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5 Le système opioïdergique

5.3 Les opioïdes endogènes

5.3.5 Fonctions des neurones opioïdergiques

Il faut commencer par rappeler que les récepteurs opioïdergiques sont localisés à des endroits stratégiques pour effectuer un contrôle central et périphérique des voies nociceptives. Ainsi les opioïdes peuvent produire une analgésie par action à trois niveaux différents des voies de propagation du signal nociceptif : au niveau central, au niveau de la moelle épinière et en périphérie. Ces mécanismes sont discutés ici.

5.3.5.1 Action au niveau cellulaire

Les récepteurs des opioïdes appartiennent à la famille des récepteurs qui sont ancrés dans les membranes plasmiques par sept segments hydrophobes et sont couplés à des protéines G de type Gi/o. Ces protéines G sont capables de lier les

nucléotides guanyliques, et assurent la transduction du signal vers la machinerie intracellulaire responsable de la réponse biologique. Les récepteurs des opioïdes, de types µ, δ ou κ, peuvent être couplés à plusieurs effecteurs par l’intermédiaire de protéines G variées. Ainsi, ils inhibent l’adénylate cyclase et donc diminuent la concentration intracellulaire du second messager qu’est l’AMPc, ils permettent également l’ouverture de canaux potassiques entraînant une hyperpolarisation cellulaire post-synaptique et ainsi inhibent l’ouverture de canaux calciques voltage- dépendants réduisant ainsi la libération de neurotransmetteurs au niveau pré- synaptique. L’ensemble de ces mécanismes au niveau cellulaire se traduit par une hyperpolarisation membranaire et produit une réduction de l’excitabilité neuronale qui aboutit à une modulation inhibitrice de la transmission de l’information nociceptive à l’origine de leurs effets (Janecka et al. 2004).

5.3.5.2 Mécanisme d’action central

Au niveau cérébral, les récepteurs opioïdergiques se retrouvent principalement au niveau des régions impliquées dans la transmission et la modulation du message nociceptif, en particulier les voies descendantes inhibitrices mais aussi sur les voies ascendantes de la douleur

5.3.5.3 Mécanisme d’action spinal

Les récepteurs µ, κ et δ sont retrouvés en grande concentration au niveau de la corne dosrale de la moelle épinière (Mansour et al. 1995). Plus spécifiquement, les récepteurs opioïdergiques sont tous localisés au niveau du ganglion rachidien (avec possiblité de migration vers les terminaisons périphériques et centrales des neurones afférents primaires) et de la corne dorsale de la moelle épinière. Certains auteurs ont montré que les fibres afférentes primaires (fibres C et Aδ) d’animaux témoins comportent 20% de récepteurs, 15% de récepteurs d et 10% de récepteurs κ (Ji et al. 1995). Par ailleurs, deux récepteurs opioïdergiques, voire même trois, peuvent coexister au niveau des neurones afférents primaires. Il existe également des interactions entre les récepteurs opioïdergiques dans l’expression d’un récepteur par rapport à un autre comme démontré entre les récepteurs µ et δ (Morinville et al. 2004). La présence de ces récepteurs à des endroits stratégiques de la modulation de la douleur permet l’inhibition de la transmission des impulsions nociceptives à travers la moelle épinière, par exemple par inhibition de la libération de la substance P par les neurones de la corne dorsale de la moelle.

Ainsi, au niveau spinal les opioïdes interagissent au niveau de certaines régions clefs, comme la région rétroventrale qui participe ainsi aux effets analgésiques centraux des opioïdes (Mitchell et al. 1998). Les opioïdes possèdent également une action indirecte par stimulation des fibres inhibitrices GABAergiques qui bloquent ainsi la libération de substance P ou de glutamate (Heinricher et al. 1991; McGowan and Hammond 1993b; a; Tillement and Albengres 2001). Les autres substances impliquées dans les effets analgésiques des opioïdes sont la sérotonine (5- HT) (Kiefel et al. 1992a; b), les acides aminés excitateurs, L-Glu ou encore le NMDA

(Aimone and Gebhart 1986; van Praag and Frenk 1990; Spinella et al. 1996), et la neurotensine (Urban and Smith 1993). Par exemple, l’analgésie induite par le DAMGO, un puissant agoniste spécifique des récepteurs µ, injecté i.c.v. est médiée par le relargage de noradrénaline et de sérotonine qui interagissent respectivement avec les récepteurs adrénergiques α2 et 5-HT au niveau spinal (Tseng and Tang 1990; Tseng and Collins 1991). L’administration de 6-hydroxydopamine (6-OHDA) ou de 5,7 dihydroxytryptamine (5,7-DHT), ou encore le blocage des récepteurs

adrénergiques α2 ou 5-HT par prétraitement intrathécale par la yohimbine et le methysergide diminue l’analgésie induite par l’administration de morphine i.c.v. (Zhong et al. 1985; Suh et al. 1989; Sawynok et al. 1991; Suh et al. 1992).

5.3.5.4 Mécanisme d’action périphérique

Les récepteurs opioïdergiques sont également localisés sur les terminaisons périphériques des neurones afférents primaires. Les opioïdes peuvent ainsi inhiber la libération dépendante du calcium de composés nociceptifs et pro-inflammatoires (comme la substance P) à partir des terminaisons sensitives des neurones périphériques.

Les effets analgésiques périphériques des opioïdes ont surtout été observés dans des modèles d’inflammation périphérique ou dans des modèles de neuropathie périphérique. Ainsi le processus inflammatoire augmente le transport axonal des récepteurs opioïdergiques comme cela a également été décrit après des lésions des neurones afférents primaires.

Par ailleurs, les ligands opioïdes endogènes sont présents au niveau des cellules immunitaires dans le foyer inflammatoire. Dans des conditions de stress ou lors de libération de cytokines, les peptides opioïdes endogènes peuvent être libérés localement et induire ainsi une analgésie. Les récepteurs opioïdergiques des cellules immunitaires peuvent inhiber les lymphocytes et par conséquent diminuer la synthèse de cytokines. Les récepteurs κ seraient plus particulièrement impliqués dans ces effets. De plus, il a été démontré que les agonistes κ présentent des propriétés analgésiques périphériques dans des modèles de douleur viscérale, ces propriétés analgésiques sont majorées en situation inflammatoire (Riviere 2004).

Beaucoup de neurones nociceptifs (spécifiques ou à convergence) contiennent des enképhalines. Il n’est donc pas surprenant que les stimulations nociceptives aiguës provoquent une libération de peptides opioïdes dans la moelle épinière, et que les neurones opioïdergiques spinaux soient profondément modifiés dans les modèles animaux de douleur chronique. Toutefois, le rôle fonctionnel de ces neurones opioïdergiques spinaux est complexe et imparfaitement connu. Ainsi, on observe une augmentation des concentrations spinales des peptides dérivés de la

dans la corne dorsale en cas d’inflammation périphérique (modèle de rat polyarthritique). Cependant, d’autres données montrent une diminution marquée de la libération spinale des peptides dérivés de la proenképhaline A chez des rats souffrant de douleurs chroniques inflammatoires. Bien que la plupart des neurones enképhalinergiques de la corne dorsale soient des inter-neurones, certaines cellules opioïdergiques sont à l’origine de projections ascendantes.