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Développement de la plaque du plancher de la moelle épinière

I. Plaque du plancher et développement

2. Développement de la plaque du plancher de la moelle épinière

a. La plaque du plancher possède une origine différente du reste de la moelle

Dans l’expérience de Spemann et Mangold, la PP et la notochorde de l’embryon siamois sont constituées des cellules greffées, contrairement au reste de la moelle. Cela suggère que les cellules de

14 la notochorde et de la PP ont une origine partagée, mais également que celle-ci diffère de l’origine du reste de la moelle. Différentes études chez l’embryon aviaire exploitent le « fate mapping » pour montrer que la PP et la notochorde proviennent de régions chevauchantes de l’épiblaste, confirmant ainsi l’hypothèse d’une origine partagée (Glenn C. Rosenquist, 1966; Nicolet, 1970; Smith and Schoenwolf, 1989; Selleck and Stern, 1991). Parmi ces études, certaines suggèrent également que la PP et la notochorde dérivent du nœud de Hensen. Pour étudier cette possibilité, Charrier et al.

remplacent le nœud de Hensen d’embryons de poulet par celui d’un embryon de caille et observent que la notochorde et la PP sont toutes les deux composées de cellules de caille (Charrier et al., 2002).

A l’inverse, en remplaçant la future plaque neurale de l’embryon de poulet par celle d’un embryon de caille, en position caudale par rapport au nœud de Hensen, Charrier et al. montrent qu’au sein de la plaque neurale, composée de cellules de caille, la PP est constituée de cellules de poulet. L’ensemble de ces résultats montre que la PP possède une origine différente du reste de la plaque neurale, mais ils suggèrent également une séquence développementale spécifique : 1) alors qu’il se déplace caudalement, la prolifération des cellules du nœud de Hensen génère une corde médiane de cellules et 2) cette corde va rapidement se séparer en deux : une partie ventrale qui va générer la notochorde ; une partie dorsale qui va progressivement s’incorporer à la plaque neurale (issue du neuroectoderme), au niveau de la ligne médiane, pour devenir la notoplaque (future PP) (Fig. 1A) (Catala, Teillet and le Douarin, 1995; Catala et al., 1996; Charrier et al., 2002).

A ce stade du développement, la plaque neurale n’est qu’un simple épithélium. Ses extrémités vont se rapprocher, formant ainsi des plis neuraux, puis fusionner pour former le tube neural. Les cellules neuroépithéliales vont ensuite continuer de proliférer, puis elles se différencient. C’est à ce moment que l’on parlera de moelle épinière (Fig. 1B - 1F).

Lors de la fermeture du tube neural, les cellules dans la région de fusion forment une ligne médiane appelée la plaque du toit, alors que les cellules de la ligne médiane ventrale (notoplaque) se différencient pour former la plaque du plancher. Il est intéressant de noter que la notochorde et les cellules de la notoplaque sont en contact direct durant les trois premières étapes mentionnées précédemment, avant de s’éloigner une fois la PP différenciée et la moelle épinière formée. Cette observation suggère que la notochorde pourrait avoir un impact sur la notoplaque et son développement en PP.

15 Figure 1. Représentation schématique de la formation de la moelle épinière

(A) Plaque neurale. Le mésoderme du nœud primitif donne les cellules de la notochorde et de la notoplaque. Ces dernières s’insèrent dans la plaque neurale, au niveau de la ligne médiane. A ce stade, la plaque neurale n’est qu’un simple épithélium avec des cellules du mésoderme à la ligne médiane.

La notochorde est en contact direct avec la notoplaque. (B, C, D) Plis neuraux. Les cellules de la notoplaque adoptent une morphologie triangulaire. Ce changement participe aux forces mécaniques permettant aux extrémités de la plaque neurale de se rapprocher, mais n’est pas indispensable. (E) Tube neural. Les cellules des extrémités de la plaque neurale fusionnent. Les cellules de la ligne médiane dorsale se différencient pour former la plaque du toit, alors que celles de la notoplaque se différencient pour former la plaque du plancher (PP). (F) Moelle épinière. Les cellules neuroépithéliales prolifèrent et se différencient pour former les différents types cellulaires de la moelle. La notochorde n’est plus au contact de la PP. (G) Morphologie d’une moelle épinière de souris à E12.5 ou de poulet à E4. A ce stade, les axones des motoneurones sont déjà sortis de la moelle et la majorité des axones commissuraux traverse ou a déjà traversé la PP.

Notoplaque

Notochorde

Neuroépithélium

Plaque du toit

Plaque du plancher

Dorsal

Ventral

Droite Gauche

Neurones commissuraux

Progéniteurs neuraux

Motoneurones Plaque du plancher latérale

Plaque du plancher médiale

A. B. C.

D. E. F.

G.

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b. La notochorde induit le développement de la plaque du plancher

Pour confirmer cette théorie, des premières expériences d’ablation de la notochorde (chez des amphibiens, avant fermeture du tube neural) montrent que la PP ne se forme pas sans notochorde (Kitchin, 1949; van Straaten and Drukker, 1987; Jessell et al., 1989). La conclusion de ces expériences est que la notochorde permet l’induction de la PP, mais un doute subsiste : n’est-ce pas seulement l’ablation d’une structure en contact direct avec la notoplaque qui va l’endommager et empêcher sa différenciation en PP ? Entre 1985 et 1987, grâce à des greffes ectopiques de notochorde, van Straaten et Drukker confirment que la notochorde induit un changement morphologique du tube neural similaire à la présence d’une PP supplémentaire. De plus, les cellules au contact de la notochorde adoptent une morphologie similaire à celle des cellules de la PP (van Straaten et al., 1985; van Straaten and Drukker, 1987; Jessell et al., 1989). Il faut attendre 1991 pour confirmer que les cellules à proximité de la notochorde greffée expriment des marqueurs de PP (Placzek et al., 1991; Yamada et al., 1991).

Dans les travaux cités précédemment, les auteurs montrent qu’une faible distance (<30µm) entre la notochorde greffée et la moelle est nécessaire pour induire une PP. Tous ces travaux montrent donc que la formation de la PP dépend de la notochorde, et la faible distance requise pour cette induction suggère l’implication de signaux à forte concentration, ou bien de signaux piégés dans la matrice extracellulaire (MEC) de la notochorde (van Straaten et al., 1985, 1988).

Une greffe de notochorde au contact de la moelle induit donc une PP exogène, mais greffer une PP de la même manière aura le même effet, soulignant le lien fort entre notochorde et PP (Yamada et al., 1991). De plus, il est étonnant de voir que, si la PP endogène a une origine différente des autres cellules de la moelle, ces dernières peuvent toutefois se différencier en cellules de PP au contact d’une notochorde ou PP. Ce mécanisme d’induction homéogénétique permet potentiellement d’avoir une PP fonctionnelle et composée d’un nombre de cellules gliales suffisant, même en cas de malformation de la notoplaque. Cette caractéristique développementale sous-entend une importance de la PP dans le développement subséquent du reste de la moelle. Importance confirmée par le fait que, si la PP est dépendante d’organisateurs pour sa mise en place (nœud primitif et notochorde), elle est elle-même considérée comme un organisateur. Dans la prochaine sous-partie, je développerai les différentes caractéristiques permettant de la classifier en tant que tel.

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