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170 En plus de leur rôle dans la chimiorésistance que nous avons démontré, les chimiokines sont également décrites comme des molécules impliquées dans le chimiotactisme des cellules immunitaires. Ainsi, l’augmentation de la sécrétion des chimiokines par les CA-MSC peut conduire à une interaction avec des cellules immunitaires et notamment pourrait influencer leur recrutement au niveau du site tumoral. De plus, les résultats de l’analyse transcriptomique ont également montré une augmentation de la transcription de l’IL-6 et de LIF dans les CA-MSC « induites » qui sont des facteurs capables de polariser les macrophages vers un phénotype M2d qui est le phénotype des macrophages retrouvés dans les cancers ovariens72, suggérant une interaction avec les CA-MSC et les macrophages.

En outre, des résultats du laboratoire ont montré que des cellules assimilées à des CA-MSC (Hospicells), issues d’une patiente atteinte d’un cancer ovarien, étaient capables de recruter des macrophages au niveau du site tumoral et que ces macrophages avaient un phénotype de TAM ayant une polarisation M266. Dans le cancer ovarien, une infiltration de macrophages de type M2 est de mauvais pronostic.

Ainsi, nous avons débuté une étude visant à caractériser les interactions entre les MSC avec d’autres cellules du microenvironnement, et plus spécifiquement les macrophages, afin de déterminer leurs rôles dans la chimiorésistance.

Nous avons montré que les sécrétions des CA-MSC « induites » entrainaient une augmentation de la transcription de nombreux marqueurs de macrophages de type M2 dans des monocytes humains primaires. Ces résultats suggèrent que les MSC, dans un contexte de tumeur ovarienne, entraineraient une polarisation M2 des macrophages qui est décrite comme pro-tumorale. Les résultats obtenus in vitro montrent que des monocytes humains primaires ont une activité cytotoxique importante vis-à-vis des CTO, cependant celle-ci est diminuée en présence de sécrétions des CA-MSC « induites ». La diminution de l’effet cytotoxique des monocytes en présence des sécrétions des CA-MSC est comparable à la diminution obtenue par l’ascite. L’ascite était utilisée dans cette expérience comme témoin positif de polarisation des monocytes en TAM M2d, car ce phénomène avait été publié précedemment72. Ainsi, les sécrétions des CA-MSC semblent orienter les macrophages vers un phénotype M2d qui correspond à la polarisation des TAM retrouvés dans le cancer ovarien et associés à un mauvais pronostic. Les expériences in vivo dans des modèles expérimentaux murins de cancers ovariens ont également montré que l’injection de MSC conduisait à une polarisation des macrophages péritonéaux, correspondant à des TAM, avec des caractéristiques de M2 (augmentation de la transcription d’IL-10, CCL17, etc.) et une perte de la production de ROS (la formation de ROS étant associée à l’activité antitumorale des macrophages). Ces résultats suggèrent que les MSC conduisent à une diminution de l’activité antitumorale des TAM, qui pourrait dépendre de la concentration en chimiokines.

H) Les chimiokines influencent la polarisation des macrophages en phénotype pro-tumoral

171 Aux vues des résultats in vitro (Figures 24, 26 et 27) et in vivo (Figures 30 et 43), les MSC pourraient être les cellules entrainant une augmentation de la concentration intrapéritonéale en chimiokines (CXCL1, CXCL2 et IL-8) lorsqu’elles sont au contact de cellules tumorales. En effet, il semble que ce soient les MSC qui sécrètent une part importante des chimiokines car dans le modèle expérimental murin/humain, les concentrations qui semble être associées à la polarisation des macrophages sont les chimiokines humaines CXCL1, CXCL2 et IL-8. Ces chimiokines humaines peuvent provenir soit des CTO SKOV-3luc soit des MSC. Comme la modification du phénotype des macrophages est associée à l’injection de MSC, les cellules responsables de la sécrétion de chimiokines sont probablement les MSC.

Ces chimiokines peuvent être directement associées à la polarisation des macrophages en un phénotype M2 pro-tumoral, du fait de la corrélation entre leur présence et la polarisation de type M2 dans les TAM. L’utilisation de la reparixin, inhibant l’activité de ces chimiokines, entraine une diminution de la transcription de l’IL-10 (un des principaux marqueurs des macrophages M2 pro-tumoraux) et une augmentation de la production de ROS (caractéristique des macrophages M1) dans les TAM et ceci en dépit de la présence de MSC. De plus, il semble qu’une polarisation vers un phénotype M2 entraine une augmentation de l’expression des récepteurs CXCR1 et CXCR2238, suggérant que l’inhibition de ces récepteurs agirait préférentiellement sur les macrophages de type M2 par rapport aux M1. Ainsi, la polarisation M2 des TAM, induite par les MSC, semble inhibée par le co-traitement à la reparixin. Ce traitement, utilisé en association avec le carboplatine, permettrait également de réduire la concentration en chimiokine au niveau intrapéritonéal.

