• Aucun résultat trouvé

3. Neurobiologie des Emotions

Dès 1937, James Papez propose un circuit cérébral comme mécanisme émotionnel, faisant le lien entre perception, action et émotion. Celui-ci serait composé du système limbique et de structures sous corticales. Le système limbique définit par Paul Broca au XIXième siècle se trouve enfoui à l’intérieur du lobe temporal et est composé de l’hypothalamus, de l’hippocampe (HPC), du fornix et du gyrus cingulaire. Le circuit de Papez, ou circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire, est impliqué dans le traitement de l’information émotionnelle mais également dans la mise en mémoire des informations ayant une charge émotionnelle (figure 2). L’hypothalamus (plus précisément les corps mamillaires), les noyaux antérieurs du thalamus, le gyrus cingulaire, l’HPC et leurs interconnexions constituent anatomiquement un circuit bien défini. Il sert à coder la valence émotionnelle des stimuli, à évoquer l’expérience subjective des émotions et à générer les réponses comportementales correspondantes. Papez propose que l’hypothalamus ait pour fonction d’attribuer une valence émotionnelle aux afférences sensorielles et de provoquer les réponses expressives et motrices correspondantes, tandis que le gyrus cingulaire (la partie corticale du circuit) serait impliqué dans l'élaboration de l'expérience émotionnelle.

Cependant, durant les années suivantes, un nombre important de recherches menées chez l'animal mais également chez l’Homme ont conduit à introduire des modifications sensibles au modèle anatomique des émotions proposé par Papez en soulignant notamment le rôle majeur joué par l'amygdale dans les traitements émotionnels. L'amygdale, et non l'hypothalamus, constituerait l'une des structures clés où les informations provenant du monde extérieur acquièrent une coloration émotionnelle.

Figure 2 : Le circuit de Papez

L’information entre par l’hippocampe (1) qui projette vers les corps mamillaires (2). L’information transite ensuite par le thalamus (3) puis le gyrus cingulaire (4) avant de revenir vers l’hippocampe. (Illustration tirée du Larousse).

Introduction Générale – Notions d’Emotions

31

Reprenant les travaux de Papez et de ses confrères, Paul MacLean décrit dès 1952 une vision neuro-anatomique permettant d’appuyer les théories évolutionnistes, le cerveau tri-unique (MacLean, 1985). D’après cette vision, le cerveau humain, dont l’évolution est maximale, serait en fait composé de trois strates différentes dépendantes du niveau d’évolution (figure 3). La base de chaque animal, le cerveau reptilien, dit aussi primitif, serait à la base du fonctionnement cérébral et serait apparu il y a 400 millions d’années. Au-dessus de ce premier cerveau, le cerveau paléo-mammalien, ou limbique, serait lui apparu plus tard, chez les mammifères. Il serait responsable de l’intégration et de l’expression des émotions ainsi que des phénomènes mnésiques avancés. Pour finir, le cerveau néo-mammalien, ou néo cortex, propre à l’Homme, serait beaucoup plus récent (moins de 4 millions d’années) et serait impliqué dans le raisonnement logique, le langage et les phénomènes d’anticipation. La totale indépendance des 3 cerveaux est aujourd’hui rejetée au profit de modèles mettant l’accent sur les interactions dynamiques entre toutes les structures cérébrales (Koelsch et al., 2015).

L’importance des dialogues entre le système limbique et les structures corticales a également été démontrée par les travaux d’Antonio Damasio en 1985. Les arguments en faveur de ces dialogues proviennent de patients présentant des lésions du cortex préfrontal (Damasio et al., 1985). Ces patients font preuve de comportements purement rationnels sans tenir compte du poids émotionnel de leur action. En 1994, Antonio et Hanna Damasio reprennent le cas Phinéas Gage, blessé par une barre de métal lésant les lobes frontaux, ce qui avait entrainé un brutal changement de « comportement ». Harlow fut le premier à décrire le cas de Phinéas Gage (Harlow, 1868) et plus tard, Antonio Damasio conclut que « son cerveau ne faisait plus le lien entre raison et émotion ». Pour lui, l’émotion assiste le raisonnement,

Figure 3 : Le cerveau triunique de MacLean

Selon MacLean le cerveau humain se compose du cerveau reptilien (en vert), du cerveau paléo-mammalien (en bleu) et du néo-cortex (en orange). (Illustration de Pascal Marseaud©)

Introduction Générale – Notions d’Emotions

32

surtout s’il s’agit de décisions personnelles et sociales. Damasio énonce par la suite la théorie des marqueurs somatiques (Damasio, 1996) en reprenant une partie de la théorie de James et Lange. L’information sensorielle en provenance d’un stimulus est intégrée par le cortex préfrontal et l’amygdale qui déclenchent une réponse corporelle aussi appelée marqueur somatique. Ce dernier est par la suite associé à une émotion, plaisante ou non, puis enregistré afin de permettre une meilleure prise de décision si la situation d’origine se représente. Le souvenir des émotions passées, réactivé par un circuit neuronal qui prend en compte les modifications corporelles liées à l’émotion va ainsi influencer la décision finale en attirant l’attention sur les conséquences à venir. Ces « marqueurs » sont issus de notre mémoire émotionnelle qui catégorise petit-à-petit les stimuli (joie, peur, colère, etc.) avec un des états corporels plaisants ou déplaisants. Les patients « préfrontaux » sont privés de ces marqueurs somatiques qui orientent vers les bonnes décisions, ce qui crée chez ces patients une complexification dans les processus de prise de décision. Damasio donne ainsi une part importante à la fois à la cognition et au système limbique dans l’intégration et l’expression de stimuli émotionnels, à visée adaptative et anticipatoire.

Ainsi, on comprend que le système limbique reçoive un grand intérêt de la part de la communauté scientifique dans le sens où il est impliqué dans de nombreuses grandes fonctions comme l’apprentissage, la prise de décision, la mémoire et les émotions. Le système limbique a ainsi été reconnu comme un support structurel de l’intégration et de l’expression des émotions. Ces dernières sont aujourd’hui considérées comme étant universelles et ont une fonction adaptative et préparatoire pour l’organisme. Ce dernier ajustera sa réponse face au stimulus en fonction du type de comportement à réaliser, le combat ou la fuite par exemple (Cannon et Bard). Les travaux sur les émotions et leur relation avec le système limbique, ont amené de nombreux chercheurs à étudier les déclencheurs de certaines émotions et donc à s’intéresser au stress comme initiateur d’état émotionnel et composante adaptative de l’individu.

Introduction Générale – Neuropsychobiologie du Stress

33

Neuropsychobiologie du Stress

Le stress, mot anglais, provient du latin stingere « mettre sous tension ». Il désigne à l’origine la force exercée sur un organisme qui le contraint ou le déforme et la réaction de ce même organisme résistant à cette force. Il définit à la fois la cause (le facteur environnemental créant cet état) et la conséquence (l’état de stress en lui-même et les réponses adaptatives associées).