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Chapitre 3. Le tabagisme et Les récepteurs nicotiniques

3.2 La Nicotine

La nicotine, un composé organique trouvé dans toutes les feuilles de tabac, est le

composé responsable du phénomène de dépendance (Benowitz et al., 2009). En moyenne,

chaque cigarette contient 10 à 14 mg de nicotine. Les niveaux de consommation de nicotine

peuvent varier en modulant la fréquence et les volumes d’aspiration. Cependant, environ 1 mg

de nicotine est effectivement absorbé par voie systémique. La nicotine est absorbée plus

facilement dans des conditions de pH basiques, par rapport à des conditions acides. La

condition basique et une grande surface du poumon, par conséquent, fournit une condition

optimale pour l'absorption de la nicotine après inhalation. Une fois dans la circulation

sanguine, la nicotine est rapidement exposée à tous les organes. La moyenne concentration

sanguine de nicotine chez les fumeurs chroniques est atteint 19.0 ± 11.3 ng/ml après la

première cigarette et 22.9 ± 11.2 ng/ml après la seconde cigarette (Herning et al., 1983), ce

qui correspond à une concentration de 0,117 ± 0,070 μM et 0,141 ± 0,069 μM, respectivement.

Les effets de l'exposition à la nicotine sont très dépendants de la dose de nicotine

administrée (Gullihorn et al., 2005). En conséquence, il a été montré des effets positifs et

négatifs de la nicotine. Les traitements à la nicotine ont montré une amélioration des maladies

telles que la colite ulcéreuse (Wu and Cho, 2004), la maladie d'Alzheimer (Chan et al., 2008)

et de Parkinson (Takeuchi et al., 2009). Au contraire, le tabagisme est quand même connu

pour avoir des effets négatifs sur la réparation des tissus (Sopori, 2002). La métabolisation

des substances toxiques de la fumée de cigarette est soupçonnée de retarder la cicatrisation

des plaies (Sopori, 2002), en altérant la migration des cellules critiques pour le processus de

guérison (Wong and Martins-Green, 2004). La consolidation osseuse peut être retardée par la

cigarette (Ding et al., 2008; Krannitz et al., 2009). Fumer entraîne une plus grande perte de

cartilage associée à des douleurs sévères chez les patients arthrosiques par rapport avec les

patients non-fumeurs (Miranda et al., 2002). De plus, la durée de séjours hospitaliers lors de

la pose de prothèses articulaires est significativement plus longue chez les patients

arthrosiques fumeurs, ainsi que le succès des interventions de type débridement

arthroscopique de l’articulation (Lavernia et al., 1999; Porter and Hanley, 2001).

3.2.1 La Nicotine dans les produits du tabac

La Nicotine est un ingrédient naturel agissant comme un insecticide botanique dans les

feuilles de tabac. Il est l’alcaloïde principaldu tabac, correspondant à raison d'environ 1,5% en

poids dans le tabac de cigarettes du commerce et comprenant environ 95% de la quantité

totale d’alcaloïdes. La nicotine dans le tabac est en grande partie lévogyre(S)-isomère,

seulement 0,1-0,6% est (R)-nicotine (Figure 17).

3.2.2 Métabolisme de la nicotine

L’inhalation est donc nécessaire pour permettre à la nicotine d’être absorbée par la

surface de l’épithélium alvéolaire. Dans les poumons, la nicotine est rapidement absorbée par

la circulation systémique. Cette absorption est facilitée car le flux sanguin des capillaires

pulmonaires est élevé, représentant le passage de la totalité du volume sanguin chaque minute.

La nicotinémie augmente ainsi rapidement lors de la consommation d’une cigarette.

Après l'absorption, la nicotine pénètre dans la circulation sanguine où, pH 7.4, elle est à 69%

ionisée et 31% sont non-ionisées (Benowitz et al., 1982). Les taux de nicotine sont de six à

dix fois plus élevés dans le plasma artériel que dans le plasma veineux (Le Houezec, 2003).

Sur la base des échantillons d'autopsie des fumeurs, la plus forte affinité pour la nicotine est

dans le foie, les reins, la rate et les poumons, la plus basse dans les tissues adipeux.

