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Influence physique et moléculaire de la plaque du plancher sur la navigation des axones

III. Plaque du plancher et guidage axonal

3. Influence physique et moléculaire de la plaque du plancher sur la navigation des axones

a. Des signaux chimiques exprimés par la plaque du plancher attirent les axones

Nous avons vu que la PP est une structure que les axones commissuraux vont d’abord approcher, traverser, puis longer. Ici, je détaillerai un peu plus le contrôle du guidage axonal par la PP. En effet, ce domaine exprime une grande quantité de signaux, attractifs et répulsifs, formant ainsi des gradients aussi bien rostro-caudaux que ventro-dorsaux au sein de la moelle. Shh, que j’ai cité en tant que répulsif précédemment, forme en fait deux gradients : un gradient dorso-ventral attractif pour amener les axones à la PP avant leur traversée, et un gradient un rostro-caudal répulsif pour diriger rostralement les axones (Charron et al., 2003; Bourikas et al., 2005). L’expression de VEGF par la PP participent également à l’attraction des axones par la FP (Ruiz de Almodovar et al., 2011). La Netrin-1

30 exprimée par la PP a longtemps été considérée comme un exemple de gradient attractif. Cependant, deux études de 2017 réfutent ce modèle en montrant que les axones atteignent la PP sans présenter de défauts, malgré l’invalidation conditionnelle de la Netrin-1 dans la PP (Dominici et al., 2017;

Varadarajan et al., 2017). Ces études ont eu un impact important sur la vision du guidage axonal, puisqu’elles ont remis en question le dogme des gradients et souligné l’importance des mécanismes de guidage locaux.

En plus de signaux attractifs, certaines molécules d’adhésion sont exclusivement présentes dans la PP. On y trouve p84 (Chuang and Lagenaur, 1990), N-CAM poly-sialylate (Bovolenta and Dodd, 1990;

Griffith and Wiley, 1991), GP-90 (Moss and White, 1989), et F-spondin (Klar, Baldassare and Jessell, 1992). Ces molécules d’adhésion pourraient servir de substrat de croissance et favoriser la traversée des axones (Bovolenta and Dodd, 1990). Il est également possible que les axones commissuraux tournant dans le funicule ventral après la traversée soit influencés par une adhésion préférentielle aux cellules de PP (Bovolenta and Dodd, 1990).

b. La plaque du plancher est un environnement contraignant pour les axones

Une fois dans la PP, les cônes de croissance sont avant tout soumis à un environnement bien plus contraignant physiquement les empêchant possiblement de faire demi-tour pendant la traversée (Bovolenta and Dodd, 1990). De plus, des contraintes mécaniques externes peuvent réguler localement l’ouverture de canaux ioniques, modifiant ainsi la concentration de composants clefs du remodelage du cytosquelette (Tyler, 2012). Enfin, une contrainte de pression pourrait également favoriser la pousse vers l’avant en agissant directement sur l’actine et les microtubules (Heidemann and Buxbaum, 1990). L’impact del’environnement physique sur la croissance axonale n’est pas encore bien compris, mais plusieurs études soulignent l’importance des contraintes mécaniques d’un environnement tridimensionnel pour un guidage axonal correct (Francisco et al., 2007; Franze, 2013;

Kerstein, Nichol and Gomez, 2015; Koser et al., 2016; Thompson et al., 2019). Des études de microscopie électronique suggèrent que les pieds basaux des cellules de PP, domaine de passage des axones, sont aplatis et en contact étroit avec les axones (Glees and LeVay, 1964; Yaginuma et al., 1991).

Une autre approche, basée sur un marquage lacZ, décrit également de fines excroissances latérales entourant les axones, mais les auteurs précisent qu’il pourrait s’agir d’artefact de marquage (Campbell and Peterson, 1993). Si la morphologie précise des cellules de la PP reste encore à élucider, leur contact direct avec les axones vient renforcer l’hypothèse selon laquelle les cellules de la PP et leurs molécules d’adhésion pourraient agir comme un substrat physique de pousse axonale.

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c. De nombreux signaux répulsifs sont exprimés par la plaque du plancher sans empêcher la traversée des axones commissuraux

Au cours de la traversée, les axones vont également devenir sensibles à de nombreuses signalisations répulsives de la PP. On trouve entre autres les couples suivants (ligand de la PP/récepteur du CC) : EphrinB3/EphB3 (Kadison et al., 2006), NOGO/NOGOR (Wang et al., 2017), PlxnA2/Sema6B (Andermatt et al., 2014), Sema3B/PlxnA1-Nrp2 (Charoy et al., 2012), Slit2N/Robo1-2 (Kidd, Bland and Goodman, 1999) et Slit2C/PlxnA1 (Delloye-Bourgeois et al., 2015). La présence d’une grande quantité de signalisations répulsives soulève plusieurs possibilités : 1) il y a beaucoup de redondance pour augmenter la robustesse, car la traversée est essentielle et il existe donc des mécanismes de contrôle renforcé ; 2) les différentes signalisations répulsives n’ont pas toutes le même rôle et permettent ainsi d’ajuster avec précision la traversée ; 3) la vision dogmatique qui considère ces signalisations comme répulsives est incorrecte ou incomplète ; 4) un mélange des trois premières possibilités.

Un dernier rôle essentiel de la PP a été observé par Placzek et al. En l’absence de PP et de notochorde, les axones se dirigent ventralement, mais projettent hors de la moelle au niveau ventral (Placzek et al., 1991). La PP n’a donc pas qu’un rôle de cible intermédiaire, mais permet également le confinement des axones dans la moelle. Cependant, il n’est pas encore clair si ce rôle est directement joué par la PP ou si elle permet le développement d’une barrière. De plus, Placzek et al. effectuent une ablation de la notochorde pour empêcher la formation de la PP, il est donc possible que le confinement des axones dépende de la notochorde et non pas de la PP.

La traversée de la plaque du plancher est donc une étape essentielle permettant d’interconnecter les deux côtés du SNC, mais également complexe car théâtre de nombreuses signalisations. Le cas des signalisations répulsives est intrigant, car la présence d’un grand nombre de ces signaux dans la PP n’empêche pas la traversée des commissuraux. A première vue, le rôle des signaux répulsifs est encore plus paradoxal que leur présence, puisque leur absence engendre des défauts de traversée : certains axones mettent plus de temps à traverser, d’autres font même demi-tour. Les axones commissuraux semblent donc insensibles aux signaux répulsifs, avant leur traversée, mais un gain de sensibilité a lieu pendant qu’ils traversent la PP. Cette sensibilisation n’empêche pas la pousse de l’axone, mais va au contraire accélérer la sortie de la PP, indiquant qu’elle est possiblement importante pour contrecarrer l’affinité des axones pour la PP et les expulser. Cependant, elle ne doit pas être activée trop tôt pour permettre aux axones de pénétrer la PP. Le gain de sensibilité doit donc être finement contrôlé.

J’exposerai ici certains mécanismes impliqués à travers quatre exemples : Shh, Sema3B/PlxnA1-Nrp2, SlitN/Robo, et SlitC/PlxnA1.

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