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Navigation des axones commissuraux – Exemple de la moelle épinière

III. Plaque du plancher et guidage axonal

2. Navigation des axones commissuraux – Exemple de la moelle épinière

Dans le cas de la moelle épinière, on retrouve différentes populations d’interneurones se situant toutes dans le domaine dorsal. Ces populations sont réparties de la plus dorsale, dI1, à la plus ventrale, dI6. Il existe également deux populations apparaissant tardivement : dILA et dILB. Chaque population peut ensuite être subdivisée en fonction de critères comme l’expression de marqueurs spécifiques, leur localisation finale, ou leur projection axonale. Ainsi, la population de dI1 est composée des dI1i (neurones ipsilatéraux) et dI1c (neurones commissuraux) (Chizhikov and Millen, 2005; Lai, Seal and Johnson, 2016). C’est sur la relation entre cette sous-population dI1c et la PP que portent mes travaux.

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a. Différents domaines permettent la navigation de l’axone jusqu’à la plaque du plancher

Au sein de la moelle, la PP n’est pas la seule source de signaux de guidage axonal (Fig. 4A). Au début de leur croissance, les axones se dirigent ventralement en réponse aux signaux répulsifs émis par la plaque du toit. Deux signalisations entraînent cette orientation : GDF7 et BMP7 via le récepteur BMPR-IB (Augsburger et al., 1999; Butler and Dodd, 2003) et Draxin via le récepteur DCC (Islam et al., 2009;

Ahmed et al., 2011).

Une fois la croissance initiée, la Netrin-1 exprimée par la DREZ zone d’entrée des axones des ganglions dorso-rachidiens (DRG) et la DRBZ zone de bifurcation des axones de DRG va agir via DCC (pour la DREZ) et l’hétérodimère DCC/Unc (pour la DRBZ) afin de confiner les axones dans la moelle (Ducuing et al., 2017; Varadarajan and Butler, 2017). Les méninges semblent également jouer un rôle répulsif de confinement, bien que les études in vivo soient encore rares (Suter, DeLoughery and Jaworski, 2017). S’ils y restent confinés, les axones n’envahissent pas pour autant toute la moelle, mais poussent le long de la surface piale. Ils évitent ainsi la zone ventriculaire (VZ), composée de progéniteurs neuraux. En 2017, deux études révèlent le rôle de confinement que jouent ces progéniteurs en exprimant de la Netrin-1 qu’ils transportent le long de leur prolongement basal pour la déposer sur la surface piale (Dominici et al., 2017; Varadarajan et al., 2017). L’expression de Netrin-1 par les progéniteurs restreint la pousse axonale le long de la surface piale, mais ce n’est sans doute pas la seule signalisation empêchant l’invasion de la VZ.

A l’approche du domaine des motoneurones, les axones vont s’éloigner de la surface piale pour se diriger vers la PP en évitant les motoneurones. Ces derniers expriment NELL-2 qui va agir via le récepteur Roundabout3 (Robo3) pour empêcher les axones de pénétrer dans le domaine des motoneurones (Jaworski et al., 2015). D’autres signaux répulsifs sont exprimés par les motoneurones, notamment des Slits et Sémaphorines (Sema), mais leur implication directe n’a pas encore été démontrée (Brose et al., 1999; Moret et al., 2007; Sanyas et al., 2012).

28 Figure 4. Navigation des axones commissuraux dans la moelle épinière

Les axones commissuraux naviguent ventralement, traversent la plaque du plancher (PP), puis tournent rostralement. (A) Cette trajectoire stéréotypée repose sur plusieurs sources de signaux. 1.

Les axones sont repoussés par les signaux répulsifs diffusant depuis la plaque du toit (en bleu à gauche). 2. Ils poussent le long de la surface piale (en vert) où se situent des attractants déposés par les progéniteurs (en cyan). 3 et 4. La DREZ/DRBZ (en rouge) et les méninges (en gris) confinent les axones dans la moelle. 5 et 6. Les axones tournent ensuite en direction de la PP, et longent le domaine des motoneurones (en rose). Leur trajectoire est canalisée par des signaux provenant des motoneurones et de la zone ventriculaire (en cyan). 7. Les axones sont ensuite attirés par des gradients de signaux provenant de la PP. 8. Au niveau de la PP, les axones interagissent avec la lame basale (en vert) et naviguent à travers les pieds basaux des cellules gliales de la PP. Au cours de leur traversée, ils sont sensibilisés à différents signaux répulsifs de la PP et en sont expulsés. 9. Certains effectuent alors un virage serré, rostralement, et naviguent dans le funicule ventral sans jamais retraverser la PP.

D’autres vont continuer de naviguer tout droit, puis tourner dans le funicule latéral. Dans les deux funicules, les axones voyagent en faisceau. (B) Représentations en livre-ouvert permettant de visualiser les trajectoires dans les funicules ainsi que la morphologie des cônes de croissance (CC) dans les différents territoires. En pré-traversée, ils sont allongés dans l’axe rostro-caudal et présentent des lamellipodes, mais peu de filopodes. Dans la PP, ils adoptent des morphologies variées, mais toujours écrasée dans l’axe rostro-caudal. Ici, c’est une morphologie fusiforme qui est représentée. A la sortie de la PP, les CC possèdent une morphologie étalée similaire à celle des CC pré-traversée. Dans le funicule ventral, les CC possèdent des lamellipodes, mais peu de filopodes. Aucune donnée n’est disponible pour les CC dans le funicule latéral, celui présenté ici est donc le même cône que dans le funicule ventral. Les CC sont adaptés de Yaginuma et al. 1991.

Pré traversée Traversée Post traversée

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b. La plaque du plancher influence la navigation pendant et après la traversée

Les axones commissuraux pénètrent ensuite la PP au niveau des pieds basaux des cellules gliales.

Lors de cette traversée, les axones forment un faisceau plus compact et même leurs cônes de croissance changent de forme. Avant la traversée, ils présentent une structure aplatie perpendiculairement à la direction de la pousse (Fig. 4B). Pendant la traversée, ils présentent des morphologies variées du simple cône fusiforme au cône de croissance complexe avec filopodes et lamellipodes (Yaginuma et al., 1991). Toujours pendant la traversée, les axones sont sensibilisés aux signaux répulsifs de la PP, ce qui leur permet d’être expulsés dans le domaine contralatéral. Chez les vertébrés, les axones commissuraux se séparent alors en deux : certains naviguent dans le funicule ventral, les autres dans le funicule latéral (Fig. 4B). Les mécanismes contrôlant ce choix ne sont pas encore connus, mais les récepteurs Robo, la molécule d’adhésion N-cadherin, et la signalisation EphB3/EphB semblent être impliqués (Imondi and Kaprielian, 2001; Kadison et al., 2006; Jaworski and Tessier-Lavigne, 2012; Sakai et al., 2012; Pignata et al., 2019).

Une fois sortis de la PP et dans le funicule qui leur correspond, les axones commissuraux tournent rostralement et se dirigent vers le cortex, en suivant une trajectoire longitudinale. Cette trajectoire dépend de deux gradients chimiques établis par les cellules de la PP et s’étendant le long de l’axe rostro-caudal : un gradient attractif de WNT attire les axones rostralement, pendant qu’un gradient répulsif de Shh les empêche de se diriger caudalement (Lyuksyutova et al., 2003; Bourikas et al., 2005).

Les axones du funicule ventral longent la PP sans jamais la retraverser, indiquant que leur sensibilisation aux signaux répulsifs est définitive.

3. Influence physique et moléculaire de la plaque du plancher sur la navigation des