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D. REPONSE DES CELLULES IMMUNITAIRES AU PARASITE LEISHMANIA

1. NEUTROPHILES

Les neutrophiles sont des cellules phagocytaires à noyau polylobé qui circulent dans le sang en conditions physiologiques et qui s’infiltrent dans les tissus en cas de lésion. Ce sont des

cellules d’une grande mobilité qui se déplacent par chimiotactisme. En cas d’activation, elles ont la capacité de sécréter différentes cytokines, notamment l’IL-12, le TNFα et l’IL-10. Elles répondent aussi par un « burst oxidatif » qui leur permet de produire une quantité élevée d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) pour éliminer le pathogène phagocyté. De plus, ces cellules présentent différents types de granules avec des molécules anti-microbiennes et des enzymes telles que la myéloperoxidase. En cas d’activation, ces granules peuvent fusionner avec les phagosomes contenant le parasite, contribuant à la mise en place d’un environnement acide et à la génération de ROS. Les cellules peuvent aussi libérer le contenu de leurs granules pour éliminer un pathogène.

i. Rôle différent selon le fond génétique de la souris

Selon l’hôte considéré (C57BL/6 ou BALB/c), l’implication des neutrophiles peut être différente, avec un effet protecteur chez les souris C57BL/6 et non protecteur chez les souris BALB/c. Cependant, dans ces deux types de souris, les neutrophiles migrent rapidement sur le site d’infection ou d’injection, indépendamment de la présence de parasites. Elles sont les premières cellules à phagocyter les parasites Leishmania major. En effet, 30 min après injection, les neutrophiles contiennent déjà des parasites Leishmania phagocytés (Beil et al, 1992; Peters et al, 2008).

Par l’apoptose des neutrophiles infectés, des parasites vivants sont alors libérés aux abords de cellules présentatrices d’antigènes (dont les macrophages et les cellules dendritiques). Les résidus cellulaires apoptotiques peuvent être phagocytés par ces cellules sans induire de réponse immunitaire. Un rôle de "cheval de Troie" a ainsi été décrit pour les neutrophiles qui, par apoptose, contribueraient au développement silencieux de la leishmaniose dans les étapes précoces (Laskay et al, 2003). Mais cette hypothèse n’est pas encore couramment établie.

Dans les souris C57BL/6, la déplétion des neutrophiles réduit le nombre de parasites L. major vivants dans le site de l’infection mais n’altère pas le recrutement des macrophages ou des cellules dendritiques (Peters et al, 2008). Les neutrophiles peuvent donc servir de niches dans lesquels le parasite peut survivre, durant les premières 24h de l’infection (Peters et al, 2008). A côté, les neutrophiles peuvent aussi présenter des parasites difformes ou des parasites tués (Beil et al, 1992). En réponse au L. major, les neutrophiles des souris C57BL/6 produisent de l’IL-12, de l’oxide nitrique (NO) et des ROS, contribuant à l’élimination du parasite. Cette

production se fait en plus grande quantité dans les souris C57BL/6 que les souris BALB/c (Blos et al, 2003 ; Charmoy et al, JLeukBiol, 2007).

A l’inverse des C57BL/6, on estime que dans les souris BALB/c, les neutrophiles n’ont pas de rôle protecteur dans l’infection par L. major. En effet, dans l’infection de souris BALB/c par

L. major, les neutrophiles contribuent à la mise en place de la réponse Th2 et la déplétion en

neutrophiles réduit l’expression d’IL-4, par un mécanisme IL-12 dépendant (Tacchini-Cottier et al, 2000). Dans les souris BALB/c contrôles, les neutrophiles produisent une forme d’IL-12 pouvant s’homo-dimériser et conduisant à sa propre inhibition (Charmoy et al, 2007). De plus, la déplétion en neutrophiles réduit la charge parasitaire dans les macrophages infectés (Ribeiro-Gomes et al, 2004). De manière remarquable, alors que les neutrophiles induisent les macrophages à sécréter du TNFα et non du TGFβ chez les souris C57BL/6, les neutrophiles ont l’action inverse chez les BALB/c.

Dans le cas d’autres parasites que le L. major, tels que Leishmania braziliensis et

amazonensis, parasites du Nouveau Monde à l’origine de lésions cutanées ou muco-cutanées,

ou Leishmania donovani, parasite de l’Ancien Monde à l’origine de la leishmaniose viscérale, les neutrophiles des souris BALB/c ont un rôle protecteur (Novais et al, 2009 ; Mc Farlane et al, 2008). Les parasites L. braziliensis et L. amazonensis peuvent être éliminés par les neutrophiles, en coopération avec des macrophages infectés qui sécrètent du TNFα et produisent des espèces oxygénées réactives (ROS) (Novais et al, 2009). Dans le cas de l’infection par L. donovani aussi, l’absence des neutrophiles conduit à une charge parasitaire plus élevée et la réponse immunitaire est orientée vers une réponse Th2, suggérant ici l’importance des neutrophiles pour la mise en place d’une réponse Th1, à l’opposé de l’infection de souris BALB/c par L. major (Mc Farlane et al, 2008).

ii. Recrutement des neutrophiles

Le recrutement de neutrophiles varie aussi en nombre entre les souris C57BL/6 et les souris BALB/c. Contrairement aux souris C57BL/6 où les neutrophiles ne représentent que 60% des cellules infiltrées sur le site de l’infection, elles montent à 90% dans les souris BALB/c. De plus, chez les BALB/c, ces cellules sont retrouvées plus longtemps sur le site de l’infection et contiennent plus de parasites viables que ceux des C57BL/6 (Beil et al, 1992). Il a donc été proposé que cette accumulation excessive de neutrophiles pourrait contribuer à la sensibilité des souris BALB/c au L. major.

