• Aucun résultat trouvé

Le choix du symbolisme au seuil de la modernité, entre mythologie et sciences

C. La formation d’une esthétique symboliste en France

4. Le mythe dans l’art symboliste : une œuvre mythologique et mythique

La création symboliste cherche à revêtir le caractère sacré que détenait la poésie à ses origines. L’Art devient culte278

et la poésie, considérée comme l’art suprême, est existence absolue, « une existence au-delà de l’expérience », ou « expérience de l’absolu »279. L’élément mythique est un facteur indissociable de la littérature symboliste, il est déterminant dans la conception de la poésie et du rôle du poète. « La poésie symboliste n’est pas seule à appeler l’épithète de mythologique », rappelle Pierre Brunel, avant d’ajouter, « pourtant la poésie symboliste se distingue des autres à cet égard. Sa démarche est proprement mythique […] »280

.

La poésie symboliste est travail sur une vision qui est celle de la vie dans toute sa complexité, et avec ses mystères que la raison ne peut élucider. Cette vision est conçue dans sa relation à l’individu et à son niveau cosmique, en toute conscience du caractère subjectif d’une telle approche. Conscient des limites de sa tentative, le poète n’ambitionne guère une traduction claire de ce qui reste insondable, mais une évocation qui parle par elle-même et constitue la seule approche possible d’une réalité multiple dont seuls sont connus des éléments extérieurs.

Dès lors, l’expression symbolique s’impose. Observée sous des angles différents, une même figure paraît autre. Le symbole n’en fixe pas une face, mais les présente toutes. L’artiste symboliste, qui cherche à façonner une représentation complexe, a naturellement recours à l’expression mythique, traditionnelle ou nouvelle. Les figures mythiques émergent de l’inconscient poétique, entraînant avec elles un large champ sémantique, leur charge émotionnelle et intellectuelle. Toutefois, perpétuellement insatisfait d’une évocation qu’il ressent comme insuffisante, Mallarmé retravaille son œuvre, projection de sa vision, tout au long de sa vie.

L’image en la parole, moyen d’expression et matière première du poète, fait l’objet d’un effort de purification par lequel on fait ressortir sa valeur indicielle. L’artiste dégage le mot, et donc l’image qu’il évoque, de l’utilisation communément limitative et du lest accumulé qui les a fait dévier de leur signification originelle. Il remonte ainsi à l’état premier, métaphorique, du langage et à l’œuvre première,

278 Cf. les manifestations de la Rose-Croix inspirées par Péladan.

279 Cf. Andrew FREY, Motif Symbolism in the Disciples of Mallarmé, op. cit., p. 137-138 et Paul VAN TIEGHEM, Dictionnaire des littératures, op. cit., p. 3807.

mythique, de l’homme, une forme plus appropriée du discours qu’il tient sur lui-même. Ces créations satisfont à toutes les exigences de la poésie symboliste : beauté, émotion, idée, transcendance, exprimées dans un langage symbolique, par le biais de l’image sensorielle.

La recherche de la vérité première qui sous-tend l’existence, et de sa cristallisation qui la rend accessible, lie la tentative symboliste au domaine du religieux et de la philosophie. Guy Michaud définit le symbolisme comme « un effort de retrouver la doctrine traditionnelle, celle qui est à la base de toutes les philosophies antiques et des grandes religions et dont les échos affaiblis sont parvenus jusqu’à lui »281. Ces « échos affaiblis » sont les mythes et légendes que les peuples ont conservés durant des millénaires, preuve de la permanence de leur sens. Le retour vers les traditions est encore une tentative de redécouvrir leur magie – force créatrice ou incantatoire dont se sont servis les mages et prêtres des religions anciennes – et le mystère des livres sacrés, révélations de vérités cachées. Ainsi, la tentation de l’ésotérisme et de l’occultisme trouve de nombreux adeptes dans les milieux symbolistes282. Le poète approche son art avec la solennité du prêtre, la poésie devient religion ouverte aux seuls initiés. Au-delà de la caricature des cérémonies d’un Péladan, il convient de rappeler les articles de prose de Mallarmé283 et l’atmosphère de dévotion qui règne dans le cercle des mardis, imités plus tard lors des soirées de rencontre avec Stefan George.

