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La baie du Mont-Saint-Michel : cadre géographique et géologique . 31

I.6 Conclusion et objectifs de la thèse

II.1.1 La baie du Mont-Saint-Michel : cadre géographique et géologique . 31

La baie du Mont-Saint-Michel se situe au fond du golfe normand-breton, dans l'angle formé par la presqu'île du Cotentin et par les côtes septentrionales bretonnes. D'une super-cie de 500 km2, elle s'ouvre en  V  sur la mer de la Manche, entre les pointes rocheuses du Grouin (près de Cancale) et de Champeaux (près de Carolles), de part et d'autre de l'archipel de Chausey (Fig. II.1).

Le cadre géologique de la baie du Mont-Saint-Michel s'inscrit dans le contexte général de formation du massif Armoricain. Le substrat est essentiellement composé de terrains sédimentaires d'âge protérozoïque (≈ 600 Ma), schistes et grès briovériens plissés et mé-tamorphisés, conséquence des orogenèses cadomienne et varisque (L'Homer et al., 1999). Au cours de l'orogenèse cadomienne (≈ 550 Ma), le socle est traversé par des grani-toïdes formant d'Ouest en Est les massifs de Saint-Malo, de Saint-Broladre, d'Avranches et de Carolles (Fig. II.1). A ces formations s'ajoutent plus tardivement des intrusions de leucogranites formant le Mont-Dol, le Mont-Saint-Michel et Tombelaine. Ces diérentes formations cristallines ont été mises en relief par l'érosion des schistes encaissants, formant ainsi les contours et les fonds de la baie du Mont-Saint-Michel.

Fig. II.1  Carte géologique simpliée et distribution des sédiments superciels de la baie du Mont-Saint-Michel. Modié d'après Tessier et al. (2006).

Fig. II.2 Courbe des principales uctuations de niveau marin atteint par les marées de vive-eau en baie du Mont-Saint-Michel depuis 9 000 ans, intégrant les uctuations de la valeur du marnage au cours de cette même période (simplié d'après L'Homer et al. (2002) in Bonnot-Courtois et al. (2002)).

II.1. Présentation générale de la baie du Mont-Saint-Michel Le façonnement de la baie reète les uctuations climato-eustatiques plio-pléistocènes. Lors des bas niveaux marins associés au périodes glaciaires quaternaires, les rivières in-cisent le substrat et creusent des dépressions. Ces incisions sont ensuite comblées lors des transgressions et des hauts niveaux marins. La subsidence étant négligeable dans la région, seule la dernière transgression post-glaciaire est enregistrée dans le remplissage sédimentaire de la baie. En eet, tous les sédiments préalablement déposés ont été érodés lors du dernier maximum glaciaire (Wechselien). Durant cet épisode, le niveau marin se trouvait à -120 m par rapport au niveau actuel, et la Manche correspondait à un vaste réseau uviatile (Lautridou et al., 1999; Antoine et al., 2003).

A partir de 15 000 ans BP, alors que le réchauement s'amorce, la fonte des glaces provoque une remontée rapide du niveau marin. Vers 10 200 ans BP, le niveau marin est situé à -35 m par rapport au niveau actuel et la Manche est ennoyée : c'est la transgression Holocène. Au départ très rapide (environ 6 mm par an - Fig. II.2), la transgression ralentit entre 7 000 et 6 000 ans BP pour atteindre des vitesses de remontée du niveau marin de 3 puis 1 mm par an (Fig. II.2), permettant la construction d'un prisme littoral.

Aujourd'hui, la baie du Mont-Saint-Michel est caractérisée par trois environnements morpho-sédimentaires distincts, étroitement liés aux conditions hydro-climatiques qui se-ront détaillées par la suite (Fig. II.3) :

 Au Nord-Est de la baie s'étend une barrière littorale composée de plages sableuses et de dunes éoliennes. La direction des houles dominantes induit une dérive littorale Nord-Sud, participant à la construction de èches sableuses progradantes qui isolent des lagunes tidales d'arrière barrière (Tessier et al., 2006). Le Nord de cette frange littorale, en décit sédimentaire, subit une érosion importante.

 La jonction de trois petits euves côtiers (la Sée, la Sélune et le Couesnon) dans le coin Est de la baie forme un vaste système estuarien sableux, exclusivement dominé par les courants de marée. L'évolution morpho-sédimentaire de cet environnement est conditionné par la dynamique de migration des chenaux tidaux.

 Le domaine occidental de la baie correspond à un fond de baie abrité des houles, dominé par des courants de marée giratoires et inuencé par l'agitation. Il se carac-térise par un vaste replat de marée de pente faible à modéré, présentant un gradient granulométrique croissant d'Ouest en Est : Mud at dans la baie de Cancale, mixed at entre les communes de Hirel et Cherrueix, et sand at en bordure de zone es-tuatienne. L'estran supérieur est limité articiellement par la digue de la Duchesse Anne de Bretagne, et bordé par des cheniers coquilliers orientés parallèlement à la côte. La présence de ces cheniers, outre les conditions hydrodynamiques, est très étroitement liée à l'histoire du remplissage holocène du fond de baie, représenté au-jourd'hui par les marais de Dol (Fig. II.1).

II.1. Présentation générale de la baie du Mont-Saint-Michel

II.1.2 Le remplissage holocène du fond de baie (Marais de Dol)

Bénéciant d'une situation privilégiée au fond de la baie du Mont-Saint-Michel, le ma-rais de Dol est une vaste extension de terrains holocènes, isolée du littoral actuel par une digue longue de 20 km, établie au XI`eme siècle sur un cordon littoral. Le schorre occupe actuellement une frange étroite contre cette digue. En bordure de schorre se développe une nouvelle barrière littorale faite d'une accumulation de cordons coquilliers.

