La région des grands lacs africains a traversé une longue période de conflits armés qui ont négativement affecté la gestion des ressources naturelles. En particulier, les ressources naturelles collectives ont subi des dégradations et déprédations sans précédent et les institutions étatiques en charge de la gouvernance des ressources naturelles ont été tellement affaiblies qu‟elles n‟ont pas efficacement joué leur rôle. Et, les contraintes liées à une démographie galopante avec comme corollaire une demande très élevée en Ressources naturelles vitales ont amené les populations à prendre conscience de la nécessité de leur engagement collectif pour une gestion efficace de l‟environnement dans la vision primaire de satisfaction de leurs besoins de base.
Face à ce défi, les organisations non gouvernementales ADISCO (Burundi) et DIOBASS (République Démocratique du Congo), en collaboration avec les institutions universitaires et de recherche du Sud-Kivu et du Burundi, ont accompagné des initiatives de gouvernance des ressources naturelles collectives, avec l‟appui financier du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI).
Ces deux organisations ont ainsi développé et expérimenté, durant trois années (de 2009 à 2012), une approche
multi-institutionnelle et une démarche de recherche-action participative pour la restauration et la réhabilitation des ressources naturelles collectives, dans les sites à écosystèmes fragiles du Burundi et de la RD.Congo.
Par ailleurs, l‟apparition du concept « développement durable » vers les années 80 était chargé de plusieurs thématiques et notamment des concepts comme « gestion des ressources », « protection de l‟environnement », « conservation de la nature », « sauvegarde de la biodiversité », etc.
Tous ces concepts incarnent à la fois le souci d‟une gestion rationnelle, collective et intégrée des ressources en pensant aux générations futures. Au bout du fil de la conservation, se trouvent les notions de la justice distributive, de l‟accès à la terre, de la sécurité alimentaire, de la lutte contre l‟érosion et la législation réglementant la gestion des ressources.
Dans la région des grands lacs africains, la question de gestion efficace des ressources naturelles est d‟une actualité inouïe au vu des tensions sociales suscitées par le « combat pour l‟accès aux ressources ». Cette rupture de continuité suscitée par le souci de la conservation de la nature et la gouvernance efficace des ressources naturelles pour la sauvegarde de la biodiversité et la problématique de l‟accès des populations locales à la terre, de la lutte contre l‟insécurité alimentaire comme celle de l‟accès de tous aux ressources est aujourd‟hui, au centre de la dynamique des conflits entre les communautés d‟une part, et de la lutte toujours renouvelée entre les populations et les pouvoirs publics des pays de la région d‟autre part.
Rupture parce que la protection de l‟environnement exige que les gouvernants et les gouvernés de la région rompent avec certaines conceptions et pratiques qui ne s‟accordent pas avec la vision globale et globalisante de la mondialisation en matière d‟exploitation des ressources naturelles. Continuité parce que les populations vivant dans la région ont droit, au nom de la lutte pour la survie, d‟exploiter les ressources naturelles pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Comment concilier les deux limites en tension pour une gestion efficace des ressources naturelles dans la région?
Comment impliquer les populations locales dans la dynamique de la gestion efficace des ressources naturelles pour une gestion durable de ces dernières ?
Le présent ouvrage tente d‟apporter une contribution en répondant aux questions posées. En effet, les différentes présentations sont regroupées en quatre schèmes d‟intelligibilité thématique (explicative, factuelle, démonstrative et stratégique), et dans un style à spiral. C‟est l‟une de meilleures manières de faire passer en filigrane les acquis déjà atteints, les défis qui restent à relever et les perspectives susceptibles de favoriser une gestion des ressources naturelles qui puisse prendre en compte les intérêts de populations locales, la réglementation officielle du secteur et le souci de la conservation de la nature dans la perspective à la fois régionale et globale de la mondialisation.
La première partie de l‟ouvrage, regroupe d‟une part les contributions qui essaient d‟expliquer les concepts clés, différemment interprétés par les uns et les autres, dont la compréhension et la mise en pratique est à la base des tensions
sociales et des conflits dans la région. D‟autre part, y sont présentés les articles qui mettent en exergue l‟état de la gouvernance des ressources naturelles dans la région en insistant sur les défis à relever.
La partie factuelle de l‟ouvrage qui constitue en est la deuxième regroupe les différentes expériences des paysans et des chercheurs en quête du modèle efficace de gestion des ressources naturelles qui puisse favoriser une gestion durable de ces dernières dans la région, en connexion avec la vision
« mondialisatrice » de la gestion des ressources naturelles au profit de tous.