On a parlé du maniérisme de l’imagerie symboliste et, si ce qualificatif paraît plutôt propre à l’art décadent, il faut néanmoins constater avec Henri Peyre :

« Les poètes de 1885 fuyaient la brutalité de la vie quotidienne et la trop exigeante peinture de la chair féminine qui risquerait de les distraire de leur rêve. De blondes princesses, des infantes en voiles blancs et robes de parade, quelques chastes nymphes, des damoiselles élues perchées sur quelque balcon céleste traversaient leur vision. »284

Certes, on découvre des constantes, voire une imagerie, dans les œuvres symbolistes. Mais si le côté « rêve et évanescence » imprègne les pièces de Maeterlinck, il ne rend pas justice à la diversité de l’expression symboliste. L’ouverture du rêve, image onirique, au mythe et à l’image traditionnelle, est celle de la sphère personnelle à la 280 Pierre BRUNEL, « L’« Au-Delà » et l’« En-Deça » », op. cit., p. 16.

281

Guy MICHAUD, Message poétique du symbolisme, Nizet, Paris 1961, p. 709. (G. Michaud souligne.)

282 Sur la place de l’ésotérisme et de l’occultisme dans la littérature symboliste, voir : Alain MERCIER,

Les Sources Esotériques et Occultes de la Poésie Symboliste 1870-1914, Nizet, Paris 1969.

283 Cf. « L’Art pour tous », « Solennité », « Magie ».

284

sphère collective285. Les images mythiques du symbolisme correspondent à une variété très hétérogène de mythes, empruntés à toutes les traditions de l’Europe et du plus lointain Orient. A côté de figures contemplatives, tel Narcisse ou Hamlet, se dressent des personnages comme Salomé, Hélène, Pan, qui agissent sur les événements de la cité. Le flou des brumes est dispersé par le soleil et l’éclat des bijoux. C’est l’idée de Guy Michaud, lorsqu’il définit l’image symboliste comme une composition de traits décadents et wagnériens :

« Si les symbolistes héritent souvent des brumes et des forêts décadentes, ils héritent bien plus encore du décor de Wagner. C’est toujours le Moyen-Âge, mais les héros casqués y voisinent avec de belles princesses, les chevaux avec les cygnes. On n’entend plus seulement la voix grêle des violons et des flûtes, ce sont les orgues, les orchestres, les symphonies. A l’instar de la quincaillerie wagnérienne, tout n’est que cliquetis, miroitement, splendeur, éblouissement. Dans les poèmes au goût symboliste, il semble qu’il n’y ait plus que de l’or : casques et glaives, joyaux de toute espèce et, par-dessus tout, le soleil. »286

Le choix des symbolistes dans l’immense vivier à leur disposition est celui des mythes ambigus, car seuls ces mythes répondent à l’exigence d’une création qui place le symbole au cœur de l’expérience poétique. « Le mythe ne sera symbolique, à proprement parler, que s’il est porteur de plusieurs significations possibles, et le lieu du mystère »287, explique Pierre Brunel. Lorsque l’ambiguïté s’installe comme le résultat du syncrétisme des personnages mythiques, on y décèle souvent la main du poète :

« Tantôt la figure mythique naît de la collusion de deux natures : faunes, chimères, sphinx, androgynes… Tantôt une même figure apparaît et disparaît dans le halo de ses significations multiples : telle Salomé, […]. Tantôt elle mêle les caractéristiques d’autres figures mythiques et devient alors le carrefour de tendances contraires – la Salomé-Artémis de Mallarmé (Hérodiade) ou de Laforgue […] s’opposant à la "Salomé des instincts" de Milosz, à la Bacchante en délire d’Oscar Wilde ou de Richard Strauss, de Kasprovicz ou de Hermann Sudermann. »288

La liste des figures mythiques qui jouissent d’une faveur particulière, comporte, outre les noms déjà cités, ceux d’Orphée et d’Ossian, symboles parfaits de l’expérience poétique et masques du poète.

285 Cf. Pierre KAUFMANN, op. cit., p. 738.

286

Guy MICHAUD, Message poétique du symbolisme, op. cit., p. 404-405.

La Demoiselle élue renvoie bien sûr au célèbre tableau du préraphaélite Rossetti La Damoiselle élue (à partir de 1865) et à son poème homonyme.

