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Le niveau de maîtrise des langues

Une mesure plus réaliste de la compétence langagière peut se faire par une au-tre question. Au lieu de demander des niveaux de maîtrise – dans le style des descriptions qu’on peut lire dans les CV, genre « notions de base » ou « très bon niveau » – avec toute l’imprécision inhérente à l’autoévaluation, nous avons demandé aux personnes interrogées d’établir une hiérarchie dans le ni-veau de maîtrise des différentes langues et chacun pouvait donner cinq langues dans l’ordre de son niveau de maîtrise. La question était posée à l’identique pour le parler, la compréhension et l’écriture.

L13. a) Vous venez de m’indiquer les langues que vous utilisez, pourriez-vous m’indiquer celles que pourriez-vous parlez le mieux? et en deuxième lieu? et en troisième lieu? en quatrième lieu? et en cinquième lieu?

b) Pouvez-vous m’indiquer celles que vous savez le mieux compren-dre? et en deuxième lieu? et en troisième lieu? en quatrième lieu? et en cinquième lieu?

c) Pouvez-vous m’indiquer celles que savez le mieux écrire? et en deuxième lieu? et en troisième lieu? en quatrième lieu? et en cinquième lieu?

Nationalité N français luxemb. allemand anglais italien portugais espagnol

flam.

-néerl. autre

luxembourgeoise 1044 99,5% 99,5% 98,9% 80,0% 31,9% 11,4% 17,8% 11,9% 4,9%

portugaise 298 98,2% 50,0% 39,3% 37,5% 25,0% 100,0% 28,6% 1,8% 3,6%

Autre 366 97,1% 62,3% 68,1% 76,8% 44,9% 15,9% 27,5% 23,2% 18,8%

ensemble 1708 99,0% 82,3% 81,3% 71,6% 33,5% 28,1% 21,9% 12,6% 7,4%

source: BaleineBis Langues parlées selon les nationalités (% en ligne)

9 a) Les langues les mieux parlées au Luxembourg

Cette méthode est bien adaptée à la situation multilingue du Luxembourg et avant de passer au palmarès des langues proprement dit, nous retiendrons que seulement 1% de la population résidente « avoue » ne parler qu’une seule lan-gue, 11% disent parler seulement deux langues, 30% trois langues. Pour les personnes de nationalité luxembourgeoise, le multilinguisme augmente : tous les Luxembourgeois parlent au moins deux langues, 99% parlent au moins 3 langues et 80% parlent au moins quatre langues.

Graphique 1: Langue la mieux parlée par l’ensemble des résidents (N = 1708)

0%

25%

50%

75%

100%

5.beste 1% 2% 2% 8% 2% 10%

4.beste 6% 12% 5% 37% 2% 6%

3.beste 33% 25% 9% 12% 2% 3%

2. beste 42% 35% 7% 7% 4% 2%

beste 16% 5% 55% 2% 14% 3%

Französisch Deutsch Luxemburg. Englisch Portugiesisch Italienisch

La première place du français comme langue la plus présente parmi les rési-dents est confirmée par cet instrument de mesure et son avance par rapport à l’allemand et au luxembourgeois augmente même. L’anglais est confirmé en quatrième position. En même temps sa position est relativée. Seulement 16%

l’indiquent comme la langue la mieux parlée et ainsi le français se dégage comme la langue de communication de la société luxembourgeoise.

L’italien et le portugais sont parlés par pratiquement le même pourcentage de résidents, mais le détail montre que leur fonction est tout à fait différente. Le portugais est principalement la langue des immigrés, tandis que l’italien est principalement une langue apprise à l’école, en somme la langue de la culture et des vacances sur l’Adriatique. En effet, ce sont surtout les 10% qui disent parler l’italien comme 5e langue qui font monter le total à 25%.

b) Les langues les mieux parlées par les Luxembourgeois

Pour les seules personnes de nationalité luxembourgeoise, le graphique prend une toute autre allure : le luxembourgeois est de loin la langue la mieux maîtri-sée : 86% l’indiquent en premier lieu. Arrive en deuxième place, comme lan-gue la mieux parlée le français avec 8% suivi de l’allemand avec 4%. Ces chiffres sont là pour nous rappeler que le Luxembourg est un pays d’immigration et qu’un certain nombre de Luxembourgeois nouveaux venus ont gardé la langue de leur pays de naissance voire de celui de leurs parents (voir question L2).

