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Nous l’avons dit, nous vivons au milieu d’incessantes stimulations sonores (bruits ou musiques ?). À l’extrême, certaines personnes se baladent avec des écouteurs sur les oreilles à longueur de journée, et ne peuvent parfois plus s’en passer. On parle même de dépendance au bruit. Dans ce contexte, relevons que les appareils audio sont aussi très présents à l’école. Leur utilisation est certes un outil facile et attractif. Elle peut rendre de nombreux services, mais elle peut aussi être un piège.

L’utilisation de musiques enregistrées ouvre de nombreuses possibilités à des ensei-gnants généralistes qui ne maitrisent pas la musique ou qui pensent chanter faux. Les accompagnements enregistrés peuvent être un bon soutien. Ils apportent souvent une ambiance joyeuse et rythmée. Certains enregistrements prévus pour les classes sont de très bonne qualité, et fournissent de multiples possibilités (accompagnement avec le chant, accompagnement seul, accompagnement partiel, différents tempi, etc.). De plus, les enregistrements de musiques de types variés (musiques du monde, par exemple) ou des extraits d’œuvres des répertoires plus classiques peuvent aussi appor-ter des exemples et enrichir les cours.

Le grand danger est que le cours de musique se réduise à imiter ou à reproduire. Ceci autant pour les cours à l’école que dans les leçons d’instruments. Dans ces dernières, la priorité est souvent la maitrise de morceaux, la reproduction et l’exécution de parti-tions écrites. L’élève est évalué sur sa maitrise et son agilité dans une performance (qui peut d’ailleurs être tout à fait remarquable), mais pas sur ses facultés d’imagination et de représentation. À l’école, dans beaucoup de classes où j’ai travaillé, l’enregis-trement a supplanté l’animation créative. Cette tendance à reproduire des modèles se retrouve aussi malheureusement dans les cours d’art et de travaux manuels. Si l’on prend un peu de recul, on s’aperçoit qu’on entraine l’agilité plus que le développe-ment artistique. À mon sens, cela est tout à fait regrettable, et l’on passe à côté d’une dimension fondamentale de l’éducation.

Interdisciplinarité

On l’a dit, aujourd’hui les priorités scolaires sont fortement axées sur les connais-sances et sur les acquisitions intellectuelles. De ce fait, les autres branches peuvent paraitre moins essentielles et passer en second plan. À plus forte raison lorsqu’elles sont vécues pour elles-mêmes, détachées des contextes d’apprentissages. Par exemple lorsqu’on fait intervenir des maitres spécialistes (musique, travaux manuels) qui n’ont pas de lien avec le vécu de la classe.

Or j’ai constaté combien il est bénéfique que le maitre spécialiste et le généraliste travaillent ensemble ou, tout au moins, collaborent dans des projets communs. Par exemple autour d’une petite production sur des thèmes de saison, de fêtes, d’idées d’élèves, d’une histoire étudiée en classe, ou d’un texte théâtral. Elle peut être récitée, accompagnée de chants, de danses, soutenue par quelques petits instruments de per-cussion, etc. Pour cela, les enseignants n’ont pas tous besoin d’avoir des compétences musicales particulières. Mais chacun doit oser se lancer dans l’inconnu de l’innovation, avec patience et un certain talent d’animateur pour que l’activité trouve petit à petit sa forme. La collaboration entre plusieurs maitres intervenants est très précieuse, dans la mesure où chacun apporte ses compétences et ses idées.

Le genre d’activités décrites ci-dessus peut permettre de développer toutes sortes de facultés et même de soutenir le travail scolaire et l’évolution du groupe de façon géné-rale. Elles sont très motivantes pour les élèves et contribuent à développer leur sens de l’initiative et de l’engagement dans le groupe. Cette optique de travail en projets interdisciplinaires est d’ailleurs fortement encouragée dans les nouveaux programmes romands.

Voici quelques exemples où la musique est un support très utile :

• Aborder les lettres ou les nombres avec l’aide de comptines ou de récitations. • Élaborer le travail rythmique dans l’apprentissage des premières opérations de

calcul et les tables de multiplication (voir première partie : « 1, 2, 3, nous irons au bois »).

• Exercer les notions de grammaire (verbes et constituants de la phrase) tout en inventant les paroles d’une chanson.

• Créer une saynète en mouvement.

• Aborder l’étude d’une époque en histoire ou d’une région en géographie à partir d’un air populaire dansé, ou d’un instrument typique dont on fabrique un pro-totype.

• Exercer les langues étrangères dans des poèmes rythmiques, des danses et des chants.

• Autour d’un spectacle musical, imaginer et concevoir les costumes, les décors, les invitations, les programmes dans les cours d’art et de travaux manuels.

Les applications sont sans fin et laissées à l’imagination des maitres et des élèves. Dans cette dynamique ludique et créative, l’enseignement artistique, et en particulier la musique (au sens large), fait partie intégrante de l’éducation.

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EnavantlamusiquE !

Je voudrais citer ici le chercheur et pédagogue Marcelo Giglio de la HEP-BEJUNE dans son article « L’art créatif au cœur de l’apprentissage »34 :

Apprendre, ce n’est pas seulement assimiler ce que l’enseignant dit ou montre ; ce n’est pas non plus se limiter à ne retenir que ce que l’on a soi-même découvert ou créé. Ni la dépendance absolue à l’expérience d’autrui ni la concentration exclusive sur son propre point de vue. La transmission et la confrontation sont indispensables pour que l’acte créatif soit aussi un acte d’apprentissage. Et l’apprentissage n’est une réelle appropriation par l’élève que s’il y engage sa propre pensée et son initiative.

34 Giglio Marcelo & Perret-Clermont Anne-Nelly. L’acte créatif au cœur de l’apprentissage. Enjeux péda-gogiques : bulletin de la Haute École Pédagogique de Berne, du Jura et de Neuchâtel, no 13, 2009, p. 16-17. [Site web] Accès : http://doc.rero.ch/record/19949?ln=fr.