I) L’inhibition des récepteurs CXCR1 et CXCR2 induit un effet direct sur les CTO en les chimiosensibilisant et indirect en repolarisant les macrophages vers un phénotype anti-tumoral

Une des hypothèses pouvant expliquer la diminution de la concentration en chimiokines en présence de l’inhibiteur des récepteurs CXCR1 et CXCR2 pourrait impliquer l’effet de cette inhibition sur la sensibilisation des CTO au traitement au carboplatine. Les MSC ont été décrites comme ayant une attraction pour les cellules tumorales, donc en réduisant le nombre de cellules tumorales due à une augmentation de leur sensibilité au carboplatine, le nombre de MSC recrutées au niveau du site tumoral pourrait être également abaissé. De plus, notre modèle de CA-MSC « induites » a montré que les MSC sécrétaient une quantité importante de chimiokines uniquement après avoir été en contact avec des sécrétions de CTO. Ainsi, en diminuant le nombre de CTO, le changement de phénotype des MSC physiologiques vers un phénotype sécrétant des chimiokine est probablement aussi enrayé. En effet, des travaux antérieurs du laboratoire (non publiés) ont montré que des MSC (marquées par un fluorochrome, la GFP) étaient détectées au niveau du site tumoral uniquement lorsqu’elles étaient injectées au même moment ou après la prise tumorale mais pas lorsqu’elles étaient injectées avant les CTO. Cette

172 expérience montre que les MSC ont un tropisme pour les cellules tumorales, mais en absence de cellules tumorales, elles semblent rester résidentes dans l’organe et ne pas se regrouper ni s’activer. Ainsi, une diminution du nombre de CTO pourrait réduire le recrutement des MSC au niveau tumoral (péritoine) entrainant alors une diminution de la concentration péritonéale en chimiokines. L’utilisation des inhibiteurs des récepteurs au chimiokines pourrait donc entrainer un effet direct sur les macrophages en restaurant une activité anti-tumorale mais également indirect en diminuant la sécrétion de chimiokines par les CA-MSC, ce qui diminuerait également la polarisation des macrophages en phénotype M2.

L’effet prédominant de l’inhibition des récepteurs CXCR1 et CXCR2 in vivo, entre son action chimiosensibilisante directe sur les CTO ou sa polarisation des macrophages, n’a pas été défini. Etant donné que l’effet des CA-MSC « induites » sur la chimiorésistance des cellules SKOV-3 est assez faible in vitro mais que, in vivo, les MSC induisent bien une chimiorésistance, le rôle des MSC sur la polarisation des macrophages semble plus important que l’effet chimioprotecteur direct. Le co-traitement par reparixin entrainant une régression tumorale plus importante que l’effet du carboplatine seul suggère que l’effet de cette inhibition des récepteurs CXCR1 et CXCR2 pourrait être majoritairement dû à son effet sur les macrophages. Cependant, cette supposition devra être vérifiée. Pour cela, un modèle expérimental murin/humain pourrait à nouveau être utilisé en testant l’effet de la reparixin seul après une injection de CTO SKOV- 3luc seules ou en présence de MSC. En effet, aucun effet cytotoxique n’a été obtenu seul avec la reparixin dans les expériences in vitro. Ainsi, une diminution de la charge tumorale observée dans une expérience in vivo orienterait plutôt pour un effet majeur de la reprogrammation des macrophages vers un phénotype anti-tumoral. Les expériences dans les modèles expérimentaux murins pourront également être réitérées en déplétant les souris en macrophages (par utilisation de clodronate par exemple). Ceci permettra d’évaluer l’action de la reparixin en s’affranchissant de son effet sur les macrophages.

Préalablement à des essais cliniques qui pourraient être menés dans les carcinomes ovariens, les résultats de l’étude de phase II de la reparixin dans des cancers du sein en association avec le paclitaxel80, médicament utilisé également dans le traitement des carcinomes ovariens, pourraient constituer des données intéressantes pour son utilisation dans le cadre de cancer. En effet, une étude de phase Ib, évaluant la reparixin administrée en association avec du paclitaxel dans des cancers du sein métastatiques, a montré qu’au niveau de la toxicité, cette combinaison pouvait être utilisée dans une étude de phase II239. L’utilisation de la reparixin dans le cancer du sein était basée sur l’augmentation de l’expression des récepteurs CXCR1, observée dans les cellules souches cancéreuses, qui régule leur survie et leur auto-renouvellement240. En outre, la reparixin pourrait également permettre de sensibiliser les cellules tumorales à d’autres médicaments antitumoraux et dans divers cancers comme par exemple le cancer de la thyroïde241.