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La multiplication des juridictions : choix d’un Etat souverain ou possibilité d’échapper à la responsabilité ?

Titre II Conception de la responsabilité de l’Etat en droit international public

Section 2. La multiplication des juridictions : choix d’un Etat souverain ou possibilité d’échapper à la responsabilité ?

La Cour permanente de Justice internationale, créée en 1920, fut longtemps seule dans le domaine de la justice internationale. Le développement des nouvelles instances juridictionnelles a abouti à son remplacement par La Cour internationale de Justice. A partir de 1950, la date de création de la Cour Européenne des droits de l’Homme, plusieurs cours sont apparues.

Le processus s’est accéléré au cours des deux dernières décennies. En 1982, la Convention des nations Unies sur le droit de la mer donnait la naissance au Tribunal international du droit de la mer.

L’accord de Marrakech de 1994 prévoit le mécanisme quasi-juridictionnel de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce. En 2002, la convention de Rome entrait en vigueur, et créait la Cour criminelle internationale.

De plus, ces vingt dernières années sont marquées par la mise en place de plusieurs tribunaux ad hoc, tels que le tribunal des différends irano-américains ou les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

432 Article 1 alinéa 2 de la Charte de l’ONU stipule «Développer entre les nations des relations amicales fondées sur

le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde».

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Selon G. Guillaume, cette évolution s’inscrit dans un contexte de transformations plus profond des rapports internationaux. Le droit international est devenu de ce fait plus complexe et plus divers et il en est de même des juridictions internationales434.

Mais cette multiplication de juridictions peut avoir comme conséquence le risque de «chevauchement de compétence».

Conflits de compétence

Pour le moment la question des conflits de compétence proprement dits semble circonscrite aux relations entre la Cour Internationale de Justice et le Tribunal international de la mer435. Certes, la compétence de ce dernier est limitée aux différends portant sur l’interprétation et l’application de la Convention sur le droit de la mer et d’autres accords se rapportant aux buts de la Convention. Mais à partir du moment où la Convention de Montego Bay, dans son article 287, laisse aux Etats le choix entre divers moyens de régler leurs différends parmi lesquelles figurent, outre l’arbitrage, à la fois le tribunal de Hambourg et la Cour de la Haye ce choix pouvant être effectué au moment de la signature, de la ratification, de l’adhésion à la Convention ou encore «à n’importe quel moment par la suite», le chevauchement de compétences entre les deux juridictions apparaît avec évidence436. La possibilité de conflit de juridictions résulte notamment du fait que certains Etats parties de la Convention de 1982437 désignent, dans leur déclaration écrite, ces deux tribunaux sans préciser l’ordre de préférence.

Le risque de conflit de compétence réapparaît avec plus d’acuité, notamment si l’ensemble des parties au différend ont effectué une déclaration portant acceptation de la clause facultative de juridiction obligatoire prévue à l’article 36§2 du Statut de la Cour internationale de Justice, et dans la mesure où ils n’ont pas formulé de réserves concernant spécifiquement le contentieux du droit de la mer. L’article 282 de la Convention sur le droit de la mer devrait, à priori, permettre d’éviter un tel conflit puisqu’il prévoit que «lorsque

les Etats Parties qui sont parties à un différend relatif à l’interprétation ou à l’application de la Convention sont convenus, dans le cadre d’un accord général, régional ou bilatéral ou de toute autre manière, qu’un tel différend sera soumis, à la demande d’une des parties,

434 Guillaume G., La cour internationale de justice à l’aube du XXI siècle, p. 43

435 Voir Treves T., « Conflicts between the International Tribunal for the Law of the Sea and the International Court

of justice», N.Y.J.I.L.P., 1999, vol. 31, n°4, not. pp. 809-821.

436

Voir Fleischhauer C-A. « The relationship between the International Court of Justice and the newly created International Tribunal for the law of the Sea in Hamburg», Max Planck U.N.Y.B. 1997, pp. 327-333

à une procédure aboutissant à une décision obligatoire, cette procédure s’applique au lieu de celles prévues dans la présente partie, à moins que les parties en litige n’en conviennent autrement». Les mécanismes de règlement des différends prévus par la Convention

devraient dès lors présenter un caractère supplétif par rapport à la compétence de la Cour internationale de justice. Cependant, comme en témoigne l’exemple de l’affaire du Thon à

nageoire bleue438, cette vérification de l’existence d’un mécanisme de règlement des

différends parallèle et prioritaire n’est pas effectuée de façon systématique par le Tribunal international du droit de la mer. En effet, alors même que les Etat parties au différend (Australie, Nouvelle-Zélande, Japon) avaient tous accepté la clause de l’article 36§2, le Tribunal, dans son ordonnance du 27août 1999, n’a pas soulevé d’office la question des déclarations d’acceptation de la compétence de la Cour. Certes, le défendeur (Japon) n’avait pas soulevé d’exception visant à établir la compétence de la Cour sur le fondement. Il n’en reste pas moins que l’on perçoit dans cet affaire l’ombre d’un possible conflit de compétence439.

Section 3. Contradictions en droit international

A) Contradictions au sein d’un même acte ou d’une même disposition

Certaines inсertitudes dans les documents internationaux provoquent aussi des émotions négatives qui sans prétendre à une forte influence sur la réalisation de la responsabilité internationale, doivent être quand même mentionnés comme les facteurs qui violent l'intégrité du droit international et créent une certaine méfiance par rapport à lui.

L. Laghmani remarque que «la contradiction entre les normes inscrites dans les sources différentes a été reproduite dans un acte unique et parfois dans un seul article».440

Il donne l’exemple de la convention sur le droit de la mer. L’article 69 de la convention sur le droit de la mer stipule, dans son point 1, qu’ «un Etat sans littoral a le

droit de participer , selon une forme équitable, à l’exploitation d’une part appropriée du

reliquat des ressources biologiques des zones économiques exclusives des Etats côtiers de la même sous-région, compte tenu des caractéristiques économiques et géographiques

438 Voir T.I.D.M., ordonnance du 27 août 1999, affaire du Thon à nageoire bleue (Nouvelle –Zélande c/Japon ; Australie c/ Japon), mesures conservatoires

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Voir Treves T., op. cit., N.Y.J.I.L.P., 1999, vol. 31, n°4, not. p 811

440 Voir Laghmani S. «Le phénomène de « perte de sens» en droit international» in Harmonie et contradictions en droit international, sous la direction de Rafâa Ben Achour et Slim Laghmani, Paris 1996, pp. 54-75