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La transition urbaine, une expression polysémique

2. La transition appliquée à la mobilité

2.2. Les moyens au service de la transition

Le passage du paradigme de la ville automobile à celui de la ville omnimodale amène un changement d’état qu’on peut donc qualifier de transition.

Pour l’Union européenne, la nouvelle mobilité urbaine doit permettre de lutter contre le grippage dans la chaîne des transports (congestion), les nuisances environnementales (pollutions atmosphérique, sonore et visuelle) et les accidents qui pénalisent les usagers et l’économie. Sa mise en place doit passer par un rééquilibrage du partage entre les modes de transport et le développement de l’intermodalité8 (COM, 2001).

7 À ne pas confondre avec le passage d’une société majoritairement rurale à une société majoritairement urbaine.

8 Combinaison de plusieurs modes de transport dans un même déplacement (Héran, communication personnelle, 26 septembre 2017).

59 Pour L. Giorgi, la nouvelle approche de la mobilité recouvre « l’ensemble des tentatives que l’on fait de nos jours pour rééquilibrer les coûts et les avantages dans le secteur des transports » (Giorgi, 2003, p. 201). Elle constitue une rupture avec la démarche traditionnelle de la planification des transports en intégrant une place aux usagers, soulignant le lien entre durabilité et démocratie.

La mobilité durable ou l’approche omnimodale semblent ainsi corriger un « déséquilibre » entre les différents modes de transports. Déséquilibre causé par une prédominance de la voiture individuelle, et du mode routier, conséquence d’un développement rapide de ce type de véhicule accompagné d’un déclin des transports collectifs, débuté dans les années 1960 (Héran, 2001). Le déséquilibre ne concerne pas uniquement la place de la voiture individuelle mais aussi les coûts, liés à son usage. Il s’agit d’affecter aux usagers la charge des coûts externes, supportés jusqu’alors par des tiers et par la collectivité (Bavoux, etal., 2005). Il s’agit enfin, de préserver la cohérence urbaine (Héran, 2013).

Comme nous l’avons vu, les enjeux énergétiques, environnementaux, économiques et sociétaux ont amené progressivement une régulation de l’usage des modes de transport les moins durables en milieu urbain. Le transport routier de marchandises et l’automobile individuelle se retrouvent donc particulièrement concernés (ibid.). Trois grandes familles d’actions, au service de la transition, peuvent être définies (Bavoux, etal., 2005) :

- Le report modal depuis le mode routier vers les modes alternatifs ;

- La baisse des consommations énergétiques et des émissions de polluants ; - La modification des trafics.

Elles disposent chacune de rétroactions les unes sur les autres.

Le report modal

Le report modal constitue la famille d’actions la plus étendue. Il recherche la substitution d’un mode à un autre, ce qui nécessite d’apporter des garanties aux utilisateurs en termes de qualité de service et de coût (ibid.). Cette famille d’actions peut elle-même se subdiviser. Une première sous-famille vise à réduire l’efficacité du système automobile, qui peut être qualifié de « levier fondamental » (Héran, 2001). Une seconde concerne la création d’un système de transport écologique et performant, « un complément indispensable» (ibid.).

La réduction de l’efficacité du système automobile intègre l’ensemble des mesures visant une modération de la vitesse automobile, vitesse de pointe – qui évite la ségrégation des trafics (Héran, 2013) - mais aussi et surtout de porte-à-porte. Circulation et stationnement étant indissociables et considérant qu’il est plus facile de réguler un stock qu’un flux, la question du stationnement est ici centrale et revient à le limiter, le compliquer ou le tarifer (Héran, 2001). La diminution de la place dévolue à la voiture sur l’espace public (suppression de files de

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circulation, restriction temporaire ou définitive d’accès à certaines rues ou à certains lieux) est également un levier d’action (ibid.). Ce gain d’espace public profite directement aux autres modes (piétons, cyclistes, transport en commun en site propre).

La seconde renvoie au développement des transports collectifs et de l’usage des modes actifs de proximité (marche à pied, vélo principalement). Ici l’objectif est d’accroître l’usage des transports en commun en jouant sur l’infrastructure. Il peut s’agir de développer l’ubiquité des réseaux, la fiabilité du système, par un affranchissement du trafic automobile (via une mise en site propre), l’intraconnexion9 et l’interconnexion10 des réseaux. L’accroissement de l’usage repose par ailleurs sur l’infostructure dont l’objectif est de faciliter l’usage en jouant sur la billettique et les horaires. La question de l’intermodalité et de la multimodalité11 est par conséquent centrale. L’idéal est de créer des chaînes de transport indifférentes aux frontières nodales, en rendant la rupture de charge invisible, permettant de choisir un vecteur le plus approprié au cas par cas pour obtenir la productivité maximale (Bavoux, et al., 2005) et dépasser ainsi la dépendance à l’automobile en rendant possible la liberté de choix du mode.

Le développement de l’usage des modes actifs implique une redistribution de l’espace public au profit des piétons et des cyclistes, avec la mise en place de réseaux pédestre et cyclable attractifs, confortables, efficaces et sécurisés bénéficiant d’une priorité sur les modes motorisés. Cependant, la difficulté principale réside dans le fait que les reports modaux s’inscrivent dans un système complexe, où tous les modes interagissent, y compris ceux hors approche duale (marche, vélo). Ainsi, les transferts ne suivent pas nécessairement le cheminement souhaité à savoir un report depuis l’usage de la voiture vers celui des transports en commun. Le développement d’une nouvelle offre en transport en commun peut, par exemple, attirer d’anciens piétons ou cyclistes et non des automobilistes. Il en est même avec les nouveaux usages partagés de la voiture. Dans ce dernier cas, l’enjeu réside bien dans le fait de voir des conducteurs automobiles devenir passagers de covoitureurs et non d’anciens usagers des transports collectifs comme cela semble être le cas (Delaunay, 2017). De plus, un effet pervers peut se mettre en place : à espace viaire égal, tout report modal vers des modes écologiques, peu consommateurs d’espace, libère de la place qui, si on n’y prend pas garde, est susceptible d’attirer de nouveaux automobilistes (Héran, 2001).

La création d’un système de transport écologique et performant ne peut venir qu’en complément d’une politique de réduction de l’efficacité du système automobile. Elle ne peut pas se limiter à elle seule. En effet, un accroissement conséquent de l’offre de transport public n’engendre que très peu de reports modaux (Héran, 2001). Sachant que le choix du mode répond essentiellement à un calcul rationnel (celui du coût généralisé du transport), il convient d’accroitre l’effort

9 « Les intraconnexions lient des axes relevant d’un seul mode de transport » (Bavoux, etal., p. 101).

10 Les interconnexions sont des liens entre des axes relevant de modes de transport différents (ibid.).

11 Réalisation de plusieurs déplacements avec, à chaque fois, un mode de transport différent (Héran, communication personnelle, 26 septembre 2017).

61 nécessaire à l’usage de la voiture tout en diminuant l’effort nécessaire à l’usage des transports en commun et des mobilités actives, de sorte que le second dépasse le premier.