287 Pierre BRUNEL, « Littérature », Encyclopédie du Symbolisme, op. cit., p. 157.

288

a) Des points de vue symbolistes : variation autour du mythe

Les symbolistes se sont expliqués eux-mêmes à de nombreuses reprises sur la fonction du mythe dans leur création. L’année 1886, année de rupture avec l’art des décadents, produit de multiples manifestes littéraires qui, dans l’effort de dessiner une esthétique proprement symboliste, accordent une place importante à l’élément mythique.

On pense, bien sûr, au célèbre article de Jean Moréas « Un Manifeste littéraire » publié par Le Figaro du 18 septembre 1886. Moréas s’attache à la liberté de l’artiste dans l’expression mythique du roman « symbolique ». Il proclame, de façon quelque peu ésotérique, le droit à un maniement libre de l’image mythique et à l’invention selon la vision personnelle du poète ou son fantasme :

« Tantôt de mythiques fantasmes évoqués, depuis l’antique Démogorgôn jusques à Bélial, depuis les Kabires jusques aux Nigromans, apparaissent fastueusement atournés sur le roc de Caliban ou par la forêt de Titania aux modes mixolydiens des barbitons et des octocardes. […] le roman symbolique, impressionniste édifiera son œuvre de déformation subjective […] »289.

Gustave Kahn signale, dans un article de La Vogue du 28 septembre 1886, le retour de la littérature contemporaine aux racines de la langue comme une réponse au retour « des imaginations vers l’épique et le merveilleux »290. Mythe et rêve sont considérés comme presque synonymes ; en tout cas, ils répondent à un effort de détacher le symbole ou « extériorisation de l’Idée »291. Le mythe est moyen d’expression qui donne une figuration à un sens préétabli et préexistant :

« Pour la matière des œuvres, las du quotidien, du coudoyé et de l’obligatoire contemporain, nous voulons placer en quelque époque ou même en plein rêve (le rêve

étant indistinct de la vie) le développement du symbole »292.

Dans un article de L’Art moderne du 12 septembre 1886, le poète belge Emile Verhaeren découvre dans le mythe la meilleure expression de l’émotion, universellement intelligible, car liée au souvenir :

« L’expression violente du cœur a été donnée par le Romantisme, l’expression raffinée, discrète, rare de ce même cœur, voilà le rêve, doit être produite à son tour. Et se seront les sphinx, les anciens rois et les reines fabuleuses et les légendes et les épopées qui nous serviront à nous faire comprendre. Ce seront eux parce qu’ils s’imposent avec le

289 Cité par R.L DELEVOY, Le Symbolisme, op cit., p. 71.

290 Ibid., p. 74.

291 Ibid.

292

despotisme du souvenir, avec le grandissement séculaire et que nous nous voyons mieux à travers la transparence de leur mythe. »293

Au-delà des millénaires, le mythe offre une image symbolique des mouvements de l’âme. Pour Verhaeren, le récit mythique fournit un langage et des moyens d’identification qui permettent d’analyser et de comprendre l’homme contemporain :

« Un recul formidable de l’imagination vers le passé, une enquête scientifique énorme et des passions inédites vers un surnaturel vague et encore indéfini nous ont poussé à incarner dans un symbolisme étrange qui traduit l’âme contemporaine comme le symbolisme antique interprétait l’âme d’autrefois. Seulement nous n’y mettons point notre foi et nos croyances, nous y mettons au contraire nos doutes, nos affres, nos ennuis, nos vices, nos désespoirs et probablement nos agonies. »294

L’homme moderne a perdu sa foi et évolue désormais dans un monde sans dieu, sans consolation religieuse, sans référence éthique. Par le biais du mythe, il ne s’élève plus vers une transcendance divine, mais descend dans les abîmes de son moi – descente salutaire, puisqu’elle conduit à la connaissance de soi. Verhaeren est très proche d’une interprétation psychologique du mythe, comme Freud la proposera au tournant du siècle. Dans Le grand Secret, Maurice Maeterlinck témoigne de la diffusion de l’idée d’inconscient dans les milieux symbolistes : « Nous savions tous qu’une partie très importante de notre personnalité était ensevelie dans les ténèbres de l’inconscience ou de la subconscience »295.