La nicotine est métabolisée principalement par le foie. Le plus important métabolite de la

nicotine chez la plupart des espèces de mammifères est la cotinine. Chez l'homme, environ 70

à 80% de la nicotine sont métabolisés en cotinine. Cette transformation comporte deux étapes.

La première est médiée principalement par le CYP2A6, la seconde étape est catalysée par un

aldéhyde oxydase cytoplasmique (Benowitz et al., 2009). Il existe une variabilité

interindividuelle considérable du taux d'élimination de la nicotine et cotinine chez les

personnes (Swan et al., 2005). La grossesse a un effet significatif sur la clairance de la

nicotine et surtout de la cotinine. La clairance est augmentée 60 et 140% pour la nicotine et la

cotinine, respectivement, par rapport à la grossesse post-partum (Dempsey et al., 2002). Le

taux de clairance de la nicotine est principalement contrôlé par le flux sanguin hépatique,

alors que le taux de clairance de la cotinine est principalement déterminé par l’activité des

enzymes métabolisant dans le foie. La constatation que la clairance de la cotinine pendant la

grossesse est augmentée plus que la clairance de la nicotine indique que l'augmentation de la

clairance est plus probablement provoquée par l'induction de CYP2A6 et non pas par une

augmentation du débit sanguin hépatique.

Ainsi, la nicotine s’accumule nettement dans le suc gastrique et de la salive (Lindell et al.,

1996) et aussi dans le lait maternel (Dahlström et al., 1990). La nicotine traverse facilement la

barrière placentaire, et il existe des preuves de l'accumulation de la nicotine dans le sérum

fœtal et le liquide amniotique avec concentrations légèrement plus élevées que dans le sérum

maternel (Dempsey and Benowitz, 2001).

3.2.3 Action sur les récepteurs nicotiniques

La nicotine est un agoniste de certains récepteurs à l’acétylcholine. Il existe deux types de

récepteurs de l’acétylcholine : les récepteurs nicotiniques sur lesquels la nicotine peut se fixer

et les récepteurs muscariniques qui peuvent être activés par la muscarine.

3.2.3.1. Les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine (nAChRs)

Les nAChRs appartiennent à la famille des récepteurs cholinergiques et sont une classe

de canaux ioniques ligand-dépendants qui répondent à l'acétylcholine ainsi que d'autres

ligands tels que la choline et la nicotine. Les nAChRs sont constitués de 5 sous-unités

transmembranaires qui sont disposées ensemble pour former un pore transmembranaire

(Figure 18). Ces récepteurs pentamères sont créés à partir de diverses combinaisons de 16

différentes sous-unités de nAChRs. Toutes les sous-unités partagent la même structure

moléculaire: un domaine extracellulaire, quatre sous-unités transmembranaires (TM1-TM4),

et un domaine cytoplasmique; cependant, chaque sous-unité a différentes séquences d'acides

aminés (Albuquerque et al., 2009). Par conséquent, les sous-unités sont classées comme α ou

non α sur la base de la présence d'un résidu cystéine-cystéine du domaine N-terminal près de

l'entrée TM1 (Albuquerque et al., 2009). La paire Cys-Cys ne se trouve que sur les

sous-unités α et est nécessaire pour la liaison agoniste. En total, il y a 9 sous-sous-unités α: α1-7, α9, α10,

(α8 est identifié chez les oiseaux, mais n'a pas été observé chez les mammifères) et 7 non-α

sous-unités: β1-4, γ, δ et ε (Albuquerque et al., 2009; M. Carballosa et al., 2016; Nemecz et

al., 2016) (Figure 18).

Figure 18 La structure des sous-unités de nAChRs. A: Structure des sous-unités de nAChR montrant la

paire Cys-Cys qui définit les nAChRs de sous-unité α. B: prototype de nAChR homopentamérique α7 (à gauche) et α4β2 nAChR hétéropentamérique (à droite) (M. Carballosa et al., Expression and function of nicotinic acetylcholine receptors in stem cells, AIMS Bioengineering, 2016).