10

Graphique 2: Langue la mieux parlée par les Luxembourgeois (N = 1044)

0%

25%

50%

75%

100%

fifth 0% 0% 0% 6% 14% 3%

forth 7% 7% 2% 55% 6% 2%

third 47% 33% 5% 11% 1% 1%

second 37% 53% 6% 2% 1% 1%

best 8% 4% 86% 1% 0% 0%

french german lux embourgish english italian portugese

Tandis que 16% des Luxembourgeois qui indiquent le français comme langue la mieux maîtrisée sont nés à l’étranger, ce chiffre est de 3% seulement parmi ceux ayant indiqué le luxembourgeois comme leur première lange parlée. Sur les 5 luxembourgeois de l’échantillon qui indiquent ne pas parler le luxem-bourgeois 4 sont nés à l’étranger (en Belgique en France, en Roumanie et dans un pays hors de l’Europe).

Graphique 3: Pays de naissance des Luxembourgeois selon la langue la mieux parlée

L’allemand est la deuxième langue la mieux maîtrisée par les Luxembourgeois devançant avec 53% loin le français avec 37%. Au troisième rang la situation est inversée de façon logique. La plupart de ceux ayant indiqué l’allemand en deuxième place, énuméreront le français en troisième et vice versa. 55% des Luxembourgeois indiqueront l’anglais comme quatrième langue la mieux par-lée, suivie de l’italien en cinquième place.

97%

84%

90%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

luxembourgeois (n= 879) français (n= 66) allemand (n =35)

né au Luxembourg né à l'étranger

11 Vu l’organisation du système scolaire, le français joue toujours le rôle de

lan-gue de sélection dans le lycée luxembourgeois1 et, de par cette fonction, il est considéré comme la langue de prestige du pays, même si ce titre lui est disputé ces derniers temps par l’anglais2. Rien d’étonnant à trouver une certaine corré-lation entre le niveau d’instruction et l’auto-évalution de la compétence en français et allemand. Nous parlons bien d’auto-évaluation, car les réponses données sont conditionnées non seulement par les compétences réelles, mais aussi par les attentes sociales telles qu’elles sont perçues par les répondants. La catégorie des BAC+ réunit ceux qui ont fait des études post-secondaires cour-tes, s’y trouvent non seulement les BAC+3 (p.ex. IST, ISERP, IEES), mais aussi d’autres formations plus courtes.

Graphique 4: Deuxième langue la mieux parlée selon le niveau d‘instruction (N=

1044)

Comme la profession dépend souvent de la formation, on retrouve la même structure dans le graphique suivant. Les professions demandant plus de forma-tion sont plus portées vers le français. La catégorie des indépendants étant une catégorie fourre-tout dans la quelle les petits patrons seront probablement les plus nombreux.

Graphique 5: Deuxième langue la mieux parlée selon la profession (N= 1004)

49%

1 Fernand Fehlen, Das Hidden Curriculum des Sprachenunterrichts in der Luxemburger Schule, Forum 264, März 2007

2 Cf. …

12

4 Intégration linguistique

4.1

Parlons un instant de la situation linguistique propre au Luxembourg

Cette petite phrase faisait la transition avec une nouvelle série de questions censée cerner l’importance de la langue luxembourgeoise pour l’intégration des immigrés au Luxembourg, du moins telle qu’elle est perçue par les Luxem-bourgeois et les étrangers. En effet, depuis les années trente du vingtième siècle l’identité nationale luxembourgeoise est pratiquement assimilée à l’identité linguistique du pays. Et depuis l’arrêté ministériel du 21 janvier 1938 qui exige la « geläufige Beherrschung der Luxemburgische(n) Sprache » comme une

« unbedingte Voraussetzung » de l’obtention de la nationalité luxembour-geoise3 ce lien a même une base légale. Ce qui n’empêche que lors de la ré-forme de la législation sur la nationalité ce point précis a été l’objet de nombreuses controverses.

(À développer : 1) valorisation identitaire vs. Utilité réelle pour certains étran-gers ; 2) le patriotisme linguistique focalisé sur la langue luxembourgeoise ou-blie que le « trilinguisme » est aussi une des spécificités de la société luxembourgeoise)

4.2 L’utilité des langues

L17. Quelles sont les langues les plus utiles pour quelqu’un qui vient s’installer et vivre au Luxembourg à l’heure actuelle ? Veuillez m’indiquer d’abord la langue la plus utile, ensuite la deuxième et puis éventuellement une troisième langue utile pour vivre au Luxembourg ?