Le livre d’Edouard Schuré, Les Grands Initiés (1889), reprend la théorie de la vérité fondamentale des mythes. Il s’agit d’extraire des textes archaïques la vérité, telle que l’ont atteinte et déposée les peuples anciens :

« Oui, cette pensée s’impose : ou la vérité est à jamais inaccessible à l’homme, ou elle a été possédée dans une large mesure par les plus grands sages et les premiers initiateurs de la terre. Elle se trouve donc au fond de toutes les grandes religions et dans les livres sacrés de tous les peuples. »296

A la recherche de réponses, l’ésotérisme offre une autre voie aux artistes en quête d’une nouvelle spiritualité. L’année précédent la publication de l’ouvrage d’Edouard Schuré, Charles Morice, dans Demain. Question d’Esthétique, avait défendu l’intérêt des symbolistes pour le mythe en ces termes :

293 Emile VERHAEREN, Art moderne, 12/09/1886, extrait dans Robert L DELEVOY., Le Symbolisme, éditions Skira, Genève, 1982, p. 108.

294 Ibid., p. 107.

295 Maurice MAETERLINCK, Le Grand Secret, 1921, extrait cité dans Alain MERCIER, Les Sources

Esotériques et Occultes de la Poésie Symboliste 1870–1914, op. cit., p. 43.

296

« Ne leur reprochez pas trop, Monsieur, d’être des mystiques et de s’éprendre de l’ésotérisme des antiques théurgies. S’ils cherchent par-delà tout Evangile précis – à cette heure où tous les évangiles tombent en ruine – une religion qui satisfasse à la fois leur cœur et leur raison dans le fond commun de toutes les religions et de toutes les métaphysiques, dans le frisson du mystère, dont certaines questions ont toujours fait frémir l’humanité, dans les hiéroglyphes de l’ancienne Egypte, dans les grimoires de Paracelse et dans les médiations de Spinoza – ne les condamnez pas si vite – êtes-vous bien sûr qu’ils aient tort ? »297

Ce texte, adressé à Anatole France, explique la tentative symboliste de retrouver dans une synthèse des textes sacrés de toutes les religions une expression religieuse qui réponde à la perte de la foi chez l’homme moderne et fournisse une explication aux questions essentielles. Il lie intimement religion, philosophie, mystère et mythe.

Dans La littérature de tout à l’heure (1889) Charles Morice déclare encore :

« Les Religions, les Légendes, les Traditions, les Philosophies sont les plus évidentes émanations de l’Absolu vers nous et les plus incontestables récurrences de nos âmes vers l’Absolu, ce songe dont nous ne pouvons nous déprendre quoique nous ne puissions davantage le pénétrer. Eh bien, Philosophies, Traditions, Religions, Légendes sont les communes et seules sources de l’Art, de celui qui selon le précepte de Pythagore et de Platon, ne chante que sur la lyre. »298

L’art se rattache également à la sphère religieuse, philosophique et au fonds populaire. En se référant à la notion d’« Absolu », Morice refuse une terminologie religieuse, préférant une abstraction plus philosophique et acceptable pour une mentalité sceptique qui répugne au surnaturel. Par l’allusion à la pensée de Platon, cet absolu tend à se confondre avec une autre formule favorite du symbolisme : l’idéal.

Le mythe apparaît en bout de chaîne chez Georges Vanor. Dans L’Art symboliste (1886), la pensée religieuse s’exprime par le symbole qui donne naissance au culte et au mythe :

« L’origine du symbole, fils de la religion, remonte aux spéculations des prêtres zoroastriens qui symbolisèrent le monde par un œuf plein de génies bienfaisants et malfaisants, et des mystagogues du temple de Thèbes qui pensèrent que dans l’œuf cosmique, Osiris enferma douze pyramides blanches et douze pyramides noires, emblèmes de la promiscuité du pur et de l’impur, de la lumière et des ténèbres. […] Et jusqu’à nos jours chaque religion revêtit de symboles les idées primordiales de son culte »299.

297 Charles MORICE, Demain. Question d’esthétique, Librairie Académique Didier, Perrin et Cie, Paris 1888, p. 25-26. Consultable sur : gallica.bnf.fr.