Ces contributions présentent « ce qui se fait sur le terrain » dans une perspective évaluative jusqu‟à dégager les échecs, les réussites, les enjeux et les leçons tirées des expériences réalisées en matière de gestion de ressources naturelles dans la région des grands lacs africains et même ailleurs. La confrontation des expériences des paysans avec celles des chercheurs prépare le lecteur à la compréhension de la dynamique de la déforestation, de l‟insécurité alimentaire, du combat pour l‟accès aux ressources en face de la pression pour la conservation et la protection de ce qui « peut encore l‟être encore » au niveau régional.
La troisième partie regroupe les contributions relatives à la participation communautaire comme roue maîtresse dans la gouvernance des ressources naturelles collectives. Il s‟agit des exemples démontrant que l‟implication des communautés à la base favorise la conservation des ressources via une exploitation concertée entre les différents acteurs. Cela permet également
d‟apporter un appui aux actions menées par les services publics dans la lutte contre l‟exploitation « égoïste » et « anarchique » des ressources naturelles.
La dernière partie de l‟ouvrage présente des exemples des technologies comme alternatives à exploiter et à développer pour que les ressources naturelles subissent moins de pression face à la croissance démographique dans la région. Elle vise à susciter un nouvel engagement des chercheurs et des universités en vue de développer des processus de valorisation des pratiques et savoirs locaux afin de lier le développement à la gestion durable des ressources naturelles.
Enfin, le bien fondé d‟une gestion participative et réglementée des ressources naturelles tire son énergie du souci de prendre en compte les besoins des populations locales sans sacrifier le reste de la biodiversité que regorge la région. Le rôle régalien que doit jouer le pouvoir public et le souci de subvenir à leurs besoins qui anime les populations locales ne devraient pas constituer la source des tensions sociales et de révolte si les stratégies proposées dans cet ouvrage sont capitalisées.
ABBREVIATIONS
BGRN Bonne gouvernance des ressources naturelles
CBCA Communauté des Eglises Baptistes au centre de l‟Afrique
CCC Comités de conservation communautaires CCNUCC Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
CCPF Conseil consultatif provincial des Forêts CDB Convention sur la Diversité Biologique CEEAC Communauté des Etats de l‟Afrique Centrale
CEFDHAC Conférence sur les Ecosystèmes de Forêts
Denses et Humides d‟Afrique Centrale CERUKI Centre de Recherches Universitaires du Kivu CETEP Centre d‟Encadrement des Techniciens et d‟Expérimentation paysanne
CFK Comité Féminin de Kamanyola
CGRN Comité de Gouvernance de Ressources Naturelles
CLD Comité Local de développement
CLP Consentement libre et Informé de la Population
CoCoSi Comité de coordination des sites CODIMIR Comité de Développement Intégré des Milieux Ruraux
DIOBASS Démarche pour une interaction entre les Organisations de base et autres Sources de
FDLR Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda
FOPAC Fédération des Organisations paysannes du
Congo
ICCF International Conservation Caucus Foundation
ISDR Institut Supérieur du Développement Rural
ISP Institut Supérieur Pédagogique
IUCN Fonds mondial pour la Nature
Km kilomètres
MUSO Mutuelle de Solidarité
OCBS Organisation Communautaire de Base OCEK Organisation pour la Conservation
environnementale au Kivu
ONGS Organisation non gouvernementale OPELABU Organisation des paysans Eleveurs des lapins au Bushi
ORTPN Office Rwandais du Tourisme et des Parcs nationaux
PFBC Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
PFNL Produits forestiers non ligneux PGRN Projet de gouvernance des ressources naturelles
RCD Rassemblement Congolais pour la
Démocratie
RDC République Démocratique du Congo
REDD Réduction des Emissions liées à la Déforestation et la Dégradation REGIDESO Régie Officielle de production et de Distribution d‟Eau SNEL Société nationale d‟Electricité
TIC Technologie d‟Information et communication
UE Union Européenne
UEA Université Evangélique en Afrique
UICN Union Mondiale pour la Nature
ULPGL Université Libre des Pays des Grands Lacs USAID Agence américaine d‟aide internationale UWA Uganda wildlife Association
WFC World Forest Council
WWF WorldWildlife Fund for Nature