Dans des cellules humaines, le parasite Leishmania lui-même peut libérer la chimiokine Leishmania Chemokine Factor (LCF) qui a des propriétés attractives seulement pour les neutrophiles (van Zandbergen et al, 2002). Par ailleurs, le recrutement des neutrophiles implique les chimiokines MIP-2 et KC (Laskay et al, 2003). Dans les souris BALB/c, une des raisons pouvant expliquer la migration excessive des neutrophiles serait l’implication d’IL-17,

produite par les lymphocytes CD4+ Th17. En absence d’IL-17, les souris BALB/c deviennent

résistantes à l’infection par L. major et présentent de très faibles lésions. Cependant, aussi bien les souris BALB/c contrôles que celles déficientes pour l’IL-17 élaborent une réponse Th2, avec des niveaux similaires d’IL-4, d’IL-10 et d’IFNγ. Seulement, les souris BALB/c

IL-17-/- expriment moins de molécules CXCL1 et CXCL2 au niveau de la peau, qui sont des

chimiokines dont la production est induite par l’IL-17 et sont à l’origine de la migration des neutrophiles. La déficience en IL-17 et la réduction de ces chimiokines empêche l’accumulation des neutrophiles au niveau des lésions (Lopez Kostka et al, 2009). Dans les souris C57BL/6 aussi, l’implication de l’IL-17 a été démontrée. L’IL-17 est elle-même régulée par l’IL-10 et l’IFNγ, respectivement pour l’augmentation ou la réduction de son expression. En absence de ces derniers, il serait responsable d’une augmentation du recrutement de neutrophiles et d’une pathologie exacerbée (Gonzalez-Lombana, 2013). Cependant, dans les souris C57BL/6, selon la souche de L. major utilisée, elle pourrait contribuer à un phénotype de résistance ou de sensibilité.

iii. Influence sur la réponse T

Les neutrophiles influencent donc la mise en place de la réponse des lymphocytes T CD4+ et

la polarisation vers une réponse Th1 ou Th2 en fonction du parasite et de l’hôte. Les coopérations entre neutrophiles et cellules dendritiques ou entre neutrophiles et macrophages sont donc essentielles, dans le but d’installer le microenvironnement nécessaire pour la mise en place d’une réponse spécifique. Il a notamment été décrit lors de l’infection de souris C57BL/6 par le parasite L. major, que les neutrophiles peuvent attirer par chimiotactisme les cellules dendritiques immatures, les cellules dendritiques dermales résidantes et les cellules de Langerhans en sécrétant la chimiokine CCL3, l’absence de CCL3 conduisant à la mise en place d’une réponse Th1 retardée (Charmoy et al, 2010).

iv. NETose

Une autre propriété des neutrophiles est impliquée dans la réponse anti-Leishmania. Il s’agit de leur capacité à mourir par NETose en formant des NETs (Neutrophil Extracellular Trap),

réseaux constitués d’ADN cellulaire lié à des peptides antimicrobiens. Les neutrophiles humains ont la capacité de tuer les parasites L. amazonensis par la formation de NETs, et l’élastase et les histones contenues dans ces NETs sont notamment impliquées. Cette élimination de parasites est dépendante de la concentration de LPG (Guimaraes-Costa et al, 2009). Les parasites L. donovani induisent aussi une formation de NETs par des neutrophiles humains, mais elle n’est dépendante ni de la présence de LPG ou de gp63 ni de la production de ROS. En revanche, la présence de LPG permet une meilleure survie du parasite contre l’activité lytique des neutrophiles (Gabriel et al, 2010), en permettant d’une part l’inhibition de la fusion des phagosomes avec les lysosomes dans les neutrophiles et d’autre part, en retardant l’apoptose des neutrophiles (Gueirard et al, 2008).

Ainsi, selon l’espèce considérée du parasite Leishmania et selon l’hôte, la contribution des neutrophiles dans l’infection est différente. Récemment, il a aussi été montré que le stade du parasite influence la réponse des neutrophiles. Dans des souris C57BL/6, les deux formes, promastigote et amastigote, du parasite L. amazonensis sont phagocytées par les neutrophiles et activent ces cellules, d’où leur production de cytokines et de ROS. Cependant, alors que la forme promastigote induit la synthèse de TNFα et est en grande partie éliminée, la forme amastigote induit la production d’IL-10 et résiste (Carlsen et al, 2013).