298 Charles MORICE, La littérature de tout à l’heure, Librairie Académique Didier, Perrin et Cie, Paris 1889, p. 31. C. Morice souligne. (Consultable sur : gallica.bnf.fr)

299 Georges VANOR, L’Art symboliste, 1886, cité par Guy MICHAUD, Message poétique du

Dans Poètes d’aujourd’hui, H. de Régnier, soucieux de dégager l’usage particulier du mythe entrepris par la littérature symboliste, le démarque du romantisme et du Parnasse, de Hugo et de Leconte de Lisle qui

« prennent et utilisent la Légende et le Mythe dans leur beauté plastique et leur réalité supérieure. Ils la racontent ou la décrivent. Ils se font les volontaires contemporains de ce passé fabuleux. Ce sont pour eux des anecdotes grandioses et séculaires. Les Dieux et les Héros demeurent pour eux des personnages du passé, à demi historiques, personnages d’une histoire sans doute merveilleuse, qui est celle d’un monde plus beau, plus grand, plus pittoresque par l’éloignement et la distance où il est du nôtre. »300

La conception symboliste se forme en opposition à une théorie du mythe teintée d’évhémérisme, à une attitude nostalgique tournée vers le passé et au style descriptif et narratif qui sont la marque des poètes parnassiens. Henri de Régnier prône sa valeur symbolique :

« Les Poètes d’aujourd’hui ont considéré autrement les Mythes et les Légendes. Ils en cherchèrent la signification permanente et le sens idéal ; où les uns virent des contes et des fables, les autres virent des symboles. Un Mythe est sur la grève du temps comme une de ces coquilles où l’on entend le bruit de la mer humaine. Un mythe est la coque sonore d’une idée. Cette faveur de la Légende et du Mythe fut donc une conséquence naturelle de la préoccupation d’exprimer symboliquement des idées qui a valu aux poètes d’aujourd’hui le nom sous lequel on les désigna. »301

Mythe et symbole sont identifiés comme des produits de l’esprit humain à la recherche de son dépassement. D’où cette définition du symbole comme « le couronnement d’une série d’opérations intellectuelles qui commencent au mot même, passent par l’image et la métaphore, comprennent l’emblème et l’allégorie »302

. Etroitement lié à l’image, il vise au-delà : « Il est la plus parfaite, et la plus complète figuration de l’Idée »303. Le symbole réalise ainsi l’union entre le monde objectif et l’univers de l’esprit. Il est « une comparaison et une identité de l’abstrait au concret, comparaison dont l’un des termes reste sous-entendu. Il y a là un rapport qui n’est que suggéré et dont il faut rétablir la liaison »304.

A toute idée correspond une multiplicité de symboles ; la tâche du poète consiste à revêtir du symbole adéquat l’idée qui s’impose à lui. H. de Régnier cite deux « réservoirs » auxquels peut puiser le poète : la nature et le mythe.

« Les Légendes et les Mythes ont été, de tous temps, en faveur chez les poètes, chez ceux d’autrefois comme chez ceux d’aujourd’hui. Le Mythe et la Légende n’offrent-ils pas des

300

Henri de REGNIER, Poètes d’aujourd’hui, cité par Guy MICHAUD, op. cit., p. 755.

301 Ibid.

302 Ibid., p.754.

303 Ibid.

304

images transfigurées et grandies de l’Homme et de la Vie ? Ne constituent-ils pas une sorte de réalité idéale où l’humanité aime à se représenter à ses propres yeux ? »305

.

Les poètes ont recours au mythe pour sa teneur en images, représentations idéalisées de l’homme et de son existence, projections de ses désirs de grandeur et d’immortalité. Par conséquent, ce paragraphe insinue le caractère fictif des traditions mythiques. Il faut remarquer qu’Henri de Régnier a appauvri sensiblement la multiple signification du symbole et du mythe, et que sous cet angle, sa définition ne peut être considérée comme caractéristique de l’ensemble du mouvement.

Sous le pseudonyme « Saint Antoine », Henri Mazel, dans « Qu’est-ce que le Symbolisme » (1894), va dans le même sens, lorsqu’il traite de la trilogie symbole, mythe, allégorie sous leur commune qualité d’image :

« Elargissons encore l’idée du symbole en lui adjoignant ses dérivés, le mythe et l’allégorie; nous arriverons à l’actuelle poésie symboliste. Le mythe et l’allégorie ne sont que des symboles continués, mais pas de la même façon, ce qu’il importe de préciser. Le