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5 Le système opioïdergique

5.3 Les opioïdes endogènes

5.3.3 Les dynorphines

En 1979, Goldstein et son équipe ont mis en évidence, dans l’hypophyse de porc, la présence d’un peptide de 13 acides aminés contenant la séquence Leu- enképhaline et ne dérivant pas de la β−lipotropine (Goldstein et al. 1979). Ce peptide opioïde, la dynorphine, inhibe puissamment les contractions du plexus mésentérique de l’iléon de cobaye d’où son nom dérivé du grec “dynamis” (pouvoir). Ensuite d’autres peptides de la même famille, les dynorphines A et B ont été purifiées à partir de lobe postérieur de l’hypophyse de boeuf. Plus tard, un polypeptide de 32 acides aminés, la dynorphine-(1-32) qui contient à la fois les séquences de dynorphine A et B a été purifiée. Plus récemment, les α- et β-néoendorphines ont été isolés. Les techniques de biologique moléculaire ont permis d’isoler un fragment d’ADN codant un polypeptide de 256 acides aminés: la prodynorphine. L’analyse de la séquence de la prodynorphine a permis de montrer que les peptides de la famille des dynorphines ainsi que les néoendorphines sont issus de ce précurseur qui contient trois copies de la Leu-enképhaline.

5.3.3.1 Localisations dans le système nerveux central

Les neurones contenant des dérivés de la prodynorphine sont essentiellement localisés dans différentes aires du cortex cérébral, dans l’hypothalamus, dans le striatum, dans certains noyaux de l’hypothalamus et de l’hippocampe. On trouve également des cellules dynorphiniques dans la substance grise périaqueducale ainsi que dans de nombreuses autres régions du tronc cérébral. Dans la corne postérieure de la moelle, les neurones dynorphinergiques occupent surtout la couche I, ils établissent essentiellement des contacts post-synaptiques avec les fibres afférentes primaires (Khachaturian et al. 1985).

5.3.3.2 Localisations périphériques

En périphérie, des peptides issus de la prodynorphine ont été trouvés dans le système nerveux végétatif, la médullo-surrénale, le lobe antérieur de l’hypophyse et les organes de reproduction. Les dynorphines constituent les ligands endogènes des récepteurs opiacés de type κ. Il semble que les dérivés de la prodynorphine présentent une sélectivité d’autant plus marquée pour ces récepteurs qu’ils sont plus longs alors que certains effets des peptides plus courts tels que la dynorphine A-(1-8), pourrait résulter de leur interaction avec les autres classes de récepteurs opioïdergiques (Zhang et al. 1998; Janecka et al. 2004).

5.3.3.3 Effets centraux

La localisation des dynorphines et des récepteurs κ dans la corne postérieure de la moelle ainsi que dans la substance grise périaqueducale et le noyau du raphé suggèrent leur participation dans la régulation des phénomènes nociceptifs.

5.3.3.4 Effets périphériques

Dans les situations d’inflammation locale, l’application d’agonistes κ est capable d’induire une analgésie dans la région concernée. Certains arguments tendent à montrer que ces peptides sont libérés par des cellules du système immunitaire. Les systèmes dynorphiniques participent également au contrôle de différentes fonctions physiologiques : respiration, pression artérielle et rythme

cardiaque, sécrétion hormonale hypophysaire et prise alimentaire (Janecka et al. 2004).

5.3.4 Endomorphines

En 1997, le groupe de Zadina a mis en évidence une séquence biologique Tyr- Pro-Trp-Phe-NH2 dans le cerveau bovin (Zadina et al. 1997). Cette séquence a été retrouvée également dans le cortex humain par la même équipe (Hackler et al. 1997). Ce nouveau peptide appelé endomorphine-1 présente une affinité remarquable pour les récepteurs µ (360 pM) avec une séléctivité 4000 fois plus grande pour les récepeteurs µ que pour les récepteurs δ et 15000 fois plus importante que pour les récepteurs κ. Ce peptide a montré une efficacité sur les récepteurs µ particulièrement convaincante dans les essais sur le l’iléon de hamster. Ce peptide possède également une activité analgésique in vivo dans le test de l’immersion de la queue par les deux équipes. Un deuxième peptide, Tyr-Pro-Phe-Phe-NH2, différent d’un acide aminé de l’endomorphine-1, nommé endomorphine-2 et présentant des propriétés très similaires à son homologue à également été identifié par la même équipe. Le précurseur de ces deux peptides opioïdergiques endogène n’a toujours pas été identifié.

