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Niveau 3 : les théories employées dans la QS

Chapitre 1: La quantification de soi

4.4 Niveau 3 : les théories employées dans la QS

Le niveau 3 correspond aux articles qui associent une théorie et des propositions empiriques. 17 des 72 articles appartiennent à cette catégorie. La plupart s'appuient sur les théories des sciences sociales (par exemple en psychologie, sociologie et SI) pour étudier l'adoption et d'utilisation de ces technologies d'autosuivi. Quatre articles tirent parti de la recherche en design science pour développer un artefact.

Tout d'abord, la recherche a souligné le rôle de la QS dans les communautés et son influence sur le partage de données. En étudiant différents canaux tels que les meetings, la présentation vidéo et les forums spécialisés en ligne, Barta et Neff (2016) observent que le partage augmente le capital social et créer des liaisons de « bridging » et de « bonding ». Le deuxième

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article (Stragier et al., 2015) examine le bénéfice du partage de l'activité physique. S'appuyant sur une revue de la littérature, les auteurs identifient plusieurs motivations de partage, divisées en motivations extrinsèques et intrinsèques basées sur la théorie de l'autodétermination. Leurs résultats montrent que les raisons du partage sur les réseaux sociaux sont l'altruisme, et la recherche de motivation. Bien que la QS soit une pratique individuelle, les utilisateurs recherchent davantage de communication avec leur réseau social (Kersten-van Dijk et IJsselsteijn, 2016). Les auteurs identifient trois types de communication interpersonnelle dans le contexte de la QS : la communication informationnelle, la communication pour le soutien et la motivation, et la communication narcissique.

Plusieurs articles portent sur l’adoption des technologies d'autosuivi. Kim (2014a ; 2014b) applique le modèle d'adoption des technologies de l'information sur la santé (HITAM) (Kim et Park, 2012) sur l’intention d’utilisation de la QS. Les résultats de son étude quantitative confirment la validité du modèle HITAM (Kim 2014b). Dans une autre étude, Kim (2014a) adopte une approche qualitative pour comprendre l'usage de l'autosuivi et étendre les variables présentes dans le modèle HITAM. Ses résultats montrent qu'il convient d'assurer une conception adéquate et une rétroaction pertinente. Un ensemble d'intentions comportementales (autosatisfaction et gestion de la santé), de facteurs personnels (motivation et régularité de vie), de facteurs techniques (mobilité et connectivité) jouent également un rôle dans l'adoption de la QS.

Mamykina et al. (2015) proposent la théorie des sense-making pour comprendre comment les individus donnent un sens aux données observées et comment cela guide leur action. Leur approche devrait faciliter la gestion des maladies chroniques. Stragier et al. (2016) utilisent la théorie de l'autodétermination pour tester les facteurs qui influencent l'utilisation des plates- formes de fitness. Shin et Biocca, (2016) offrent un modèle d'équation structurelle basé sur l'expérience de santé des utilisateurs de QS incorporant divers facteurs tels que l'autoréflexion et la conscience de la santé pour examiner les éléments de l'informatique personnelle qui déterminent l'expérience de l'utilisateur. Ils explorent les changements introduits par la QS dans les comportements des utilisateurs et les implications de la conception des interfaces applicatives. Enfin, Almalki et al. (2016) identifient les différentes activités des quantificateurs en appliquant la théorie de l'activité. Ils identifient six thèmes : les utilisateurs, les outils de suivi, la santé objective, la division du travail, la communauté et enfin les plans et règles de quantification.

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Certaines recherches se focalisent sur la conceptualisation des pratiques en adoptant une perspective qualitative. Parviainen (2016) se fonde sur la théorie de l'acteur réseau (TAR) et sur une approche netnographique pour explorer l'éventail des pratiques de QS. Utilisant également la théorie de la chorégraphie, il décrit l’interaction des utilisateurs avec les systèmes de quantification : des mouvements locaux (niveau microscopique), comme le balayage à travers l'écran, aux mouvements larges (niveau macroscopique) qui s'étendent au- delà du corps par l’Internet (Parviainen, 2016). Au niveau microscopique, Parviainen (2016) identifie une boucle de rétroaction qui renvoie les utilisateurs à eux-mêmes, les empêche de vivre pleinement un « corps vivant », et les éloigne de la vie sociale. Au niveau macroscopique l’auteur identifie une nouvelle boucle de rétroaction : les pratiques de QS génèrent de grandes données qui, à leur tour, peuvent influencer le comportement des utilisateurs. Cette double perspective contribue à la compréhension des implications politiques et économiques de la QS.

En partant du postulat qu'aucune théorie ne décrit correctement le moi, Rapp et Tirassa (2017) proposent par une approche phénoménologique, une description de quatre moi différents : le

« moi passé » comme acte de mémoire, le « moi présent » comme « flux d'expériences subjectives significatives » (Rapp et Tirassa, 2017, p. 344), le « moi futur » comme moi

hypothétique futur, et le « moi interconnecté » comme combinaison de nos images sociales. Cette nouvelle conception du moi devrait influencer les nouvelles conceptions d’outils de la QS.

La recherche en design scientifique est un moyen de faire de la science en créant de nouveaux artefacts, tout en contribuant au développement de la théorie (Hevner et al., 2004). Compte tenu des problèmes décrits au niveau 2, plusieurs chercheurs ont mis au point de nouveaux systèmes de QS et de nouvelles architectures de SI pour résoudre certains de ces points. Par exemple, Li et Guo (2016) proposent une nouvelle plate-forme d'analyse de données nommée WikiHealth, basée sur des approches d'apprentissage adaptatif, pour remédier au problème de l'exactitude des données. La plate-forme permet le stockage de données structurées, semi- structurées et non structurées. Hollis et al. (2017) proposent un nouveau système de prévision nommé EmotiCal. Leur artefact basé sur des données d'humeur passées empêche les utilisateurs de tomber dans une humeur négative. Banos et al (2016) abordent la question de l'agrégation des données et de la diversité des données en développant une architecture logicielle basée sur le cloud computing et le big data (Hadoop et MapReduce) pour stocker les

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données des réseaux sociaux, les enquêtes, les dispositifs biomédicaux portables et les systèmes ambiants intelligents. Ils recommandent également des technologies fondées sur la prise de conscience du contexte et l'analyse du savoir pour disposer d'une vue d'ensemble des comportements des utilisateurs. Le système est constitué de plusieurs couches : la couche de traitement des services (pour transformer les données en services de santé), la couche de traitement des connaissances (création et évolution des connaissances, règles du savoir), la couche de traitement de l'information (extraction), la couche de traitement des données pour la synchronisation, et enfin la couche support (fonctionnalités d'extraction enrichie).

Selon Nelson et Shih (2016), la QS peut également être étendue à la quantification des autres (Quantified-Other). Les auteurs étudient l'influence de la quantification sur l'activité des animaux de compagnie et sur la relation avec leurs maîtres. Cette étude révèle le type de relation que les propriétaires ont avec leurs animaux de compagnie et aide à comprendre les mécanismes qui renforcent leurs liens au fil du temps.