub.

hf lot(tsub.1) = hjusant(tsub.2) = hsub (II.7) où tsub.1 et tsub.2 correspondent à l'heure où le niveau d'eau atteint la hauteur de submer-sion pendant le ot et le jusant respectivement (Fig. II.19).

Ce qui donne : ⇔ ( tsub.1 = ω1 1sin−1(hsub−b1 a1 ) − φ1 tsub.2 = 2.tP M1 ω2sin−1(hsub−b2 a2 ) − φ2 (II.8) Le temps total de submersion tsub (Fig. II.19) est donc :

tsub= tsub.2− tsub.1 (II.9) Le temps de submersion calculé n'est bien sûr qu'une approximation, et il faut ad-mettre une marge d'erreur de ± 5 minutes. De plus, les hauteurs de marée sont des hau-teurs théoriques, et elles ne prennent pas en compte les eets de la pression atmosphérique. Les hauteurs d'eau et heures de marées ont été fournies par les services du SHOM pour Cancale sur la période 1950-2006. La reconstitution des courbes de marée pour chaque jour sur cette période a permis de dénir les courbes de marée moyennes par coecient pour le port de Cancale (Fig. II.20). Celles-ci permettent une lecture rapide des temps caractéristiques de submersion pour les principaux coecients de marée.

A partir des temps de submersion par marée sur la période 1950-2006, des temps cu-mulés de submersion au-dessus du niveau 6 m IGN (coe. 90, 12.74 m CM - Fig. II.7) sont calculés par année. Cette altitude correspond globalement à la limite basse d'action de la houle sur les cheniers de haute slikke. La courbe correspondante (Fig. II.21) montre une oscillation basse fréquence correspondant aux cycles de Saros à 18,6 ans, sur laquelle est surimposée la cyclicité à 4,5 ans liée aux variations du périgée.

Les temps de submersion varient fortement, et la cyclicité à 18,6 ans semble avoir une inuence beaucoup plus grande que la cyclicité à 4,5 ans. Lors des minimums du cycle à 18,6 ans, les durées de submersion avoisinent les 160 heures. Lors des pics, elles approchent les 270 heures, soit près de 1,7 fois plus. La cyclicité à 4,5 ans quant à elle module le si-gnal d'une vingtaine d'heures. Ces variations du temps de submersion du haut estran par coecient de 90 ou plus ont de fortes conséquences sur le remaniement sédimentaire par la houle (plus forte probabilité d'occurrence d'une agitation pendant une submersion). Plus les temps de submersion sont longs et plus les ux sédimentaires seront important, exacerbant la dynamique de migration des cheniers.

Fig. II.21  Temps de submersion cumulé par année au-dessus de 6 m IGN sur la période 1950-2006. Cette altitude correspond à un coecient de marée de 90.

II.2.4 Évolution morphologique à l'échelle pluri-décennale

Une chronique de 15 ortho-photographies du littoral de Vildé-Hirel s'étalant de 1952 à 2006 permettent d'apprécier l'évolution du système de cheniers au cours des 50 dernières années. Sur cette base, Bonnot-Courtois et al. (2004) estiment les vitesses de migration vers la côte des trois types morphologiques de bancs identiés.

Cette chronique illustre la construction d'une première barrière littorale jusqu'à la n des années 60, et son abandon après la formation d'une deuxième ligne de cheniers plus au large et la progradation subséquente du schorre. Les trois types morphologiques de bancs (bancs sableux de moyen estran, bancs de haute slikke et bancs de schorre) sont bien représentés.

En 1952, une longue barrière littorale continue s'étend à moins d'une cinquantaine de mètres au large de la digue, isolant une mince bande de schorre. L'estran présente de nombreux bancs sableux volumineux, qui s'épaississent en s'approchant de la haute slikke. En 1961, les bancs de haute slikke s'organisent à une centaine de mètres au large de la barrière littorale, en isolant des vasières où le schorre pionnier progresse. Ces cheniers de haute slikke sont discontinus. En 1966, on observe ces cheniers migrer sur le schorre précé-demment implanté. Sur le moyen estran, de nombreux petits bancs sableux apparaissent. Ces derniers se développent et migrent vers le haut estran jusqu'en 1975 où ils semblent se stabiliser à 300 ou 400 mètres au large des cheniers en bordure de schorre. De petites vasières se développent à l'arrière de ces nouveaux bancs.

La migration des cheniers nouvellement formés reprend à partir de 1977. Les extrémités des bancs adoptent une forme en crochons vers la terre sous l'eet de la diraction de la houle. Les bancs migrent jusqu'en 1982 où ils se stabilisent à 200 ou 300 mètres de la bar-rière. Jusque dans les années 1990, on observe une forte progression du schorre jusqu'au pied des nouveau cheniers formés, qui isole complètement l'ancienne ligne de cheniers. Ces

II.2. Les cheniers du fond de baie Tab. II.2  Caractéristiques morphologiques dans bancs coquilliers de Vildé-Hirel. Modié d'après Bonnot-Courtois et al. (2004).

Bancs de moyen estran Bancs de haute slikke Bancs de schorre

Altitude (m IGN) 3 - 5 4 - 7 7

Epaisseur (m) 0,3 - 0,5 1,5 - 2,5 0,3 - 1,5 Vitesse (m/an) 5 - 20 1 - 5 0 - 0,5 derniers passent d'un état de banc de haute slikke à celui de bancs de schorre (ex. Fig. II.22 - 1986).

De 1996 à 2006, on observe une réactivation de la barrière littorale nouvellement formée, qui migre alors d'une centaine de mètres sur le schorre. Cette transgression des cheniers est accompagnée de la formation d'un nouveau stock sédimentaire sur le moyen estran, sous la forme de bancs sableux.

La vitesse de migration on-shore des bancs coquilliers alimentant les cheniers de haute slikke diminue vers le haut de l'estran, en rapport avec leur fréquence de submersion (Bonnot-Courtois et al., 2004). Les bancs sableux de moyen estran, peu volumineux, migrent à une vitesse comprise entre 5 et 20 mètres par an. Les cheniers de haute slikke, proches ou en bordure du schorre, représentent de gros volumes sédimentaires, et sont plus rarement submergés par la marée. Ils se déplacent vers la terre d'un distance variant entre 1 et 5 mètres par an. Les bancs de schorre quant à eux montrent des déplacements inférieurs à 50 centimètres par an, avant de devenir fossiles, enfouis sous la végétation halophile du schorre. Les principales caractéristiques morphologiques des bancs de Vildé-Hirel sont résumés dans le Tableau II.2.

Les accumulations bioclastiques concentrées sur l'estran par l'action des vagues forment des bancs dont la dynamique et la morphologie sont forte-ment contrôlées par la fréquence et le temps de submersion par la marée.

Fig. II.22 Ortho-photographies du littoral de Vildé-Hirel entre 1952 et 2006 (source C. Bonnot-Courtois).