5.3.4.1 Structure et activité

La structure de ces deux peptides est différente de celle des autres opioïdes endogènes qui présentent tous une séquence Tyr-Gly-Gly-Phe à leur extrimité N- terminale. La séquence N-terminale de l’endomorphine-1 est composée de 2 résidus pharmacophoriques, Tyr et Trp (dans l’endomorphine-2, Trp est remplacé par Phe), les groupements amine et phénole de la Tyr et l’anneau aromatique du Trp (ou Phe) sont essentiels pour l’interaction avec le récepteur µ. La séquence des endomorphines comprend également un coude proliné qui lie les résidus pharmacophores. Plusieurs équipes ont publié une étude comparative de l’endomorphine-1 afin d’identifier sa conformation et ses attributs responsables de sa sélectivité pour les récepteurs µ (Podlogar et al. 1998; Paterlini et al. 2000; Keller et al. 2001).

5.3.4.2 Distribution

Des études radioimmunologiques et immunocytochimiques ont révélé la distribution des endomorphines dans les systèmes nerveux centraux chez l’Homme, les bovidés et les rongeurs (Hackler et al. 1997; Martin-Schild et al. 1997; Schreff et al. 1998; Martin-Schild et al. 1999; Pierce and Wessendorf 2000). Les endomorphines sont abondantes au niveau de la strie terminale, de la substance grise périaqueducale, du locus ceruleus, du noyau parabrachial, et du noyau du tractus solitaire. Il existe cepedant quelques différences de distribution entre les deux peptides. L’endomorphine-1 est distribuée largement et abondamment au niveau du cerveau et du tronc cérébral, plus particulièrement au niveau du noyau accumbens, du cortex, de l’amygdale, du thalamus, de l’hypothalamus, du striatum et des ganglions spinaux (Schreff et al. 1998; Martin-Schild et al. 1999). L’endomorphine-2 est plus abondante au niveau de la moelle épinière et dans la partie inférieure du tronc cérébral (Martin-Schild et al. 1999; Pierce and Wessendorf 2000). On la retrouve également au niveau de l’hypothalamus, du noyau du tractus solitaire et des fibres variqueuses de la substance gélatineuse de la corne postérieure de la moelle épinière et de façon moins importante dans le noyau accubens, la substance noire, le noyau du raphe magnus, l’aire tegmentale ventrale, le noyaux du ponts et l’amygdale. La différence de distribution de ces deux peptides semble indiquer qu’ils pourraient avoir deux précurseurs différents ou un précurseur commun pouvant être dissocié de deux manières différentes.

La distribution des endomorphines dans le système nerveux central est assez similaire à celle des autres peptides opioïdes. Cependant, dans le cas de l’endomorphine-2, deux différences majeures existent. À la différence des enképhalines et des dynorphines, l’endomorphine-2 est retrouvée au niveau de l’hippocampe et du striatum similairement à la β-endorphine.

En dehors du système nerveux central, on retrouve ces deux peptides dans deux organes lymphoïdes, le thymus et la rate mais aussi dans certaines cellules (monocytes/macrophages, lymphocytes et polynucléaires neutrophiles) participant aux réactions inflammatoires (Mousa et al. 2002).

5.3.4.3 Effets centraux

L’administration intrathécale d’endompohines induit une analgésie, bloquée par l’injection préalable d’antagonistes des récepeteurs µ. Cette analgésie ne semble pas faire intervenir de composante sérotoninergique (Ohsawa et al. 2001a; Hung et al. 2003).

L’injection supraspinale (i.c.v) d’endomorphine-2 et non d’endormorphine-1 induit une inhibition dans le test de « tail-flick » qui est bloquée par l’administration préalable d’antisérum contre la dynorphine A-(1-17) et aussi par la norbinaltomorphimine, un antagoniste spécifique des récepteurs κ. Il est également intéressant de noter que les effets analgésiques de l’injection intracérébroventriculaire (i.c.v.) d’endomorphine-2 sont abolis par l’injection intrathécale préalable d’antisérum contre la Met-enkaphaline et le naltriben (Tseng et al. 2000). Ces expériences indiquent que l’injection supraspinale d’endomorphine-2 induit une analgésie par l’intermédiaire du relargage de plusieurs acteurs, la dynorphine A-(1-17) agissant sur les récepteurs opioïdergiques κ et la Met- enképhaline stimulant les récepteurs δ2.

5.3.4.4 Effets périphériques

L’administration périphérique d’endomorphines produit des effets analgésiques via la stimulation des récepteurs opioïdergiques µ et κ au niveau des fibres afférentes primaires (Kolesnikov and Pasternak 1999; Nozaki-Taguchi and Yaksh 1999; Craft and Lee 2005) mais les mécanismes exacts en cause n’ont pas été clairement élucidés.

5.3.4.5 Effets sur l’activité locomotrice

Fichna et collaborateurs ont démontré que l’administration i.c.v. d’endomorphines n’induit pas les mêmes effets délétères que la morphine sur l’activité locomotrice des rongeurs (Fichna et al. 2007b).