4.3 L’importance de l’apprentissage du luxembourgeois pour les résidents adultes

L18. Dans quelle mesure est-il à votre avis important que….

a. les étrangers adultes résidents au pays parlent ou apprennent le luxem-bourgeois

1. très important 2. important 3. plutôt important 4. plutôt peu important 5. pas important 6. pas du tout important

3 Cet arrêté à un statut d’autant plus remarquable que c’est la première fois qu’un texte législatif fait référence à la langue luxembourgeoise. « Erlass des Justizministeriums vom 21. Januar 1938 », in : Jonghémecht, 12 (4), avril/mai 1938, p. 151, voir aussi Benoît Majerus ….

très important important plutôt important plutôt peu important pas important pas du tout important

Luxembourgeois 57,1% 30,8% 9,9% 2,2%

étrangers 33,6% 33,6% 20,3% 7,8% 1,6% 3,1%

13 Graphique 6: Importance du luxembourgeois pour les étrangers adultes

rési-dents selon le niveau d’instruction – Réponses des luxembourgeois (N = 1044)

71%

très important important plutôt important plutôt peu important

Graphique 7: Importance du luxembourgeois pour les étrangers adultes rési-dents selon le niveau d’instruction – Réponses des non-Luxembourgeois (N = 664)

très important important plutôt important plutôt peu et pas important

4.4 L’importance de l’apprentissage du luxembourgeois pour les enfants issus de l’immigration et les frontaliers

L18. Dans quelle mesure est-il à votre avis important que….

b. les enfants des étrangers résidents au pays parlent ou apprennent le luxembourgeois

c. les frontaliers qui travaillent, mais ne vivent pas au Luxembourg, parlent ou apprennent le luxembourgeois

1. très important

2. important

3. plutôt important 4. plutôt peu important

5. pas important 6. pas du tout important

14 Graphique 8: Importance du luxembourgeois pour les étrangers selon différen-tes catégories – Réponses des luxembourgeois (N = 1044)

27%

57%

76%

43%

31%

21%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

frontaliers résidents adultes enfants des étrangers

très important important plutôt important plutôt peu important pas important

Graphique 9: Importance du luxembourgeois pour les étrangers selon différen-tes catégories – Réponses des non-Luxembourgeois (N = 664)

17%

34%

61%

33%

34%

24%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

frontaliers résidents adultes enfants des étrangers

très important important plutôt important plutôt peu important pas important

L19. Finalement pour vous personnellement la connaissance du luxembourgeois est-elle vraiment

utile pour …

5 Variations régionales

15

5.1 Remarque préliminaire : Variations régionales, dialectes et langue standard

Parmi les nombreuses variations que connaît une langue4, les variations géo-graphiques frappent le plus le locuteur naïf qui les perçoit en règle générale comme des déviations d’une norme universelle, identifiée, par la tradition litté-raire et à l’apprentissage scolaire de la grammaire par des générations d’élèves, à la langue elle-même. Ces parlers locaux ou vernaculaires sont très souvent, et principalement dans un État-nation centralisé, minorés, d’où la connotation généralement négative véhiculée par les mots « patois » et « dialecte ».

Contrairement à Monsieur et Madame Tout-le-monde, le linguiste conçoit une langue comme la somme des dialectes de tous les locuteurs se reconnaissant faire partie d’une communauté linguistique et il considère la langue standard comme un dialecte parmi d’autres.

La situation du Grand-Duché (d’après 1839) se distingue de celles d’autres pays plus grands : Le luxembourgeois est une langue par élaboration (Abs-tandssprache, Kloss) encore jeune et les deux langues des grands voisins sont omniprésentes, surtout dans le domaine de l’écrit. N’ayant pas, ou peu, profité d’une politique linguistique explicite et volontariste de la part de l’État, le luxembourgeois standard n’est que rarement perçu comme une norme contrai-gnante et l’alphabétisation s’effectuant toujours en allemand, ni son orthogra-phe, ni sa grammaire ne sont enseignées à l’école. Il ne faut donc pas s’étonner que l’opinion selon laquelle on a « le droit d’écrire le luxembourgeois comme on le veut » est largement répandue. La citation suivante est issue d’une en-quête de Marielle Rispail sur les contacts des langues en Lorraine et au Luxembourg (enquête basée sur des entretiens semi-directifs avec huit ensei-gnants et futurs-enseiensei-gnants).

