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2.9.1 Introduction

En situation physiologique, la transmission synaptique entre les fibres C et les neurones de la corne dorsale est largement médiée par le relargage de glutamate qui agit sur les récepteurs AMPA générant des potentiels post-synaptiques excitateurs rapides, suivis de traces lentes dues à l'activation des récepteurs NMDA (King et al. 1988; Yoshimura and Jessell 1990). La synthèse et/ou l'utilisation d'autres couples neurotransmetteurs/récepteurs varie en fonction de la nature de la stimulation et de la situation (inflammation, neuropathie). Ainsi, les fibres C peptidergiques co- expriment le peptide "brain-derived neurotrophic factor" (BDNF) qui lie le récepteur trkB, la substance P qui lie le récepteur NK1 et le peptide CGRP qui lie son récepteur couplé aux protéines G. Le BDNF n'est relargué qu'à la suite de trains courts de potentiels d'action à hautes fréquences alors que la substance P peut être relarguée consécutivement à la fois à des trains continus de potentiels à basse fréquence et à des trains tétanisants à hautes fréquences (Lever et al. 2001). D'autres neurotransmetteurs sont identifiés dans ce premier relais nociceptif et peuvent être impliqués dans sa plasticité en situation pathologique. C'est le cas de l'ATP qui en agissant sur les récepteurs P2X pré-synaptiques et P2Y post-synaptiques faciliterait la

transmission glutamatergique (Vulchanova et al. 1998; Woolf and Costigan 1999; Ding et al. 2000).

2.9.2 Neuropeptides

2.9.2.1 La substance P

La substance P (SP) est probablement le neurotransmetteur dont le rôle est le mieux connu. La SP a été découverte par Euler et Gaddum en 1931 dans le cerveau et l’intestin de cheval. Leur extrait était sous forme de poudre et la nommèrent substance P. Elle fut le premier peptide pour lequel la fonction transmettrice a été suspectée. En 1953, plusieurs équipes (Lembeck 1953; Pernow 1953) ont localisé la SP au niveau des terminaisons nerveuses de la corne dorsale de la moelle épinière. Lembeck émit l’hypothèse que la SP pourrait être un neurotransmetteur au niveau des terminaisons afférentes primaires (Lembeck 1953).

D’autres études confirmèrent cette hypothèse, en 1971, Leeman et collaborateurs ont déterminé la structure de la SP (Chang et al. 1971). Actuellement, le rôle de neurotransmetteur sensoriel de la SP est pleinement établi. La SP est particulièrement exprimée par une sous-population de fibres afférentes primaires qui se terminent dans les couches superficielles de la corne dorsale de la moelle épinière. La SP fait partie de la famille des tachikinines. Le gène codant le précurseur de la SP, la préprotachikinine A code également la Neurokinine-A. La Neurokinine-B appartient également à la famille des tachikinines. La SP participe à l’inflammation neurogénique en induisant une vasodilatation et en stimulant le relargage d’histamine par les mastocytes. L’histamine va entre autres stimuler les terminaisons des fibres afférentes primaires. D’une manière générale, les tachikinines favorisent la formation de l’œdème et l’extravasation de protéines plasmatiques. L’application de SP induit la sécrétion d’interleukine-2 (IL-2) et par conséquent la prolifération de lymphocytes-T (Lundy and Linden 2004). Ces peptides agissent sur les récepteurs des neurokinines, NK1, NK2, NK3, qui ont une meilleure affinité respectivement pour la SP, la neurokinine-A et la neurokinine-B. Au niveau spinal, les récepteurs NK1 sont exprimés sur les neurones secondaires des voies nociceptives. Chez la Souris, dans un modèle de douleur neuropathique, le niveau de transcription de l’ARNm du

récepteur NK1 est augmenté au niveau de la moelle épinière (Taylor and McCarson 2004).

La SP, libérée par les neurones afférents primaires, ne provoque pas à elle seule des déchargent nociceptives, mais elle potentialise l’effet du glutamate au niveau des neurones secondaires (Cousins and Poweer 1999). Pour ces différentes raisons de nombreux travaux ont étudié les effets des antagonistes des récepteurs au neurokinines, en particulier NK1. Cependant, malgré des études précliniques prometteuses, les antagonistes du récepteur NK1 n’ont pas montré d’effet analgésique significatif chez l’Homme (Hill 2000).

2.9.2.2 Le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP)

Le peptide lié au gène de la calcitonine a été découvert en 1982, à la suite d’études mettant en évidence un épissage alternatif de l’ARNm du gène de la calcitonine. Le CGRP est exprimé ubiquitairement dans le système nerveux mais avec une prédominance pour les fibres sensitives afférentes primaires où il est fréquement colocalisé avec la SP (Lundy and Linden 2004). Le CGRP agit par l’intermédiaire de deux récepteurs, CGRP1 et CGRP2. Ces récepteurs sont couplés aux protéines Gs qui activent l’adénylate cyclase (Juaneda et al. 2000). Au niveau de la moelle épinière, le CGRP, comme la SP, potentialise les effets excitateurs du glutamate. En périphérie, le CGRP favorise l’inflammation neurogénique qui induit une sensibilisation des fibres nerveuses périphériques (Cousins and Poweer 1999). 2.9.2.2.1 Implication du CGRP dans la pathophysiologie de la migraine.