Protégé par la digue Anne de Bretagne, le marais de Dol est formé par la juxtaposition de trois unités morphologiques qui s'étendent vers le Sud jusqu'au pied abrupt des reliefs schisteux et des massifs de granitoïdes (Fig. II.1) :

 un marais tourbeux, ou marais noir, borde la partie méridionale du marais de Dol ;  un marais blanc, formé de sédiments marins intertidaux (tangues et sables ns),

s'étend entre le marais noir et la digue de Bretagne ;

 d'anciens cordons littoraux (Grand Sillon, Sillon de la Fresnais), plus ou moins pa-rallèles au trait de côte actuel, parcourent le marais blanc d'Est en Ouest.

Fig. II.4  Schéma de reconstitution des dépôts successifs du marais de Dol depuis 8 000 ans (L'Homer et al. (2002) in Bonnot-Courtois et al. (2002), d'après les données stratigraphiques de M.T. Morzadec-Kerfourn pour le marais Noir).

La large extension du marais de Dol (9 km au maximum), observable en surface, va de pair avec la préservation en profondeur d'une succession de dépôts relativement épaisse (jusqu'à 25 m). Abrité des houles dominantes par la terminaison rocheuse du massif de Saint-Malo, et situé hors de la trajectoire des forts courants de marée, ce secteur du lit-toral s'est progressivement comblé sans qu'aucun processus intense ne vienne éroder les sédiments holocènes accumulés au fur et à mesure de l'élévation du niveau marin (trans-gression andrienne).

Le remplissage sédimentaire du marais de Dol (Fig. II.4) a été reconstitué en grande partie grâce à l'étude de forages réalisés dans les années 1970 (Desdoigts, 1970; Delibrias et Morzadec-Kerfourn, 1975). C'est à partir de 8 200 ans BP que se constitue le prisme sé-dimentaire du marais de Dol, à la fois par progradation et par aggradation verticale. Dans un contexte globalement transgressif, le niveau marin est cependant aecté de phases de stabilisation et de petites régressions (Fig. II.2) :

Fig. II.5  Les anciennes barrières littorales du Marais de Dol (d'après Desdoigts (1970), dans Bonnot-Courtois et al. (2004)).

II.1. Présentation générale de la baie du Mont-Saint-Michel A la n du Pleistocène, vers 8 200 ans BP, le substratum du marais de Dol, constitué de schistes briovériens très altérés, est recouvert par des dépôts péri-glaciaires (heads) et par des dépôts uviatiles (sables et graviers). Dans les vallées les plus profondes, la sédimentation conduit au dépôt d'argiles grises très riches en matière organique.

Après 8 200 ans BP, la transgression holocène débute, et la mer envahit la baie jusqu'au pied des reliefs schisteux. Des sables se mettent d'abord en place, puis la sédimentation intertidale devient plus ne. La tangue succède au sable. Jusqu'à 6 000 ans BP, la remon-tée du niveau marin est rapide (Fig. II.2), comme l'atteste les fortes épaisseurs d'accrétion. De 5 900 à 5 000 ans BP, un important ralentissement de la transgression entraîne un déplacement de la ligne de rivage vers le mer (au Nord). Les schorres progradent éga-lement, associés à une accumulation de sédiment au niveau du haut estran. Ils laissent derrière eux des marais et des tourbières.

Une accélération de la transgression se produit à partir de 5 000 ans BP (Fig. II.2). La mer recouvre les schorres et les marais, redonnant une forte inuence marine. Entre 4 000 et 3 400 ans BP, la transgression marque un net échissement. Les marais maritimes et le schorre se déplacent un peu plus vers la mer (au Nord), laissant place à de nouvelles tourbières. La progradation du prisme littoral devient forte devant l'accrétion verticale (Fig. II.4).

De 3 400 à 3 000 ans BP, une nouvelle impulsion transgressive se traduit par la mise en place d'une barrière littorale, le Grand Sillon (Fig. II.5 - Morzadec-Kerfourn et Meury (1995)). Elle est composée d'un sable coquillier grossier bien trié (Cardium edule en abon-dance). Sa mise en place est accompagnée d'érosion : la base du dépôt renferme des galets d'argile arrachés au niveau tourbeux inférieur (Delibrias et Morzadec-Kerfourn, 1975).

Vers 2 000 ans BP, après une période de relative stabilité, les oscillations du niveau ma-rin deviennent plus rapprochées et plus faibles. Une nouvelle barrière littorale coquillière, le Sillon de la Fresnais, se met en place à près d'un kilomètre devant le Grand Sillon (Morzadec-Kerfourn et Meury, 1995).

Au XI`eme siècle, l'évolution du marais de Dol est gée par la construction de la digue de la Duchesse Anne sur une nouvelle succession de cordons coquilliers fossiles datés du VI`eme et du IXeme` siècle. Aujourd'hui, la progradation du système continue avec la mise en place d'une nouvelle barrière littorale 200 mètres au large de la digue.

Le marais de Dol, dans sa phase terminale de remplissage (à partir de 4 000 ans BP), est composé d'unités progradantes de sédiments ns (tangue sur le haut estran et argiles organiques dans les marais littoraux), où viennent s'ancrer périodiquement des barrières littorales grossières bioclastiques. Les épisodes de progradation sont favorisés par des périodes de stabilité du niveau marin, alors que les cordons littoraux se structurent à la n de petites impulsions transgressives. Cette conguration correspond à la dénition de cheniers donnée par Otvos et Price (1979).

II.1. Présentation générale de la baie du Mont-Saint-Michel