« Nos enquêtés luxembourgeois ignorent les textes qui régissent la politi-que linguistipoliti-que de leur pays : ‘ le lux. est la seule langue officielle’, et en sont encore à regarder l'état de leur langue sans penser pouvoir agir sur son présent ou son futur, pensent que sa ‘grammaire change tout le temps’, ou qu'elle est ‘bien trop compliquée pour pouvoir être apprise’ ou que

‘c'est une langue sans littérature’. Ils pouffent de rire quand on leur dit qu'elle est parlée ailleurs et se soucient peu de son histoire. Cette désinvol-ture, qui ne s'inquiète pas de variations dialectales, va de pair avec une méconnaissance métalinguistique de cette langue. Des représentations erro-nées de leur langue, de sa législation, de son aire d'utilisation, de son his-toire, émaillent leur discours. »5

Même si l’image véhiculée par cette citation est désolante, elle corrobore bien nos observations faites comme enseignant à l’ISERP. Et au lieu de tergiverser sur une représentativité aléatoire d’un échantillon trop petit, il faut nous rési-gner à voir dans ces opinions le résultat des défaillances du système scolaire

4 En règle générale on distingue quatre types de variations: la variation diachronique liée au temps, la variation diatopique inscrite dans l’espace géographique, la variation diastratique induite par la position sociale et la variation diaphasique dépendant des situations de discours.

5 Contacts entre francique, français, allemand en Lorraine germanophone et au Luxembourg : situations / phénomènes / attitudes :p. 140

16 luxembourgeois. Même si le grand public n’en est pas toujours persuadé, le luxembourgeois standard existe bel et bien. C’est en 1910 que René Engel-mann a bien décrit le mécanisme qui a conduit à sa formation et qu’il a utilisé la première fois la notion de koinè pour désigner la langue commune qui s’était développée au cours de la deuxième moitié du 19è siècle :

„Das bedürfnis einer gemeinsamen umgangssprache hat hierzulande in-folge unserer politischen selbständigkeit und des offiziellen bilinguis-mus an der hochdeutschen schriftsprache vorbei zur entstehung einer über den lokalmundarten stehenden κοινη geführt. (Engelmann 1910:

10)

C’est d’après lui le « dialecte local » des habitants de la vallée de l’Alzette au nord de la ville de Luxembourg, allant de Eich à Ettelbruck.

qui est utilisé par „die beamten und geschäftsleute aus allen teilen des landes, die ihre heimat verlassen und ihren lokaldialekt aufgegeben ha-ben“ pour ne pas se faire remarquer. (Engelmann 1910: 12)

Même si la linguistique luxembourgeoise n’a pas pu se mettre d’accord sur la formation de la koiné6 elle ne met pas en cause son existence, au contraire elle contribue par ses travaux à la consolider. Ce n’est pas par un sondage que l’on peut apporter une preuve de son existence réelle, on peut tout au plus mesurer la perception subjective des enquêtés.

Il ne faut pas confondre l’approche présentée ici avec celle des dialectologues.

Avec notre outil, nous n’étudions pas les particularités régionales – p.ex. de la prononciation ou du lexique – telles qu’elles sont actées dans le Luxemburgis-cher Sprachatlas (LSA) et dont nous reproduisons ici deux planches7. Nous étudierons plutôt la perception des locuteurs tout en sachant que certains, ayant

6 Voir aussi: Gilles, Peter (2000): Die Konstruktion einer Standardsprache : zur Koinédebatte in der luxemburgischen Linguistik. In: Dieter Stellmacher (eds.): Dialektologie zwischen Traditi-on und Neuansätzen : Beiträge der InternatiTraditi-onalen Dialektologentagung, Göttingen. Stuttgart (Zeitschrift für Dialektologie und Linguistik. Beihefte ; H. 109), 200-212.

7 Depuis peu celui-ci est accessible sur Internet : http://www.luxsa.info/

17 un accent local prononcé, le dénieront, d’autres parlant dans leurs interactions

professionnelles, voire familiales le luxembourgeois le plus châtié et neutre, prétendront utiliser leur vernaculaire dans toutes circonstances8. D’autant que la concurrence entre les différentes langues présentes au Luxembourg, la re-connaissance des différentes variétés du luxembourgeois – et leur valorisation comme source d’identité régionale, voire locale ou leur stigmatisation comme

« patois » – est un enjeu identitaire et politique. Ainsi, on a pu observer un cer-tain regain de l’affirmation de l’appartenance à un terroir à travers les parlers régionaux ou locaux dont les Marie-Josée Jacobs ou Carlo Wagner (« de naue Minister ») sont les figures de proue. Cet aspect n’est pas non plus l’objet de notre étude.

Après ces remarques préliminaires, le lecteur aura compris qu’il ne devra pas s’attendre à une réponse simple à la question : « quel est le pourcentage des dialectophones parmi les Luxembourgeois ? ».

La série de questions qui va suivre était évidemment seulement posée aux 1423 personnes déclarant parler le luxembourgeois.

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