Le CGRP est particulièrement exprimé dans les terminaisons des fibres nerveuses qui innervent les vaisseaux du cerveau (Edvinsson 1985; Uddman et al. 1985). En effet, le CGRP (ainsi que la SP et la neurokinine-A) libérée par les fibres C du nerf trijumeau favorise la dilatation des vaisseaux méningés, provoque une extravasation plasmatique, active les plaquettes et la dégranulation des mastocytes. Le taux sérique de CGRP est augmenté chez les patients en crise migraineuse, alors que les taux des autres neuropeptides ne sont pas modifiés (Goadsby and Edvinsson 1994; Gallai et al. 1995; Doods 2001; Edvinsson 2001; Geppetti et al. 2005; Goadsby 2005; Tvedskov et al. 2005). De plus, les patients migraineux traités par voie veineuse

avec le CGRP présentent des céphalées dont les symptomes remplissent les critères diagnostiques de migraine (Lassen et al. 2002). Goadsby et Edvinsson ont publié en 1994 pour la première fois que le traitement d’une attaque de migraine par le sumatriptan, un antagoniste des récepteurs 5HT1D de la sérotonine, réverse en partie

l’élévation du taux plasmatique de CGRP (Goadsby and Edvinsson 1994; Lassen et al. 2002). Ceci a été confirmé dans une autre large étude utilisant le rizatriptan. Les auteurs en concluent que la diminution du taux plasmatique de CGRP correspond à la disparition de la migraine (Stepien et al. 2003). Il faut noter qu’il existe des patients réfractaires aux triptans et que chez ces patients refractaires, les triptan n’induisent pas de diminution du taux sérique de CGRP (Sarchielli et al. 2006).

Jusqu’à ce jour, personne n’a pu expliquer la raison de ce relargage de CGRP dans la physiopathologie de la migraine. Le monitorage des taux plasmatiques de NO et de CGRP indique clairement que le relargage de NO précéde celui du CGRP (Sarchielli et al. 2000). Le NO peut être responsable d’une augmentation de l’expression du gène codant la CGRP dans le ganglion trigerminal de rat (Bellamy et al. 2006). L’hypothèse qu’une dysfonction cérébrale primaire est à l’origine des crises migraineuses est de plus en plus acceptée. Une activation du tronc cérébral a été observée chez les patients en crise (Weiller et al. 1995; Afridi et al. 2005). Dans des modèles animaux, la stimulation du tronc cérébral peut entraîner l’activation du système trigéminovasculaire qui est à son tour responsable d’une vasodilatation CGRP-dépendante (Just et al. 2005). De plus les régions cérébrales richent en CGRP comme l’hypothalamus sont activées lors des crises migraineuses (Denuelle 2007). La dépression corticale responsable des attaques migraineuse chez les patients avec (Woods et al. 1994; Hadjikhani et al. 2001; Sanchez-del-Rio and Reuter 2004; Geraud et al. 2005) pourrait déclencher le relargage de CGRP et de NO responsables de la vasodilatation comme cela a été démontré expérimentalement (Wahl et al. 1994; Bolay et al. 2002) Toujours est-il que deux antagonistes spécifiques du CGRP sont en bonne voie pour devenir les prochaines molécules du traitement de l’accès migraineux (Olesen et al. 2004; Ho et al. 2007).

2.9.2.3 Le neuropeptide Y

Le neuropeptide Y (NPY) est un peptide de 36 acides aminés qui doit son nom aux résidus tyrosines (Y) situéees aux extrémités N- et C-terminales du peptide. Il est présent en grande quantité dans le système nerveux central et périphérique, où il est surtout localisé dans les fibres sympathiques. Il y est en effet stocké et colibéré avec la noradrénaline. En plus de son implication dans la douleur, ce peptide participe entre autres à la régulation de prise de nourriture et à un effet anxiolytique, antiépileptique, vasoconstricteur et proangiogénique dans divers modèles animaux. Les récepteurs du NPY existent sous six isoformes (Y1 à Y6) dont des récepteurs couplés aux protéines Gi/o dont la liaison au NPY entraîne une inhibition de l’adénylate cyclase (Silva et al. 2002; Chronwall and Zukowska 2004). Concernant la douleur, le NPY joue différents rôles en fonction de la zone de libération tissulaire.

Au niveau de la moelle épinière, l’injection de NPY inhibe la douleur notamment thermique. Dans le test au formol, l’injection intrathécale du NPY diminue les réponses nociceptives (Mahinda and Taylor 2004). Ces effets semblent médiés par le récepteur Y1, puisqu’un antagoniste de Y1 inhibe ces effets analgésiques. De plus les souris invalidées pour le gène du récepteur Y1 ont une plus grande sensibilité à la douleur thermique, mécanique, chimique et viscérale et cela également dans des modèles de douleur neuropathique. Sur le rat, on observe une diminution des récepteurs Y1 dans les ganglions spinaux au cours de douleurs neuropathiques (Brumovsky et al. 2004) alors que l’expression du récepteur Y2 est augmentée, ce qui expliquerait les effets analgésiques du NPY dans la douleur neuropathique (Naveilhan et al. 2001).

En périphérie, dans un modèle de lésion du nerf sciatique chez le rat, le neuropeptide Y ainsi qu’un agoniste spécifique des récepteurs Y2 augmentent l’hyperalgésie. Le récepteur Y1 participe au phénomène d’inflammation neurogénique en favorisant la libération de SP par les terminaisons nerveuses. Les souris invalidées pour le récepteur Y1 ne présentent pas d’inflammation neurogénique (Naveilhan et al. 2001).

Ainsi, le NPY semble jouer un rôle crucial dans le contrôle de l’information nociceptive. Le développement de molécules agonistes qui pourraient jouer au